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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 21 Oct 2012 9:12 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

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Cyril, ce que dit Sokolov, ce n’est pas qu’il n’y avait pas de fondement stratégique à une opposition implacable ni à un affrontement armé inéluctable en 1812.
Il dit qu’à partir de 1807, de l’écrasement de la Prusse (poussée à la guerre à outrance par Alexandre) qui débouche sur la résurrection d’un embryon de Pologne et sur une présence politique et militaire française durable près des frontières russes (garnisons/forteresses en Prusse), il y avait effectivement les conditions objectives d’un conflit structurel entre la France et la Russie.
Mais il dit aussi qu’avant 1807, il n’y avait pas objectivement de cause de conflit inévitable entre France et Russie. Ce en quoi je le suis plutôt : on ne vise pas un conflit sans limite visant à faire chuter la puissance adverse et son chef pour quelques principautés. Or, et sur ce point l’ouvrage de M-P Rey converge avec celui de Sokolov, dès 1801 Alexandre s’inscrit sur une trajectoire de collision avec Napoléon.

Le fait que Sokolov ne se soit pas étendu sur la correspondance dissonante entre Alexandre et Czartoryski que vous mentionnez n’invalide pas nécessairement son analyse et son raisonnement.
D’une part Alexandre tergiversait beaucoup, ce qui n’a pas aidé ses ministres et serviteurs à mettre en œuvre une politique cohérente de manière anticipée.
D’autre part, je me demande s’il faut à tout prix accorder foi à tout ce qu’a écrit et dit Alexandre. Alexandre était particulièrement dissimulé et manipulateur (ce qui n’est pas un reproche mais plutôt une qualité pour un homme d’Etat dans un système autocratique). Et même si Czartoryski était véritablement son ami, il ne faut pas oublier que Czartoryski était l’un des plus grands princes de Pologne et qu’à l’approche de l’affrontement armé il a demandé à son ami Alexandre de le délier de ses engagements/ obligations (de nature féodale) envers lui, le tsar, afin qu’à tout le moins il puisse rester neutre et ne pas être un paria dans on pays une fois que la grande Pologne aurait été restaurée. Car à l’approche du conflit, peu de gens doutaient du succès militaire de Napoléon et de sa grande armée. Quasiment tout le monde était convaincu que Napoléon allait l’emporter rapidement dans une guerre limitée aux frontières mais intense.

Et ils avaient raison de n’en pas douter, car pour que les vagues idées de stratégie de longue retraite visant à épuiser l’armée française dans les profondeurs et l’hiver russes soient autre chose que des considérations hors sol, encore aurait-il fallu que Napoléon ait eu alors le projet d’aller chercher l’armée russe jusque dans les profondeurs des steppes russes.
Or ce n’était pas le cas. Grâce à Tchernytchev, Alexandre et ses proches étaient remarquablement informés sur les préparatifs et les projets de Napoléon. Et ils savaient donc que Napoléon visait, s’il n’était pas possible de rétablir la confiance par une négociation politico-diplomatique, à un conflit aux frontières et de courte durée. Dans ces conditions, répéter religieusement, en sautant comme des cabris, « On va lui refaire le coup de Poltava ! On va lui refaire le coup de Poltava ! On va lui refaire le coup de Poltava ! » était totalement vain et déconnecté des réalités.
La réédition d’une telle stratégie ne pouvait être pertinente que si Napoléon voulait aller jusqu’au fin fond des steppes. Or, ni en mars 1812, ni en mai, ni en juin, ni en juillet Napoléon ne le voulait. Il a changé d’avis après coup et, comme nous avons déjà pu l’évoquer avec CNE503 notamment, ce fut là son erreur fatale et ce fut là la cause qui permit aux acteurs du conflit, français comme russes, d’écrire et de dire a posteriori, de manière donc totalement anachronique, que la défaite était inévitable.

A quoi aurait servi la retraite en profondeur de l’armée russe si la Grande Armée s’était arrêtée peu ou prou aux frontières de 1772 et préparé son cantonnement en cas de refus russe de négocier ?
De même, ce que montre bien Sokolov c’est que bâtir et renforcer des forteresses ne sert en soi pas à grand chose si l’environnement géographique rend la forteresse peu pertinente. D’ailleurs, Lieven mentionne, si je m’en souviens bien, que Barclay de Tolly a signalé qu’il aurait fallu 2 décennies pour bâtir un réseau de forteresses qui sécurise de manière un tant soit peu efficace la frontière occidentale de la Russie. La grande plaine polonaise et la steppe russe, c’est tout à fait autre chose que les défilés de Torres Vedras ou le Rhin.

L’analyse de Sokolov, qui combine sources sérieuses et faits pour tester la crédibilité des premières à la lumière des seconds, tend plutôt à montrer que :
- la seule chose de concrètement planifiée par Alexandre et ses généraux, c’était une offensive militaire vers l’ouest visant à repousser Napoléon et la présence française à l’ouest de l’Oder. Il a d’abord essayé sa chimère du ralliement de la Pologne puis, Godot ne venant pas, il a tenté d’obtenir le ralliement de la Prusse et de l’Autriche, en quoi il a bien sûr échoué car Prusse et Autriche faisaient une lecture rationnelle du rapport de forces et n’imaginaient pas d’autre issue au conflit qu’une victoire française. Jusqu’aux dernières semaines avant l’éclatement du conflit, et ce depuis 1810, une grande armée russe était massée aux frontières du grand duché de Varsovie.
- il n’y avait pas de plan sérieux reposant sur du concret pour une stratégie de retraite et d’attrition de l’ennemi. Face à ces échecs diplomatiques successifs, Alexandre n’avait pas de sérieuse stratégie de rechange. Simplement, s’il devenait impossible d’attaquer un ennemi trop puissant, eh bien Alexandre ne traiterait pas, ne céderait pas, mais reculerait aussi loin qu’il le faudrait.

Eh bien, il est hautement vraisemblable que cela aurait débouché sur la chose suivante, si Napoléon s’en était tenu à la stratégie initiale. Au printemps suivant, au mieux Alexandre aurait tenté un retour offensif (comme en 1807) et il aurait échoué et alors soit il aurait été obligé de traiter à des conditions sévères, soit il aurait voulu poursuivre le combat mais aurait été renversé et remplacé par un tsar plus disposé (par exemple le grand-duc Nicolas).

Autre point sur lequel je reviens : le plan Phull. Je ne sais pas si M-P Rey l’a lu, mais Sokolov, lui, l’a épluché en entier et n’en est pas resté à ce que des générations d’auteurs qui ne l’avaient eux-même jamais lu ont pu en dire. Le plan Phull, ce sont 150 pages de délire d’un homme qui écrit au jour le jour ce comment la guerre va se dérouler, unité par unité, et qui en annonce à l’avance le résultat, avec en plus des calculs complètement loufoques sur les volumes de nourriture et modalités de transport de la logistique. N’importe lequel d’entre nous aurait pu s’amuser à faire un plan Phull, mais aucun militaire sérieux, conclut Sokolov sur ce point.

Je reviens aux événements antérieurs. Gaete, Sokolov n’ignore pas les propos d’Alexandre que vous citez, par exemple à propos du consulat à vie de 1802. Mais ce qu’il dit et que je partage, c’est qu’il est à hurler de rire d’entendre Alexandre 1er qualifier Napoléon Bonparte de … tyran ! :lol:
D’ailleurs, de mémoire, Sokolov cite aussi d’autres propos délirants d’Alexandre qui invente des réalités fantasmées tant il ignore les faits, voire qui ignore des évidences. Ainsi, Alexandre ne désespère pas, avant l’éclatement du conflit, que la population française, déjà très mécontente d’après lui, se révolte contre l’insupportable joug du tyran Napoléon.
Et je ne résiste pas au plaisir zygomatique de rappeler les projets fumeux d’Alexandre sur la Pologne. Comment cet homme a-t-il pu imaginer que les polonais pourraient se rallier au tsar de Russie ? C’est comme si Guillaume II avait pensé, pour prévenir en 1914, à l’approche du conflit contre la Russie, une guerre de revanche de la France visant à reconquérir l’Alsace-Moselle, qu’il pourrait se rallier les français ne supportant plus l’horrible régime républicain en devenant leur empereur à eux aussi.

Ce faisant, je ne nie nullement qu’Alexandre ait eu de remarquables qualités de caractère, qu’il ait notamment su faire preuve de ténacité, de dissimulation, d’habileté et de pragmatisme. Mais il y a des erreurs béantes.
Et j’adhère aussi à l’analyse selon laquelle contrairement à l’empire français en 1812, la Russie ne détenait pas les clés de l’issue du conflit. Le grand mérite d’Alexandre et de ses généraux, c’est que bien qu’ils n’aient cessé d’avoir tort et de se débattre dans des impasses politico-stratégiques où les avait mis les choix obstinés d’Alexandre, Napoléon ait fini par enchaîner de telles fautes stratégiques et politiques pendant la 2ème moitié de l’été 1812 et le mois d’octobre 1812 qu’il a fini par valider a posteriori les erreurs et impasses russes. Sauf que, comme le disent les anglais : "you can be right for the wrong reason."


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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 21 Oct 2012 10:29 
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Jean Mabillon
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Merci Caesar de votre analyse très complète dans laquelle vous distinguez bien vos idées et celles de Sokolov (qui présente le grand intérêt de ne pas répéter la vulgate russe).

Pour revenir à Lieven (qui reste globalement assez proche des thèses russes "officielles" sur la clairvoyance du Tsar) je crois qu'il a un avis très tranché sur l'arrêt de la Grande armée à Smolensk (ce qui correspond à peu près à la frontière polonaise de 1772) : il estime en effet qu la Biélorussie et la Lithuanie sont trop affaiblies pour nourrir la Grande Armée (600 000 hommes et 100 000 chevaux), ayant déjà du supporter les réquisitions de l'armée russe puis celles de Napoléon en juillet 1812 (il omet la politique de terre brûlée : a-t-elle été inventée par les mémorialiste français ?) et que si Napoléon s'était arrêté là en été 1812, l'armée russe (repliée sur des provinces plus prospères et bénéficiant du concours de l'armée du Sud) aurait été assez forte pour le battre à l'automne - à moins que les Français ne déprissent dan sl'hiver ...Dès lors napoléon devait marcher vers l'est pour rejoindre et battre Barclay puis Koutousov. c'est la thèse de D Lieven qui me semble assez défendable.

Une erreur de napoléon fut sans doute de penser que les habitants de ce régions anciennement polonaises l'auraient accueilli avec le m^me esprit coopératif que les habitants du (futur) grand duché en 1807.


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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 21 Oct 2012 11:00 
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Fustel de Coulanges
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Citer :
Il dit qu’à partir de 1807 […] il y avait effectivement les conditions objectives d’un conflit structurel entre la France et la Russie.


Le souci, c’est que lorsque Sokolov écrit ceci :
« Alexandre recherchait, on ne sait pourquoi, la confrontation. Ce n’était pas des considérations rationnelles de la géopolitique ou de l’économie qui dictait au tsar cette haine étrange et illogique. Si inimaginable que cela puisse paraître, les questions aussi bien politiques qu’économiques n’étaient que prétextes et artifices pour traduire en actes cette animosité irrationnelle. »

il se situe en juin 1811 !...


Citer :
Le fait que Sokolov ne se soit pas étendu sur la correspondance dissonante entre Alexandre et Czartoryski que vous mentionnez n’invalide pas nécessairement son analyse et son raisonnement.


Ce genre de méthode (faire le tri dans une lettre) étant des plus discutable (pour ne pas dire plus), l’analyse qui en suit ne peut-être logiquement que fort bancale (là encore, pour ne pas dire plus…)
Quand il se permet par exemple de dire :
« La directive d’Alexandre et ses lettres à Czartoryski son sans doute les rares documents qui traitent sans ambages des buts des préparatifs militaires. Il ne s’agit aucune de défense. »

Sans ambages ? Aucunement ?
Comment peut-il écrire ceci en lisant cela :
« Il est hors de doute que Napoléon tache de provoquer la Russie à une rupture avec lui, espérant que je ferai la faute d’être l’agresseur. Cela en serait une dans les circonstances actuelles et je suis décidée à ne pas la commettre. Mais tout change de face si les Polonais veulent se réunir à moi.
[…]
Tant que je ne puis être sûr de la coopération des Polonais, je suis décidé à ne pas commencer de guerre avec la France. Si cette coopération des Polonais avec la Russie doit avoir lieu, il faut que j'en reçoive des assurances et des preuves indubitables ; ce n'est qu'alors que je puis agir de la manière précitée.
Si cette coopération avec la Russie doit avoir lieu, il faut que j’en reçoive des assurances et des preuves indubitables ; ce n’est qu’alors que je puis agir de la manière précitée»


Cette lettre du 31 janvier 1811, Sokolov en parle pourtant et nous dit que dans cette missive, « le tsar s’efforça de tranquilliser Czartoryski sur ses forces et la fermeté de ses intentions. »

Encore aurait-il fallu nous présenter correctement la correspondance pour que l’on puisse y voir plus clair dans ces fameuses « intentions »…

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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 21 Oct 2012 11:27 
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Jean Mabillon
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Une observation méthodologique : une lettre exprime une apparence - il n'y a guère de certitude sur la sincérité de l'auteur d'une lettre. Un historien peut prendre une correspondance comme un indice mais rarement (et presque jamais) comme une preuve.

Non seulement le rédacteur d'un elettre peut manquer de sincèrité pour séduire voire tromper son correspondant - mais en outre il peut craindre que sa lettre ne soit lue par d'autres ...


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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 21 Oct 2012 11:58 
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Fustel de Coulanges
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Citer :
il n'y a guère de certitude sur la sincérité de l'auteur d'une lettre.


Et il y a encore moins de certitudes à avoir sur une lettre, qui plus est, tronquée volontairement.

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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 21 Oct 2012 12:55 
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Jean Mabillon
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Drouet Cyril a écrit :
Citer :
il n'y a guère de certitude sur la sincérité de l'auteur d'une lettre.


Et il y a encore moins de certitudes à avoir sur une lettre, qui plus est, tronquée volontairement.



Vous dites "tronquée" mais Skolov dirait peut-être qu'il a extrait les données pertinentes en laissant de côté l'enrobage propre à duper les niais. L'interprétation d'une lettre fait partie du savoir faire de l'historien- qui d'ailleurs peut très bien se tromper.


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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 21 Oct 2012 13:13 
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Fustel de Coulanges
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Citer :
Skolov dirait peut-être qu'il a extrait les données pertinentes en laissant de côté l'enrobage


Et bien cette réflexion où on cache des passages (sans en avertir le lecteur) pour mieux faire passer des conclusions (pleines de certitudes) fortement nuancées par ces mêmes passages, ne me convaincrait en rien.
"Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup" lol

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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 21 Oct 2012 13:14 
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Philippe de Commines
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Cyril, Sokolov ne cache nullement qu'à partir de la seconde moitié de 1811, Napoléon lui aussi se prépare à un conflit armé dont il a enfin compris qu'il était à peu près inévitable vu l'attitude et les actes d'Alexandre. Et il ne nie pas non plus que les gestes diplomatiques des 2 parties visent alors aussi à faire retomber sur l'autre la responsabilité de la guerre à venir.

Mes souvenirs du livre de Sokolov différent un peu des vôtres. De 2 choses, soit Sokolov est incohérent et se contredit. Soit il dit 2 choses complémentaires.
Je penche pour la 2ème grille de lecture. Ce que dit Sokolov, c'est que :
- depuis 1807, il y a enfin un fondement objectif à un conflit géopolitique majeur entre la Russie et la France, à savoir la résurrection d'un embryon de Pologne et la présence française en Prusse. Ce qui n'était pas le cas de 1801 à 1807 quand Alexandre poussait à tout prix à l'agression contre la France mais qui l'est devenu à cause même des guerres successives voulues par la Russie.
- mais que dans cette situation de 1807, Napoléon voulait sincèrement l'alliance avec la Russie et aurait sincèrement cherché à aplanir les différends, et ce jusqu'à la dernière minute. Mais qu'Alexandre s'est radicalement refusé à toute ouverture sincère parce qu'il voulait le conflit.

Et il l'étaient sur des faits qui me paraissent crédibles : la concentration de troupes russes à la frontière occidentale dès le printemps 1810, au moment même où les troupes françaises retournaient massivement sur la rive gauche du Rhin.

On en revient donc à nos précédentes discussions.

Napoléon a commis une erreur politique majeure à Tilsitt en ne faisant pas payer à Alexandre un prix décent pour son opposition acharnée au minimum de 1804 à 1807. Objectivement, il donnait ainsi un signal d'encouragement à l'agresser : allez-y, faites la guerre à la France, ça ne vous coûtera rien tant votre alliance nous est précieuse.


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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 21 Oct 2012 13:28 
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Jean Mabillon
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Caesar Scipio a écrit :
- mais que dans cette situation de 1807, Napoléon voulait sincèrement l'alliance avec la Russie et aurait sincèrement cherché à aplanir les différends, et ce jusqu'à la dernière minute. Mais qu'Alexandre s'est radicalement refusé à toute ouverture sincère parce qu'il voulait le conflit.

Napoléon a commis une erreur politique majeure à Tilsitt en ne faisant pas payer à Alexandre un prix décent pour son opposition acharnée au minimum de 1804 à 1807. Objectivement, il donnait ainsi un signal d'encouragement à l'agresser : allez-y, faites la guerre à la France, ça ne vous coûtera rien tant votre alliance nous est précieuse.


bien d'accord avec vous - tout cela correspond bien à ce que nous pouvons savoir des psychologies des deux autocrates : un point de vue parfaitement rationnel qui ne voit pas de point de friction objectif entre l'extreme occident et l'orient du continent et en déduit qu'une alliance commune contre la Prusse, l'Autriche et l'Angleterre est possble - et un point de vue plus sentimental qui voit la Russie et se voit lui même comme l'ange gardien de l'Europe "civilisée" (c'est à dire anti révolutionnaire et anti napoléonienne).

Un point m'est incertain : Napoléon considérait (comme Louis XVIII) me semble-t-il que les Romanov (montés sur le trone en 1613) étaient comme lui des souverains parvenus dépourvus de racines anciennes et à la tête d'un empire "asiatique" méprisé par les cours occidentales - alors qu'Alexandre se voyait comme un souverain "normal"


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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 21 Oct 2012 13:35 
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Fustel de Coulanges
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Citer :
- depuis 1807, il y a enfin un fondement objectif à un conflit géopolitique majeur entre la Russie et la France, à savoir la résurrection d'un embryon de Pologne et la présence française en Prusse.


Absolument.
Malheureusement, Sokolov, tout en donnant pourtant bon nombre de pistes allant dans le sens de ce que vous écrivez (ce qui fait que malgré sa thèse son ouvrage reste très intéressant), court toujours après la haine "irrationnelle".
Ainsi, comme dit plus haut, le passage suivant : « Alexandre recherchait, on ne sait pourquoi, la confrontation. Ce n’était pas des considérations rationnelles de la géopolitique ou de l’économie qui dictait au tsar cette haine étrange et illogique. Si inimaginable que cela puisse paraître, les questions aussi bien politiques qu’économiques n’étaient que prétextes et artifices pour traduire en actes cette animosité irrationnelle» se situe en juin 1811.

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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 21 Oct 2012 13:41 
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Philippe de Commines
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Sokolov reste logique. S'il qualifie la haine d'Alexandre d'irrationnelle, c'est parce qu'elle remonte à 1801. La création du grand duché ne serait pour lui qu'une "heureuse" coincidence validant à posteriori sa haine personnelle.


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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 21 Oct 2012 14:11 
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Fustel de Coulanges
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Citer :
Sokolov reste logique.


Peut-être ; mais, pour moi, ces trois phrases, dans le contexte de l'été 1811, relèvent d'une thèse difficilement soutenable et que je suis incapable de suivre.

Citer :
La création du grand duché ne serait pour lui


Le souci, c'est que Sokolov n'utilise pas le conditionnel (" les questions aussi bien politiques qu’économiques n’étaient que prétextes et artifices").

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 Sujet du message : Re: La campagne de Russie...
Message Publié : 21 Oct 2012 19:52 
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Polybe
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UN SOLDAT RUSSE TÉMOIGNE
« Partout des corps en morceaux, des mourants qui gémissaient. J'ai vu quelqu'un sans tête, un autre sans maints et sans jambes. J'ai vu un soldat, qui blessé légèrement, ne pouvait parler parce que sa bouche était remplie de la cervelle du soldat mort à côté de lui. Presque tous remuaient les lèvres ; savez-vous ce qu'ils demandaient, ce qu'ils voulaient ? Ils demandaient qu'on leur donnât la mort, pour ne plus éprouver leurs horribles souffrances. »

Iruri Bartenev, écrivant à ses parents. Cité par l'Histoire n°373, mars 2012, p. 59


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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 21 Oct 2012 19:59 
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Philippe de Commines
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Caesar Scipio a écrit :
Or, et sur ce point l’ouvrage de M-P Rey converge avec celui de Sokolov, dès 1801 Alexandre s’inscrit sur une trajectoire de collision avec Napoléon.

Si on peut mettre en cause les écrits d'Alexandre, les paroles encore plus dans ce cas et même des réactions « à chaud » on peut adopter cette même démarche pour tout à commencer par Bonaparte puis Napoléon. L'expérience n'est pas même « innovante » : on est dans une interprétation personnelle de l'Histoire, interprétation qui peu se décliner à l'infini.
Après l'assassinat d'Enghien, qui a un retentissement incroyable en Russie -paradoxalement très francophile (Catherine II et son engouement pour les idées des Lumières n'est que la grand-mère d'Alexandre)- Alexandre envisage tout de suite de rompre toute diplomatie avec la France. Les avis plus nuancés de son entourage le feront renoncer. J'ai cité des extraits de Rey choisis à charge afin de montrer que tout n'est pas aussi simple mais le livre de Rey ne me semble pas converger avec celui de Sokolov pour la bonne raison qu'elle ne s'inscrit pas dans une démarche de démonstration innovante mais dans un partage de sources nouvelles.
Entre chaque source citée il faut évidemment du rédactionnel qui se base sur la source antérieurement donnée pour faire le liant. Il n'y a nul jugement, nulle prise de partie, nul engouement ou démarche innovante, elle cite et c'est tout. C'est aussi pour ceci que son livre m'a plu. Bien sur on y retrouve du « déjà lu » ne serait-ce qu'avec les sources de bases que l'on peut lire déjà chez Tulard ou plus avant chez Bergeron ou dans le livre de Lovie & Palluel-Guillard [L'épisode napoléonien : aspects intérieurs (Bergeron) – Aspects extérieurs (J. Lovie/ A. Palluel-Guillard) mais on ne peut éternellement réinventer l'histoire et certains faits n'appellent pas à l'échange, on ne peut qu'acter.
Concernant la date 1804 : victoire d'Austerlitz on acte, maintenant on peut broder à l'infini sur les tactiques des perdants ou se montrer dans une démarche laudative dans celle du gagnant.
Rey ne tombe pas dans ce travers. Elle ne « s'approprie » pas les échanges écrits afin d'abonder une thèse qui lui serait chère. Elle évite le plus possible de citer des échanges oraux et se garde d'avancer dans le rappel d'un jugement de l'un ou l'autre qui inviterait le lecteur à faire de cruels raccourcis du style : ce tsar est louvoyant donc il est incapable d'écrire ou faire une démarche droite en sous-entendant que même les écrits envoyés à ses amis les plus proches sont entachés de la fausseté attribuée à l'individu. On ne peut prendre d'un livre simplement les passages qui vont dans le sens d'une « intime conviction » et abonder en shuntant le reste. Je suis désolée si les extraits que j'ai fourni donnent à penser que Rey est dans une mouvance quelconque, c'est aussi pour ceci que j'ai tenu -dans l'indication de la source- à noter l'année de parution du livre et la parution est -je crois- antérieure à celui de Sokolov.
Entre constater qu'Alexandre à des idéaux totalement opposés aux visées de Napoléon, c'est une chose. Le tsar deviendra bien plus pragmatique une fois au pouvoir, les Palhen et les ministres de son père écartés. Rapportez-vous à la lecture du billet de Maistre et vous verrez qu'entre constater que si les orientations napoléoniennes ne changent pas, ceci risque de provoquer des tensions et des problèmes bien réels (on dépasse un peu l'empreinte des Lumières et les idéaux) au niveau géopolitique et sphères d'influences ; problèmes qui ne pourront que s'inscrire dans un conflit puisque déjà la Prusse et l'Autriche sont gênées par le tourbillon expansionniste de Napoléon, ceci paraît évident.
Tant que le tsar ne se sent pas « inquiet », il parle comme le note Maistre mais la vitesse supérieure va être passée avec le problème ottoman. Parallèlement, la Prusse et l'Autriche se sentent prises et se sera alors la cristallisation de ces trois pays avec l'intervention en Pologne.
Cette intervention d'ailleurs montre que Napoléon n'a pas du tout envie d'un rétablissement de la Pologne, il veut -comme les autres- une part du gâteau qu'il travestit en grande avancée libertaire. C'est de bonne guerre, Alexandre quoique pouvant être presque son fils, utilisera ce style politique. Cependant il faut aussi considérer les deux personnage : Alexandre n'ayant aucunement l'expérience de l'Empereur (Cf. : Alexandre Ier / Rey) et pour cause son père, une fois au pouvoir répétera le schéma de Catherine II : l'éloignement immédiat du fils avec une « petite cour », des exercices militaires, aucun échange, aucune formation, aucune association aux décisions. Tsarévitch, il restera toujours sur la touche. En face il a un homme dont il reconnaît le génie, un homme d'expérience, qui a presque le double de son âge et un parcours flamboyant. Alexandre acte immédiatement du génie et de son incapacité personnelle à batte Napoléon sur le terrain des conflits. Il va donc déplacer ce terrain aussi longtemps qu'il le pourra. L'homme d'Erfurt, on peut le constater, n'est plus celui de Tilsitt.

Citer :
Et ils avaient raison de n’en pas douter, car pour que les vagues idées de stratégie de longue retraite visant à épuiser l’armée française dans les profondeurs et l’hiver russes soient autre chose que des considérations hors sol, encore aurait-il fallu que Napoléon ait eu alors le projet d’aller chercher l’armée russe jusque dans les profondeurs des steppes russes.

Il n'y a pas eu que de « vagues idées ». Simplement le front est autrement plus étiré qu'un autre... Donc il faut entrevoir plusieurs stratégies. De là à dire que c'est « vague ». En février-Mars 1810, Araktcheïv propose un plan de renforcement de la frontière occidentale et fait de la ligne Dvina-Dniepr la ligne principale de défense. BDT s'ingénie à protéger la Finlande de toute attaque potentielle de la Suède ; Aout 1810, Roumantisev planche déjà sur une paix avec l'Empire ottoman afin que les forces occupées du côté méridional soient redéployées sur le théâtre occidental qui [de la Baltique à l'Ukraine s'étire sur plus de 1 100 verstes]. 1812 : paix de Bucarest. Je passe sur la continuité de la restructuration de l'armée depuis 1801, accélérée en 1805. Le travail est titanesque et lors de l'invasion de la GA non terminé. Il faudra donc compter aussi avec ce paramètre qui n'était pas prévu. Le comte Lieven et Tchernytchev abonderont BDT en cartes. Je passe sur la coopération du fameux Michel... Les informations sont celles des préparatifs de l'armée non de la stratégie qui elle, peut changer au cours même d'une bataille. Nesselrode a de Talleyrand des rapports sur l'état de la France.
[ces lettres qui figurent aujourd'hui dans les archives Nesselrode, ne recèlent aucun intérêt militaire ou logistique mais elles permettent à Alexandre de saisir l'humeur du pays...].
Parallèlement, il s'en tient à un discours défensif. Le renvoi de Spéranski pour fédérer certaines factions lui sera plus que difficile.
[… de part et d'autre, il y eu dans ce conflit, l'affrontement de deux volontés, de deux consciences, de deux conceptions du pouvoir et de deux rapports au monde. Souvent soucieuse de ne pas entamer l'image d'un Napoléon, stratège de génie, l'historiographie française a eu tendance à incriminer le froid, la dureté du climat et la vaillance extraordinaire des troupes russes plutôt que les erreurs de Napoléon] qui en confessera plusieurs à Las Cases dans le Mémorial [Mais si -de fait- le « général Hiver »... C'est davantage dans les erreurs de jugement... La démesure... la conviction que la victoire sera rapide qui le [Napoléon] pousse à négliger les obstacles climatiques comme les distances et une incapacité à comprendre le mode de fonctionnement de son adversaire ainsi qu'à cerner sa psychologie. C'est là qu'il faut rechercher les causes de sa faillite...]
Ce passage est de Rey et je le cite parce-qu'on peut retrouver le même ordre d'idée chez d'autres historiens mentionnés ci-dessus.
Cambacérès, Fouché, Caulaincourt, le prince Jérôme et Ségur n'auront de cesse de mettre l'empereur en garde : ce n'est plus une guerre que l'on peut remporter grâce à une bataille décisive. La tactique de Napoléon est tout autant « vague » : il envahit l'Empire russe qu'il soupçonne d'être sur le point de passer à l'offensive au vu de l'ampleur des forces disposées le long de la frontière occidentale.
Caulaincourt à Napoléon en 1811 :
« Tout en rendant justice à vos talents militaires, il m'a souvent dit que son pays était grand, que votre génie pouvait vous donner beaucoup d'avantages sur ses généraux mais que […] on avait de la marge pour vous céder du terrain et que vous éloigner de la France et de vos moyens serait déjà vous combattre avec succès. VM sera alors obligée de revenir en France et alors tous les avantages seront alors du côté des Russes puis l'hiver, le climat de fer et, plus que tout cela, le parti pris, la volonté hautement proclamée de l'empereur Alexandre de prolonger la lutte et de ne pas avoir la faiblesse comme tant d'autres souverains, de signer la paix dans la capitale ».
On peut donc constater un début de tactique : analyse de l'ennemi potentiel, reconnaissance de sa supériorité, analyse des paramètres incontournables et refus, cette fois, d'un traité. On est donc plus au stade d'Austerlitz. Quels que soient les projets que Napoléon aient pu avoir, le constat est qu'il s'est bel et bien enfoncé, le reste n'est que littérature ou flood. Et oui, il a été chercher (sic) "l'armée russe jusque dans les profondeurs de ses steppes".
Quels que soient les raisons pour ceci, les suppositions et les supputations, l'Histoire ne peut qu'acter de ce fait. On peut broder, allez jusqu'à douter des échanges, abonder avec d'autres pour bétonner une thèse quelle qu'elle soit, ceci n'enlève pas que Napoléon court derrière sa bataille de front, dans l'endroit qu'il décidera mais depuis Austerlitz, il ne se renouvelle pas et ceci n'a pas échappé au tsar et à son entourage. Si les Polonais accueille Napoléon avec enchantement :
«... Il s'étonnait qu'ils [les Russes] eussent livré Vilna sans combat et qu'ils eussent pris leur parti assez à temps pour s'échapper. L'espoir perdu de cette grande bataille avant Vilna était pour lui un vrai crève-coeur. Il s'en vengerait en criant à la lâcheté de ses adversaires qui jouaient disait-il son jeu en se déshonorant aux yeux des braves Polonais, dont ils lui livraient le pays et les fortunes sans leur faire honneur de se battre pour eux » (Caulaincourt).
A moins de douter aussi des écrits de Caulaincourt, on voit un homme « étonné » -après tant de batailles livrées- ; toujours à la recherche de cette grande bataille dont il serait inévitablement le gagnant et un poil contrarié, un peu puérilement évoque de grands mots comme lâcheté. Ceci n'effraie plus le tsar depuis Erfurt et les sauts sur le chapeau. Il y a un temps pour parler et un pour agir. On voit combien l'empereur se joue de la Pologne : tiens, soudain, il aurait fallu que le tsar défende les Polonais et pourquoi ? Peut être l'aurait-il fait si Napoléon avait accédé à ses demandes concernant la Pologne il fut un temps... Et puis ceci cache une autre frustration et laisse une impression étrange d'évaluation de l'autre : Alexandre est-il si benêt qu'il va s'aligner pour très certainement de nouveau se faire culbuter ? L'homme a tiré les leçons de son arrogance à Austerlitz.
On peut rentrer plus avant dans la tactique russe qui devra, il est vrai, s'adapter. C'est aussi compréhensible vu les problèmes déjà évoqués concernant la difficulté à fédérer cette armée. Je crois que durant cette campagne, le plus "déconnecté des réalités" n'est pas celui que l'on croit.

Citer :
La réédition d’une telle stratégie ne pouvait être pertinente que si Napoléon voulait aller jusqu’au fin fond des steppes. Or, ni en mars 1812, ni en mai, ni en juin, ni en juillet Napoléon ne le voulait.

Peu importe le moment, le mois, la date ceci a été arrêté et exécuté. Maintenant revenir là-dessus serait du flood. A moins que Sololov -historien- ait une analyse différente. Que ceci ait été décidé en décembre ou en avril de l'année d'après, l'erreur fut faite. Personne ne peut se targuer d'être dans la tête des protagonistes, il ne reste donc que les écrits, les échanges oraux et puisque rien de ceci ne paraît sûr, les faits. Faire, défaire, refaire la campagne de Russie est du domaine -plus même de l'historien- mais d'un tacticien égal ou supérieur à Napoléon.
Pour l'idée d'exporter le conflit en Pologne, Alexandre aura l'humilité de prendre en compte les écrits d'un ami. Du côté prussien, le roi n'est pas d'accord. Alexandre abandonne alors. Ce qui paraît être une marque d'intelligence. Au moins il sait ne pouvoir compter que sur la Russie et ses ressources, ce qui évitera toute débandade, tout traité, toute paix séparée. En face, ce ne sera pas le cas. On le voit dans cette armée polyglotte et dont le mot patriotisme résonne mal aux oreilles de ceux qui sont de force recrutés. On le verra aussi avec les exactions commises qui réussiront à mettre la Pologne dans une situation difficile. Dès septembre, la grande armée est épuisée (1812 : le duel des empereurs – Rey). Des 600 000 hommes qui ont franchi le Niémen, à peine 10 % revinrent...
Reculer me semble déjà une tactique. On verra dans d'autres batailles ce que donnera l'ordre de ne se replier à aucun prix, face encore à la Russie par exemple.

Citer :
Eh bien, il est hautement vraisemblable que cela aurait débouché sur la chose suivante, si Napoléon s’en était tenu à la stratégie initiale.

C'est entrer dans le « what if ».

Citer :
Autre point sur lequel je reviens : le plan Phull. Je ne sais pas si M-P Rey l’a lu

Elle l'a lu et laisse les commentaires à l'entourage du tsar en actant que ce plan a plu à celui-ci. Il faudra attendre l'évidence des pertes pour le voir y renoncer. A noter qu'un des plus farouches opposant était BDT.

Citer :
N’importe lequel d’entre nous aurait pu s’amuser à faire un plan Phull, mais aucun militaire sérieux, conclut Sokolov sur ce point.

C'est exactement la démarche dans laquelle nous sommes sans même avoir les bases de Phüll.

Citer :
Je reviens aux événements antérieurs. Gaete, Sokolov n’ignore pas les propos d’Alexandre que vous citez, par exemple à propos du consulat à vie de 1802. Mais ce qu’il dit et que je partage, c’est qu’il est à hurler de rire

L'homme était jeune et encore plein d'idéaux. Lorsque l'on lit certains échanges de Napoléon, encore Bonaparte, ce n'est à vous que j'apprendrais qu'il existe aussi matière à se tordre quant aux rêves et à sa naïveté quant à l'ivresse de la passion qui le rend un brin aveugle. Pour les rêves de gloire, une chance, ils seront relayés par une génération littéraire « romantique ». Ce mouvement est pour tout dire inexistant à un tel niveau dans la littérature russe.

Citer :
Comment cet homme a-t-il pu imaginer que les polonais pourraient se rallier au tsar de Russie ?

De la même manière que Napoléon y a compté, de la même manière qu'il s'est enfoncé dans ce que vous nommez « délire ». Mais ce qui peut être compréhensible chez un jeune souverain inexpérimenté pose problème face à un homme endurcit par les batailles, et non des batailles simples mais des coalitions. Manifestement le système de guérilla espagnole lui pose aussi problème. Doit-on alors conclure pour autant qu'hors une bonne et franche bataille terrestre (on a vu sur l'eau...) Napoléon n'était que l'ombre de lui-même ? Hors une bataille de front, l'homme n'avait aucune ressource ? Je n'entre pas dans ce genre de considération, pas plus que je n'entre dans une analyse de la stratégie « arrêtée ou non », « vague » ou pas des Russes. Je n'ai fait ni USMA ni RSA.

Citer :
Et j’adhère aussi à l’analyse selon laquelle contrairement à l’empire français en 1812, la Russie ne détenait pas les clés de l’issue du conflit.

Les Français détenaient les clés de l'issue du conflit dès 1812 ? Mais c'est encore plus grave ou plus insensé.

Citer :
Le grand mérite d’Alexandre et de ses généraux, c’est que bien qu’ils n’aient cessé d’avoir tort et de se débattre dans des impasses politico-stratégiques où les avait mis les choix obstinés d’Alexandre

C'est une analyse personnelle ou celle de Sokolov ?

sévères, soit il aurait voulu poursuivre le combat mais aurait été renversé et remplacé par un tsar plus disposé (par exemple le grand-duc Nicolas)

(Sic) J'ai gardé ceci pour la fin car c'est le meilleur dans l'analyse de Sokolov (?). Le grand duc Nicolas... Mais là encore c'est bien ignorer (aucune bio de lue visiblement) la personnalité du grand-duc Nicolas... Pour faire court, on verra son empressement -au décès de son aîné- à vouloir porter la couronne. Empressement qui verra un flottement propice à une mini-révolution. Constantin se portera preneur avec une politique de boulonnement intérieur, allégée sous Alexandre II et reprise par Alexandre III. La Russie ne s'ouvrira désormais à la France que grâce à l'intervention des Anglais et pour des raisons politiques uniquement. Nous sommes bien loin de la francophilie qui -paradoxalement- existait toujours dans beaucoup de salons perterbourgeois durant la campagne de Russie.
Avancer le grand duc Nicolas est pour le coup, je reprends une de vos expressions concernant le peu de jugement d'Alexandre : «... rire à s'en faire craquer les maxillaires... (?) »

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"... Et si je te semble avoir agi follement, peut-être suis-je accusée de folie par un insensé." (Sophocle)


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 Sujet du message : Re: La campagne de Russie...
Message Publié : 21 Oct 2012 21:08 
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Polybe
Polybe

Inscription : 19 Juil 2012 11:26
Message(s) : 77
Le récit de Coignet est riche de détails sur la vie des soldats. Le septième cahier est consacré à la campagne de Russie.
Après avoir franchi le Niemen, les officiers ne tardèrent pas à se rendre compte que de nombreux soldats n'avaient aucune intention de faire la guerre. Ils préféraient déserter. Coignet est nommé lieutenant en juillet. Un groupe de 133 soldats espagnols quitte la route et se cache dans les bois. Ils désobéissent à Coignet qui tente de les faire rejoindre la route. Après avoir pillé le village le plus proche, ils sont tous arrêtés et désarmés. La moitié furent fusillés. L'officier chargé de l'exécution leur dit : « Vous avez volé, vous avez mis le feu, vous avez fait feu sur votre officier ; la loi vous condamne à la peine de mort ; vous allez subir votre peine..., je pourrais vous faire tous fusiller ; j'en épargne la moitié. Que cela leur serve d'exemple! Commandant, faites charger les armes à votre bataillon. Mon adjoint va commander le feu. »
Le pauvre Coignet ajoute ce commentaire : "Dieu ! Quelle scène ! Je partis de suite le coeur navré".


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