Duc de Raguse a écrit :
Effectivement mais un objectif demeure tout de même au-delà des intérêts parfois divergeant des puissances intégrées au sein des coalitions successives entre 1792 et 1808 (au moins) : vaincre la France et lutter contres les idées révolutionnaires afin de rétablir la légitimité en Europe et en France, c'est-à-dire l'Ancien Régime.
Faire en sorte que certaines idées issues de la Révolution ne se propagent pas, c'est indéniable.
La Prusse comme la Russie, je passe sur les raisons (le post serait trop long). Je m'arrête à l'Autriche.
Léopold II ne peut -à sa grande déception- avoir les prises de position du grand-duc de Toscane qu'il était il y a peu. Ajoutez à ceci des priorités : l'économie et ses "royaumes" (ça bouge). Il avait, lui aussi, ses espoirs d'imprimer sa marque mais il y a des dossiers en attente et ces dossiers ne se ferment pas en un jour ou un mois.
Dans un premier temps, il demande à Louis XVI de lâcher un peu de lest. Il n'a pas plus de temps à lui accorder car, de son côté, il se trouve affligé d'un staff très conservateur, d'une aristocratie arc-boutée sur sa "place" et, au final, d'un trône soutenu par les Anglais. Ceci demande de la diplomatie. Ajoutez au tout qu'il n'y a pas un seul instant où il peut "faire le point" avec du recul, c'est le problème de la représentation. Il n'est jamais seul, pas même dans son intimité et ceci est le lot de tous les souverains.
On peut voir de nos jours les dégâts des réseaux sociaux. La Cour est un "réseau social" avant l'heure. Pas de sas de décompression, rien.
Léopold II va devoir s'aligner sur les conservateurs qui sont appuyés par quelques "va-t-en guerre". Il le fait à reculons et l'arrivée des immigrés va être la cerise sur le gâteau. La frange conservatrice se voit abondée de témoins des "choses".
Il va nettement changer entre l'exécution du roi et de la reine. Là, ses idées "éclairées" (il n'a pas attendu la révolution pour abolir la torture et la peine de mort en Toscane) sont heurtées. Ses essais de maintenir un
statu quo n'ont plus lieu d'être d'autant que son fils est aligné sur les conservateurs. Il va céder à la pression tout simplement. Comme on ne peut pas trier, il jette le tout d'autant qu'il se rend compte que ces idées sont belles mais à l'intérieur de ses états, elles sont loin de faire l'unanimité et le tout pose problème.
Ce que veut Léopold, c'est faire en sorte que sa balance budgétaire soit telle qu'il s'émancipe des Anglais. Il sait pertinemment que l'Angleterre n'a pas digéré le coup de main passé -par la France- aux Amériques et que si Louis XVI est dans la "mouise", c'est un juste retour des choses : on va même en rajouter une couche.
Léopold II est obligé de suivre. L'Autriche est un état qui déposera le bilan, créera une planche à billets qui tournera à vide : c'est la catastrophe.
Après les exécutions des souverains de France, il ne comprend plus et là voit ce qui peut éventuellement se passer à sa porte. Il est dans la normalité qu'il s'oppose. Non seulement dans la normalité mais dans son rôle : son job est de passer à son fils une couronne avec des Etats apaisés. Là, on commence à naviguer à vue et, pour un royaume et un empire ce n'est pas la meilleure position. Il faut toujours avoir un temps d'avance.
Alors oui, il fait face maintenant a-t-il la possibilité d'agir autrement ? Je pense que l'homme et le souverain, dans les courts moments d'intimité, se sont livré une rude bataille.
Joseph II ne transmettait pas la couronne directement à un fils et si vous le notez (Alexandre Ier, François II/Ier) la tendance est à laisser "quimper" dans cette configuration, il n'y a pas cette volonté d'ordre dans les affaires. C'est différent pour un père : on met un point d'honneur à besogner pour la suite. C'est une pression de plus.
Maintenant, si vous regardez la Prusse, la Russie : vous avez les mêmes impératifs. De loin, la Révolution est intéressante à observer ensuite il y a une brisure : à chacun la sienne. Pour la Russie, ce sera l'affaire d'Enghien.
Je ne suis qu'une petite piste. Il faudrait lire d'autres interventions car ici, les historiens ne peuvent nous aider. Ils nous apportent le factuel, les textes, les sources mais il faut le contexte (je suis vos cours) et le contexte, il nous appartient de nous en approcher en faisant fi, comme vous l'avez noté, de nos opinions politiques, de nos petits coups de coeur pour tel ou tel, un régime en particulier. Là, ceci tient d'une approche du coeur des hommes au pouvoir, à l'entourage etc.
En ce moment, mon gros problème est que je me demande si l'affaire d'Enghien n'a pas été voulue par Talleyrand pour "handicaper" un pouvoir "montant". Il avait misé sur le bon cheval mais là, il perdait un peu les rênes alors Enghien ? La faute handicapante pour la suite ou véritablement l'erreur politique ? Je penche pour la volonté d'un handicap et ainsi une place assurée (Talleyrand serait ainsi -comme nous disons de nos jours- l'objet transitionnel)...
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