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Message Publié : 21 Jan 2024 0:32 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 23 Déc 2004 18:02
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Localisation : Généralité de Riom & Bourbonnais
bonjour

j'ai vu passer de temps à autre dans quelque autre forum que dans la France Napoléonienne pas plus de "10" à "25%" des gens comprenaient le français, le reste ne bredouillant que des patois,
ainsi par exemple les Lyonnais (département à 70% alphabétisé vers 1820 quand la moyenne nationale était de 55%) auraient été incapables de comprendre les Marseillais (sic!)

je suis assez perplexe devant de tels clichés voire caricatures et la lecture de certaines statistiques départementales rédigées sous l'Empire brossent un paysage linguistique un peu plus pénétré par la langue française que cette France peuplée de tribus gauloises ignares patoisantes

Ain
La langue françoise est la seule en usage dans ce département. A part quelques expressions locales, on la parle généralement assez bien; depuis quelques années surtout elle est devenue l'objet d'une étude particulière dans les différentes villes du département, et principalement dans le chef-lieu. On peut dire qu'il est peu de pères de famille jouissant de quelqu'aisance, même parmi les artisans, qui ne tiennent à ce que leurs enfans de l'un et de l'autre sexe reçoivent ce genre d'instruction; et il est satisfaisant de voir que ce n'est pas sans succès.
Quant à l'habitant des campagnes de la Bresse, il parle un dialecte ou patois qui varie sans cesse dans les différents points du département, et souvent même de commune à commune.


même dans un département très rural et montagneux donc à priori isolé que l'on peut supposer en retard
Hautes-Alpes
l'idiome vulgaire, dans les Hautes-Alpes, dit M. Farnaud , est un patois. Ce patois est le langage dominant dans ce Département. Les bourgeois eux-mêmes, dans leurs conversations particulière s , n'y renoncent pas. C'est ordinairement le premier que leurs enfants apprennent; l'activité que l'administration a mise dans ses relations avec les campagnes, la curiosité, les nouvelles publiques, le mouvement que la révolution a imprimé à toutes les classes, la nécessité de connaître les lois et de s'y conformer ;
tout a contribué à rendre l'usage du français plus familier aux habitants; et s'il en est encore qui ne le parlent pas, il en est très peu qui ne le comprennent pas.


Mont-Blanc
les habitants des campagnes entendent généralement le français et plusieurs le parlent, ce qui est l'effet en bonne partie des migrations annuelles. Le patois des villes et des bourgs s'est, pour ainsi dire, francisé. L'étude et la pratique de la langue française ont fait des progrès sensibles dans toutes les classes de citoyens depuis la Révolution.
On parle généralement mieux le françois à Chambéry que dans plusieurs villes de l'ancienne France, au moins est-il certain que la prononciation n'y est défigurée par aucun accent


Haute-Vienne
Dans les villes on parle françois, mais avec une prononciation vicieuse. L'accent limousin ne se perd que difficilement, même chez ceux qui font de longues absences. Les habitants des campagnes entendent un peu la langue françoise, mais ils ne peuvent la parler qu'avec beaucoup de peine; ils ont un langage particulier qui a plus ou moins de rudesse, et qui varie à l'infini pour le dialecte et pour l'expression.

le Limousin semble plus en retard que les Hautes-Alpes

je n'ai pas trouvé les autres départements de cette Statistique Générale de la France - collection complète des Mémoires Statistiques des Départements de l'Empire rédigés par MM les Préfets et publiés par ordre de Sa Majesté L'Empereur et Roi

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"A moi Auvergne"


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Message Publié : 21 Jan 2024 0:56 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
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Inscription : 23 Mars 2005 10:34
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Localisation : Nanterre
Loïc a écrit :
j'ai vu passer de temps à autre dans quelque autre forum que dans la France Napoléonienne pas plus de "10" à "25%" des gens comprenaient le français, le reste ne bredouillant que des patois, ainsi par exemple les Lyonnais (département à 70% alphabétisé vers 1820 quand la moyenne nationale était de 55%) auraient été incapables de comprendre les Marseillais (sic!)
Je pense que ces affirmations doivent entremêler les degrés de "francophonie" qui sont détaillés plus bas dans votre recherche.
Une langue peut être simplement comprise, parlée dans les échanges avec les autorités ou avec les communautés extérieures, parlée dans le foyer en cohabitation avec une autre, ou constituée une langue natale exclusive. De même, elle peut être lue uniquement à haute voix, lue silencieusement, écrite pour des textes religieux ou administratifs, écrite pour les échanges usuels, écrites pour les écrits personnels...

Affirmer péremptoirement que des voyageurs pourraient être complètement perdus d'une région à l'autre semble hasardeux. Qu'ils puissent rencontrer de nombreux patois où des mots ne sont pas reconnaissables, c'est probable. Qu'ils soient incapables de trouver des gens instruits qui parlent un français acceptable, ou, s'ils sont cultivés, du latin de cuisine, paraît tout de même difficilement croyable.
En tout cas, dans les armées, je n'ai jamais entendu parler de problème de langues qu'on peut trouver dans les armées d'empires multi-ethniques comme l'armée d'Autriche-Hongrie.

Par contre, ce qui est sûr, c'est que de nombreux patois ont subsisté jusqu'au début du XXe siècle. C'est l'action de l'école de la IIIe république avec ses hussards noirs qui les a fait décliner, et peut-être la télévision qui les a achevés.

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Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
George Orwell


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Message Publié : 21 Jan 2024 9:53 
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Inscription : 20 Juin 2003 22:56
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Localisation : Provinces illyriennes
Nebuchadnezar a écrit :
En tout cas, dans les armées, je n'ai jamais entendu parler de problème de langues qu'on peut trouver dans les armées d'empires multi-ethniques comme l'armée d'Autriche-Hongrie.

Il me semble que lorsque certains éléments de la IIème armée de la Loire se sont retrouvés avec des bataillons issus de l'Ouest de la France à l'automne 1870, la communication entre soldats n'était pas toujours aisée.
Il faudrait que je retrouve les sources.
En terme de renseignement sur l'alphabétisation au sein de l'armée française, celle-ci produit sa première étude statistique en 1827-1829. A cette date, 44, 8 conscrits sur 100 seulement savaient lire. Il n'y a pas de précisions sur la question de l'usage des patois et dialectes.

Pour la période révolutionnaire, l'usage de ces patois et dialectes a été source de problèmes politiques et sociaux pour la Convention montagnarde. Ils sont accusés de propager des idées contre-révolutionnaires. Barère en fait le constat en janvier 1794 dans son rapport du CSP :
Barère a écrit :
"Quatre points du territoire de la République méritent seuls de fixer l'attention du législateur révolutionnaire sous le rapport des idiomes qui paraissent les plus contraires à la propagation de l'esprit public et présentent des obstacles à la connaissance des lois de la République et à leur exécution.
Parmi les idiomes anciens, welches, gascons, celtiques, wisigoths, phocéens ou orientaux, qui forment quelques nuances dans les communications des divers citoyens et des pays formant le territoire de la République, nous avons observé (et les rapports des représentants se réunissent sur ce point avec ceux des divers agents envoyés dans les départements) que l'idiome appelé bas-breton, l'idiome basque, les langues allemande et italienne ont perpétué le règne du fanatisme et de la superstition, assuré la domination des prêtres, des nobles et des praticiens, empêché la révolution de pénétrer dans neuf départements importants, et peuvent favoriser les ennemis de la France."

L'abbé Grégoire est encore plus incisif quatre mois plus tard :
L'abbé Grégoire a écrit :
"Il n'y a qu'environ quinze départements de l'intérieur où la langue française soit exclusivement parlée ; encore y éprouve-t-elle des altérations sensibles, soit dans la prononciation, soit par l'emploi des termes impropres et surannés, surtout vers Sancerre, où l'on retrouve une partie des expressions de Rabelais, Amyot et Montaigne.
Nous n'avons plus de provinces, et nous avons encore environ trente patois qui en rappellent les noms.
Peut-être n'est-il pas inutile d'en faire l'énumération : le bas-breton, le normand, le picard, le rouchi ou wallon, le flamand, le champenois, le messin, le lorrain, le franc-comtois, le bourguignon, le bressan, le lyonnais, le dauphinois, l'auvergnat, le poitevin, le limousin, le picard, le provençal, le languedocien, le velayen, le catalan, le béarnais, le basque, le rouergat et le gascon ; ce dernier seul est parlé sur une surface de 60 lieues en tout sens.
Au nombre des patois, on doit placer encore l'italien de la Corse, des Alpes-Maritimes, et l'allemand des Haut et Bas-Rhin, parce que ces deux idiomes y sont très-dégénérés. (...)
On peut assurer sans exagération qu'au moins six millions de Français, surtout dans les campagnes, ignorent la langue nationale ; qu'un nombre égal est à peu près incapable de soutenir une conversation suivie ; qu'en dernier résultat, le nombre de ceux qui la parlent n'excède pas trois millions, et probablement le nombre de ceux qui l'écrivent correctement encore moindre."

Le rapport de Barère entraine l'envoi d'instituteurs dans ces régions pour l'apprentissage du français.
On ne sait pas quel a été le résultat de cette politique d'instruction publique. Sans doute modéré en raison du manque des moyens offerts (les communes devant supporter l'essentiel des coûts) et du contexte politique et militaire du moment.

Loïc a écrit :
ainsi par exemple les Lyonnais (département à 70% alphabétisé vers 1820 quand la moyenne nationale était de 55%) auraient été incapables de comprendre les Marseillais (sic!)

Je pense également que cela est exagéré.

Le problème de l'instruction publique avant le Second Empire et, surtout, de la IIIème République est que la variété de sa mise en oeuvre dans les départements français est très importante, que les coûts sont trop importants pour la moitié des communes rurales - ce qui explique aussi le maintien des religieux -, que le clergé catholique exerce encore une forme de magistère sur celle-ci et est peu enclin aux réformes et qu'une grande partie des agriculteurs (majoritaires dans la population) n'envoient pas leurs enfants à l'école ou alors de manière ponctuelle. Pas évident dans ce contexte de faire progresser l'alphabétisation en français "correct".

La seule étude globale sur l'évolution de l'alphabétisation en France de Louis XIV à Napoléon III est contenue dans le rapport Maggiolo - à la méthode discutable de se fonder essentiellement sur les signatures des actes de mariage :
https://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1957_num_12_1_5553

Je n'ai malheureusement rien trouvé pour la période impériale, mais peut-être que Cyril dispose de quelques pistes.

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


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Message Publié : 21 Jan 2024 10:18 
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Inscription : 10 Fév 2009 0:12
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Au début de la Grande Guerre, l'armée est encore organisée par zones de recrutement, ainsi le 60e Ri est le régiment de Besançon, et c'est en partie à cause de l'usage du patois.
Cette pratique est rapidement abandonné, dès 1915 les soldats sont affectés selon les besoins en remplacements. Preuve que le patois n'est plus un obstacle. Cette pratique pouvait aussi simplifier la mobilisation, mais elle avait le grave inconvénient de désoler une ville entière lorsqu'un régiment était décimé. Un total des pertes difficile à cacher...

Malgré les "Hussards de la République", les patois - et les langues régionales - ont perduré longtemps. J'ai entendu dans les années 60 mon grand-père parler patois avec des vieux de Dole. (Jura.)

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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