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Message Publié : 26 Déc 2013 16:51 
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Drouet Cyril a écrit :
Difficile à dire. D'où mon souhait d'en savoir plus sur l'origine de ces mots.

Apparemment, elle est citée dans une émission de Henri Guillemin. J'écoute la dite émission et j'éditerai mon message selon l'écoute.

Edit : Malheureusement, non, mais l'émission était passionnante.

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« But thought's the slave of life, and life's time fool. » (William Shakespeare)


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Message Publié : 26 Déc 2013 17:34 
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Fustel de Coulanges
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Méfiance avec Guillemin. Il déteste tellement Napoléon qu'il lui fait parfois dire n'importe quoi... :rool:

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" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


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Message Publié : 26 Déc 2013 17:46 
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Fustel de Coulanges
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Un fil où nous avons discuté de cet historien :
viewtopic.php?f=55&t=32527

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Message Publié : 26 Déc 2013 17:48 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Citer :
Il déteste tellement Napoléon


C'est drôle de détester quelqu'un mort il y a + de 150 ans.....

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Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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Message Publié : 26 Déc 2013 18:12 
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Fustel de Coulanges
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Malheureusement, sa prose n'a rien d'humoristique... Même chose du côté d'en face, chez les napoléonâtres...

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Message Publié : 27 Déc 2013 8:00 
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Fustel de Coulanges
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"J'aimais plus la puissance que la gloire."
(Bertrand, Cahiers de Sainte-Hélène)

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Message Publié : 08 Sep 2020 20:00 
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Jean Froissart
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« Ganteaume n'était qu'un matelot nul et sans moyens. »

« Ci-gît l'amiral Ganteaume
Qui s'en fut de Brest à Bertheaume,
Et, poussé par un fort vent d'Ouest,
S'en revint de Bertheaume à Brest. »
(Epitaphe restée en mémoire à l'école navale de Brest)

_________________
"L'Angleterre attend que chaque homme fasse son devoir" (message de l'amiral Nelson à Trafalgar)


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Message Publié : 08 Sep 2020 21:39 
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Sous réserve :
"Je suis un homme qu'on tue mais que l'on n'outrage pas ! "

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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Message Publié : 09 Sep 2020 14:16 
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Fustel de Coulanges
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Pierma a écrit :
Sous réserve :
"Je suis un homme qu'on tue mais que l'on n'outrage pas ! "


Thiers dans son "Histoire du Consulat et de l'Empire" donne en effet cette version :
"Vous avez voulu me jeter de la boue au visage. Je suis, sachez-le, un homme qu'on tue, mais qu'on n'outrage pas."

Mais avant Thiers, dans le tome 39 de l'"Histoire Parlementaire de la Révolution Française ou Journal des Assemblées nationales depuis 1789 jusqu'en 1815", de Buchez et Roux (1838), le discours impérial du 1er janvier 1814 face au Corps législatif (puisqu'il s'agit de cela) est rapporté avec cette légère variante :
"Vous avez voulu me couvrir de boue ; mais je suis de ces hommes qu’on tue, et qu’on ne déshonore pas."

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" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


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Message Publié : 09 Sep 2020 18:17 
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Merci pour la confirmation, Cyril. (Et les sources... On finit par trouver ça naturel, venant de vous, alors qu'il y a, pour le moins, du travail derrière.)

j'ai oublié le pseudo de ce contradicteur qui a quitté le forum - c'est dommage - et qui vous décrivait en ordinateur relié à un million de bibliothèque... :wink:

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Message Publié : 10 Sep 2020 16:49 
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Fustel de Coulanges
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Drouet Cyril a écrit :
Pierma a écrit :
Sous réserve :
"Je suis un homme qu'on tue mais que l'on n'outrage pas ! "


Thiers dans son "Histoire du Consulat et de l'Empire" donne en effet cette version :
"Vous avez voulu me jeter de la boue au visage. Je suis, sachez-le, un homme qu'on tue, mais qu'on n'outrage pas."

Mais avant Thiers, dans le tome 39 de l'"Histoire Parlementaire de la Révolution Française ou Journal des Assemblées nationales depuis 1789 jusqu'en 1815", de Buchez et Roux (1838), le discours impérial du 1er janvier 1814 face au Corps législatif (puisqu'il s'agit de cela) est rapporté avec cette légère variante :
"Vous avez voulu me couvrir de boue ; mais je suis de ces hommes qu’on tue, et qu’on ne déshonore pas."



Petite recontextualisation, des mots de l'Empereur.


Il faut revenir pour cela au discours tenu par Napoléon face aux députés et aux sénateurs, le 19 décembre 1813, à l’occasion de l’ouverture de la seconde cession du Corps législatif :
« Sénateurs, Conseillers d'Etat, Députés des départements au Corps législatif, d'éclatantes victoires ont illustré les armes françaises dans cette campagne; des défections sans exemple ont rendu ces victoires inutiles. Tout a tourné contre nous. La France même serait en danger, sans l'énergie et l'union des Français.
Dans ces grandes circonstances, ma première pensée a été de vous appeler près de moi. Mon coeur a besoin de la présence et de l'affection de mes sujets.
Je n'ai jamais été séduit par la prospérité. L'adversité me trouverait au-dessus de ses atteintes.
J'ai plusieurs fois donné la paix aux nations, lorsqu'elles avaient tout perdu. D'une part de mes conquêtes, j'ai élevé des trônes pour des rois qui m'ont abandonné.
J'avais conçu et exécuté de grands desseins pour la prospérité et le bonheur du monde. Monarque et père, je sens ce que la paix ajoute à la sécurité des trônes et à celle des familles. Des négociations ont été entamées avec les puissances coalisées. J'ai adhéré aux bases préliminaires qu'elles ont présentées. J'avais donc l'espoir qu'avant l'ouverture de cette session le congrès de Manheim serait réuni : mais de nouveaux retards, qui ne sont pas attribués à la France, ont différé ce moment, que presse le vœu du monde.
J'ai ordonné qu'on vous communiquât toutes les pièces originales qui se trouvent au portefeuille de mon département des affaires étrangères. Vous en prendrez connaissance par l'intermédiaire d'une commission. Les orateurs de mon Conseil vous feront connaître ma volonté sur cet objet.
Rien ne s'oppose de ma part au rétablissement de la paix. Je connais et je partage tous les sentiments des Français ; je dis, des Français, parce qu'il n'en est aucun qui désirât la paix au prix de l'honneur.
C'est à regret que je demande à ce peuple généreux de nouveaux sacrifices : mais ils sont commandés par ses plus nobles et ses plus chers intérêts. J'ai dû renforcer mes armées par de nombreuses levées; les nations ne traitent avec sécurité qu'en déployant toutes leurs forces. Un accroissement dans les recettes devient indispensable. Ce que mon ministre des finances vous proposera est conforme au système de finances que j'ai établi. Nous ferons face à tout sans emprunt qui consomme l'avenir, et sans papier-monnaie, qui est le plus grand ennemi de l'ordre social.
Je suis satisfait des sentiments que m'ont montrés dans cette circonstance mes peuples d'Italie.
Le Danemark et Naples sont seuls restés fidèles à mon alliance. La république des Etats-Unis d'Amérique continue avec succès sa guerre contre l'Angleterre.
J'ai reconnu la neutralité des dix-neuf cantons suisses. Sénateurs, Conseillers d'Etat, Députés des départements au Corps législatif, vous êtes les organes naturels de ce trône ; c'est à vous de donner l'exemple d'une énergie qui recommande notre génération aux générations futures. Qu'elles ne disent pas de nous : « Ils ont sacrifié les premiers intérêts du pays ! ils ont reconnu les lois que l'Angleterre a cherché en vain, pendant quatre siècles, à imposer à la France ! »Mes peuples ne peuvent pas craindre que la politique de leur Empereur trahisse jamais la gloire nationale. De mon côté, j'ai la confiance que les Français seront constamment dignes d'eux et de moi. »

Deux jours plus tard, Regnaud de Saint-Jean-d’Angely présenta aux députés le décret impérial de la veille relatif à a commission extraordinaire du Corps législatif devant, en conformité avec le discours du 19 décembre, prendre connaissance des pièces diplomatiques établies lors des négociations de paix.
Le lendemain, les députés nommèrent Raynouard, Lainé, Gallois, Flaugergues et Maine de Biran.
Le 28 décembre, Lainé présentait le rapport suivant :

« Messieurs, la commission extraordinaire que vous avez nommée, en vertu du décret de l'empereur du 20 décembre 1815, vient vous présenter le rapport que vous attendez en ces graves circonstances.
Ce n'est pas à la commission seulement, c'est au corps législatif en entier à exprimer les sentiments qu'inspire la communication ordonnée par Sa Majesté des pièces originales du portefeuille des affaires étrangères.
Cette communication a eu lieu, messieurs, sous la présidence de S.A.S. l'archichancelier de l'empire. Les pièces qu'on a mises sous nos yeux sont au nombre de neuf. Parmi ces pièces se trouvent des notes du ministre de France et du ministre d'Autriche qui remontent aux 18 et 21 août.
On y trouve le discours prononcé par le régent, le 5 novembre, au parlement d'Angleterre ; il y disait :
Il n'est ni dans les intentions de Sa Majesté, ni dans celles des puissances alliées, de demander à la France aucun sacrifice qui puisse être incompatible avec son honneur et ses justes droits.
La négociation actuelle pour la paix commence au 10 novembre dernier; elle s'engagea par l'entremise d'un ministre de France en Allemagne. Témoin d'un entretien entre les ministres d'Autriche, de Russie et d'Angleterre, il fut chargé de rapporter en France des paroles de paix, et de faire connaître les bases générales et sommaires sur lesquelles la paix pouvait se négocier. (1)
Le ministre des relations extérieures, M. le duc de Bassano, a répondu le 16 à cette communication du ministre d'Autriche. Il a déclaré qu'une paix fondée sur la base de l'indépendance générale des nations, tant sur terre que sur mer, était l'objet des désirs de la politique de l'empereur : en conséquence, il proposait la réunion d'un congrès à Manheim. (2)
Le ministre d'Autriche répondit, le 23 novembre, que Leurs Majestés impériales et le roi de Prusse étaient prêts à négocier dès qu'ils auraient la certitude que l'empereur des Français admettait les bases générales et sommaires précédemment communiquées. Les puissances trouvaient que les principes contenus dans la lettre du 16, quoique généralement partagés par tous les gouvernements de l'Europe, ne pouvaient tenir lieu de bases. (3)
Dès le 2 décembre, le ministre des relations extérieures, M. le duc de Vicence, donna la certitude désirée. En rappelant les principes généraux de la lettre du 16, il annonce, avec une vive satisfaction, que Sa Majesté l'empereur a adhéré aux bases proposées ; qu'elles entraîneraient de grands sacrifices de la part de la France, mais qu'elle les ferait sans regret pour donner la paix à l'Europe. (4)
A cette lettre le ministre d'Autriche répondit, le 10 décembre, que Leurs Majestés avaient reconnu avec satisfaction que l'empereur avait adopté des bases essentielles au rétablissement de l'équilibre et de la tranquillité de l'Europe; qu'elles ont voulu que cette pièce fût communiquée sans délai à leurs alliés, et qu'elles ne doutaient pas que les négociations ne pussent s'ouvrir immédiatement après leurs réponses. (5)
C'est à cette dernière pièce que, d'après les communications qui nous ont été faites, s'arrête la négociation : c'est de là qu'il est permis d'espérer qu'elle reprendra son cours naturel, lorsque le retard exigé pour une communication plus éloignée aura cessé. C’est donc sur ces deux pièces que peuvent reposer nos espérances.
Pendant que cette correspondance avait lieu entre les ministres respectifs, on a imprimé dans la Gazette de Francfort, mise sous les yeux de votre commission en vertu de la lettre close de Sa Majeslé, une déclaration des puissances coalisées en date du 1er décembre, où l'on remarque, entre autres choses, le passage suivant : Les souverains alliés désirent que la France soit grande, forte et heureuse, parce que la puissance française grande et forte est une des bases fondamentales de l'édifice social; ils désirent que la France soit heureuse, que le commerce français renaisse, que les arts, les bienfaits de la paix refleurissent, parce qu'un grand peuple ne saurait être tranquille qu'autant qu'il est heureux. Les puissances confirment à l'empire français Une étendue de territoire que n'a jamais connu la France sous ses rois, parce qu'une nation valeureuse ne déchoit pas pour avoir à son tour éprouvé des revers dans une lutte opiniâtre et sanglante, où elle a combattu avec son audace accoutumée. (6)
Il résulte de ces pièces que toutes les puissances belligérantes ont exprimé hautement le désir de la paix.
Vous y avez remarqué surtout que l'empereur a manifesté la résolution de faire de grands sacrifices, qu'il a accédé aux bases- générales et sommaires proposées par les puissances coalisées elles-mêmes.
L'anxiété la plus patriotique n'a pas besoin de connaître encore ces bases générales et sommaires.
Sans chercher à pénétrer le secret des cabinets lorsqu'il est inutile de le connaître pour le but qu'on veut atteindre, ne suffit-il pas de savoir que ces bases ne sont que les conditions désirées pour l'ouverture d'un congrès ? Ne suffit-il pas de remarquer que ces conditions ont été proposées par les puissances coalisées elles-mêmes, et d'être convaincu que Sa Majesté a pleinement adhéré aux bases nécessaires à l'ouverture d'un congrès dans lequel se discutent ensuite tous les droits, tous les intérêts.
Le ministre d'Autriche a d'ailleurs reconnu lui-même que l'empereur avait adopté des bases essentielles au rétablissement de l'équilibre et de la tranquillité de l'Europe ; par conséquent l'adhésion de Sa Majesté à ses bases a été un grand pas vers la pacification du monde.
Tel est, messieurs, le résultat de la communication qui nous a été faite.
D'après les dispositions constitutionnelles, c'est au corps législatif qu'il appartient d'exprimer les sentiments qu'elle fait naître ; car l'article 30 du sénatus-consulte du 28 frimaire an XII porte : « Le corps législatif, toutes les fois que le gouvernement lui aura fait une communication qui aura un autre objet que le vote de la loi, se formera en comité général pour délibérer sa réponse. »
Comme le corps législatif attend de sa commission des réflexions propres à préparer une réponse digne de la nation française et de l'empereur, nous nous permettrons de vous exprimer quelques-uns de nos sentiments.
Le premier est celui de la reconnaissance pour une communication qui appelle en ce moment le corps législatif à prendre connaissance des intérêts politiques de l'état.
On éprouve ensuite un sentiment d'espérance au milieu des désastres de la guerre, en voyant les rois et les nations prononcer à l'envie le nom de la paix.
Les déclarations solennelles et réitérées des puissances belligérantes s'accordent en effet, messieurs, avec le vœu universel de l'Europe pour la paix, avec le vœu si généralement exprimé autour de chacun de nous dans son département, et dont le corps législatif est l'organe naturel.
D'après les bases générales contenues dans les déclarations, les vœux de l'humanité pour une paix honorable et solide sembleraient pouvoir bientôt se réaliser. Elle serait honorable, car, pour les nations comme pour les individus, l'honneur est dans le maintien de ses droits et dans le respect de ceux des autres. Cette paix serait solide, car la véritable garantie de la paix est dans l'intérêt qu'ont toutes les puissances contractantes d'y rester fidèles.
Qui donc peut en retarder les bienfaits? Les puissances coalisées rendent à l'empereur l'éclatant témoignage qu'il a adopté des bases essentielles au rétablissement de l'équilibre et de la tranquillité de l'Europe. Nous avons pour premiers garants de ses desseins pacifiques et cette adversité, véridique conseil des rois, et le besoin des peuples, hautement exprimé, et l'intérêt même de la couronne.
A ces garanties, peut-être croirez-vous utile de supplier sa majesté d'ajouter une garantie plus solennelle encore.
Si les déclarations des puissances étrangères étaient fallacieuses, si elles voulaient nous asservir, si elles méditaient le déchirement du territoire sacré de la France, il faudrait, pour empêcher notre patrie d'être la proie de l'étranger, rendre la guerre nationale. Mais, pour opérer plus sûrement ce beau mouvement qui sauve les empires, n'est-il pas désirable d'unir étroitement et la nation et son monarque ?
C'est un besoin d'imposer silence aux ennemis sur leurs accusations d'agrandissement, de conquête, de prépondérance alarmante. Puisque les puissances coalisées ont cru devoir rassurer les nations par des protestations publiquement proclamées, n'est-il pas digne de sa majesté de les éclairer par des déclarations solennelles sur les desseins de la France et de l'empereur ?
Lorsque ce prince à qui l'histoire a conservé le nom de Grand voulut rendre de l'énergie à ses peuples, il leur révéla tout ce qu'il avait fait pour la paix, et tes hautes confidences ne furent pas sans effet.
Afin d'empêcher les puissances coalisées d'accuser la France et l'empereur de vouloir conserver un territoire trop étendu, dont elles semblent craindre la prépondérance, n'y aurait-il pas une véritable grandeur à les désabuser par une déclaration formelle ?
Il ne nous appartient pas sans doute d'inspirer les paroles qui retentiraient dans l'univers ; mais, pour que cette déclaration eût une influence utile sur les puissances étrangères, pour qu"elle fit sur la France l'impression espérée, ne serait-il pas à désirer qu'elle proclamât à l'Europe et à la France la promesse de ne continuer la guerre que pour l'indépendance du peuple français et l'intégrité de son territoire ? Celte déclaration n'aurait-elle pas dans l'Europe une irrécusable autorité?
Lorsque sa majesté aurait ainsi, en son nom et en celui de la France, répondu à la déclaration des alliés, on verrait d'une part des puissances qui protestent qu'elles ne veulent pas s'approprier un territoire par elles reconnu nécessaire à l'équilibre de l'Europe, et de l'autre un monarque qui se déclarerait animé de la seule volonté de défendre ce même territoire.
Que si l'empire français restait seul fidèle à ces principes libéraux que les chefs des nations de l'Europe auraient pourtant tous proclamés, la France alors forcée par l'obstination de ses ennemis à une guerre de nation et d'indépendance, à une guerre reconnue juste et nécessaire, saurait déployer, pour le maintien de ses droits, l'énergie, l'union et la persévérance dont elle a déjà donné d'assez éclatants exemples. Unanime dans son vœu pour obtenir la paix, elle le sera dans ses efforts pour la conquérir, et elle montrera encore au monde qu'une grande nation peut tout ce qu'elle veut lorsqu'elle ne veut que ce qu'exigent son honneur et ses justes droits.
La déclaration que nous osons espérer captiverait l'attention des puissances, qui rendent hommage à la valeur française ; mais ce n'est pas assez pour ranimer le peuple lui-même, et le mettre en état de défense.
C'est, d'après les lois, au gouvernement à proposer les moyens qu'il croira les plus prompts et les plus sûrs pour repousser l'ennemi, et asseoir la paix sur des bases durables. Ces moyens seront efficaces si les Français sont persuadés que le gouvernement n'aspire plus qu'à la gloire de la paix ; ils le seront si les Français sont convaincus que leur sang ne sera versé que pour défendre une patrie et des lois protectrices. Mais ces mots consolateurs de paix et de patrie retentiraient en vain, si l'on ne garantit les institutions qui promettent lès bienfaits de l'une et de l'autre.
Il parait donc indispensable à votre commission qu'en même temps que le gouvernement proposera les mesures les plus promptes pour la sûreté de l'état, sa majesté soit suppliée de maintenir l'entière et constante exécution des lois qui garantissent aux Français les droits de la liberté, de la sûreté, de la propriété, et à la nation le libre exercice de ses droits politiques.
Cette garantie a paru à votre commission le plus efficace moyen de rendre aux Français l'énergie nécessaire à leur propre défense.
Ces idées ont été suggérées à votre commission par le désir et le besoin de lier intimement le trône et la nation, afin de réunir leurs efforts contre l'anarchie, l'arbitraire et les ennemis de notre patrie.
Votre commission a dû se borner à vous présenter ces réflexions, qui lui ont paru propres à préparer la réponse que les constitutions vous appellent à faire.
Comment la manifesterez-vous?
La disposition constitutionnelle en détermine le mode. C'est en délibérant votre réponse en comité général ; et puisque le corps législatif est appelé tous les ans à présenter une adresse à l'empereur, vous croirez peut-être convenable d'exprimer par cette voie votre réponse à là communication qui vous a été faite. Si la première pensée de sa majesté, en de grandes circonstances, a été d'appeler autour du trône les députés de la nation, leur premier devoir n'est-il pas de répondre dignement à cette convocation, en portant au monarque la vérité et le vœu des peuples pour la paix ? »



(1) Le rapporteur de la commission fait ici référence à la note de Saint-Aignan, rédigée par ce dernier suite à son entretien du 9 novembre avec Metternich, Nesselrode, Schwarzemberg et Aberdeen :
« M. le comte de Metternich m'a dit que la circonstance qui l'avait amené au quartier général de l'empereur d'Autriche, pouvait rendre convenable de le charger de porter à S. M. l'empereur la réponse aux propositions qu'elle avait fait faire par M. le comte de Meerfeldt ; qu'en conséquence M. le comte de Metternich et M. le comte de Nesselrode lui ont demandé de rapporter à S. M. : Que les puissances coalisées étaient engagées par des liens indissolubles qui faisaient leur force, et dont elles ne dévieraient jamais; que les engagements réciproques qu'elles avaient contractés leur avaient fait prendre la résolution de ne faire qu'une paix générale ; que, lors du congrès de Prague, on avait pu penser à une paix continentale, parce que les circonstances n'auraient pas donné le temps de s'entendre pour traiter autrement, mais que depuis les intentions de toutes les puissances et celles de l'Angleterre étaient connues: qu'ainsi il était inutile de penser, soit à un armistice, soit à une négociation qui n'eût pas pour premier principe une paix générale; que les souverains coalisés étaient unanimement d'accord sur la puissance et la prépondérance que la France devait conserver dans son intégrité, et en se renfermant dans ses limites naturelles qui étaient le Rhin, les Alpes et les Pyrénées ; que le principe de l'indépendance de l'Allemagne était une condition sine qua non; qu'ainsi la France devait renoncer, non pas à l'influence que tout grand État exerce nécessairement sur un État de force inférieure, mais à toute souveraineté sur l'Allemagne ; que d'ailleurs c'était un principe que S. M. avait posé elle-même, en disant qu'il était convenable que les grandes puissances fussent séparées par des États plus faibles; que, du côté des Pyrénées, l'indépendance de l'Espagne et le rétablissement de l'ancienne dynastie étaient également une condition sine qua non ; qu'en Italie, l'Autriche devait avoir une frontière qui serait un objet de négociations ; que le Piémont offrait plusieurs lignes que l'on pourrait discuter, ainsi que l'état de l'Italie, pourvu toutefois qu'elle fût, comme l'Allemagne, gouvernée d'une manière indépendante de la France ou de toute autre puissance prépondérante ; que de même l'état de la Hollande serait un objet de négociation, en partant toujours du principe qu'elle devait être indépendante ; que l'Angleterre était prête à faire les plus grands sacrifices pour la paix fondée sur ces bases, et à reconnaître la liberté du commerce et de la navigation à laquelle la France avait droit de prétendre; que si ces principes d'une pacification générale étaient agrées par S. M., on pourrait neutraliser sur la rive droite du Rhin tel lieu qu'on jugerait convenable, où les plénipotentiaires de toutes les puissances belligérantes se rendraient sur-le-champ, sans cependant que les négociations suspendissent le cours des opérations militaires. »

(2) Voici la lettre de Maret (16 novembre) :
« M. le baron de Saint-Aignan est arrivé hier, lundi, et nous a rapporté, d'après les communications qui lui ont été faites par V. E., que l'Angleterre a adhéré à la proposition de l'ouverture d'un congrès pour la paix générale, et que les puissances sont disposées à neutraliser, sur la rive droite du Rhin, une ville pour la réunion des plénipotentiaires. S. M. désire que cette ville soit celle de Manheim. M. le duc de Vicence, qu'elle a désigné pour son plénipotentiaire, s'y rendra aussitôt que V. E. m'aura fait connaître le jour que les puissances auront indiqué pour l'ouverture du congrès.
Il nous paraît convenable, monsieur, et conforme d'ailleurs à l'usage, qu'il n'y ait aucune troupe à Manheim, et que le service soit fait par la bourgeoisie, en même temps que la police y serait confiée à un bailli, nommé par le grand-duc de Bade. Si l'on jugeait à propos qu'il y eût des piquets de cavalerie, leur force devrait être égale de part et d'autre. Quant aux communications du plénipotentiaire anglais avec son gouvernement, elles pourraient avoir lieu par la France et par Calais.
Une paix sur la base de l'indépendance de toutes les nations, tant sous le point de vue continental que sous le point de vue maritime, a été l'objet constant des désirs et de la politique de l'empereur.
S. M. conçoit un heureux augure du rapport qu'a fait M. de St.-Aignan, de ce qui a été dit par M. le ministre d'Angleterre. »

(3) La lettre de Mettrenich (25 novembre) :
« Le courrier que V. E. a expédié de Paris le 16 novembre, est arrivé ici hier. Je me suis empressé de soumettre à LL. MM. II. et à S. M. le roi de Prusse la lettre qu'elle m'a fait l'honneur de m'adresser. LL. MM. ont vu avec satisfaction que l'entretien confidentiel avec M. de Saint-Aignan a été regardé, par S. M. l'empereur des Français, comme une preuve des intentions pacifiques des hautes puissances alliées; animées d'un même esprit, invariables dans leur point de vue, et indissolubles dans leur alliance , elles sont prêtes à entrer en négociation, dès qu'elles auront la certitude que S. M. l'empereur des Français admet les bases générales et sommaires que j'ai indiquées dans mon entretien avec le baron de Saint-Aignan. Dans la lettre de V. E. cependant il n'est fait aucune mention de ces bases. Elle se borne à exprimer un principe partagé par tous les gouvernements de l'Europe, et que tous placent dans la première ligne de leurs vœux. Ce principe toutefois ne saurait, vu sa généralité, remplacer des bases. LL. MM. désirent que S. M. l'empereur Napoléon veuille s'expliquer sur ces dernières, comme seul moyen d'éviter que, dès l'ouverture des négociations, d'insurmontables difficultés n'en entravent la marche. Le choix de la ville de Manheim semble ne pas présenter d'obstacle aux alliés, sa neutralisation et les mesures de police, entièrement conformes aux usages, que propose V. E. ne sauraient en offrir dans aucun cas. »

(4) La lettre de Caulaincourt (2 décembre):
« J'ai mis sous les yeux de S. M. la lettre que V. E. adressait, le 25 Novembre, à M. le duc de Bassano.
En admettant sans restriction, comme base de la paix, l’indépendance de toutes les nations, tant sous le rapport territorial que sous le rapport maritime, la France a admis en principe ce que les alliés paraissent désirer ; S. M. a pour cela même admis toutes les conséquences de ce principe, dont le résultat final doit être une paix fondée sur l'équilibre de l'Europe, sur la reconnaissance de l'intégrité de toutes les nations dans leurs limites naturelles, et sur la reconnaissance de l'indépendance absolue de tous les états, tellement qu'aucun ne puisse s'arroger sur un autre quelconque, ni suzeraineté, ni suprématie, sous quelque forme que ce soit ni sur terre ni sur mer.
Toutefois c'est avec une vive satisfaction que j'annonce à V. E. que je suis autorisé par l'empereur, mon auguste maître, à déclarer que S. M. adhère aux bases générales et sommaires qui ont été communiquées par M. de St-Aignan : elles entraîneront de grands sacrifices de la part de la France mais S. M. les fera sans regret, si, par des sacrifices semblables, l'Angleterre donne les moyens d'arriver à une paix générale et honorable pour tous, que V. Exe. assure être le vœu, non seulement des puissances du continent, mais aussi de l'Angleterre. »

(5) La lettre de Metternich (10 décembre) :
« Monsieur le duc, l'office que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'adresser le 2 décembre m'est parvenu de Cassel, par nos avant-postes. Je n'ai pas différé de le soumettre à Leurs Majestés. Elles y ont reconnu avec satisfaction que S. M. l'empereur des Français avait adopté des bases essentielles au rétablissement d'un état d'équilibre et à la tranquillité future de l'Europe. Elles ont voulu que cette pièce fût portée sans délai à la connaissance de leurs Alliés. LL. MM. Impériales et Royales ne doutent point qu'immédiatement après la réception des réponses, les négociations ne puissent s'ouvrir.
Nous nous empresserons d'avoir l'honneur d'en informer Votre Excellence, et de concerter alors avec elle les arrangements qui nous paraîtront les plus propres à atteindre le but que nous nous proposons. »

(6) La déclaration de Francfort :
« Le gouvernement français vient d'arrêter une nouvelle levée de 300,000 conscrits. Les motifs du sénatus consulte renferment une provocation aux puissances alliées. Elles se trouvent appelées à promulguer de nouveau à la face du monde, les vues qui les guident dans la présente guerre, les principes qui font la base de leur conduite, leurs vœux et leurs déterminations.
Les puissances alliées ne font point la guerre à la France, mais à cette prépondérance hautement annoncée, à cette prépondérance que, pour le malheur de l'Europe et de la France, l'empereur Napoléon a trop longtemps exercée hors des limites de son empire.
La victoire a conduit les armées alliées sur le Rhin. Le premier usage que LL. MM. II. et RR. en ont fait, a été d'offrir la paix à S. M. l'empereur des Français. Une attitude renforcée par l'accession de tous les souverains et princes d'Allemagne, n'a pas eu d'influence sur les conditions de la paix. Ces conditions sont fondées sur l'indépendance de l'empire français, comme sur l'indépendance des autres états de l'Europe. Les vues des puissances sont justes dans leur objet, généreuses et libérales dans leur application, rassurantes pour tous, honorables pour chacun.
Les souverains alliés désirent que la France soit grande, forte et heureuse, parce que la puissance française, grande et forte, est une des bases fondamentales de l'édifice social. Ils désirent que la France soit heureuse, que le commerce français renaisse, que les arts, ces bienfaits de la paix, refleurissent, parce qu'un grand peuple ne saurait être tranquille qu'autant qu'il est heureux. Les puissances confirment à l'empire français une étendue de territoire que n'a jamais connue la France sous ses rois, parce qu'une nation valeureuse ne déchoit pas pour avoir, à son tour, éprouvé des revers dans une lutte opiniâtre et sanglante où elle a combattu avec son audace accoutumée.
Mais les puissances aussi veulent être libres, heureuses et tranquilles. Elles veulent un état de paix qui, par une sage répartition des forces, par un juste équilibre, préserve désormais les peuples des calamités sans nombre qui, depuis vingt ans, ont pesé sur l'Europe.
Les puissances alliées ne poseront pas les armes sans avoir atteint ce grand et bienfaisant résultat, ce noble objet de leurs efforts. Elles ne poseront pas les armes avant que l'état politique de l’Europe ne soit de nouveau raffermi, avant que des principes immuables n'aient repris leurs droits sur de vaines prétentions avant que la sainteté des traités n'ait enfin assuré une paix véritable à l'Europe. »




Suite au rapport de Lainé, Raynouard, lui aussi membre de la commission spéciale, produisit cette adresse aux allures de brûlot :

« Nous avons examiné avec une scrupuleuse attention les pièces officielles que l'empereur a daigné mettre sous nos yeux. Nous nous sommes regardés alors comme les représentants de la nation elle-même, parlant avec effusion à un père qui les écoute avec bonté. Pénétrés de ce sentiment si propre à élever nos âmes et à les dégager de toute considération personnelle, nous avons osé apporter la vérité au pied du trône ; notre auguste souverain ne saurait souffrir un autre langage.
Des troubles politiques, dont les causes furent inconnues, rompirent la bonne intelligence qui régnait entre l'empereur des Français et l'empereur de toutes les Russies ; la guerre fut sans doute nécessaire, mais elle fut entreprise dans un temps où nos expéditions devenaient périlleuses. Nos armées marchèrent avec celles de tous les souverains du Nord contre le plus puissant de tous. Nos victoires furent rapides, mais nous les payâmes cher. Les horreurs d'un hiver inconnu dans nos climats changèrent en défaites toutes nos victoires, et le souffle du Nord dévora l'élite des armées françaises. Nos désastres parurent des crimes à nos alliés. Les plaintes publiques de la Prusse, les sourds murmures du cabinet autrichien, les inquiétudes des princes de la confédération, tout dès lors dut faire présager à la France les malheurs qui ne lardèrent pas à fondre sur elle. Les armes de l'empereur de Russie avaient traversé la Prusse et menaçaient l'Allemagne chancelante. L'Autriche offrit sa médiation aux deux souverains et s'affranchit elle-même, par un traité secret, des craintes d'un envahissement. Les funestes conséquences de nos premiers désastres ne tardèrent pas à se manifester par des désastres nouveaux. Dantzig et Torgau avaient été l'asile de nos soldats vaincus ; cette ressource nous fut enlevée par la déclaration de la Prusse ; ces places furent enveloppées, et nous fûmes privés par la force des choses de quarante mille hommes en état de défendre la patrie. Le mouvement simultané de la Prusse devint pour l'Europe le signal d'une défection solennelle.
En vain l'armistice de juillet semblait porter les puissances à un accord que tous les peuples désiraient. Les plaines de Lutzen et de Bautzen furent signalées par de nouveaux exploits ; il semble dans ces mémorables journées que le soleil éclaira le dernier de nos triomphes. Un prince fidèle à son alliance appela dans le cœur de ses états l'armée française et son auguste chef ; Dresde devint le centre des opérations militaires. Mais tandis que la cour de Saxe se distinguait par sa fidélité généreuse, une opinion contraire fermentait au milieu des Saxons et préparait l'inexcusable trahison qu'une inimitié mal placée aurait dû laisser prévoir.
La Bavière avait, depuis la retraite de Moscou, séparé sa cause de la nôtre ; le régime de notre administration avait déplu à un peuple dès longtemps accoutumé à une grande indépendance dans la répartition de ses contributions et dans la perception des impôts. Mais il y avait loin de la froideur à l'agression ; le prince bavarois crut devoir prendre ce dernier parti aussitôt qu'il jugea les Français hors d'état de résister à l'attaque générale dont nos ennemis avaient donné le signal. Un guerrier né parmi nous, qui avait osé préférer un trône à la dignité de citoyen français, voulut asseoir sa puissance par une éclatante protestation contre la main bienfaisante à laquelle il devait son titre. Ne scrutons point la cause d'un si étrange abandon, respectons sa conduite, que la politique doit tôt ou tard légitimer, mais déplorons des talents funestes à la patrie. Quelques journées de gloire furent suivies de désastres plus affreux peut-être que ceux qui avaient anéanti notre première armée. La France vit alors contre elle l'Europe soulevée, et tandis que le héros de la Suède guidait ses phalanges victorieuses au milieu des confédérés, la Hollande brisait les liens qui l'attachaient à nous ; l'Europe enfin cherchait à embraser la France du feu dont elle était dévorée. Nous n'avons, messieurs, à vous offrir aucune image consolante dans le tableau de tant de malheurs. Une armée nombreuse emportée par les frimas du Nord fut remplacée par une armée dont les soldats ont été arrachés à la gloire, aux arts et au commerce ; celle-ci a engraissé les plaines maudites de Leipzig, et les flots de l'Elster ont entraîné des bataillons de nos concitoyens. Ici, messieurs, nous devons l'avouer, l'ennemi porté par la victoire jusque sur les bords du Rhin, a offert à notre auguste monarque une paix qu'un héros accoutumé à tant de succès a pu trouver bien étrange. Mais si un sentiment mâle et héroïque lui a dicté un refus avant que l'état déplorable de la France eût été jugé, ce refus ne peut plus être réitéré sans imprudence lorsque l'ennemi franchit déjà les frontières de notre territoire. S'il s'agissait de discuter ici des conditions flétrissantes, sa majesté n'eût daigné répondre qu'en faisant connaître à ses peuples les projets de l'étranger ; mais on veut non pas nous humilier, mais nous renfermer dans nos limites et réprimer l'élan d'une activité ambitieuse si fatale depuis vingt ans à tous les peuples de l'Europe.
De telles propositions nous paraissent honorables pour la nation, puisqu'elles prouvent que l'étranger nous craint et nous respecte. Ce n’est pas lui qui assigne des bornes à notre puissance, c'est le monde effrayé qui invoque le droit commun des nations. Les Pyrénées, les Alpes et le Rhin renferment un vaste territoire dont plusieurs provinces ne relevaient pas de l'empire des lys, et cependant la royale couronne de France était brillante de gloire et de majesté entre tous les diadèmes.
D'ailleurs, le protectorat du Rhin cesse d'être un titre d'honneur pour une couronne, dès le moment que les peuples de cette confédération dédaignent cette protection.
Il est évident qu'il ne s'agit point ici d'un droit de conquête, mais d'un titre d'alliance utile seulement aux Germains. Une main puissante les assurait de son secours ; ils veulent se dérober à ce bienfait comme à un fardeau insupportable ; il est de la dignité de S.A.I. d'abandonner à eux-mêmes ces peuples qui courent se ranger sous le joug de l'Autriche. Quant au Brabant, puisque les coalisés proposent de s'en tenir aux bases du traité de Lunéville, il nous a paru que la France pouvait sacrifier sans perte des provinces difficiles à conserver, où l'esprit anglais domine presque exclusivement, et pour lesquelles enfin le commerce avec l'Angleterre est d'une nécessité si indispensable, que ces contrées ont été languissantes et appauvries tant qu'a duré notre domination. N'avons-nous pas vu les familles patriciennes s'exiler du sol hollandais, comme si les fléaux dévastateurs les avaient poursuivies, et aller porter chez l'ennemi les richesses et l'industrie de leur patrie ? Il n'est pas besoin sans doute de courage pour faire entendre la vérité au cœur de notre monarque ; mais dussions-nous nous exposer à tous les périls, nous aimerions mieux encourir sa disgrâce que de trahir sa confiance, et exposer notre vie même que le salut de la nation que nous représentons.
Ne dissimulons rien : nos maux sont à leur comble; la patrie est menacée sur tous les points de ses frontières; le commerce est anéanti, l'agriculture languit, l'industrie expire ; et il n'est point de Français qui n'ait dans sa famille ou dans sa fortune une plaie cruelle à guérir. Ne nous appesantissons pas sur ces faits : l'agriculteur, depuis cinq ans, ne jouit pas ; il vit à peine, et les fruits de ses travaux servent à grossir le trésor qui se dissipe annuellement par les secours que réclament des armées sans cesse ruinées et affamées. La conscription est devenue pour toute la France un odieux fléau, parce que cette mesure a toujours été outrée dans l'exécution. Depuis deux ans on moissonne trois fois l'année ; une guerre barbare et sans but engloutit périodiquement une jeunesse arrachée à l'éducation, à l'agriculture, au commerce et aux arts. Les larmes des mères et les sueurs des peuples sont-elles donc le patrimoine des rois? Il est temps que les nations respirent ; il est temps que les puissances cessent de s'entrechoquer et de se déchirer les entrailles ; il est temps que les trônes s’affermissent, et que l'on cesse de reprocher à la France de vouloir porter dans tout le monde les torches révolutionnaires. Notre auguste monarque, qui partage le zèle qui nous anime, et qui brûle de consolider le bonheur de ses peuples, est le seul digne d'achever ce grand ouvrage. L'amour de l'honneur militaire et des conquêtes peut séduire un cœur magnanime ; mais le génie d'un héros véritable qui méprise une gloire achetée aux dépens du sang et du repos des peuples, trouve sa véritable grandeur dans la félicité publique qui est son ouvrage. Les monarques français se sont toujours glorifiés de tenir leur couronne de Dieu, du peuple et de leur épée, parce que la paix, la morale et la force sont, avec la liberté, le plus ferme soutien des empires. »


Même s’ils furent prononcés en comité secret, jamais de tels mots n’avaient été lancés par un député à la face du monarque impérial.
Le président Régnier (le duc de Massa était membre de droit de la commission, indépendamment des membres élus par scrutin) avait pourtant tenté d'arrêter Raynouard en s’écriant : « Ce que vous dîtes là est inconstitutionnel ». A quoi Flaugergues avait répondu : « Je ne connais ici rien de plus inconstitutionnel que vous-même, vous qui, au mépris des lois, venez présider les représentants du peuple, quand vous n’avez pas même le droit de siéger à leurs côtés. »

J’ouvre ici une parenthèse. La présidence de Régnier n’avait pourtant rien d’inconstitutionnel, mais, il est vrai, avait fait grincer bien des dents.
Depuis le sénatus-consulte organique du 18 décembre 1803 sur l’organisation du corps législatif, le président était nommé par le Premier Consul, puis l’Empereur sur une présentation de candidats faite par le Corps législatif, au scrutin secret et à la majorité absolue (article 8). Or, Napoléon avait décidé de passer outre. Le 15 novembre 1813, le Sénat votait en effet le sénatus-consulte organique par lequel l’Empereur nommait de son propre choix le président du Corps législatif. Ce jour là, Chaptal avait défendu le projet ainsi :
« Sans doute, jusqu'à ce jour, l’Empereur a trouvé à faire d'heureux choix parmi les candidats qui lui ont été présentes, mais la sagesse du gouvernement, essentiellement prévoyante, doit supposer le cas où la candidature pour la présidence ne présenterait au choix de Sa Majesté que des hommes qui lui seraient inconnus, ou qui ne lui paraîtraient pas réunir toutes les qualités convenables pour remplir dignement une place aussi éminente.
Il y aurait alors embarras dans le choix, ou danger d'en faire un mauvais ; ce qui pourrait avoir des suites fâcheuses.
En effet, Sénateurs, le président du Corps législatif a des rapports fréquents et immédiats avec l’Empereur ; il doit porter aux pieds du trône les vœux des députés et leur reporter la pensée de Sa Majesté ; il doit être l'organe des députations du Corps législatif auprès de Sa Majesté, et exprimer avec dignité les sentiments des hommes les plus recommandables du grand empire; il doit jouir d'une assez grande considération pour être entouré, pendant la session, de l'estime et de la confiance de tous ses collègues, et former par là cet accord de volonté, cette force morale, cet esprit public qui resserrent les nœuds entre les sujets et le souverain et rendent l'obéissance plus douce, les sacrifices moins pénibles, le dévouement plus entier.
Sa Majesté, qui sent le besoin de cette réunion de grandes qualités dans la personne du président du Corps législatif, parviendra plus aisément à faire un choix digne d elle et de ce corps, lorsqu'elle pourra le fixer sur la personne qui lui paraîtra la plus propre à remplir ces hautes fonctions. »

Finalement, la Constitution ainsi modifiée, Régnier (qui d’ailleurs n’était pas député) avait pu été nommé président du corps législatif par décret impérial, le 23 novembre suivant ; décision d’autorité ne contribuant aucunement à apaiser le climat de défiance régnant sur le Corps législatif alors sur le point d’ouvrir sa session. Cambacérès dans ses Mémoires s’en est d’ailleurs fait l’écho :
« La faculté de choisir pour la présidence quelqu’un qui [était] étranger au Corps législatif était une innovation humiliante, qu’il était impolitique de donner à des hommes dont le gouvernement avait besoin. »



Suite au comité houleux du 28 décembre, le Corps législatif décida, deux jours plus tard, par 223 voix contres 31, que le rapport de Lainé serait imprimé.


Napoléon convoqua le soir même un conseil privé.

Dans ses Mémoires, Cambacérès rapporte la conversation qu’il tint à cette occasion avec l’Empereur.
Napoléon : « Il faut dissoudre le Corps législatif. C’est un danger permanent dans un pays en guerre. Ce sont des traîtres à notre porte.»
Cambacérès : « Le rapport est fâcheux. Mais il est fait. Vous ne pourrez jamais empêcher qu’il ne soit rendu public dans les heures qui viennent. Et si vous l’interdisez en France, il sera largement diffusé à l’étranger. Les termes en sont modérés, et parfaitement habituels pour un Anglais. Alors que dissoudre l’assemblée signe le désaccord avec la nation. Quant au danger que la chambre représenterait pendant la prochaine campagne, il sera temps de voir quand les évènements se présenteront. »
La plupart des ministres suivirent l’avis de Cambacérès. Napoléon écouta, mais leva la séance sans un mot.

Deux jours plus tard, le 31 décembre, le Conseil d’état se réunit.
Voici ce que nous dit le Mémorial sur les propos tenus ce soir là par l’Empereur :
« Messieurs, vous connaissez la situation des choses et le danger de la patrie ; j'ai cru, sans y être obligé, devoir en donner une communication intime aux députés du Corps législatif; j'ai voulu les associer ainsi à leurs intérêts les plus chers. Mais ils ont fait de cet acte de ma confiance une arme contre moi, c'est-à-dire contre la patrie. Au lieu de me seconder de leurs efforts, ils gênent les miens. Notre attitude seule pouvait arrêter l'ennemi, leur conduite l'appelle. Au lieu de lui montrer un front d'airain, ils lui découvrent nos blessures; ils me demandent la paix à grands cris, lorsque le seul moyen pour l'obtenir était de me recommander la guerre. Ils se plaignent de moi, ils parlent de leurs griefs; mais quel temps prennent-ils, quel lieu ? N'était-ce pas en famille, et non en présence de l'ennemi, qu'ils devaient traiter de pareils objets ? Étais-je donc inabordable pour eux ? Me suis-je jamais montré incapable de discuter la raison ? Toutefois, il faut prendre un parti : le Corps législatif, au lieu d'aider à sauver la France, concourt à précipiter sa .ruine; il trahit ses devoirs; je remplis les miens, je le dissous [point de dissolution cependant, mais un ajournement].»

Le décret fut alors présenté :
« Napoléon, Empereur des Français, Roi d’Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, Médiateur de la Confédération suisse.
Considérant que les députés de la troisième série du Corps législatif cessent d'avoir leurs pouvoirs aujourd'hui 31 décembre et qu'ainsi le Corps législatif serait désormais incomplet ;
Vu l'article 75 de nos constitutions du 4 août 1802 ["Le gouvernement convoque, ajourne et proroge le Corps législatif"],
Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :
Art. 1er. Le Corps législatif est ajourné.
Art. 2. Notre ministre de l'intérieur nous proposera, sans délai, les mesures nécessaires pour la réunion des collèges électoraux qui doivent renouveler leur liste.
Art. 3. Nos ministres sont chargés de l'exécution du présent décret, qui sera envoyé, par un message, au président du Corps législatif, et inséré au Bulletin des lois. »

Napoléon continua par ces mots :
« Tel est le décret que je rends ; et si l'on m'assurait qu'il doit, dans la journée, porter le peuple de Paris à venir en masse me massacrer aux Tuileries, je le rendrais encore; car tel est mon devoir. Quand le peuple français me confia ses destinées, je considérai les lois qu'il me donnait pour le régir ; si je les avais crues insuffisantes, je n'aurais pas accepté. Qu'on ne pense pas que je sois un Louis XVI ; pour avoir été empereur, je n'ai pas cessé d'être citoyen. Si l'anarchie devait être de nouveau consacrée, j'abdiquerais, pour aller dans la foule, jouir de ma part de souveraineté, plutôt que de rester à la tète d'un ordre de choses où je ne pourrais que compromettre chacun, sans pouvoir protéger personne. Du reste, ma détermination est conforme à la loi ; si tous veulent aujourd'hui faire leur devoir, je dois être invincible derrière elle, comme devant l'ennemi. »

Dans les Mémoires de Savary, on trouve ces propos :
« Parlez, messieurs, vous avez l'expérience de la révolution, vous avez vu où nous ont menés les bonnes intentions qu'avait l'Assemblée constituante ; celle-ci a-t-elle plus de moyens d'éviter de tomber dans des erreurs que n'en avait la première ?
Je n'ai aucun secours à en espérer, puisque elle-même attendra pour se décider que la fortune prononce. Qu'ai-je besoin de cette assemblée, si, au lieu de me donner de la force, elle ne me présente que des difficultés ? C'est bien le moment, lorsque l'existence nationale est menacée, de venir me parler de constitutions et de droits du peuple. Dans un cas semblable à celui où se trouve l'état, les anciens étendaient le pouvoir du gouvernement, au lieu de le restreindre : ici au contraire on va perdre son temps en puérilités, pendant que l'ennemi s'approche. Je ne voulais pas m'en rapporter à mon opinion, mais puisque je vous vois pour la plupart du même avis que moi, mon parti est pris, et je vais ajourner une assemblée qui se montre si peu disposée à me seconder.»

Cambacérès, comme lors du conseil du 29, restait sur ses positions :
« Je voulais dissoudre le Corps législatif. Je me suis borné à l’ajourner.
-Sire, l’un et l’autre parti présentent des dangers.
-Je sais bien que vous protégez le Corps législatif.
-Non, Sire, je n’ai pas une si sotte prétention. Mais j’aime mieux ne pas avoir été consulté sur une mesure qui peut devenir préjudiciable.»
(Cambacérès, Mémoires)


Le Corps législatif ajourné et le vote des députés relatif à l’impression du rapport Lainé jeté aux orties, l’affaire allait connaître son épilogue le 1er janvier 1814.
Ce jour-là, à l’occasion de la nouvelle année, le Sénat, le Conseil d’état, le Corps législatif, la Cour de cassation et Corps municipal de la ville de Paris vinrent présenter leurs hommages à l’Empereur.
Ce dernier en profita logiquement pour tancer violemment les députés :

« Messieurs, vous pouviez faire beaucoup de bien, et vous n'avez fait que du mal.
Les onze douzièmes d'entre vous sont bons; les autres sont des factieux.
Qu'espériez-vous en vous mettant en opposition ? vous saisir du pouvoir ? Mais quels étaient vos moyens ? Êtes-vous représentants du peuple ? Je le suis, moi : quatre fois j'ai été appelé par la nation, et quatre fois j'ai eu les votes de cinq millions de citoyens pour moi. J'ai un titre et vous n'en avez pas. Vous n'êtes que les députés des départements de l'empire.
Qu'auriez-vous fait dans les circonstances actuelles, où il s'agit de repousser l’ennemi ? Auriez-vous commandé les armées ? Auriez-vous eu assez de force pour supporter le poids des factions ? Elles vous auraient écrasés, et vous auriez été anéantis par le faubourg Saint-Antoine et le faubourg Saint-Marceau. Auriez-vous été plus puissants que l'assemblée constituante et la convention ? Que sont devenus les Guadet et les Vergniaud ? Ils sont morts, et votre sort eût été bientôt le même.
Comment avez-vous pu voter une adresse pareille à la vôtre ? Dans un moment où les ennemis ont entamé une partie de notre territoire, vous cherchez à séparer la nation de moi ! Ne savez-vous pas que c'est à moi seul qu'on fait la guerre ? Certes il est honorable pour moi de voir dirigés contre moi les efforts de nos ennemis. Ils savent bien que s'ils me renversaient ils pourraient avoir de grands avantages sur la nation, une fois qu'elle serait séparée de son chef ; et, loin de voir ce qui ne pouvait échapper aux hommes les moins clairvoyants, vous avez servi nos ennemis !
Votre commission a été conduite par l'esprit de la Gironde et d'Auteuil. M. Lainé est un conspirateur, un agent de l'Angleterre, avec laquelle il est en correspondance par l'intermédiaire de l'avocat Desèze. Les autres sont des factieux.
Je suivrai de l'œil M. Lainé : c'est un méchant homme.
Que vous a donc fait cette pauvre France pour lui vouloir tant de mal !
Vous exigez de moi ce que n'exigent pas les alliés. S'ils me demandaient la Champagne, vous voudriez que je leur donnasse la Brie.
Votre rapport est rédigé avec une astuce et des intentions perfides dont vous ne vous doutez pas. Deux batailles perdues en Champagne eussent fait moins de mal.
Vous pouviez faire tant de bien ! J'attendais de vous des consolations. Quoique j'aie reçu de la nature un caractère fort et fier, j'avais besoin de consolations.
J'ai sacrifié mes passions, mon ambition, mon orgueil au bien de la France. Je m'attendais que vous m'en sauriez quelque gré, et lorsque j'étais disposé à faire tous les sacrifices, j'espérais que vous m'engageriez à ne pas faire ceux qui ne seraient point compatibles avec l'honneur delà nation. Loin de là, vous, dans votre rapport, vous avez mis l'ironie la plus sanglante à côté des reproches ! Vous dites que l'adversité m'a donné des conseils salutaires. Comment pouvez-vous me reprocher mes malheurs ? Je les ai supportés avec honneur, parce que j'ai un caractère fort et fier ; et si je n'avais pas cette fierté dans l'âme, je ne me serais point élevé au premier trône de l'univers.
Cependant j'avais besoin de consolations, et je les attendais de vous. Vous avez voulu me couvrir de boue ; mais je suis de ces hommes qu’on tue, et qu’on ne déshonore pas.
Etait-ce avec de pareils reproches que vous prétendiez relever l’éclat du trône ? Qu'est-ce que le trône au reste ? quatre morceaux de bois dorés revêtus d’un morceau de velours. Le trône est dans la nation, et l'on ne peut me séparer d’elle sans lui nuire, car la nation a plus besoin de moi que je n'ai besoin d'elle. Que ferait-elle sans guide et sans chef ?
Je vous le répète, votre rapport était fait dans des intentions perfides. Je le garde pour le faire imprimer un jour, et apprendre à la postérité ce que vous avez fait. S'il circule dans les départements, à votre honte, je le ferai imprimer dans le Moniteur avec des notes, et je ferai voir dans quelles vues il était rédigé.
Lorsqu'il s'agit de repousser l'ennemi, vous demandez des institutions. Comme si nous n'avions pas d'institutions ! N'êtes-vous pas contents de la Constitution, il y a quatre ans qu’il fallait en demander une autre, ou attendre deux ans après la paix pour faire cette demande. Était-ce dans ce moment qu'il fallait la présenter, cette demande ? Vous voulez donc imiter l'assemblée constituante, et commencer une révolution ? Mais je ne ressemblerais pas au roi qui existait alors, j'abandonnerais le trône, et j'aimerais mieux faire partie du peuple souverain que d'être roi esclave.
Vous avez été entraînés par l'esprit de faction, quoique les onze douzièmes de votre corps soient de bons citoyens, et retournent dans leurs départements avec toute ma confiance.
Je sais comment se conduisent les grandes assemblées : un individu se met à droite, un second à gauche, un troisième an milieu, et les factieux s'agitent, et entraînent la majorité. C'est ainsi que vous avez été conduits.
Vont avez nommé cinq membres de votre commission à la commission des finances, comme s'il n'y avait que ces cinq hommes-là au corps législatif. Vous avez repoussé ceux qui tenaient à la Cour, au gouvernement, et pourquoi ? Vous n'avez pas voulu de celui-ci parce qu'il était procureur-général, de celui-là parce qu'il était de la Cour des comptes ; c'étaient pourtant de bons Français, et vous leur avez préféré des factieux. On est venu vous dire qu'avant de combattre il fallait savoir si l'on avait une patrie : on ne trouvait donc de patrie que là où régnait l'anarchie?
Moi aussi je suis sorti du milieu du peuple, et je sais les obligations que j'ai contractées.
Vous pouviez faire beaucoup de bien, et vous avez fait beaucoup de mal ; et vous en auriez fait plus si j'avais laissé imprimer votre rapport. Vous parlez d'abus, de vexations. Je sais comme vous qu'il y en a eu ; cela dépend des circonstances et du malheur des temps. Mais fallait il mettre toute l'Europe dans le secret de nos affaires ? C'est du linge sale qu'il fallait blanchir en famille, et non sous les yeux du public.
Dans tout ce que vous dites il y a la moitié de faux ; l'autre moitié est vraie. Que fallait-il faire ? Me communiquer confidemment tout ce qui était à votre connaissance, département par département, individu par individu : je vous aurais mis en rapport avec mes ministres, mes conseillers d'état ; nous aurions tout examiné en famille ; j'aurais été reconnaissant des renseignements que vous m'auriez donnés, et j'aurais fait punir les dilapidateurs ; je ne les aime pas plus que vous.
Mais dans vos plaintes il y a de l'exagération. M. Raynouard a dit, par exemple, que le maréchal Masséna avait pillé la maison de campagne d'un citoyen de Marseille. M. Raynouard en a menti. Ce citoyen est venu se plaindre au ministre de l'intérieur de ce que sa maison, où logeait le maréchal Masséna, était occupée par le quartier général pendant un temps plus long que ne le permettaient les lois. Il ne s'est pas plaint d'autre chose, et comme le quartier général ne pouvait pas être établi ailleurs, je lui ai fait donner une indemnité. Je vous le dis, il y a de l’exagération dans vos plaintes.
Les onze douzièmes de votre corps retourneront dans leurs départements avec ma confiance tout entière. Qu'ils disent que je veux sincèrement la paix, que je la désire autant que vous, que je ferai tous les sacrifices pour la donner à la France, qui en a besoin.
Dans trois mois nous aurons la paix; les ennemis seront chassés de notre territoire, ou je serai mort.
Nous avons plus de ressources que vous ne pensez. Les ennemis ne nous ont jamais vaincu ; ils ne nous vaincront point, et ils seront chassés plus promptement qu'ils ne sont venus.
Les habitants de l'Alsace et de la Franche-Comté ont un meilleur esprit que vous. Ils demandent des armes, je leur en fais donner ; je leur envoie des aides de camp pour les conduire en partisans.
Retournez dans vos départements; je ferai assembler les collèges électoraux, et compléter le corps législatif. »

_________________
" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


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Message Publié : 11 Sep 2020 16:19 
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Fustel de Coulanges
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Les mots tenus par un Empereur fort courroucé aux députés le 1er janvier 1814 ne sont pas sans rappeler ceux couchés sur le papier, dans le cadre de la rupture du traité d’Amiens, dans une note rédigée par Bonaparte et Talleyrand.
Cette note était une réponse à l’adresse du roi Georges III lancée aux Chambres le 8 mars 1803 :
« En conséquence des armements formidables qui se font dans les ports de France et de Hollande , pendant qu'il existe entre le gouvernement de Sa Majesté et celui de France des discussions dont on ne peut encore prévoir le résultat, Sa Majesté informe la Chambre, qu'animée du désir constant de pourvoir au bien et à la sécurité de ses sujets, elle a jugé nécessaire de faire usage des pouvoirs qui lui sont confiés par un acte du parlement pour convoquer et organiser en corps les milices de ses royaumes, ou telle partie des dites milices que S. M. jugera nécessaire pour la défense et la sûreté de ses états, ne doutant pas que son parlement n'approuve cette mesure. »

Ainsi trois jours plus tard, le Premier Consul et son ministre des affaires extérieures remettait à l’ambassadeur anglais Withworth une note, que ce dernier adressait dès le lendemain 12 mars à Hawkesbury :
« Quant aux différends dont il est parlé dans le message de Sa Majesté Britannique, nous ne nous en connaissons aucun avec l'Angleterre; car il ne parait pas imaginable, qu'on ait prétendu sérieusement en Angleterre se soustraire à l'exécution du traité d’Amiens, sous la protection militaire. L’Europe sait bien que l’on peut tenter de déchirer la France, mais non pas l'intimider. »

La note en question, comme l’avait indiqué Talleyrand, « n’était point une chose à regarder comme absolument officielle ». Ainsi, Withworth était libre de la transmettre ou non.
Cette possibilité dut suffisamment chagriner Bonaparte pour qu’il crut utile, dans sa célèbre colère du 13 mars, de reprendre en partie les mots contenus dans la note en question face à l’ambassadeur anglais qui, comme il l’avait fait deux jours plus tôt, rapporta le lendemain l’échange à Hawkesbury :
« Pourquoi ces armements ? Contre qui des mesures de précaution; je n’ai pas un seul vaisseau de ligne dans les ports de France ; mais si vous voulez armer, j’armerai aussi ; si vous voulez vous battre, je me battrai aussi. Vous pouvez peut-être tuer la France, mais non pas l’intimider. »


Le jour même, Talleyrand écrivait à Andréossy, l’ambassadeur de France à Londres :
« Le Premier Consul étant à la présentation des étrangers qui a eu lieu aujourd'hui chez madame Bonaparte, et ayant trouvé lord Withworth et M. de Markof, l'un à côté de l'autre, leur a dit ces propres paroles :
« Nous nous sommes battus quinze ans ; il paraît qu'il se forme un orage à Londres et qu'on veut se battre quinze autres années. Le roi d'Angleterre a dit dans son message que la France préparait des armements offensifs. Il a été trompé ; il n'y a dans les ports de France aucun armement considérable, étant tous partis pour Saint-Domingue. Il a dit qu'il existait des différends entre les deux cabinets; je n'en connais aucun. Il est vrai que l'Angleterre doit évacuer Malte; Sa Majesté s'y est engagée par le traité. On peut tuer le peuple français, mais non l'intimider. »

Dans le même élan, et quasi avec les mêmes mots, Talleyrand évoqua l’affaire dans sa missive du 16 mars adressée à l’ambassadeur Hédouville à Saint-Pétersbourg :
« Le Premier Consul passant auprès de lord Withworth, qui se trouvait à côté de M. de Markof, lui a dit ces propres mots :
« Nous nous sommes battus quinze ans; il paraîtrait qu'il se forme un orage à Londres; est-ce que le roi d'Angleterre veut que nous nous battions encore quinze autres années ? Dans son message, le roi a dit que la France préparait des expéditions offensives. Il a été trompé par les comptes qui lui ont été rendus, car il n'y a pas, dans les ports de France, un seul bâtiment armé. Le seul armement qui se fasse aujourd'hui est dans les ports de Hollande, et tout le monde sait depuis quatre mois qu'il est destiné pour la Louisiane. Tous les bâtiments français dont nous pouvions faire quelque usage ont été expédiés pour Saint-Domingue. Le roi d'Angleterre a dit qu'il existait des différends entre les deux cabinets : je n'en connais aucun. Il est bien vrai que le traité d'Amiens n'est pas encore totalement exécuté, mais ce serait faire injure à la loyauté anglaise que de croire que, parce que les évacuations n'ont pas été faites au terme de trois mois stipulé par le traité, elle croit avoir acquis le droit de ne les plus faire. Aurait-on eu l'intention, par un armement, d'effrayer le peuple français ? On peut le tuer, mais l'intimider, jamais. »


A noter que cette missive diplomatique se retrouva en grande partie dans les pages d’un journal de Hambourg, Le Correspondant ; article qui fut ensuite repris en France dans le numéro du 12 avril du Journal des débats :
« [Bonaparte] dit en entrant à l’ambassadeur d’Angleterre, qui se trouvait à côté de M ; Markof : « Eh bien ! Nous nous sommes battus pendant douze ans, il paraît qu’il se forme un orage à Londres, et qu’on veut se battre encore douze autres années. Le roi d’Angleterre a dit que la France faisait des préparatifs maritimes immenses, il a été trompé : il n’y a dans les parts de France aucun armement considérable, toute la flotte est partie pour Saint-Domingue et pour les colonies. Quand aux ports de Hollande, cités dans la menace, il n’y a aucun armement commandé par le général Victor, et toute l’Europe sait sa destination pour la Louisiane. Le roi a ajouté qu’il existait des différends entre les cabinets de France et d’Angleterre : je n’en connais aucun. Il est bien vrai que l’Angleterre doit évacuer Malte, et que Malte n’est pas évacué ; mais comme S.M. britannique s’y est engagée par le traité le plus solennel qui ait jamais été fait, on ne peut pas douter que l’évacuation ne soit en effet très prochaine.
Est-ce que par un armement, a repris le premier consul, on voudrait effrayer le peuple français ?
On peut tuer le peuple français, mais jamais l’intimider. »

Savary dans ses mémoires rapporte cette légère variante :
«  Ce fut dans une de ces réceptions [que Bonaparte] laissa éclater plus tard l'humeur que lui donnait la conduite de l'Angleterre. Il venait de lire les dépêches de son ambassadeur à Londres, qui lui envoyait la copie d'un message que le roi avait transmis au parlement, sur de prétendus armements qui avaient lieu dans les ports de France. Tout préoccupé de la lecture qu'il venait de faire, il ne passa pas ce jour-là dans le second salon, et fut droit aux ambassadeurs. J'étais à quelques pas de lui, lorsque, s'arrêtant devant l'ambassadeur d'Angleterre, il l'interpelle avec vivacité :
« Que veut donc votre cabinet ? que signifient ces bruits d'armements dans nos ports ?Peut-on abuser ainsi de la crédulité des peuples, ou ignorer à ce point ce qui nous occupe ? On doit savoir, si l'on connaît le véritable état des choses, qu'il n'y a en appareillage que deux bâtiments de transport qui sont destinés pour Saint-Domingue; que cette colonie absorbe toutes nos pensées, tous nos moyens. Pourquoi donc ces plaintes ? Est-on déjà las de la paix ?Faut-il encore ensanglanter l'Europe ? Des préparatifs de guerre ! nous imposer ! On pourra vaincre la France, peut-être même la détruire; mais l'intimider, jamais ! »



Finalement, dans la droite ligne de la lettre écrite à son attention le 13 mars, Andréossy reçut l’ordre d’adresser, le 28 mars, la note suivante au gouvernement britannique
:
« Le Premier Consul sait, et par ses propres sentiments, et en jugeant des autres peuples par le français, qu'une grande nation ne peut jamais être effrayée. Il croit que la bonne politique et le sentiment de la véritable dignité inspirent toujours d'estimer une nation rivale, et jamais de la menacer. On peut tuer un grand peuple, mais non l'intimider. »


Cette note fut publiée dans le Journal des débats du 23 mai 1803.

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Message Publié : 11 Sep 2020 19:29 
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Inscription : 10 Fév 2009 0:12
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Il étendait donc sa formule personnelle "Je suis un homme qu'on tue, mais qu'on n'outrage pas" (Je l'ai retenue comme cela, même si sa formulation réelle a été un peu différente) à l'ensemble de la nation française.
Confusion entre sa personne et la France? (De Gaulle la faisait volontiers...)

Bonne formule dissuasive, sur le plan diplomatique... :!:

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Message Publié : 12 Sep 2020 17:03 
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Fustel de Coulanges
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Inscription : 06 Fév 2004 7:08
Message(s) : 3532
Pierma a écrit :

Bonne formule dissuasive, sur le plan diplomatique... :!:


Les Britanniques ne l'entendirent guère de cette oreille, et à la note officielle transmise le 28 mars par l'ambassadeur Andréossy, Hawkesbury répondit le 3 avril suivant par ces mots :
« S. M. sait trop ce qu'elle se doit à elle-même et à son peuple, pour acquiescer à de pareils procédés. En conséquence; elle a ordonné au soussigné de savoir distinctement du Gouvernement de France s'il est déterminé à persévérer dans son refus de toute satisfaction et de toute explication sur les objets de plainte de S. M., ou bien s'il est disposé à donner sans délai cette satisfaction et cette explication sur l'état actuel des affaires, de manière à pouvoir conduire à un arrangement qui serait de nature à ajuster les différents qui actuellement existent entre les deux Gouvernements. »

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Message Publié : 12 Sep 2020 17:15 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
.
Drouet Cyril a écrit :
..."... Mais tandis que la cour de Saxe se distinguait par sa fidélité généreuse, une opinion contraire fermentait au milieu des Saxons et préparait l'inexcusable trahison qu'une inimitié mal placée aurait dû laisser prévoir.

Si avec quelques recherches, je suis venue à bout des textes précédents, ici je ne vois pas l'origine de l "opinion contraire" préparant "l'inexcusable trahison".
Est-ce un repositionnement de la Saxe -face aux mouvances anticipant la fin- que ces mots veulent exprimer ?
Merci de votre réponse.
:wink:

Citer :
"... Un guerrier né parmi nous, qui avait osé préférer un trône à la dignité de citoyen français, voulut asseoir sa puissance par une éclatante protestation contre la main bienfaisante à laquelle il devait son titre. ..."

Ceci n'est que forme et encore un peu distordue, nous sommes loin du fond. Il existe un monde entre les Wittelsbach et les Bonaparte.
Il faut remettre -quant au choix de Maximilien- les choses dans leur contexte : sa place de benjamin d'une branche familiale en perte d'une partie de ses biens patrimoniaux. Lors de ce choix, il n'est que le benjamin de la branche Deux-Ponts.
Quant à l'élévation a "royaume", c'est -il me semble- le "dédommagement" pour la perte de ces mêmes biens que la France s'octroie en débordant pour grande partie de ses frontières.

Le Wurtemberg a existé avant d'être élevé "royaume", il existera de manière identique après (la titulature de "Montbéliard" en moins").

Citer :
« S. M. sait trop ce qu'elle se doit à elle-même et à son peuple, pour acquiescer à de pareils procédés.

;)
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