Duc de Raguse a écrit :
... Je faisais état non pas de la guerre (parce que les brissotins n'ont pas hésité sur la question de son opportunité) mais de ses buts ... je souhaitais simplement rappeler que ces révolutionnaires on été pragmatiques
Devant le choix entre pragmatisme et idéaux (les deux vont rarement de paire), il semble que ce fut assez vite fait.
les Brissotins ne se sont pas trop fait prier et, concernant les buts, qui n'ont rien de "
naïfs", il me semble que l'on s'est dépêché d'oublier le droit des peuples à choisir leurs maîtres et faire de ces "
frères" d'éternels "enfants" bon à tutorer tout en rinçant leur économie. Si ceci n'est pas déjà violer la liberté et s'ingérer qu'est-ce ?
Accordez la même compréhension lors des événements de 1814 à d'anciens révolutionnaires si tant est qu'ils ont souhaité initier le vent et faire de même pour les nouveaux tyrans extérieurs
qui cette fois, ne songeait nullement à démembrer quoi que ce soit mais à s'assurer d'une absence de "
naïveté". La "
naïveté" avait coûté un peu cher, on peut alors les comprendre.
Combien d'adeptes au départ sont revenus de leur choix devant la brutalité et la suffisance des "
naifs pragmatiques" que vous évoquez ?
S'appuyer sur un La Fayette, j'avoue qu'il fallait avoir vraiment très envie de rester aux manettes. Très envie -peut être- de finir une Révolution où la majorité des intéressés (le mot est bon) se voyait contentée.
Pour en revenir à l'ingérence, elle semble ne pas avoir attendu très longtemps avant de pointer son nez. Le système d'annexions a suivi (voir la Belgique démembrée : ceci vaut bien une Pologne).
La méthode ancrée dans l'habitude (sans doute est-ce ceci "
maintenir les idéaux de la Révolution" pour partie), Bonaparte maintiendra et Napoléon Ier aussi et confisquera pour l'intérêt des siens. Comme on se plait à le nommer : un pur enfant de la Révolution, je n'évoque pas les "
Lumières" bien souvent opposés aux conflits.
Je ne serais pas intervenue si je n'avais pas eu en tête les "
… trois éléments importants à retenir.".
1- La déclaration de Pillnitz n'allait pas entraîner une coalition quelle qu'elle soit, chacun ayant à faire en politique intérieure, d'où la demande de Léopold II à Trèves afin de calmer les esprits. Je passe sur le 2. Il est vrai que Louis XVI avait tout avantage à un conflit mais à un conflit perdu par la France. On le sait (armoire de fer, tractation avec d'aucuns, essai de La Fayette à retourner l'armée etc.). Le manifeste de Brunswick servit de
casus belli parce-que la décision était prise de belliciser les rapports. C'était ceci ou le naufrage pour la faction au pouvoir.
Les Brissotins s'étaient donné suffisamment de mal pour écarter toute voix dissonante ainsi que pour enfumer la Province en répandant rumeurs et contre-vérités, s'alignant là sur les méthodes des "
contre-révolutionnaires" (il faudrait poser une définition sur ce mot un peu ramasse tout), disons des royalistes.
Les voix dissonantes (Robespierre) se sont tues. Le vin étant tiré, il fallait le boire et faire de ces ingérences et annexions un terreau propice aux idéaux mais attention,
aux idéaux tels qu'ils étaient appréhendés à Paris et non pas se choisir un modèle d'institutions comme l'entendaient -par exemple- les annexés belges (et d'autres) retoqués par Cambon. Ce qui fera là aussi décrocher certains devant la différence entre le discours (droits de l'homme, des peuples à disposer etc.) et les faits.
Je lis de nouveau Condorcet : je m'y essaie entre les lignes et je sais que vous saurez me corriger où encore m'aiguiller si erreurs.
Condorcet n'est pas un foudre de guerre, c'est un homme sage, mandaté et conscient de porter les désirs de certains. Il se réveille tout étonné des pouvoirs dont il est maintenant le dépositaire. Oubliés les désirs des "
passifs" (si cette dénomination n'est pas déjà la preuve d'un privilège, je me demande ce que ceci est). Il va travailler pour sa chapelle comme tous chacun à leur tour.
Et là, les idéaux ne conviennent pas pour garder un pouvoir. Le "
...commerce languit..." ? Pour en faire le pivot d'une réflexion, il faut déjà être impacté par le matériel (et les idéaux ?), appartenir à un milieu qui se voit enrichi par cette Révolution et surtout ne rien souhaiter perdre. Un temps viendra où de telles pensées seront attribuées aux accapareurs et autres "contre-révolutionnaires" agioteurs et compagnie dont la place sera à la trappe (Voltaire aurait dit "
aux petites maisons").
Les assignats ? On ne fait pas une Révolution avec simplement des idéaux : l'armée, la guerre et l'économie ont été le fruit de plusieurs réflexions. On reprend la planche à billets inaugurées sous la Régence mais qui songerait à s'opposer sous prétexte que l'expérience faite antérieurement a accouché d'une banqueroute ? Ce qui montre s'il le fallait la latitude de liberté ou alors l'intérêt de mutualiser -pour un moment- les avis. Le but étant : rester aux manettes pour certains et les récupérer pour les autres.
"
l'état de désunion", il existe déjà des factions bien clivées et ce n'est que le début. "
La confiance diminue..." pour qu'elle diminue, il fallait qu'elle soit déjà entamée. "
Les mécontents se multiplie..." pour une multiplication, il faut un multiplicateur, déjà donc un nombre de mécontents suffisant pour qu'ils puissent peser sur la suite et qu'il faille les occuper à autre chose.
Je n'évoque pas la frange qui n'a rien gagné à cet état de faits mais ceux qui ont soudain à perdre et je ne mets pas toute cette ambiance sur le dos des royalistes. La Province avait suffisamment été abrutie de propagande pour jouer largement d'égal à égal, au pire. Il existe donc des mécontents de la Révolution, du tour qu'elle prend, un désir peut-être de la voir finir. Les esprits sont bien échauffés pour que Condorcet songe déjà à ce qui pourrait lui arriver, c'est dire que la guerre est le
seul moyen de respirer tout en se donnant un second souffle pour la faction dont il fait partie. Je trouve que les idéaux ont largement été rincés et que le "matériel" reprend ses droits.
Je suis scolaire et pragmatique donc je n'appartiens pas à ceux qui se "
… demandent si etc.". Je vois que.
Ces hommes ne sont pas illuminés. Ils donnent dans la surenchère mais sont bien ancrés dans une réalité qui les fait être les privilégiés.
Passer la main ? Ceci aurait été tellement plus facile pour tirer les marrons du feu, les Brissotins savaient que laisser place à la frange pure et dure annoncerait leur fin. Ivres d'un pouvoir nouveau, ils n'oeuvrent plus pour les idéaux mais leurs intérêts. Rien n'est suffisamment ancré pour voir ceux-ci devenir pérenne.
Reculer et écouter certains ? Impossible, c'est déjà partager ce pouvoir. Ceci sera constaté chez Napoléon Ier. Le pouvoir est un puissant plaisir, s'en passer est impossible. C'est la fin, la mort.
Alors restent les canons et toute une frange d'hommes bien enfumés qui iront se faire mitrailler -dans un premier temps- pour les acquis d'une minorité qui bientôt va s'arroger des privilèges, non pas très nouveaux (il suffit de se pencher sur l'après 1815) mais que l'on aura enrobé de mots nouveaux.
Je ne suis pas étonnée du nombre d'avocats dans les rangs des principales factions. Qui mieux qu'un avocat sait manier les mots, les tourner, les confondre et se montrer tant convaincant ? On jouera de tout : la méfiance, les rumeurs, les craintes, les terreurs, la nouveauté, les démonstrations de "pureté", l'annexion, Liberté-Egalité-Fraternité, le peuple, l'opinion, la nation, la patrie, le pillage, la délation, la mort.
Chacun est dans son rôle : "tyrans" comme "révolutionnaires". Je constate sans juger. C'est la normalité des choses, des entreprises humaines faites au nom de ceci ou cela, malheureusement.
Désolée pour le pavé mais je suis loin d'avoir votre capacité à résumer. Résumer d'ailleurs de tels événements est risquer de les faire apparaître tels que nous souhaitons les aborder et non tels qu'ils se déroulèrent.
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