gaete59 a écrit :
1) Bara... Un souvenir de la "grande école". J'étais incapable de remettre l'histoire : merci wiki mais le voir en uniforme ne correspond nullement à l'histoire qui nous avait été contée, créant ainsi un véritable traumatisme quant aux méchants vendéens tueurs d'enfants
François-Joseph Bara naquit le 30 juillet 1779 à Palaiseau. Neuvième enfant d’une famille en comptant dix, Bara s’engagea dans l’armée, comme aide-palefrenier au 8e hussards, sous la protection du général Desmarres, frère de la marraine d’une de ses sœurs.
La mort le prit le 7 décembre 1793, à Jallais, au lieu-dit des Revers.
Ce jour-là, les républicains furent fort malmenés par les hommes de Pierre Cathelineau, frère du premier généralissime de la Grande Armée catholique et royale. Ces derniers avaient de quoi être furieux. Revenant de Chemillé, ils avaient trouvé le bourg de la Chapelle-Rousselin en flamme et le petit détachement, laissé là afin de garder quelques captifs, massacré. La contre-attaque fut sévère et l’on se garda bien de faire à nouveaux des prisonniers.
Le lendemain, Desmarres rédigea un rapport aux allures de victoire et mit en avant la mort de Bara :
« Trop jeune pour entrer dans les troupes de la République, mais brûlant de la servir, cet enfant m’accompagnait, depuis l’année dernière, monté et équipé en hussard. Toute l’armée a vu avec étonnement un enfant de treize ans affronter tous les dangers, charger toujours à la tête de la cavalerie. Elle vit une fois ce faible bras terrasser et amener deux brigands qui avaient osé l’attaquer. Ce généreux enfant, entouré hier par les brigands, a mieux aimé périr que de se rendre et leur livrer deux chevaux qu’il conduisait. Aussi vertueux que courageux, se bornant à sa nourriture et à son habillement, il faisait passer à sa mère ce qu’il pouvait se procurer. Il la laisse avec plusieurs filles et son jeune frère infirme, sans aucune espèce de secours.
Elle demeure à Palaiseau, district de Versailles. »
Peu de précisions donc sur les circonstances de la mort, hormis le fait que le jeune palefrenier soit tombé au combat.
A la convention, la lettre de Desmarres fut lue par Barère le 15 décembre et les conventionnels votèrent une pension de mille livres à la mère de Bara.
Pourtant, l’affaire ne s’arrêta pas là et Robespierre, le 28 de même mois proposa les honneurs du Panthéon pour le jeune enfant. Il résuma pour l’occasion la lettre datée du 8 et y ajouta sa version :
« Parmi les belles actions qui se sont passées dans la Vendée, et qui ont honoré la guerre de la liberté contre la tyrannie, la nation entière doit distinguer celle d'un jeune homme dont la mère a déjà occupé la Convention : je veux parler de Barra. Ce jeune homme, âgé de treize ans, a fait des prodiges de valeurs dans la Vendée. Entouré de brigands, qui d'un coté lui présentaient la mort, et de l'autre lui demandaient de crier vive le roi ! il est mort en criant : vive la république ! Ce jeune enfant nourrissait sa mère avec sa paie ; il partageait ses soins entre l'amour filial et l'amour de la patrie. Il n'est pas possible de choisir un plus bel exemple, un plus parfait modèle pour exciter dans les jeunes coeurs l'amour de la gloire, de la patrie et de la vertu, et pour préparer les prodiges qu'opérera la génération naissante. En décernant les honneurs au jeune Barra, vous les décernez à toutes les vertus, à l'héroïsme, au courage, à l'amour filial, à l'amour de la patrie.
Les Français ont seuls des héros de treize ans ; c'est la liberté qui produit des hommes d'un si grand caractère. Vous devez présenter ce modèle de magnanimité, de morale, à tous les Français et à tous les peuples : aux Français, afin qu'ils ambitionnent d'acquérir de semblables vertus, et qu'ils attachent un grand prix au titre de citoyens français : aux autres peuples, afin qu'ils désespèrent de soumettre un peuple qui compte des héros d'un âge si tendre.
Je demande que les honneurs du Panthéon soient décernés à Barra, que cette fête soient promptement célébrée, et avec une pompe analogue à son objet, et digne du héros à qui nous la destinons. Je demande que le génie des arts caractérise dignement cette cérémonie qui doit présenter toutes les vertus ; que David soient spécialement chargé de prêter ses talents à l'embellissement de cette fête. »
La fable était née.
Desmarres en fut averti, et heureux de pouvoir apporté de plus amples renseignements à David qui avait été chargé d’immortaliser le sacrifice de Bara, il écrivit à Couthon, président de la Convention :
« Le citoyen David a été de plus invité à faire son portrait. Comme cet artiste ne pourrait y parvenir, n’ayant aucune notion, je crois devoir t’en donner qui le mettront à même de travailler. Je les joins ici sur une feuille particulière. Je crois que l’attitude où il devrait être représenté est celle qu’il avait lorsqu’il a reçu les derniers coups ; c’est à dire à pied, tenant ses deux chevaux par la bride, entouré de brigands, et répondant à celui s’étant avancé pour les lui faire rendre : « A toi, foutre brigand, les chevaux du commandant et les miens ! Eh bien ! Oui… »
Voilà les dernières et seules informations que l’on détienne. A noter que les royalistes sous les plumes de Mmes de La Rochejaquelein et de La Bouëre ont également apporté les leurs et peignent Bara comme un vulgaire voleur de chevaux pris la main dans le sac.
On peut aussi préciser que, suite à la version de Robespierre, d'autres, toutes aussi imaginaires, virent le jour.
Ici, le discours de Ranxin prononcé en l'an 3 :
"Les brigands, soutenus par des trahisons multipliées, chargeaient souvent nos troupes à l'improviste, et massacraient les pelotons qui leur étaient livrés par la perfidie. Barra ne quittait point son chef : une autre action s'engage : après de grands efforts, un torrent de ces brigands les sépare, entraîne celui-ci, et enveloppe notre enfant monté sur un cheval, tenant un pistolet d'une main, et de l'autre conduisant un des chevaux du colonel : Rends-les, lui disent les rebelles, et crie : Vive le roi ! …
Un Républicain ne se rend pas à des esclaves : Vive la République ! Telle fut sa sublime réponse qui aurait dû exciter leur admiration, si leur âme féroce eut été susceptible de la sentir. Vainement Barra cherche à s'ouvrir un passage à travers les flots de brigands qui l'entouraient, il est accablé par le nombre, ô douleur ! Il succombe, percé de coups assassins : il expire en bégayant encore le nom de République. Le voila donc étendu sur la poussière arrosée de son sang, ce jeune héros de la Révolution !"
Ou encore cette pièce : "La mort du jeune Barra ou une journée en Vendée", jouée pour la première fois le 4 mai 1794 :
"Barra, à ce qu'il m'a raconté, revenait vers cette commune avec le cheval de son colonel qui a péri dans la mêlée ; il rencontre encore des royalistes, qui d'abord lui demandèrent le cheval qu'il montait et celui qu'il conduisait. Barra leur répond à coups de sabre sur la tête : A toi, brigand, leur dit-il, le cheval de mon colonel et le mien ! Il les défait tous. Il revenait triomphant, lorsqu'un taillis, qu'il lui avait caché une embuscade, le met à la merci de quinze autres qui se saisissent des chevaux et le menacent. Il veut se défendre ; mais le nombre l'accablant, il se voit prêt à être massacré. Ces monstres lui proposent la vie, s'il veut être des leurs et crier Vive… ! Ce mot lui rend toutes ses forces, Vive la République ! s'écrie-t-il. Aussitôt il est assailli de coups et laissé pour mort. Ce ne fut qu'un quart d'heure après cette terrible scène, que nous le trouvâmes, et qu'il put encore nous détailler cet évènement. Mais le sang qu'il a perdu, malgré tous nos soins, l'a beaucoup affaibli ; il perd connaissance à chaque instant…"
Eh oui, ici, Barra ne mourrait pas sur le champ de bataille…
Au contraire, dans la lettre écrite par le conseil d'administration du 13e bataillon de la formation d'Orléans (capitaine Larrey, capitaine Lamartinière, capitaine Claveau, lieutenant Masson, quartier-maître Philippart) aux membres du Comité de salut public, le 23 mars 1794, le doute est de mise :
"Notre corps, toujours dispersé, n'a pu, citoyens, vous faire connaître plus tôt un de ces traits d'héroïsme et de bravoure qui caractérisent le Républicain français.
Le 13 frimaire dernier, notre bataillon, alors fort de 300 hommes, reçut de l'adjudant général Desmarres, commandant à Bressuire, l'ordre d'escorter quelques bataillons de Paris, partant de Cholet pour les Ponts-de-Cé et Angers, qui redoutaient le passage de Chemillé où les brigands avaient établi leurs repaires. Malgré toute la ridiculité de cet ordre, il fut exécuté et les bataillons passèrent. Le nôtre coucha à Chemillé la nuit du 12 ai 13 frimaire et reçut l'ordre de se mettre en marche le lendemain pour rejoindre la colonne de Desmarres à Jallais sans qu'il soit spécifié l'heure à laquelle nous devions partir ni celle où nous devions rejoindre la colonne. Chemin faisant, les brigands embusqués dans les genêts au nombre de 15 à 18 cents, nous mirent en déroute. Le citoyen Joseph Toulet, capitaine de la 6ème compagnie de notre corps, qui était le seul à cette malheureuse affaire avec 50 hommes d'un bataillon de la Drôme, après avoir essayé, mais en vain, d'opposer de la résistance aux hordes brigantesques qui nous assaillaient de toutes parts, se voyant pris, a préféré se brûler la cervelle d'un coup de pistolet plutôt que de se rendre. Nous devons observer que ce citoyen qui avait déjà servi dans les troupes républicaines avait été envoyé de l'armée du Nord dans celle de l'Ouest avec le détachement du 2ème bataillon de chasseurs francs incorporé dans notre corps, et qu'au mois de juillet dernier, sous les ordres de Westermann à Châtillon, il fut fait prisonnier par les brigands, et qu'il n'a été délivré qu'à la reprise de cette ville par les troupes républicaines. Sa femme et ses enfants résident à Amiens, département de la Somme, et ont besoin de secours.
Depuis longtemps, nous entendons parler du jeune Barra, à qui les honneurs du Panthéon ont été décernés. Ce jeune homme, dit-on, est mort en combattant auprès de son infâme et traître maître Desmarres. Nous vous prions au nom de la vérité de prendre des informations auprès de tous les corps qui composaient la colonne de ce traître à l'époque de l'affaire de Jallais arrivée le 14 frimaire. Nous avons quelques raisons pour soupçonner la vérité de ce fait qui a été rendu public que par cet imposteur et qui, en en imposant à la Convention, a cherché à faire rejaillir sur lui une prétendue bravoure pour mieux couvrir sa perfidie et sa trahison. Les récompenses nationales n'appartenant qu'à l'héroïsme et au dévouement vraiment républicain, c'est la servir que lui faire connaître la vérité.
Salut et fraternité."
Bara ne sauva pas la tête de Desmarres. Mandé dix jours après son échec de Jallais par Turreau afin de s’expliquer sur sa conduite, il partit pour Angers le 28 décembre. Il dut y attendre son supérieur (prise de Noirmoutier oblige) et ne le rencontra que le 11 janvier.
L’entrevue signa son arrêt de mort. Ce jour là, après l’avoir entendu, Turreau ordonna en effet son emprisonnement. Le 30 du même mois, la Commission militaire Félix (plus coutumière d'exécutions massives de Vendéens) le condamnait à mort. Desmarres était finalement guillotiné le lendemain, à Angers, place du Ralliement.
Pour Bara, la cérémonie de transfert au Panthéon avait été prévue à l’origine pour le 18 juin 1794. Elle fut remise au 18 juillet (par le décret du 5 juin) puis au 28 juillet (par le décret du 11 juillet) avant d’être définitivement décommandée suite aux évènements du 9 thermidor.