Drouet Cyril a écrit :
L’Autriche […] n’admet pas le droit des puissances à soutenir un prince de la maison des Bourbon, autre que Louis XVIII (sauf acceptation de sa part), désigné par un parti ayant déclaré la déchéance de Napoléon.
Je faisais ici référence à ce passage de la note de Metternich :
« Dans le cas prévu dans les conférences de Langres, que la volonté de la nation française éloignât du trône la dynastie actuelle, l’Empereur proposerait que les puissances décidées à étendre leurs efforts à la réintégration des Bourbons prononçassent, en conformité au but de leur union, la somme des moyens qu’elles seraient réciproquement prêtes à vouer au soutien de la nouvelle cause. S.M.I regardant Louis XVIII comme le seul chef légitime de sa maison, Elle ne permettrait jamais, à moins d’une renonciation libre de sa part à ses droits, de traiter avec un autre prince de cette maison. »
Metternich fait ici référence aux échanges ayant eu lieu deux semaines plus tôt à Langres. A cette occasion, il avait présenté un mémoire à Alexandre, dont voici quelques extraits ayant trait à l’éventualité d’un changement dynastique en France :
«Une autre [question] jusqu'à présent n'a jamais été directement agitée entre les Cabinets, qui, née de la marche même des événements semble s'être placée en première ligne, et qu'il s'agit d'autant plus essentiellement de préciser, que tout me prouve que les vues et les idées des Puissances sur ce point sont encore divergentes.
La dynastie actuellement régnante doit-elle être éloignée du trône ? Quelle autre famille veut-on y appeler?
Les Puissances doivent-elles se mêler directement de cette question ? Doivent-elles la placer en première ou en seconde ligne ? Doivent-elles la provoquer, ou simplement la soutenir ? Un changement de dynastie doit-il former le nouveau but des efforts des Puissances, ou non ? Si cette dernière question est décidée affirmativement, beaucoup de démarches que nous avons faites jusqu'à présent sont fausses. Il faut les arrêter sur-le-champ et virer de bord.
Les puissances ne peuvent pas se trop hâter, dans ce cas, de déclarer que ce n'est pas avec Napoléon qu'elles entendent traiter, qu'elles ne poseront pas les armes, avant que la nouvelle dynastie soit admise, reconnue, assise et affermie sur le trône.
Il faut surtout qu'elles précisent leur volonté sur le choix de la Dynastie. Plus de vague, ni sur cette question ni sur le soutien sur lequel peut compter le parti qui se prononcera en sa faveur.
Les faits placés ainsi sont clairs et précis ; mais, Sire, je les crois non-seulement pas utilement établis, mais j'adopte toujours en entier le point de vue établi et soutenu jusqu'à présent, avec une rare conséquence, par le Gouvernement Britannique ; point de vue fondé sur le respect dû aux questions éminemment nationales, que l'étranger n'a jamais enfreintes impunément, qui a pour base de ne pas s'immiscer directement dans cet objet, d'en réserver l'initiative à la France elle-même, de ne pas le provoquer et de ne pas l'empêcher, mais de tirer de l'existence de Napoléon, tolérée
par la Nation, tout le parti possible, et le même, quant au point de vue général, qu'il serait juste et raisonnable de vouloir atteindre de la réintégration des Bourbons effectuée par la Nation.
Je n'admets pas la possibilité de l'établissement d'une autre dynastie, et ne m'arrêterai pas à démontrer que les Puissances ne sauraient jamais parvenir à donner à un grand peuple un Souverain pris dans un parti positivement faible. Il suffit de connaître la France pour ne pas se tromper à cet égard.
Donc, si la chute de Napoléon peut nous offrir des avantages tels, qu'elle devienne notre vœu suprême, ce vœu ne doit pas raisonnablement être confondu avec le dernier but de nos efforts. Des efforts directs dans ce sens ne sauraient jamais se borner au simple fait de la déclaration de la déchéance du Chef actuel du Gouvernement, et je ne crois pas pouvoir admettre que ni Votre Majesté, ni Ses Alliés, fussent prêts à verser le sang de leurs peuples pour des efforts permanents, voués au soutien du Prince que Leur volonté aurait placé sur le trône d'un grand Empire et dont leur honneur exigerait le soutien.
Mais si je déclare que j'entre complètement dans le point de vue du Gouvernement Britannique, je ne crois pas moins que les mêmes raisons qui nous permettent d'agiter maintenant la question de l'éloignement de Napoléon du trône de France, l'extrême affaiblissement de son attitude, ne doivent nous servir pour arriver à nos fins, dans la supposition qu'il ne voulût pas se rendre aux conditions que nous conviendrions de lui
proposer. Cet objet se lie intimement à la seconde question établie ci-dessus:
Dans la supposition que le but de l’Alliance du mois d'août dernier ne fut pas atteint, quels seraient les moyens d'y arriver ?
Toutes les parties intéressées me paraissent d'accord sur l'avantage qu'il y aurait à placer la négociation sur la base, que ce serait l'Europe traitant avec la France, l'Europe en conséquence déclarant à la France qu'elle lui offre la paix à des conditions précises, et qu'elle (l'Europe) se regarde comme reconstruite sur une échelle également déterminée, cette reconstruction n'offrant plus de matière à discussion.
Dans la supposition que Napoléon se refusât à accéder aux vues des Puissances, la question de la Dynastie se trouverait tout naturellement appelée à soutenir la négociation; elle offrirait des chances pour terminer la guerre, en faisant accéder Napoléon à ces vues, et pour provoquer, d'une manière conséquente à la marche que nous avons suivie jusqu'à présent, la chute même de l'homme, avec lequel on ne serait pas parvenu à s'arranger.
Il se trouve, dans le refus de Napoléon d'accéder à une paix dont nous ne devrions jamais hésiter de promulguer les conditions, une somme de chances de soutien en faveur de notre cause, qui mérite une sérieuse considération.
Il me reste enfin, Sire, à examiner nos rapports, dans la supposition que Napoléon, en rejetant nos bases, nous mit dans le cas de chercher, dans les seules voies de la guerre, le résultat final de l'entreprise si heureusement entamée et conduite jusqu'à ce jour par les Puissances Alliées. Il me paraît hors de doute que dans cette supposition il serait de la plus haute importance que les Cabinets convinssent également, avant que cette chance se réalisât, de leurs vues ultérieures. Plus les questions offrent de côtés liés à des intérêts particuliers, plus il est important sans doute de les aborder franchement, avant que leur solution devienne inévitable. La réunion des trois Souverains et la présence du Ministre anglais prêtent à des facilités que n'offrira plus aucune époque de l'avenir, et il n'est sans doute aucun des quatre grands Cabinets, qui ne doive désirer d'unir de nouveau, dans cette intéressante conjoncture, ses vues à celles des autres Cours, et d'affermir ainsi les rapports qui doivent assurer à l'Europe un état de paix futur.
Je résume le présent travail dans les propositions suivantes, sur lesquelles il me paraît indispensablement nécessaire que les explications les plus franches et les décisions les plus promptes, aient lieu:
[...]
4) La question de la Dynastie doit-elle être mise en première ou seconde ligne, c'est-à-dire, les Puissances veulent-elles donner un Souverain à la France, et le soutenir, ou ne pas se mêler directement de cette question, et la regarder comme objet domestique et intérieur?
5) Les Puissances, dans le cas qu'elles voulussent placer la question de la Dynastie en première ligne, sont-elles décidées à ne se déclarer que contre la personne de Napoléon, ou bien également contre sa succession et en faveur des Bourbons? »
Le Tsar répondit en ces termes :
« Les Alliés conviennent tous qu'ils n'ont pas le droit de délibérer et encore moins de prendre l'initiative sur la dynastie qui doit régner en France. Un changement pareil n'est pas le but de la guerre, et cette question est sans objet maintenant. Les Puissances veulent s'abstenir de faire usage de la victoire pour contraindre le voeu des Français à cet égard, et ce serait ajouter à la gloire des Souverains que de donner l'exemple d'une grande impartialité, au moment même où ils seraient armés de la force. D'ailleurs un Monarque que le voeu général de la nation réprouverait, ne pourrait jamais espérer de régner paisiblement: ce væu éclaterait d'une manière irrésistible dès qu'il pourrait s'énoncer avec liberté, et des intrigues partielles, s'il en existait, ne sauraient jamais l'arrêter. Les Alliés se trouvent donc parfaitement d'accord sur ce point, et cette réponse générale dispense d'en faire à toutes les questions hypothétiques. mises en avant dans le mémoire à ce sujet.
Quel que soit le résultat de nos démarches pacifiques, Sa Majesté pense que la question de la dynastie ne peut jamais devenir l'objet arrêté et concerté d'avance d'une guerre. Le point de droit resterait toujours le même, et quant à la prudence, si Napoléon rejetait les conditions de la paix, il faudrait plutôt croire qu'il a consulté l'esprit de la nation, et qu'il croit pouvoir l'intéresser assez pour en obtenir de meilleures; dans ce cas, la sagesse prescrirait de regarder son obstination comme une preuve de la confiance qu'il a dans ses forces et non comme un symptôme de sa folie, et si cela était, les précautions de la part des Alliés rendraient sa chute encore plus certaine.
[…]
4) Les Puissances ne devraient, d'après l'opinion de Sa Majesté, pas se mêler de la question de la Dynastie. L'Empereur n'a jamais dévié de ce principe.
5) Cette question se trouve décidée par l'opinion énoncée ci-dessus. »