La stabilité politique durant le Consulat et l’Empire a permis la consolidation des réformes initiées depuis 1789. Il en est résulté diverses réalisations dont le Code Civil mais la plus considérable à mon sens est la réorganisation en profondeur de l’administration. Des anciennes institutions administratives il n’est guère resté que le premier niveau du découpage administratif du territoire, les communes ayant été définies à partir des paroisses. Pour le reste, tout est nouveau :
- souveraineté de la Nation et, en conséquence, primauté du droit positif sur les autres sources de droit,
- égalité des citoyens à la naissance et égalité devant la loi,
- abolition de la vénalité des charges publiques,
- laïcisation de l’État,
- centralisation et abolition des particularités régionales : la République est une et indivisible,
- principe de la conscription militaire pour défendre la patrie,
J’en oublie peut-être.
Le code civil intègre ces acquis de la Révolutions. En cela il est révolutionnaire mais, pour le reste, il est peu innovant.
Le socle du droit des obligations, du droit de la propriété et de la procédure civile reste le droit romain et les anciennes coutumes ont été reprises en grande partie. C’est ce qui explique notamment, comme le faisait remarquer Nebuchadnezar, le partage égal entre les héritiers qui était entré dans les mœurs pour la majorité de la population.
La place de la femme dans la société qui se révèle dans le code civil dans sa rédaction originelle était elle aussi dans les mœurs du temps. Il devait être semblable à ce qu’il était dans les autres pays d’Europe. Je ne suis pas sûr qu’il ait régressé entre 1789 et 1804. La femme mariée était sous la tutelle de son mari mais, si elle n’était pas mariée, elle était pleinement autonome. Il faut nuancer. Quelques femmes étaient chef d’entreprise. La plus connue est la Veuve Cliquot mais il y en avait d’autres, par exemple Rosalie Huzard, imprimeur-libraire qui avait succédé à sa mère. On peut aussi penser au truculent personnage de Balzac, Angélique Madou, marchande de noisettes aux Halles, qui apparaît dans César Birotteau.
L’adultère de la femme était plus sévèrement sanctionné que celui du mari. Mais il ne faut pas oublier que la présomption de paternité du mari était irréfragable. Un désaveu de paternité n‘était possible qu’à condition de prouver un éloignement physique. Ceci explique cela.
La style du code civil est remarquable. En 2004, le bicentenaire de sa promulgation a été commémoré par l’Académie Française :
https://www.academie-francaise.fr/sites/academie-francaise.fr/files/broglie-code_civil.pdf. Paul Valéry rangeait le code civil parmi les chefs d'œuvre de la littérature. On peut louer les qualités littéraires du code civil. Toutefois trop de concision peut entraîner des difficultés d’interprétation. Ainsi l’article 2 :
La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif. L’idée est simple et elle est clairement exprimée. Mais c’est beaucoup plus compliqué que cela paraît à première vue et cela a donné du travail aux théoriciens du droit ainsi qu'aux tribunaux.
Le code civil a été mis en vers.
Quand le Premier Consul a promulgué les lois
Elles ont force exécutoire,
Et l’on doit, en ce cas, obéir à leur voix,
Des Français dans le territoire ;
Elles auront leur exécution
Sur chaque point de notre république,
Dès que la promulgation en sera tenue et publique.(J-H F.R. - Paris - 1805