Liber censualis a écrit :
Mais il me semble qu'ils ne laissent pas partir leur bienfaiteur à contrecœur, las qu'ils sont de la guerre incessante et parce qu’elle n'est plus victorieuse.
Justement, certains, pendant 14 ans ont été choyés par lui, mais dès que la guerre est sur le territoire français - chose qui n'était plus arrivée depuis 1793 - ils le lâchent.
Le Sénat impérial avait pourtant voté, entre autres, la levée de 130 000 hommes supplémentaires en octobre 1813, alors qu'il n'y avait plus aucun doute que la guerre se déroulerait sur le sol français dans des conditions qui ne permettraient sans doute pas la victoire.
Pensaient-ils que Napoléon renverserait-il à nouveau une situation très compliquée, qui semblait pourtant perdue d'avance (à 1 contre 7) ? Ou bien, pensaient-ils toujours que l'Empire valait mieux qu'une monarchie restaurée ? Préparaient-ils déjà la transition dans leur esprit, en faisant le contraire dans leurs actes ?
Si on suit le double-jeu de Fouché pendant les Cent-Jours, c'est peut-être déjà ce qui était fait à l'hiver 1813-1814 (en dehors de Talleyrand, qui nous le savons travaillait déjà au retour de Louis XVIII) : il était ministre de la police de Napoléon et échangeait pourtant avec les coalisés, préparant déjà le retour de Louis XVIII en cas de défaite de Napoléon.
Finalement, ils sont moins las de la guerre - elle ne les avait jamais dérangé lorsqu'elle ne se déroulait pas en France - que de la peur de la perte de leurs intérêts et positions.
Liber censualis a écrit :
Donc les buts de la 1ere coalition, formée à l'annonce de la mort de Louis XVI : j'ai sorti J. Droz, Histoire diplomatique de 1648 à 1919, ed. de 2005. p.196, lequel dit (je résume, mais croyez en mon honnêteté) que le 8 avril 1793, Cobourg, commandant de la coalition, définit ses buts de guerre lors d'une conférence à Anvers, par une proclamation officielle affirmant son désintéressement territorial et sa volonté de rétablir la monarchie dans le cadre constitutionnel de 1791. Mais l'empereur Léopold, avec le soutien de ses alliés (Prusse, Angleterre, Piémont, Espagne, etc...) désavoue Cobourg. Il fallait réduire la France à un "véritable néant politique", et surtout la démembrer: Dunkerque et les colonies pour Londres, Alsace et Lorraine pour la Prusse, Navarre et Roussillon pour Madrid...Après le partage de la Pologne, c'était le tour de la France !! La première coalition n'avait cure de Louis XVII ou de Provence...
Vous citez le morceau d'un ouvrage pour lui donner un sens très personnel et fort éloigné des réalités...
Le rétablissement d'une monarchie en France va de paire avec son affaiblissement, il faudrait le reconnaitre. Je cite là un spécialiste de la période et de ce qui nous occupe, S. Bianchi :
Citer :
La fuite du roi, à l’été 1791, est probablement le facteur décisif dans l’hostilité des cours européennes à la Révolution, malgré la fiction de l’enlèvement et le rétablissement du monarque dans ses prérogatives par les feuillants. Elle agit comme un électrochoc, déclenchant des déclarations hostiles et des manifestes de la part des diplomates et préparant des négociations visant à isoler et châtier la France. Georges Lefebvre parle de la constitution d’une « internationale » des aristocrates et des hiérarchies ecclésiastiques face aux réformes touchant aux fondements de la monarchie et des ordres privilégiés.
Des révoltes aux révolutions, Serge Bianchi, p. 375
La déclaration de Pillnitz est une invitation, le 27 août 1791, à rétablir l’ordre en France, comme il l’avait été jusque-là dans tous les espaces troublés par des forces révolutionnaires (Hollande, Brabant). Les formules choisies pour l’intervention commune demeurent vagues : « alors et dans ce cas »… Au moment où la Russie se désengage par l’attaque de la Pologne, la Prusse et l’Autriche s’entendent sur une intervention minimale, de 20 000 hommes pour soutenir le pays attaqué, puis de 50 000 hommes à terme. La mort de Léopold II précipite le dénouement. À partir du 20 avril, la coalition qui se noue est exceptionnelle en Europe. L’exécution du roi est le second électrochoc. Entre janvier et le 30 août 1793 sont signés des traités unissant contre la France la Hollande, l’Angleterre (1er février), la Russie (le 25 mars), la Sardaigne (le 25 avril), Naples (le 12 juillet), la Prusse et l’Autriche naturellement (juillet-août) et le Portugal. En réalité, la coalition ne vit que par les subsides anglais, tant les dissensions des têtes couronnées sont évidentes.
Ibidem,p. 381.
L’ampleur de la coalition implique normalement l’échec des Français et le rétablissement de l’Ancien Régime.
p. 390
Alors, oui cette 1ère coalition est hétéroclite, les monarques ne s'entendent pas toujours entre eux, il y a un problème très net de coordination des troupes coalisés. Mais deux points ressortent très clairement quant aux buts de cette guerre : pour l'Angleterre il faut que la France soit vaincue en tant que puissance (donc démembrée) - c'est pour cela que l'Angleterre est le bailleur de fonds de celle-ci de 1793 à 1802 -, la Prusse est dans le même état d'esprit, tout en rejoignant l'Autriche sur la nécessité de remettre une monarchie absolue, régime légitime en France et en Europe.
Donc, non, ces puissances n'avaient cure du régime politique qui devait prévaloir en France !
Liber censualis a écrit :
Oui, et de tout cela, les alliés sont étrangers.
Euh... comment le dire encore une fois (autrement ?), sans leur victoire par de restauration monarchique.
Donc, ils n'y sont pas étrangers.
Liber censualis a écrit :
Dès 1817, fête de la Wartburg en Allemagne (acception géographique bien sûr), charbonnerie en Italie, agitations libérales un peu partout.
Il y a l'affaire grecque, l'affaire espagnole. Bref, ce que j'ai voulu dire pour vous répondre quand vous dites "les idées révolutionnaires sont étouffées et en France et en Europe", c'est que NON, ça re-bouillonne très vite sous le couvercle de la réaction ! Rien n'est étouffé !!
Heureusement, puisque les aspirations libérales et nationales sont étouffées, des peuples se révoltent.
Mais que font donc les puissances de la Sainte-Alliance contre ces révoltes (la Grèce n'a rien à faire là-dedans, c'est l'empire ottoman qui est concerné) ? Elles interviennent militairement pour écraser ces mouvements populaires et libéraux.
C'est le cas en 1823 en Espagne lorsque la France du "modéré" et "libéral" Louis XVIII envoie des troupes pour rétablir Ferdinand VII comme monarque absolu, les libéraux sont donc balayés par la force.
Vous commettez ici un contre-sens important, car selon vous la Sainte-Alliance et Louis XVIII ne sont pas "réactionnaires", mais l'exemple que vous citez prouve justement le contraire.