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Message Publié : 07 Août 2013 20:56 
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Thucydide
Thucydide

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CNE503 a écrit :
Je vous accorde sans problème que c'est une évènement significatif. Mais est-ce l'évènement le plus significatif de la Révolution ? Je le trouve anecdotique par rapport à la transformation des Etats généraux en assemblée nationale, à la nuit du 4 au 5 août 1789, à la fuite avortée de Varennes en juin 1791 ou à la journée du 10 août 1792 (qui est bien plus symbolique et pleine de portée politique), voire même qu'à la décapitation du 21 janvier 1793.
Bref, un évènement important, mais que l'historiographie a rendu décisif alors qu'au soir du 14 juillet 1789, on n'est qu'à la croisée des chemins : rien n'est fait, et on pourrait très bien être le soir du 22 février 1358 ou du 12 mai 1588...


Vous avez, il me semble, loupé l’enjeu majeur du 14 juillet 1789 : l’inversion du rapport de force. Car si le Tiers Etats s’est auto-proclamé Assemblée Nationale le 17 juin, a prêté le serment du Jeu de Paume et promis une constitution, rien n’a changé car ni le Roi ni les députés de la noblesse et du clergé ne reconnaissent l’assemblée. Le 23 juin c’est Mirabeau qui résume la situation face à l’ordre royal de disperser l’Assemblée : "nous ne sortirons que par la force des baïonnettes". Apocryphe ou non, cette phrase établi un constat implacable : la situation politique est totalement bloquée et on entrevoit que seul l’usage de la force pourra offrir une issue.

Mais les deux camps en présence (assemblée et Roi) tergiversent. Le Roi, oscillant entre ses tendances libérales et son entourage réactionnaire, ordonne bien le rassemblement d’une armée de 20 000 hommes au tour de Paris, mais le 27 juin il est contraint de reconnaître l’Assemblée (mais sans lui conférer aucun pouvoir) et même d’obliger la noblesse et le clergé à rejoindre l’Assemblée nationale. De son côté l’Assemblée attend le 9 juillet seulement pour se proclamer assemblée constituante et entamer la rédaction d’un projet de Constitution pourtant promis dès le 20 juin. Puis le 12 juillet, le Roi renvoi subitement le gouvernement Necker et nomme toutes une série de ministres conservateurs parmi lesquels figure le Duc de Broglie qui n’est autre que commandant en chef de l’armée rassemblée au tour de Paris. A torts ou à raison, le renvoi de Necker et cette nomination est jugée par le peuple parisien et l’Assemblée comme le signal de la répression royale qui doit anéantir l’Assemblée Nationale.

Dès lors, la révolte populaire qui commence le 12 au soir, se poursuit le 13 par le pillage des barrières et la capture des armes aux invalides puis atteint son paroxysme le 14 juillet avec la prise de la Bastille (où on vient chercher des munitions) n’est qu’un élément du renversement des rapports de force. Car bien plus que la révolte populaire, ce sont la désertion massive des soldats de l’armée royale qui rejoignent la révolte combinée à l’absence d’ordres royaux de répression d’une part, et d’autre part la formation des gardes nationaux aux ordres de l’Assemblée nationale qui vont sceller le sort de la Révolution.

C’est bien là que s’est jouée la Révolution de 1789. Si le 13 juillet, le Roi est fort de 20 000 hommes alors l’Assemblée nationale n’en a encore aucun, le 15 juillet, l’armée royale est réduite à 5 ou 10 000 hommes et l’Assemblée nationale en a 48 000 à ses ordres. La garde nationale est créée le 15 juillet et compte dès sa formation 48 000 hommes en armes, commandés par Lafayette, vice-président de l’Assemblée Nationale et prenant ses ordres auprès de la municipalité de Paris dirigée par Bailly, maire de Paris et Président de l’Assemblée nationale. Le jour même Louis XVI capitule sans conditions en reconnaissant la Garde nationale, en validant la nomination de Lafayette et donnant in fine à la maire de Paris (donc l’assemblée nationale) du droit de disposer d’une force armée indépendante de l’autorité royale.

A compter de ce jour, jamais plus Louis XVI ne bénéficiera à nouveau du rapport de force. Même si la situation politique n’a officiellement pas changée le 14 juillet, la réalité est toute autre : c’est désormais l’Assemblée nationale qui seule dispose dans les faits de l’usage de la force armée, donc du pouvoir exécutif. Et la chose n’a échappé à personne, pas même à l’ambassadeur de Russie en France qui écrit à sa chancellerie dès le 17 juillet 1789 : "La révolution en France est consommée et l'autorité royale anéantie".
Les évènements que vous citez ne sont que les soubresauts, parfois décisifs, d’une réalité nouvelle née le 14 juillet 1789 : la souveraineté nationale a été transférée, sinon au peuple, du moins à ceux qui s’en sont proclamé les représentants.

Et c’est bien cela que les républicains de 1880 vont vouloir reconnaître en tenant, sans succès, de faire du 14 juillet 1789 le jour de fête nationale. On a vu combien la situation politique de 1880 a contraint monarchistes et républicains au compromis de la fête du 14 juillet, sans préciser l’année. Il faut toutefois rappeler qu’un an plus tôt, la même assemblée a adopté La Marseillaise comme hymne officiel de la République, et qu’elle sera officiellement jouée le 14 juillet 1879 avant même le vote de la loi sur le jour de fête nationale, faisant ainsi du cri d’Aux armes citoyens ! le symbole du ralliement du peuple français aux vainqueurs de la Bastille.


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Message Publié : 08 Août 2013 19:07 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

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On peut aussi estimer que, parce que vous regardez (vous n'êtes pas le seul) les choses a posteriori avec connaissance de l'enchaînement des événements qui vont suivre, vous avez tendance à surinterprêter le rôle de l'événement dans l'évolution irréversible du cours des événements.

Je veux dire par là qu'il est parfois trop tentant de voir une série d'enchaînements de cause à effet entre un événement, puis un autre événement, puis encore un autre événement qui semblent former un tout cohérent et un mouvement irrésistible. Je comprends. C'est tellement séduisant, cette idée d'un ordonnancement logique des choses obéissant à des forces, des quasi-lois de l'Histoire. Ca laisse toutefois peu de place au hasard, aux contingences, aux coïncidences, aux apparences trompeuses.

Et pour préciser mon propos, est-ce vraiment le 14 juillet qui est décisif ou bien le 17 juillet quand Louis XVI décide vraiment de se rendre à Paris, de tendre la main aux acteurs de la journée parisienne au lieu par exemple de jouer le pourrissement, voire de préparer le retournement et l'affrontement ?

Si l'ambassadeur russe a écrit le 17 juillet, à votre avis est-ce à cause des événements du 14 juillet pour lesquels il aurait jugé bon d'attendre 3 jours pour écrire ou bien est-ce parce qu'il jugeait décisive la réaction de Louis XVI le jour même du 17 juillet, par laquelle le roi détruisait en effet son autorité en s'en remettant symboliquement aux meneurs de la journée parisienne ?

Poser la question, c'est à mon sens y répondre. :wink:

Avec le jeune Napoléon qui a vécu les événements (et a pu juger que Louis XVI n'était décidément qu'un grand couillon), on sait que rien n'est irréversible et qu'il aurait suffi d'une cannonade comparable à celle de Vendémiaire 1795 pour stopper net l'emballement parisien.

Même après le 14 juillet, rien n'était irréversible même si les choses se sont singulièrement compliquées pour le grand ... Louis XVI qui ne savait pas décider, ne faisait que tergiverser pour finir par entériner les faits accomplis les uns après les autres faute d'oser.


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Message Publié : 08 Août 2013 20:45 
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Tout à fait, si le 14 juillet 1789 au soir, Louis XVI avait décidé de gagner son armée et de faire une proclamation appelant ses loyaux sujets contre la sédition, il aurait initié une guerre civile, certes (elle aurait sans doute été moins sanglante que les dix ou vingt années suivantes !), qu'il aurait gagnée ou aurait perdue, soit, mais il aurait rendu la prise de la Bastille tout à fait anecdotique. Quelque chose que l'on sait, comme les barricades de 1588 ou le chaperon du Dauphin de 1358. Mais d'anecdotique.

L'évènement en tant que tel n'a que peu de portée.
Il en a sans doute eu plus parce qu'on l'a artificiellement gonflé, vague romantique et "roman national" du XIXe aidant, sous la IIIe République. Mais je trouverais plus de sens à ce que notre fête nationale ait lieu le 4 ou le 10 août ou encore le 21 septembre, par exemple. C'est sûr que la deuxième et la troisième dates, cela aurait été agité un chiffon rouge sous le museau des députés monarchistes, en 1880 !

Mais j'avoue, Macdonald, que votre message donne à penser et est très stimulant.

CNE503

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Message Publié : 08 Août 2013 21:40 
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Thucydide
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Caesar Scipio a écrit :
On peut aussi estimer que, parce que vous regardez (vous n'êtes pas le seul) les choses a posteriori avec connaissance de l'enchaînement des événements qui vont suivre, vous avez tendance à surinterprêter le rôle de l'événement dans l'évolution irréversible du cours des événements.
Je veux dire par là qu'il est parfois trop tentant de voir une série d'enchaînements de cause à effet entre un événement, puis un autre événement, puis encore un autre événement qui semblent former un tout cohérent et un mouvement irrésistible. Je comprends. C'est tellement séduisant, cette idée d'un ordonnancement logique des choses obéissant à des forces, des quasi-lois de l'Histoire. Ca laisse toutefois peu de place au hasard, aux contingences, aux coïncidences, aux apparences trompeuses.

Je ne vois vraiment pas ce qui dans mes messages a bien pu vous pousser à me prêter des propos si éloignés de ma pensée et de ce qu'il me semble avoir écrit.

Caesar Scipio a écrit :
Et pour préciser mon propos, est-ce vraiment le 14 juillet qui est décisif ou bien le 17 juillet quand Louis XVI décide vraiment de se rendre à Paris, de tendre la main aux acteurs de la journée parisienne au lieu par exemple de jouer le pourrissement, voire de préparer le retournement et l'affrontement ?

Le 17 n’est que l’acte final de la capitulation de Louis VXI. Car elle commence dès le 15 juillet, lorsqu’il reconnait la garde nationale. Ce geste est loin d’être anodin car il légitime une force armée (et quelle force ! 48 000 hommes assemblés en quelques heures alors qu’il a fallu trois semaines au roi pour rassembler une armée de 20 000 hommes) indépendante de lui. Pire elle est confiée à ses adversaires. C’est là que réside le tournant. Puis la capitulation se poursuit le 16 lorsque Louis XVI rappelle Necker. Ce n’est pas rien non plus. Si il a mis fin aux fonctions de Necker le 12 juillet, ce n’était pas sur un coup de tête ou un simple remaniement de façade. C’est le fruit d’une longue réflexion politique et la nomination des ministres conservateurs devait marquer un changement dans la conduite de la politique générale. Or l’insurrection parisienne le pousse à rappeler Necker. C’est ce qui va pousser le Comte d’Artois, frère du Roi et principal artisan du renvoi de Necker, à émigrer le soir même en signe de protestation contre les décisions du Roi.
Le 17 juillet, l’apparition du Roi au balcon de l’Hôtel de ville, véritable quartier général de l’insurrection parisienne, n’est que le dernier acte dans lequel le Roi vient baiser la main des vainqueurs.

Caesar Scipio a écrit :
Si l'ambassadeur russe a écrit le 17 juillet, à votre avis est-ce à cause des événements du 14 juillet pour lesquels il aurait jugé bon d'attendre 3 jours pour écrire ou bien est-ce parce qu'il jugeait décisive la réaction de Louis XVI le jour même du 17 juillet, par laquelle le roi détruisait en effet son autorité en s'en remettant symboliquement aux meneurs de la journée parisienne ?
Poser la question, c'est à mon sens y répondre. :wink:

Si l’ambassadeur russe écrit le 17 juillet, c’est parce qu’on est Vendredi et que c’est la date à laquelle il fait habituellement ses rapports hebdomadaires à sa chancellerie. Même pour la Russie, un courrier Paris-St Petersburg coute cher. Et Tweeter était en panne :)

Caesar Scipio a écrit :
Avec le jeune Napoléon qui a vécu les événements (et a pu juger que Louis XVI n'était décidément qu'un grand couillon),

Napoléon n’était pas à Paris le 14 juillet 1789 mais à Auxone. Si il a effectivement porté un jugement comparable sur Louis XVI c’était à l’occasion des événements du 10 août 1792. Mais Napoléon a bien réagit au 14 juillet puisque dès le 15 juillet 1789 il écrit à son oncle Lucien : "je reçois dans le moment des nouvelles de Paris. Elles sont étonnantes et faites singulièrement pour alarmer. La fermentation est à son comble. L’on ne peut prévoir où tout cela finira. M. Necker s’est acheminé du côté de la Picardie, probablement pour passer en Hollande. Peut-être ce soir, peut-être cette nuit battra-t-on la générale pour nous faire aller à Dijon ou Lyon."

Caesar Scipio a écrit :
on sait que rien n'est irréversible et qu'il aurait suffi d'une cannonade comparable à celle de Vendémiaire 1795 pour stopper net l'emballement parisien.

Je pensais que mon précédent message permettait de démontrer que justement puisque la canonnade n’a pas eu lieu le 14 juillet, elle ne pouvait désormais plus avoir lieu à partir du 15 juillet pour la bonne et simple raison que le roi n’a alors (presque) plus d’armée et que l’Assemblée dispose de plus d’hommes armés que lui.

Caesar Scipio a écrit :
Même après le 14 juillet, rien n'était irréversible même si les choses se sont singulièrement compliquées pour le grand ... Louis XVI qui ne savait pas décider, ne faisait que tergiverser pour finir par entériner les faits accomplis les uns après les autres faute d'oser.

Ce qui est irréversible le 14 juillet, c’est l’inversion du rapport de force. Tout le reste est soumis aux aléas de l’Assemblée et les états d’âme du Roi deviennent secondaires.

CNE503 a écrit :
Mais j'avoue, Macdonald, que votre message donne à penser et est très stimulant.

Aïe, vous avez touché mon talon d’Achille : je suis sensible à la flatterie. :)


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Message Publié : 08 Août 2013 22:03 
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McDonald a écrit :
Je pensais que mon précédent message permettait de démontrer que justement puisque la canonnade n’a pas eu lieu le 14 juillet, elle ne pouvait désormais plus avoir lieu à partir du 15 juillet pour la bonne et simple raison que le roi n’a alors (presque) plus d’armée et que l’Assemblée dispose de plus d’hommes armés que lui.


C'est l'évidence, en effet.
Mais les exemples de 1588 et de 1650 prouvent justement qu'on ne tente pas d'étouffer une insurrection générale dans une ville aussi vaste, peuplée et incontrôlable que Paris par la force brute. Ce n'était donc qu'un coup de bluff du roi, et il a échoué, de toute évidence, puisque les Parisiens ont pris les armes, rejoints par des transfuges de sa propre armée.
Deux solutions au soir du 14 juillet : ou on s'écrase en attendant des jours meilleurs, naïvement ; ou on s'éloigne, on se met à l'abri, et on joue sur le temps (comme en 1588, lorsque le roi a rejoint Blois, et il a fallu cinq ans pour que Paris redevienne une "bonne ville" du roi ; comme en 1358 et en 1650) en espérant que les esprits marineront et en tablant sur le loyalisme et surtout sur le fait qu'on reste le souverain légitime.

Louis XVI a plus mal analysé la situation que ses aïeux, peut-être parce qu'il n'était pas prêt à un bain de sang (et il devrait être encensé pour cela !). Sa principale erreur, c'est de ne pas avoir mis le Dauphin hors de portée des Parisiens, car son fils, en son absence, son empêchement ou à cause de son décès, aurait pu rallier les loyautés le cas échéant.

Bref, une grave erreur de positionnement, qui ne donne pas à la prise de la Bastille l'aura qu'elle a de nos jours. On devrait plutôt remercier la naïveté ou le manque de sens politique du monarque !

CNE503

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Message Publié : 08 Août 2013 23:50 
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Philippe de Commines
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Mac Donald, je peux bien sûr mal interprêter vos propos. Mais ce qui me paraît en ressortir, c'est que tous les actes de Louis XVI ne sont qu'une capitulation inéluctable, l'incarnation presque physique du sens de l'Histoire incarnée dans un sens paradoxalement providentiel ou un anti-homme providentiel : le raté providentiel.

Mais alors je ne vois pas pourquoi vous faites tout partir du 14 juillet 1789. Pourquoi ne pas remonter à la convocation si mal fagotée des Etats généraux ? Pourquoi ne pas remonter jusqu'à la décision d'annulation de la réforme Maupeou dans les 1ères semaines du règne de Louis XVI ? Pourquoi ne pas remonter à la mort de son frère Louis duc de Bourgogne en 1761 ?

Entendons nous. Ma série de question en forme de boutade est bien sûre caricaturale. De manière paradoxale seulement en apparence, je pense que vous aboutissez en fait à la même conclusion que CNE 503 ou moi. Ce qui est décisif, ce n'est pas le 14 juillet, ni le 15, ni le 17. Il y a bel et bien à toute la révolution française un fil conducteur que notre histoire officielle a du mal à reconnaître à sa juste portée : Louis XVI.

Un homme manifestement bienveillant, faible, pas taillé pour la décision ni pour les rapports de force, incapable de tenir un cap. C'est plutôt pourquoi j'ai tendance à penser que, si pour ne pas remonter à 1761 il faut choisir une date clé dans les événements de 1789, je retiendrai plutôt :
- soit le 17 juin 1789. Parce que le 1er coup de force est décisif en ce sens que, constatant probablement avec stupeur que cela ne suscite aucune des réactions qu'ils auraient été supposés craindre (façon Murat en 1799 au conseil des 500 quand ça tourne mal pour Bonaparte : "flanquez moi tout ça dehors !"), les représentants aux Etats généraux comprennent qu'ils ont au final carte blanche, qu'il y a de facto un vide, une vacance du pouvoir royal, et que donc la porte est grande ouverte à toutes les surenchères.
- soit en début d'année 1789 avec le déroulement des élections des représentants aux Etats généraux par les assemblées locales, et dont il a été montré à quel point elles se déroulaient de façon tout à fait particulière, le caractère non direct du suffrage permettant aux clubs seuls structurés d'assurer une assez remarquable homogénéité des représentants du Tiers.


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Message Publié : 08 Août 2013 23:57 
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La prise de la Bastille n'est que l'aboutissement partiel - la révolte armée - d'un processus entamé avant - la rébellion des Etats généraux et la fronde généralisée dans le royaume en raison d'une conjoncture désastreuse. L'aboutissement définitif, c'est le 10 août ou le 21 septembre 1792 qu'on le trouve. Les évènements initiateurs, c'est en mai et juin 1789.

Je reste sceptique sur le sens profond de cette date du 14 juillet 1789. Je me demande même s'il ne s'agit pas de mettre en avant une certaine culture de la révolte armée, du genre de celles qui secouèrent tant de fois Paris entre 1789 et 1871 - souvent pour le pire ? - pour des raisons idéologiques, au même titre que la "levée en masse" et les sans-culotte. Une certaine idée du peuple en armes censé incarner le plus bel élan démocratique - idée bien éloignée de la réalité comme on le sait désormais...

CNE503

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Message Publié : 09 Août 2013 0:07 
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Philippe de Commines
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Oui, dès mai 1789 et la séance d'ouverture des Etats généraux, le roi fait déjà un bide total. Sur les autres dates clés, je pense qu'on peut aussi retenir la fuite ratée de Varenne, parce que c'est probablement l'événement qui rompt l'attachement de la masse profonde et relativement silencieuse avec ce roi, et ce faisant avec la monarchie telle que ses prédécesseurs l'avaient incarnée.


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Message Publié : 09 Août 2013 10:22 
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Thucydide
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Caesar Scipio, CNE503
Si vous voulez me faire dire qu'il existe un décalage entre le symbole républicain du 14 juillet et la réalité complexe des faits, que ce décalage s'est accru avec le temps en partie pour des raisons idéologiques et que le point d'orgue en a été le bicentenaire de 1989, alors oui, mille fois oui. C'est d'ailleurs là le principe du symbole. Là où je ne suis plus d'accord, c'est quand vous dites, sans doute avec un brin de provocation, que le 14 juillet est anecdotique ou, sur un autre sujet, n'est même pas un événement historique. On ne combat pas un excès par un excès inverse.
Mes messages sont simplement là pour tenter de rappeler ce qui me semble être une réalité historique : le 14 juillet 1789 est un élément décisif de la Révolution car il voit le transfert de la souveraineté (au sens de puissance) du Roi à l'Assemblée nationale et que le point de non-retour est franchi. Le Roi ne pourra plus reprendre par lui-même ce qu'il a perdu ce jour là. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'ait pas été dans l'intention de l'assemblée de le lui rendre un jour. On sait que la majorité des députés de l'assemblée étaient favorables à une monarchie parlementaire avec Louis XVI à sa tête et qu'il a fallu tout un concours de circonstances et d'autres éléments décisifs pour voir l'avènement de la République trois ans plus tard.

Après fallait il faire du 14 juillet le symbole de la Révolution et de la nation française ? C'est là un débat très subjectif et politique qu'il appartient à chacun de trancher.


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Message Publié : 09 Août 2013 10:33 
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Je me pose une question : quel était l'état d'esprit de l'armée à l'époque, et Louis XVI avait-il quelques régiments sûrs sur lesquels s'appuyer s'il avait décidé le clash avec les Parisiens ?

D'autre part je comprends mal pourquoi il se rend à Paris le 17 juillet faire allégeance aux Parisiens ? (Après tout l'Assemblée est à Versailles, non ?)

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Message Publié : 09 Août 2013 10:39 
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Plutarque
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McDonald a écrit :
[...]le 14 juillet 1789 est un élément décisif de la Révolution car il voit le transfert de la souveraineté (au sens de puissance) du Roi à l'Assemblée nationale et que le point de non-retour est franchi. Le Roi ne pourra plus reprendre par lui-même ce qu'il a perdu ce jour là. ...


Qu'est ce qui vous permet d'être aussi affirmatif ?

Que les faits ultérieurs n'aient pas démontré que le roi reprenait la main ne veut pas dire qu'il lui était totalement impossible de renverser la tendance

Encore une fois, il ne s'agit de contester au 14 juillet son caractère d'événement historique, mais en quoi le 14 juillet serait-il davantage un point de non retour que le 12 ou le 13 (qui voient des émeutes et la charge du Royal allemand), ou le 17 (cocarde tricolore à l'Hôtel de ville), pour ne prendre que ces exemples là ?

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« A mon avis, les généraux qui meurent à la guerre commettent une faute professionnelle. »
Henri JEANSON

« Je ne considère pas Napoléon comme un personnage supérieur par l’esprit, le jugement ou la valeur ; c’est un personnage de second plan. »
Hudson LOWE (1769-1844), comique britannique méconnu


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Message Publié : 09 Août 2013 10:45 
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Plutarque
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Pierma a écrit :
Je me pose une question : quel était l'état d'esprit de l'armée à l'époque, et Louis XVI avait-il quelques régiments sûrs sur lesquels s'appuyer s'il avait décidé le clash avec les Parisiens ?



Je pense qu'il n'y avait pas à ce moment là de régiment totalement sûr, hormis peut être les gardes du corps et les gardes suisses. D'autre part, Louis XVI a commis, si on peut dire, l'erreur d'avoir voulu réduire les dépenses militaires au mauvais endroit et au mauvais moment : il va se priver d'une bonne partie de ce qui compose la Maison du roi à partir de 1775.
Ce qui suit est issu de wikipédia :

" Le comte de Saint-Germain, secrétaire d'État de la Guerre, tailla dans les dépenses de la maison et supprima en 1775-1776 les mousquetaires et les grenadiers à cheval. Il réduisit également les effectifs des chevau-légers, des gendarmes et des gardes du corps. "Après les réformes de Saint-Germain, la défense de la Cour n'est assurée que par une compagnie de cent-Suisses, les gardes de la porte et les gardes du corps."

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Message Publié : 09 Août 2013 11:03 
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La Maison du Roi, d'essence aristocratique, est sans doute attachée au monarque, en tout cas dans sa majorité (le régiment des Gardes suisses en fait partie), même si les aristocrates qui la composent et l'encadrent largement sont également "travaillés" par la subversion. Les régiments étrangers, surtout les Suisses, tant que le roi est en mesure de les rétribuer, resteraient également dans le devoir, si ces extrémités étaient atteintes.

Tous les autres régiments, à quelques exceptions près dans un sens (ralliement massif aux idées nouvelles) ou dans l'autre (maintien global dans l'obéissance au roi), seraient profondément divisés. En tout cas, ils ne seraient pas fiables.

Il n'y a pas eu d'ultima ratio : à aucun moment le roi n'en a appelé à la loyauté de ses sujets pour vider la querelle. Il est donc difficile de savoir si Louis XVI aurait encore eu une armée... Fortement amoindrie, c'est sûr.

CNE503

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Message Publié : 09 Août 2013 11:41 
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Georges Duby
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Deux remarques:

1/ Si le 14 juillet est tant contesté, c'est parce qu'il est mal connu.
Il est en effet bien plus que la prise de la Bastille. dans la nuit du 13 au 14 juillet, on sonne le tocsin pour ameuter le peuple et l'inciter à se mettre en armes, Tout Paris est en effervescence depuis le 12, l'émeute se rend maitresse de la ville dit François Furet.
De Bésenval qui commande les troupes sous les ordre du duc de Brooglie secrétaire d'Etat à la guerre depuis le 11 juillet, constate au champ de Mars, que ses troupes ont été gagnées à la Révolution; le 13, le peuple attaque les boutiques d' armurerie. Le 14 juillet, faute d' ordre et inquiet du silence royal et de celui de son ministre de Brooglie, de Bésenval emmène ses troupes hors de Paris.
Dans ses mémoires il rappelle qu'il a su se rendre maitre d'une insurrection au faubourg Saint-Antoine en faisant tirer le canon (comme Bonaparte plus tard).

Furet sur le 14 juillet: "Un nouveau pouvoir sort de l'ombre, préparé par les notables des districts électoraux du printemps, ce "comité permanent" dont la première mesure est d'organiser une milice de volontaires, veut à la fois organiser et contrôler l'insurrection. Dans la nuit du 14 juillet, tout Paris illuminé par instructions du comité, entend circuler les premières patrouilles du nouvel ordre social. La garde nationale est née. " Après il y a la prise des Invalides et de son armement, puis enfin celle de la Bastille.
Si on ne connait pas les détails de la journée et des deux jours précédents, on peut effectivement estimer surfait le 14 juillet 1789.

2/ le problème de la Révolution française, c'est que cette Révolution n' a pas d'unité de temps et de lieu comme beaucoup de révolutions. Elle a lieu en plusieurs étapes, fragmentée entre les troubles qui font les révolutions et commencent le 12 juillet et la dépossession du pouvoir en place qui est progressive, commence au 17 juin 1789 (qui ne change rien); continue au 4 aout 1789 qui n'est qu'une déclaration prévoyant un rachat des droits féodaux en indivision, il faudra y revenir; le 20 juin 1792, la foule envahit les tuileries, le roi ne cède pas; le 10 aout 1792, le roi est contraint de quitter les Tuileries par la foule, rien de décisif, il est toujours roi; enfin le 20 septembre 1792, la Convention abolit la royauté, comment en faire un moment clé puisque les troubles sont antérieurs de 3 ans.

Le seul fait qu'on cite plusieurs dates pour remplacer le 14 juillet montre le problème du choix. La Révolution est fragmentée sur 3 ans. Dès lors, faute de mieux, de date unique, le choix de l'insurrection populaire qui déclenche le processus, bien au delà de la prise de la Bastille, semble logique et s'impose faute de mieux, le mieux étant introuvable.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 09 Août 2013 12:14 
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Thucydide
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Charles Antoine M. a écrit :
Qu'est ce qui vous permet d'être aussi affirmatif ?

Mes messages précédents et ce que j'ai la prétention de croire qu'ils démontrent.

Charles Antoine M. a écrit :
en quoi le 14 juillet serait-il davantage un point de non retour que le 12 ou le 13 (qui voient des émeutes et la charge du Royal allemand), ou le 17 (cocarde tricolore à l'Hôtel de ville), pour ne prendre que ces exemples là ?

Le 13 juillet le Roi a une armée de 20 000 homes à Paris et l'Assemblée Nationale n'en a aucun. Le 15 juillet le Roi a une armée qui dépasse guère plus de 5 0000 hommes et l'assemblée nationale en a une de 48 000 hommes, sans compter les milliers de réservistes qu'on a du refuser d'enrôler. C'est en effet peut être un peu naïvement que je me dit qu'il a bien du se passer quelque chose dans l'intervalle qui se trouve être le 14 juillet.
Encore une fois si vous voulez me faire dire que le 14 juillet n'a été possible que parce qu'il y a eu un 13 juillet et n'a servi à quelque chose que parce qu'il y a eu un 15 juillet, alors je suis suis d'accord avec vous. C'est la logique même du symbole qui oblige à hiérarchiser l'Histoire.

Pierma a écrit :
Je me pose une question : quel était l'état d'esprit de l'armée à l'époque, et Louis XVI avait-il quelques régiments sûrs sur lesquels s'appuyer s'il avait décidé le clash avec les Parisiens ?

Difficile de faire un état des forces précis. La base des soldats issus du peuple sont plutôt favorables à l'Assemblée. Les régiments casernés dans l'est de la France sont plutôt favorables au Roi. D'ailleurs l'émeute de Strasbourg sera réprimée dans le sang par l'armée.
Mais globalement, les forces armées fidèles au Roi seront, à partir du 14 juillet, très largement inférieures aux forces de l'Assemblée nationale, ce qui me fait dire que la souveraineté a été transférée à l'Assemblée et que le point de non retour est franchi. Après il ne faut jurer de rien et un renversement improbable restait théoriquement possible.
Dès les jours qui suivent la prise de la Bastille la Grande Peur qui sévit dans toute la France pousse à la création de Garde nationaux un peu partout dans le pays et ces troupes seront majoritairement (mais pas toutes) fidèles à l'Assemblée.

Pierma a écrit :
D'autre part je comprends mal pourquoi il se rend à Paris le 17 juillet faire allégeance aux Parisiens ? (Après tout l'Assemblée est à Versailles, non ?)

En effet l'Assemblée est à Versailles. Mais la révolte est à Paris et l'Hotel de Ville a été pris d’assaut le 12 juillet et la commune a été crée le 16 juillet avec Bailly pour maire, et à ce titre, dépositaire de la force publique (la Garde nationale). Bailly est le premier cumulard de l'histoire car il est également président de l'Assemblée Nationale. La Fayette qui est vice président de l'Assemblée est également commandant en chef de la Garde Nationale.
Donc quand le Roi vient à Paris le 17, il se soumet à la fois aux représentants de Paris et ceux de l'Assemblée.
Il ne faut pas perdre de vu que même après le 14 juillet, le Roi est encore très populaire, y compris à Paris, même si il est vrai qu'il a perdu un peu de sa superbe. En venant à Paris, le Roi démontre aussi à l'Assemblée qu'il dispose encore du soutien populaire (il est acclamé aux balcons de l'Hotel de Ville) et prend la cocarde, façon de symboliquement légitimer le soulèvement populaire.
Le 13 août, l'Assemblée Nationale décernera au Roi le titre de "Restaurateur de la Liberté Française".

Alain.g a écrit :
Dès lors, faute de mieux, de date unique, le choix de l'insurrection populaire qui déclenche le processus, bien au delà de la prise de la Bastille, semble logique et s'impose faute de mieux, le mieux étant introuvable.

Entièrement d'accord.


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