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Message Publié : 26 Juin 2020 12:34 
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Marc Bloch
Marc Bloch

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De loin en loin cette question revient sur la table.

Je signale que la page wiki anglophone est plus riche que la version français, hélas !...

https://en.m.wikipedia.org/wiki/Treaty_of_Amiens

Je résume hâtivement : Bonaparte aurait inquiété les Anglais par son activisme en Europe (Italie et Suisse ) et aux colonies (Louisiane ). Ils auraient craint d'être exclus des affaires continentales et en même temps de perdre des débouchés commerciaux.

Mon commentaire : Bonaparte aurait, si on suit cette thèse, manqué de finesse en créant du stress mais sans violer les traité alors que les Britanniques n'ont pas tenu leurs engagements , en particulier s'agissant de Malte.

N'étant pas un expert je me borne à cette courte introduction.


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Message Publié : 26 Juin 2020 12:55 
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Fustel de Coulanges
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J'avais préparé une courte réponse à vos questions sur l'autre fil. Je la poste ici :

Jerôme a écrit :
Il faudrait cependant re examiner la paix d'Amiens : vraie paix ou simple trêve ? Que voulait Bonaparte ? Qui est vraiment responsable de la rupture ?


Fin 1802, Bonaparte, refusant tout traité commercial avec Londres, jugeait que l’état des relations entre les deux pays équivalait seulement à «une cessation d’hostilités » et non à « une paix véritable » : « nous ne pouvons voir dans nos rapports actuels avec l'Angleterre qu'une espèce d'armistice ».
Bonaparte évoquait ici la politique de Londres vis à vis aux opposants au régime consulaire, mais ce constat devint encore plus évident face à la volonté des Anglais de pas respecter le traité d’Amiens et de le renégocier.

En effet, la paix de 1802, si elle pouvait permettre à l’Angleterre de souffler quelque peu dans une guerre longue et coûteuse et aux perspectives fort nébuleuses au regard de son isolement du moment, ne répondait pas pour autant aux objectifs de Londres visant à ne pas voir sur le continent une puissance dominante, et ce d’autant plus que la prépondérance de la France suite à la signature de la paix alla grandissante avec l’annexion du Piémont, l’acte de médiation suisse, le maintien de la présence militaire en Hollande et la reprise des ambitions coloniales en Amérique (avec un œil sur l’Orient).
La situation était fort inquiétante pour les Anglais ; d’où la volonté de ces derniers de renégocier le traité de paix afin de rééquilibrer les choses à leur avantage ; volonté à laquelle s’opposa celle de Bonaparte, désireux d’obtenir des avantages équivalents à ceux susceptibles d’être obtenus par Londres en cas de réécriture du traité.

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Message Publié : 26 Juin 2020 12:57 
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Marc Bloch
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Localisation : Versailles
Très interressant !

Le wiki anglophone précise que l'armée britannique n'avait pas été démobilisé et conservait des effectifs énormes pour ce pays (180 000 h) - ce qui laisse penser qu'à Londres on n'était guère confiant sur la durée de la paix ...


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Message Publié : 26 Juin 2020 13:20 
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Bref, si je résume, aucun des 2 belligérants n'était content de la paix d'Amiens, et chacun des 2 gardait des moyens "sous le pied" en vue de la reprise futures des hostilités. Reprise même pas potentielle ? Est-ce bien cela ?

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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Message Publié : 26 Juin 2020 14:43 
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Marc Bloch
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Localisation : Versailles
Narduccio a écrit :
Bref, si je résume, aucun des 2 belligérants n'était content de la paix d'Amiens, et chacun des 2 gardait des moyens "sous le pied" en vue de la reprise futures des hostilités. Reprise même pas potentielle ? Est-ce bien cela ?


J ai quand même l impression que la France a respecté les stipulations du traité- mais pas les Anglais ! Me trompe je?


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Message Publié : 26 Juin 2020 14:57 
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Jean Froissart
Jean Froissart

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.
Drouet Cyril a écrit :
Bonaparte évoquait ici la politique de Londres vis à vis aux opposants au régime consulaire, mais ce constat devint encore plus évident face à la volonté des Anglais de pas respecter le traité d’Amiens et de le renégocier.

Est-ce une volonté hégémonique de l'Angleterre de renégocier le traité ou est-ce que l'économie anglaise du moment tout comme les problèmes intérieurs (politique etc.) ont fait qu'une renégociation était nécessaire ?
L'Angleterre avait-elle la possibilité économique d'un conflit ? Quel était l'état de son armée ?
A-t-elle pâti du nouveau statut de la Hollande, au niveau de ses échanges ?
Ceci a-t-il contribué à plomber son économie ?
Lorsque vous employez le verbe "rééquilibrer", vous faites état d'un déséquilibre, d'un déséquilibre relativement nouveau.
Ce déséquilibre est initié par quoi ?
Ce déséquilibre impacte-t-il -ne serait-ce qu'au niveau du Piémont- la seule Angleterre ? Ou risque-t-il d'à plus ou moins long terme toucher l'Autriche ? Voire plus ?
.

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"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


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Message Publié : 26 Juin 2020 15:31 
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Fustel de Coulanges
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Narduccio a écrit :
Bref, si je résume, aucun des 2 belligérants n'était content de la paix d'Amiens, et chacun des 2 gardait des moyens "sous le pied" en vue de la reprise futures des hostilités. Reprise même pas potentielle ? Est-ce bien cela ?


Bonaparte, à contrario de Londres, se satisfaisait du traité signé. Celui-ci arrivait à un moment où la position de la France était forte et susceptible, grâce à la paix, de le devenir davantage, tant sur le continent qu’outre-mer.
C’est cette évolution qui poussa l’Angleterre à ne pas respecter le traité et à exiger sa réécriture.


Jerôme a écrit :
Je résume hâtivement : Bonaparte aurait inquiété les Anglais par son activisme en Europe (Italie et Suisse)


Il ne faut pas ici oublier la Hollande où l’influence française en des contrées de toute première importance pour le commerce britannique ne pouvait être vue qu’avec défiance à Londres, d’autant plus que le maintien là-bas des troupes consulaires apparaissait comme une violation de l’article 2 de la Convention de la Haye du 29 août 1801 :
« Ces troupes, prises du nombre de celles qui se trouvent actuellement en Batavie, y resteront comme auxiliaires jusqu'à la conclusion définitive de la paix avec l'Angleterre. »

Du point de vue de Paris, on pouvait cependant rétorquer que la « conclusion définitive de la paix avec l’Angleterre » (et en conséquence le respect de la convention qui y était liée), ne pouvait être considérée comme effective qu’à partir du moment où le traité sur lequel s’appuyait ladite paix était respecté ; ce que Londres, au grand dam de Bonaparte, ne faisait pas.


Rebecca West a écrit :
.
Ce déséquilibre est initié par quoi ?
Ce déséquilibre impacte-t-il -ne serait-ce qu'au niveau du Piémont- la seule Angleterre ? Ou risque-t-il d'à plus ou moins long terme toucher l'Autriche ? Voire plus ?
.


Comme dit plus haut, la France sortait de la guerre dans une position forte. Celle-ci le devint davantage avec les affaires suisses et piémontaises postérieurement au traité d’Amiens ; à quoi s’ajoutaient, malgré la paix conclue et les stipulations d’une convention engageant la France, le maintien de la force militaire en Hollande, et dans un autre domaine, le renouveau d’une politique coloniale fort ambitieuse en Amérique, tout en se s’interdisant pas de lorgner du côté de l’Egypte, et par là de faire renaître les menaces sur les Indes britanniques.
Il convenait donc à Londres de contrecarrer cette domination et mettre un terme aux ambitions de Bonaparte ; ambitions qui n’inquiétaient pas seulement l’Angleterre qui, de ce fait, pouvait nourrir l’espoir, une fois la guerre déclenchée, de voir naître une nouvelle coalition.

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Message Publié : 27 Juin 2020 15:23 
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Jean Mabillon
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Merci cher Cyril pour votre excellente analyse.

Je voudrais proposer le complément suivant.

Sur plan psychologique : Bonaparte n'etait pas un diplomate mais un militaire qui adhèrait à une conception assez rigide (romaine ?) des traités ("pacta sunt servanda"). Ce qui peut se comprendre.

Sur le plan géopolitique , je pense que Les Britanniques adhéraient à une conception plus souple (hypocrite?) et ne voyaient sans doute dans ce traité non pas un accord sincère et durable mais simplement un élément ponctuel d'un dispositif plus flou mais plus large. En gros Londres aurait peut être accepté l'existence d'une grande France dirigée par Bonaparte. Mais qui n'avait aucune légitimité à dominer l'Europe occidentale ni à reprendre pied en Amérique (voire en Australie...).

Par exemple à Vienne en 1815, on n'a que peu parlé des colonies mais il était clair pour tout le monde que c'était là le champ privilégié du Royaume Uni. ce n'était pas écrit comme cela dans l'acte final du congrès mais c'était clair pour tous ...


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Message Publié : 27 Juin 2020 17:25 
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Fustel de Coulanges
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Aigle a écrit :
Sur le plan géopolitique , je pense que Les Britanniques adhéraient à une conception plus souple (hypocrite?) et ne voyaient sans doute dans ce traité non pas un accord sincère et durable mais simplement un élément ponctuel d'un dispositif plus flou mais plus large.




Sur « l'esprit » du traité tel que vu par les Anglais, on peut citer la lettre qu'écrivit Hawkesbury à Whitworth, le 9 février 1803 :

« En réponse à la dépêche de Votre Excellence du 27 Janvier relativement à la demande qui vous a été faite par le gouvernement français, au sujet de Malte, je ne puis-avoir de difficulté à vous assurer, que Sa Majesté a toujours eu le plus sincère désir que le traité d'Amiens pût être exécuté pleinement et complètement; mais il ne Lui a pas été possible, de considérer ce traité comme ayant été fondé sur des principes différents de ceux qui ont été appliqués invariablement à tout autre traité ou convention antérieures, c'est-à-dire, qu'il n'a jamais été négocié de paix, qu'en se référant à l'état connu de possession des différentes parties, et aux traités ou engagements publics qui les liaient à l'époque où elles concluaient la paix.
Si cet état connu de possession et d'engagements est altéré par le fait de l'une ou de l'autre des parties, d'une manière assez forte pour affecter la nature du pacte commun lui-même, l'autre partie a le droit, suivant le droit des gens, d'intervenir, afin d'obtenir satisfaction ou des compensations pour toute différence essentielle qui peut en être résultée subséquemment dans leur situation respective. Et s'il a jamais été un cas auquel ce principe puisse s'appliquer avec une justice particulière, c'est celui du dernier traité de paix ; car la négociation a été conduite sur une base qui n'a pas été proposée seulement par Sa Majesté, mais qui a été admise et reconnue dans une note officielle par le gouvernement français, savoir, que Sa Majesté garderait quelques-unes de ses conquêtes comme compensation des acquisitions importantes de territoire que la France avait faites sur le continent. C'est là une preuve suffisante qu'il était bien entendu que le traité avait été conclu en se référant à l'état de choses existant alors, puisque les compensations que Sa Majesté gardait étaient calculées par rapport aux acquisitions de la France à cette époque. Et si l'interposition du gouvernement français dans les affaires générales de l'Europe, depuis cette époque; si son interposition par rapport à la Suisse et à la Hollande, dont l'indépendance leur était déjà garantie à l'époque de la conclusion de la paix; si les annexions qui ont été faites à la France de différents côtés, mais surtout en Italie, ont étendu le territoire et augmenté le pouvoir du gouvernement français, Sa Majesté serait autorisée, par l'esprit du traité de paix à demander des équivalents pour ces acquisitions, comme contrepoids à l'augmentation du pouvoir de la France.
Cependant, Sa Majesté jalouse de prévenir toute cause de malentendus, et désirant consolider la paix générale de l'Europe, autant qu'il est en son pouvoir, aurait consenti à renoncer aux prétentions de cette nature qu'Elle pouvait avoir le droit d'avancer; et comme les autres articles du traité définitif s'exécutaient successivement de Sa part, Elle était de la même manière prête à exécuter l'article X, suivant l'esprit et la lettre; mais son exécution est devenue impraticable par des circonstances que Sa Majesté ne pouvait pas empêcher. En conséquence il allait être préparé des instructions pour Votre Seigneurie, d'après ces dispositions, si la publication très extraordinaire du rapport du colonel Sébastiani au Premier Consul, n'avait attiré l'attention du gouvernement de Sa Majesté.
Il est impossible à Sa Majesté de considérer ce rapport autrement que comme une publication officielle; car sans rappeler particulièrement les explications qui ont été données à plusieurs reprises au sujet des publications du Moniteur, l'article en question, étant intitulé Rapport d'un Agent accrédité au Premier Consul, puisqu'il paraît avoir été signé par le colonel Sébastiani lui-même, et étant publié dans le papier officiel, avec un titre officiel en tête, doit être regardé comme autorisé par le gouvernement français. Ce rapport contient les accusations et les insinuations les plus dénuées de justice contre l'officier qui commandait Ses forces en Egypte, et contre l'armée britannique dans cette partie du monde; accusations qui seules autoriseraient Sa Majesté à demander l'espèce de satisfaction, que, dans des occasions de cette nature, des puissances indépendantes, en état d'amitié, ont droit d'attendre les unes des autres. Il découvre, en outre, des vues dangereuses au dernier point aux intérêts des états de Sa Majesté, directement opposées et entièrement incompatibles avec l'esprit et la lettre du traité de paix conclu entre Sa Majesté et le gouvernement français : et Sa Majesté croirait manquer à ce qu'Elle doit à la dignité de Sa couronne, et aux intérêts de Ses états, si Elle pouvait voir avec indifférence un système comme celui-ci se développer et être avoué ouvertement.
Sa Majesté ne peut donc regarder la conduite du gouvernement français en diverses occasions, depuis la conclusion du traité définitif; les insinuations et les accusations contenues dans le rapport du colonel Sébastiani, et les vues que ce rapport découvre, sans ressentir qu'Elle doit déclarer, qu'il Lui sera impossible d'entrer dans aucune discussion ultérieure relativement à Malte, à moins qu'Elle ne reçoive des explications suffisantes au sujet de ce que je vous communique aujourd'hui.
Votre Seigneurie est priée de saisir la plus prompte occasion d'expliquer pleinement les sentiments de Sa Majesté que je viens d'énoncer au gouvernement français. »

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Message Publié : 27 Juin 2020 18:22 
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Que les Britanniques se plaignent d'extensions du territoire français, dont ils font une justification pour garder Malte, me semble assez naturel : d'après cette lettre, la paix est conclue mais Bonaparte continue à réagencer les frontières, ou les relations imposées à la Suisse. Est-ce exact ?

Peut-on dire que Bonaparte a manqué de souplesse, alors que c'était la première période de paix depuis 1792, et que l'occasion ne se retrouverait pas forcément très facilement ? (En réalité il ne la retrouva jamais, à supposer qu'il l'ait cherchée.)

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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Message Publié : 27 Juin 2020 20:34 
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Jean Froissart
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.
Pierma a écrit :
Peut-on dire que Bonaparte a manqué de souplesse, alors que c'était la première période de paix depuis 1792, et que l'occasion ne se retrouverait pas forcément très facilement ? (En réalité il ne la retrouva jamais, à supposer qu'il l'ait cherchée.)

Il faudrait alors évoquer une défiance exacerbée du Royaume-Uni.
Bonaparte a joué ses cartes.
Le problème est qu'au Royaume-Uni, les difficultés intérieures se succèdent :
- maladie du Roi qui devient de plus en plus invalidante,
- relations exécrables du souverain avec son fils,
- l'Irlande,
- des problèmes religieux,
- des difficultés frumentaires,
- une taxe très impopulaire qui -au final- ne rapportera pas ce qui était escompté,
- un ballet de ministres dont certains sont vraiment "intraitables" etc.

Je pense qu'à ce moment le Royaume-Uni n'avait pas le recul nécessaire et comme bien souvent, devant les scénario(i) proposés en politique extérieure, ont fait le choix du pire, à savoir un désir/besoin/ambition d'expansion française auquel il semblait difficiles de gérer les limites.
Avec le Piémont, ceci pouvait impacter déjà une autre royauté : qui serait la prochaine ?
Pour l'extérieur, la France sortait tout récemment de la Révolution et -pour certains- ce nouveau régime établi était tout simplement "révolutionnaire".

Il y a bien sûr ce que l'on signe (déjà bien souvent -à 3- avec des clauses que l'un ou l'autre ignore) et puis ensuite l'interprétation suivant les "sensibilités" mais aussi la politique du moment chez chacune des parties concernées et toujours un temps de projection/anticipation.
Personne ne souhaite se retrouver pris à la gorge alors on essaie des projections qui ne sont pas toujours "heureuses".
Ici, il se trouvera que le besoin d'expansion de la France/Bonaparte sera plus fort au point d'incommoder l'Europe cependant, Bonaparte avait dû lui aussi s'engager dans des promesses qu'il fallait tenir et le seul moyen était de se trouver face à des conflits non stop.
Il faut peu pour faire basculer la meilleure volonté. Il faudrait déjà être "honnête" et la chose politique ne se prête pas à cela.
Ajouter à ceci une ambition personnelle qui ne fera que s'amplifier : les Anglais ont-ils bien flairé le personnage ?
De toutes les manières, si ce n'avait été l'Angleterre, le conflit serait parti d'ailleurs : un peu plus tard vu le profil des régnants de l'époque mais tout autant rigide (Metternich, Alexandre Ier).
La grande différence sera la notion de "temps".
Le temps est compté pour un Bonaparte, pour les Maisons régnantes : non.
Le temps jouera en leur faveur.
***

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Message Publié : 29 Juin 2020 13:03 
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Fustel de Coulanges
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Pierma a écrit :
Peut-on dire que Bonaparte a manqué de souplesse, alors que c'était la première période de paix depuis 1792, et que l'occasion ne se retrouverait pas forcément très facilement ? (En réalité il ne la retrouva jamais, à supposer qu'il l'ait cherchée.)


Disons que Bonaparte et Londres n’avait pas la même vision du traité.
Le Premier Consul, fort de la position de la France avant Amiens, voyait, dans la cessation des hostilités et les dispositions arrêtées dans le cadre du traité, une opportunité pour asseoir et développer cette même position, alors que les Anglais voyaient dans le fait d’avoir fait la paix une entente tacite entre les deux puissances sur le principe de ne pas voir perdurer la politique hégémonique de la France, ou tout du moins d’obtenir des compensations, avec objectif de contrepoids, si cette politique se poursuivait .
Ainsi, si Bonaparte s’attachait au traité tel que rédigé et ratifié, les Anglais s’accrochaient, en réponse, à ce qu’ils nommaient « l’esprit » dudit traité, comme on a pu le voir plus haut dans la lettre qu'écrivit Hawkesbury à Whitworth, le 9 février 1803 (à noter qu’Hawkesbury adressa une note quasi textuelle à Andréossy le 15 mars suivant) :
« Si l'interposition du gouvernement français dans les affaires générales de l'Europe, depuis cette époque; si son interposition par rapport à la Suisse et à la Hollande, dont l'indépendance leur était déjà garantie à l'époque de la conclusion de la paix; si les annexions qui ont été faites à la France de différents côtés, mais surtout en Italie, ont étendu le territoire et augmenté le pouvoir du gouvernement français, Sa Majesté serait autorisée, par l'esprit du traité de paix à demander des équivalents pour ces acquisitions, comme contrepoids à l'augmentation du pouvoir de la France. »

ou encore dans la missive de Whitworth à Hawkesbury du 17 février 1803 où il rapportait la teneur de son entrevue avec Talleyrand :
« [Je rappelai] le principe sur lequel le traité d'Amiens était fondé, et le droit que nous avions naturellement en vertu de ce principe, d'intervenir pour obtenir satisfaction ou des compensations, pour toutes les différences essentielles qui pouvaient être survenues dans la situation relative des deux pays. Je citai les divers cas, en commençant par l'Italie, et finissant par la Suisse, où l'influence et le territoire de la France s'étaient étendus depuis le traité d'Amiens.
Je lui représentai que ce principe de compensation avait été pleinement et formellement admis, dans le cours de la négociation à Amiens. Je lui dis alors que malgré le droit incontestable que Sa Majesté avait acquis par là de réclamer un contrepoids à de telles acquisitions de la part de la France, il m'aurait été donné des instructions qui m'auraient autorisé à déclarer que Sa Majesté était prête [relativement à Malte] à exécuter entièrement l'article X du traité d'Amiens »


Deux visions des choses qui ne sont pas sans rappeler les propos tenus cinq ans plus tard par Champagny (citant Napoléon) à Caulaincourt, le 2 avril 1808, à propos du traité de Tilsit :
« On me répète que je ne suis plus sur l’air de Tilsit ; je ne connais que l’air noté, c'est-à-dire la lettre du traité. »

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Message Publié : 29 Juin 2020 15:11 
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Jean Froissart
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Inscription : 13 Juin 2017 15:04
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.
Drouet Cyril a écrit :
Deux visions des choses qui ne sont pas sans rappeler les propos tenus cinq ans plus tard par Champagny (citant Napoléon) à Caulaincourt, le 2 avril 1808, à propos du traité de Tilsit :
« On me répète que je ne suis plus sur l’air de Tilsit ; je ne connais que l’air noté, c'est-à-dire la lettre du traité. »

J'ai lu le sujet sur Tilsit.
Faut-il alors déduire que Napoléon Bonaparte s'en tenait au sens premier de chaque mot ?
Ce qui est problématique car un mot, dans un contexte donné, peut être interprété de différentes manières.
Se pourrait-il alors que Napoléon Bonaparte validait des traités avec sa propre "compréhension" sans songer à une éventuelle "ouverture" laissée à une autre compréhension ?
Plus encore que Napoléon Bonaparte pensait que sa seule compréhension était la bonne et que donc chacun devait "penser comme lui" ? A défaut, ceci était déjà un "casus belli" ?
Nous sommes bien loin de l'image d'un homme ayant beaucoup lu et curieux des lettres. J'ai du mal à croire/comprendre/voir un tel NB avec des limites aussi étonnantes.
D'autant que concernant Tilsit, le traité n'empêchera pas de se ménager "secrètement" plusieurs "sorties" et d'engager, il me semble plusieurs éventualités au cas où Alexandre Ier ne répondrait pas favorablement aux attentes écrites... ou simplement ne le pourrait pas pour des raisons évidentes.
Faut-il penser ces demandes -celles de Tilsit- comme autant -si ratage(s) d'Alexandre (médiation anglaise, blocus à soutenir, soeur à fournir etc.)- de casus belli pour un conflit ?
Le NB qui se "lâchait" en famille, serait donc le même que celui qui échange avec empereurs et "parterre de rois" ?
J'ai un peu de mal à le croire, cependant je n'ai pas vos données ;) mais soudain je vois tout à fait autrement certains comportements impériaux, tant dans le choix militaire que dans les rapports aux autres (famille et cercle plus agrandi) totalement différemment : de basiques rapports de force.
Serait-ce ceci ?
Comment se fait-il que personne n'ait songé à indiquer à l'empereur que telle ou telle expression pouvait se comprendre ainsi, se retourner comme cela, créer ceci, emporter l'adhésion de cela, être un socle pour ceci, un interdit pour cela ?
Lorsque NB taxait l'empereur Alexandre Ier de "Mon frère..." a-t-il un moment songé que chacun jouait dans une cour différente, avec des codes différents ? 8-| Ou était-ce une réelle familiarité un peu comme son appréciation du tsar : moins idiot qu'on voulait bien le dire... Les deux options cash c'est à dire le reflet de sa pensée (c'est un fait, je crois que cette appréciation était destinée à Joséphine, pourquoi se dissimuler à son épouse ?)... 8-|
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Message Publié : 30 Juin 2020 11:01 
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Fustel de Coulanges
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Inscription : 06 Fév 2004 7:08
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Je ne m’étendrai pas ici sur Tilsit, mais m’en tiendrai à Amiens.

Rebecca West a écrit :
Faut-il alors déduire que Napoléon Bonaparte s'en tenait au sens premier de chaque mot ?
Ce qui est problématique car un mot, dans un contexte donné, peut être interprété de différentes manières.
Se pourrait-il alors que Napoléon Bonaparte validait des traités avec sa propre "compréhension" sans songer à une éventuelle "ouverture" laissée à une autre compréhension ?
Plus encore que Napoléon Bonaparte pensait que sa seule compréhension était la bonne et que donc chacun devait "penser comme lui" ? A défaut, ceci était déjà un "casus belli" ?
Nous sommes bien loin de l'image d'un homme ayant beaucoup lu et curieux des lettres. J'ai du mal à croire/comprendre/voir un tel NB avec des limites aussi étonnantes.


La principale pierre d’achoppement (même si il y eut d’autres sources de conflit) était l’application de l’article 10 :
« Les forces de sa majesté britannique évacueront l’île et ses dépendances dans les trois mois qui suivront l’échange des ratifications, ou plus tôt si faire se peut. »

Il existe d’autres stipulations relatives à l’article 10 ; stipulations sur lesquelles s’appuyèrent plus tard les Anglais pour motiver les retards et au final la non-évacuation de l’archipel, mais dans un premier temps, ces derniers ne mirent pas en avant ces éléments préférant s’attacher à « l’esprit » d’Amiens ; « esprit » exigeant selon eux des compensations en guise de contre-poids aux gains de puissance de la France depuis la paix.
Or, si on reprend votre réflexion :  « Faut-il alors déduire que Napoléon Bonaparte s'en tenait au sens premier de chaque mot ?Ce qui est problématique car un mot, dans un contexte donné, peut être interprété de différentes manières », et que l’on s’en tient à ce passage essentiel de l’article 10, les mots sont ici limpides et n’appellent pas d’interprétations particulières.
Il ne s’agit pas d’ailleurs ici d’interprétation des mots, mais, comme déjà dit, selon la propre expression des diplomates anglais, d’ « esprit » lié au traité et à la paix. Or, Bonaparte ne veut pas entendre parler de cet « esprit » supposé entraîner des compensations en contrepoids à des acquisitions territoriales postérieures au traité, par le fait que ce point ne fait l’objet d’aucun article dans ce même traité, et ne désire se baser que sur les engagements négociés, acceptés, écrits et ratifiés.
Deux visions des choses difficilement conciliables.


Il faut cependant relativiser cet attachement à la lettre sur lequel s’arc-bouta Bonaparte.
En effet, si on reste dans le contexte des négociations diplomatiques postérieures au traité d’Amiens, on peut noter que Bonaparte n’appliqua pas vraiment à lettre, comme il l’exigeait des Anglais vis à vis d’Amiens, deux textes :
-la convention de La Haye, en maintenant des troupes en république batave malgré l’article 2 : « Ces troupes, prises du nombre de celles qui se trouvent actuellement en Batavie, y resteront comme auxiliaires jusqu'à la conclusion définitive de la paix avec l'Angleterre. »
-le traité de Lunéville, en s’ingérant dans les affaires suisses malgré l’article 11 : « Les Parties contractantes se garantissent mutuellement l'indépendance [de la] République [helvétique], et la faculté aux peuples qui [l’] habit[e] d'adopter telle forme de gouvernement qu'ils jugeront convenable »)

Certes ces textes antérieurs à Amiens n’engageaient pas directement la France et l’Angleterre qui, elle, n’était pas signataire ; mais leur non application littérale par Bonaparte amoindrissait aux yeux de ses contradicteurs le poids de sa volonté de voir les Anglais appliquer à la lettre leurs engagements pris à Amiens.

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Message Publié : 30 Juin 2020 15:36 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
.
L'interrogation de Pierma étant très pertinente, j'ai douté de mon "esprit" dans la lecture.
Il fallait donc revoir tous les traités "ratés" (les coalitions inhérentes) et s'interroger sur "l'esprit" de ces traités : "l'esprit" d'outre-Manche était-il similaire à "l'esprit" alexandrin qui lui semblait très éloigné parfois de "l'esprit" de Vienne, quant à l'esprit prussien : il soufflait entre plusieurs châteaux ?
Et les "esprits" vieillissants ? Et les monolithiques ? Les plus déliés ? Les moins "roublards" ? Les plus rassis ?...

Je suis rassurée. Je vous remercie pour cette explication claire.
;)
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