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Allons, allons, en 1789, le Roi et sa famille ne sont pas menacé
Vous voulez rire JM. Des foules surexcitées envahissent votre maison, vous forcent à la quitter , vous et votre famille, et vous installent de force dans une autre ville, dans une autre maison, sans vous demander votre avis, et vous ne vous sentiriez pas menacé?
Et à Paris, durant les émeutes de juillet, une kyrielle de nobles et de privilégiés sont pris à partie, parfois massacrés, tête éventuellement promenée au bout d'une pique, et vous pensez qu'ils n'avaient pas de raison de se sentir menacés?
Relisez mon post, je donne quelques exemples parmi beaucoup d'autres des attaques et les massacres contre les nobles et les bourgeois riches qui se déroulent en province dès juillet 89;
En fait, les émeutes et exactions contre les personnes et propriétés ont commencé avant juillet 89, suite aux grandes difficultés d'approvisionnement dues aux mauvaises récoltes:
Extrait de Taine, "Les origines de la France contemporaine, la Révolution":
"Dans les quatre mois qui précèdent la prise de la Bastille, on peut compter plus de trois cents émeutes en France. Il y en a de mois en mois, et de semaine en semaine, en Poitou, Bretagne, Touraine, Orléanais, Normandie, Ile-de-France, Picardie, Champagne, Alsace, Bourgogne, Nivernais, Auvergne, Languedoc, Provence. – Le 28 mai, le parlement de Rouen annonce des pillages de grains, « de violentes et sanglantes mêlées où beaucoup d’hommes, des deux côtés, ont péri », dans toute la province, à Caen, Saint-Lô, Mortain, Granville, Evreux, Bernay, Pont-Audemer, Elbeuf, Louviers, et encore en d’autres endroits. – Le 20 avril, le baron de Besenval, commandant militaire des provinces du Centre, écrit : « Je renouvelle à M. Necker un tableau de l’affreuse situation de la Touraine et de l’Orléanais ; chaque lettre que je reçois de ces deux provinces est le détail de trois ou quatre émeutes à grand’peine contenues par les troupes et la maréchaussée [1] ». – Et, dans toute l’étendue du royaume, le spectacle est pareil."
[1] Floquet, Histoire du parlement de Normandie VII, 508. — Archives nationales, H, 1453
en plus des ouvrages cités, il se trouve que j'ai étudié la période de la Révolution à Tonnerre, et les récits de témoins d'époque, tant nobles que bourgeois ou autres, sont tout à fait clairs à ce sujet.
Et pourtant Tonnerre est loin d'être la région où la Révolution a pris les formes les plus meurtrières, les exécutions ont été rares--sauf pour les infortunés qui ont été envoyés à la Conciergerie, à Paris , les tribunaux révolutionnaires se sont montrés plus rigoureux.
Dans la deuxième partie de 89, des attroupements de rue ont lieu régulièrement à Tonnerre. Les émeutiers s'en prennent à des nobles locaux; je cite à titre d'échantillon un extrait d'histoire locale:
"Le matin du jour de prestation de serment de la milice, un mémoire rédigé par Cherest (le chef jacobin local NDLR) et signé par environ 70 habitants est déposé sur le bureau. Il demande une nouvelle composition de la milice et que les officiers y soient remplacés par de simples citoyens. Des attroupements ont lieu, un membre de cette milice, Mr de Chamon, est pris à partie et maltraité par la foule. Il se réfugie chez Mr de Channes. Finalement les membres de la municipalité acceptent ces demandes, la foule se retire. Le lendemain, une assemblée générale fixe la nouvelle composition de la milice et un nouveau règlement. Le 15 octobre, la ville envoie des représentants à Paris demander des secours...
Des notables de la ville donnent du blé ou de l’argent qui permettent à la population de passer l’hiver. L’agitation continue, la municipalité proclame la loi martiale, l’autorisation de tirer sur les attroupements de rue est donnée à la milice."
Les émeutiers mettent aussi à sac les locaux de la gabelle, impôt traditionnellement détesté, et maltraitent les employés qui y travaillent. Ces émeutes perturbent l'ordre public à tel point que la nouvelle municipalité décrète la formation d'une milice, qui aura aussi pour rôle de protéger la ville contre ces soi-disant bandes de brigands qui rodent dans les campagnes. Le problème est que ce sont essentiellement les nobles qui possèdent l'expérience militaire nécessaire à l'entrainement de cette milice.
Un autre extrait de Taine:
"À Mamers, dans le Maine, M. de Beauvoir qui la (la cocarde NDLR) refuse est sur le point d’être mis au carcan et assommé sur la place. Près de La Flèche, M. de Brissac est arrêté et l’on envoie demander à Paris s’il faut l’y conduire, « ou le décoller provisoirement ». Deux députés de la noblesse, MM. de Montesson et de Vassé, qui, venaient demander à leurs commettants la permission de se réunir au Tiers-État, sont reconnus auprès du Mans ; peu importe leur scrupule honorable, leur mandat impératif, la démarche qu’ils font en ce moment même pour s’en délivrer ; il suffit qu’à Versailles ils aient voté contre le Tiers ; la populace les poursuit, met en pièces leurs voitures et pille leurs malles. – Malheur aux nobles, surtout s’ils ont eu part au pouvoir local, et s’ils s’opposent aux paniques populaires ! M. Cureau, lieutenant au maire du Mans , avait donné des ordres pendant la disette, et, retiré dans son château de Nouay, disait aux paysans que l’annonce des brigands était une fausse alarme : selon lui, il ne fallait pas sonner le tocsin, et il n’y avait qu’à se tenir tranquille. Donc il s’entend avec les brigands ; de plus, c’est un accapareur et il achète les récoltes sur pied. Les paysans l’emmènent, avec un autre M. de Montesson, son gendre, jusqu’au village voisin où il y a des juges. Pendant le chemin, « on les traînait par terre, on se les jetait de main en main, on les foulait aux pieds, on leur crachait à la figure, on les souillait d’ordures ». M. de Montesson est tué à coups de fusil ; M. Cureau est massacré en détail. Avec une bisaiguë, un charpentier tranche les deux têtes, et des enfants les portent au son du tambour et des violons. Cependant les juges du lieu, amenés par force, dressent procès-verbal de trente louis et de plusieurs billets de la Banque d’Escompte, qui sont dans les poches de M. Cureau ; sur cette découverte, part un cri de triomphe : voilà la preuve qu’il voulait acheter les blés sur pied ..."
Et Taine en remplit des pages; tout cela me semble de sérieuses raisons d'émigrer .