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Message Publié : 28 Avr 2008 9:42 
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Reprint Slatkine (1977 genève) vous pouvez le trouver encore à la librairie Slatkine à paris quai des grands augustins.


Elle a déménagé depuis maintenant deux ans et se trouve désormais juste à côté du théâtre de l'Odéon.

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"Il est plus beau d'éclairer que de briller" (Thomas d'Aquin).


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Message Publié : 28 Avr 2008 10:07 
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Plutarque
Plutarque

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merçi pour le renseignement
dites à Thomas d'Aquin que l'un et l'autre sont aussi difficiles!! : ))

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l'Etat n'a pas à représenter l'intérêt général mais à faire de l'intérêt général un objet de croyance.

Gilles Deleuze


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Message Publié : 28 Avr 2008 12:37 
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Plutarque
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Alceste a écrit :
IL me semble que personne n'a répondu à Thibaut, parce que peut-être cela allait sans dire que les Parlements n'avaient pas pour fonction de représenter la nation. Le fait d'être titulaire de leur charge par achat ou héritage ne leur donnait d'ailleurs aucune légitimité politique. C'étaient des cours de justice. S'ils représentaient quelqu'un c'était le roi au nom duquel ils jugeaient. Il est vrai qu'ils ont souvent prétendu à un rôle politique en jouant sur leur fonction d'enregistrement des lois et sur leur droit de remontrances qui au départ n'aurait dû être que sur la forme.
Il est vrai aussi qu'ils différaient aussi des cours de justice actuelle puisqu'ils pouvaient rendre des arrêts de commandement, c'est à dire faire des règlements concernant leur ressort, mais ce sont d'abord des tribunaux. Je ne pense pas que l'on puisse dire qu'il comporte des bourgeois. Ils sont tous nobles de part leur fonction et à la fin de la période la frontière avec la noblesse d'épée est bien floue, il y a eu des mariages et un fils très bien avoir hérité de la charge pendant que l'autre a un office dans l'armée. Les magistrats de certains parlements comme à commencer par celui de Paris sont déjà à un degré élevé de noblesse.

Alceste


Alceste a raison de souligner qu'originellement les "remontrances" ne devaient porter que sur la forme. Qu'on me pardonne d'être un peu long sur le sujet mais cette restriction ne résista pas aux drames politiques du XIVe siècle. Il semble bien que ce soit à l'occasion du procès du duc d'Alençon que Charles VII demanda à son parlement comment s'instruisait le procès des pairs au criminel ( on trouve tout ca dans les recueils du Louvres et dans Isambert) .L'occasion était trop belle, le parlement répondit que dans tous les cas où il y allait "du corps et de l'estat de pair" le roi devait présider en personne assisté des autres pairs présents ainsi que des notables du royaume tant nobles, prélats que du conseil ou eux dûments appelés. Le parlement ajoutait que les pairs nouvellement créés tant juges qu'accusés devaient jouir des memes prérogatives que les douze premiers pairs ( en fait le Grand committimus) . C'était fixer les règles de procédure dans les procès qui intéressaient le roi et les Grands. Désormais la monarchie ne se passera plus du Parlement.
L'affaire de la " pragmatique sanction" ( je ne m'étend pas sur la question) hissa le Parlement au niveau des décisionnaires politiques. Rien de plus politique en effet que cette ordonnance qui, en 1438 , tente de ménager les prérogatives papales et celles des Eglises nationales ( notamment française ) Charles VII lors d'une assemblée du clergé réunie à Bourges se décrète protecteur des Droits de l'Eglise de France . L'ordonnance déclare la suprématie de conciles sur la papauté, supprime les nominations par le Saint-Siège ( libre élection des évêques et des abbés etc...
Souvenons nous que nous sortons à peine du Grand Schisme d'Occident. Par la suppression des " annates" ( impôt pontifical sur les nominations aux digniés cléricales) Charles VII obtient la confiance du clergé mais s'aliène la papauté ( Eugène IV). Louis XI prit un édit de "révocation de la pragmatique sanction", édit que le Parlement refusa d'enregistrer ( il ne s'agit plus là de "forme" mais du " fond") - on se demande d'ailleurs s'il ne s'agit pas entre Louis XI et le Parlement d'un accord secret pour maintenir la Pragmatique ( v. à ce sujet : histoire du Parlement de Paris -Glasson hachette 1901). Ce refus ne fut suivi d'aucune injonction au parlement. C'est un épisode d'une conséquence importante puisqu'à partir de cette date il était acquis en jurisprudence que les ordonnances royales n'engagaient le roi vis à vis des souverains étrangers qu'autant qu'elles avaient été "vérifiées" et " enregistrées". Dans le même temps ( en 1467) le roi établit l'inamovibilité des offices de magistrature. La liaison des diverses conéquences, le Parlement refusera constamment d'enregistrer des édits qu'il croyait contraires au bien public.
Ajoutons que ces mesures nullement ignorées des bourgeois et gens des villes confèrent au Parlement de Paris une incroyable popularité.
Entre 1370 et 1490 le Parlement de paris connaît une sorte d'apogée qui se caractérise par deux expressions : celle du jurisconsulte Jean Le Maistre : " le Parlement est le vrai Sénat du royaume où les édits et ordonnances des rois prennent leur dernière forme ert autorité quand ils sont publiés et enregistrés" voilà sans aucun doute la source des voeux des Etats Généraux réclamant du Parlement - et dans ces memes termes- qu'entre deux convocations il soit le "conservateur" des propositions faites au roi et le "Sénat" assurant l'application des mesures préconisées. Sur ce point l'appréciation selon laquelle le Parlement ne serait pas "légitime" me paraît anachronique.
Puis-je ajouter pour finir que le légat du pape ( en 1490) saluait les membre du Parlement de Paris de ce titre curieux " Vos estis regale sacerdotum : vous êtes le clergé royal".

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Message Publié : 28 Avr 2008 12:56 
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Fustel de Coulanges
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Je tiens à rajouter une pierre à l'édifice: Les Parlements ne sont pas la représentation de la nation, nous sommes d'accord. Ils finissent par le croire au XVIIIe s., nous sommes aussi d'accord.

Mais plus étonnant, cette idée qu'ils sont une représentation "nationale" finit par imprégner même les grands administrateurs de l'Etat qui luttent contre eux. En témoigne cette phrase attrapée au hasard de la correspondance du chancelier de La Galaizière, dans laquelle il indique que la Cour Souveraine « est censé représenter la Nation entière. »!

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Message Publié : 28 Avr 2008 13:08 
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Plutarque
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Si je puis me permettre l'affaire est plus compliquée. La notion même de "représentation" n'est pas constante dans le sens d'une représentation par élection. Souvenez vous qu'au XVIIIe siècle il y eut un débat entre Turgot et Malesherbes à la veille même de la convocation des Etats Généraux : le premier soutenait que les élections ne devaient se faire que sur la base de la répartition l'assiette et la perception des impôts ( il appelait ca la " grande municipalité") Malesherbes pensait que l'assemblée ainsi convoquée devait être de nature politique.
Oui les parlements ( singulièrement le parlement de Paris) représentait la nation dans une acception assez généralisée. Louis XIV lui même ne supprima pas le droit de " remontrances" il voulut le réduire à une remontrance! Il ne venait à l'esprit de personne qu le Parlement ne représenta pas les intérêts de la nation , le même Louis XIV ne s'opposa aux parlements que parce qu'il élabora ( ou Colbert- Pussort pour lui) une sorte de doctrine " l'absolutisme chrétien" qui tendait à l'éradication des corps intermédiaires

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Message Publié : 28 Avr 2008 13:30 
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Fustel de Coulanges
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letiers a écrit :
Si je puis me permettre l'affaire est plus compliquée. La notion même de "représentation" n'est pas constante dans le sens d'une représentation par élection. Souvenez vous qu'au XVIIIe siècle il y eut un débat entre Turgot et Malesherbes à la veille même de la convocation des Etats Généraux : le premier soutenait que les élections ne devaient se faire que sur la base de la répartition l'assiette et la perception des impôts ( il appelait ca la " grande municipalité") Malesherbes pensait que l'assemblée ainsi convoquée devait être de nature politique.
Oui les parlements ( singulièrement le parlement de Paris) représentait la nation dans une acception assez généralisée. Louis XIV lui même ne supprima pas le droit de " remontrances" il voulut le réduire à une remontrance! Il ne venait à l'esprit de personne qu le Parlement ne représenta pas les intérêts de la nation , le même Louis XIV ne s'opposa aux parlements que parce qu'il élabora ( ou Colbert- Pussort pour lui) une sorte de doctrine " l'absolutisme chrétien" qui tendait à l'éradication des corps intermédiaires


Certes mais ces débats postérieurs et la notion d'élection ou non ne sont pas en jeu dans ce cas.
Les tribunaux que sont les Parlements n'ont vocation à éventuellement représenter la nation que dans le domaine judiciaire. Et comme vous l'avez bien dit, les remontrances ne sont pas censées être politiques, mais de pure forme. Or là nous avons tout de même un grand personnage de l'Etat, en lutte féroce avec une Cour Souveraine qui se veut et se vit à toute force comme une représentation nationale (on dirait plus tard une assemblée nationale), qui en vient à accepter implicitement la thématique forte de ses adversaires: la Cour Souveraine est une représentation politique de la nation face au souverain!

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Message Publié : 28 Avr 2008 14:12 
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Plutarque
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Je ne suis pas de cet avis et pardonnez moi d'insister: Le parlement n'est as seulement un Tribunal au sens contemporain du terme et ne représentent nullement la Nation dans le domaine judiciaire ; je m'explique : l'idée même d'un judiciaire axé uniquement sur les droits des particuliers ( civil, commercial) n'émerge que lentement. Les Parlements sont le roi disant le droit ce qui veut dire qu'ils rendent des " arrêts de règlement" qui décident pour toute une matière et pour le temps à venir , cette jurisprudence est une source du droit comme disent les juristes. Etant source du droit ils participent à la souveraineté du Roi sur la Nation. Le Parlement de Paris EST le roi, aucun monarque n'a pu résilier ce contrat entre les compagnies souveraines et la Nation. Il a fallu une révolution pour ca. J'ajoute qu'il était de l'intérêt du roi d'accepter cet état de droit et de fait car les parlements, au final sont les plus sûrs soutiens de la couronne. Il ne faut pas se méprendre sur la réforme Maupeou à la fin du règne de Louis XV il ne s'agissait de pas plus que de supprimer la vénalité des offices, mais le Parlement de Paris, son droit de remontrances maintenu devenait absolument et sans autre travail judiciaire, le Sénat du royaume ( l'influence de la Chambre des lords est incontestable dans cette réforme) devenir une "chambe haute" en quelqe sorte et pas plus légitime que les lords c'est-à-dire par l'élection!!
L'élection à bien sûr à voir dans cette question puisqu'à l'origine la procédure d'élection ( à l'intérieur de la compagnie) en même temps qu'il y avait confirmation de la Cour à chaque avènement royal. L'élection ( ou présentation puis acceptation pr la Compagne)) était bien sur subordonnée au droit antérieur et supérieur du Prince de choisir à son gré les magistrats de sa justice souveraine . Nous assistons donc malgré les oedonnances répétées tout au long du XVe siècle à une sorte d'accomodement entre le roi et la Cour qui aboutira à la transmission familiale.
Ne pas commettre d'anachronisme sur cette question :)

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Message Publié : 28 Avr 2008 15:27 
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Pierre de L'Estoile
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Je suis d'accord presque sur tout, sauf peut-être que le Parlement n'est plus roi quand le roi est présent comme le montre la procédure du lit de justice. Et puis surtout, pour éviter les erreurs de perspectives tout dépend à quel niveau on se place. Il arrive trop souvent aux étudiants de confondre les parlements français avec le parlement anglais voire avec notre parlement actuel. C'est pourquoi, il vaut mieux leur apprendre d'abord que c'était une cour de justice. Ensuite on peut développer, être plus subtile, parler de son pouvoir règlementaire etc...
Cordialement.
Alceste

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Message Publié : 28 Avr 2008 15:37 
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Plutarque
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oui suis ok mais il faut aussi apprendre la complexité des notions non?
cordialement

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Message Publié : 28 Avr 2008 16:00 
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Pierre de L'Estoile
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Absolument d'accord, mais le complexité ne peut pas se construire sur du sable. Pour en revenir au message de Thibault, j'ai eu la très nette impression qu'il faisait la confusion tant redoutée et que personne ne le lui faisait remarquer.
Cordialement
Alceste

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Message Publié : 06 Mai 2008 10:40 
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Hérodote
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Inscription : 21 Avr 2008 11:31
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Localisation : Bordeaux
La position des parlements devant la politique de l’Etat au XVIIIe siècle n’est pas compréhensible en dehors de l’étude de la culture politique de la magistrature, c’est-à-dire des représentations mentales dont elle est l’objet depuis des temps reculés et qui influent sur son comportement politique.

Dans l’imaginaire parlementaire (je dis bien l’imaginaire parlementaire), le magistrat se considère comme un homme de devoir, de par sa fonction, fonction qui est publique, immortelle, issue de l’établissement de Dieu, et donc qui le dépasse. Mais il doit incarner au mieux sa fonction, en dépit de ce dépassement, et donc servir la mission que Dieu a assigné à sa fonction, celle de faire régner le bien commun, l’Etat de justice. En théorie, il n’a pas à intervenir puisque seul le roi, à qui Dieu a confié le pouvoir, est habilité à légiférer et faire régner le bien commun, l’Etat de justice.
Le magistrat a seulement pour fonction de rappeler au souverain sa mission, la mission assignée par Dieu, dès lors qu’il considère que le roi s’éloigne de sa fonction, s’éloigne des « lois » (entendons par là les lois divines, les lois naturelles [issues de Dieu aussi], et les lois fondammentales de l’Etat d’essence divines). Le souverain doit respecter un principe qui le dépasse, celui de sa mission divine. Son corps physique et celui de la monarchie sont censés se confondre dans l’esprit parlementaire, parce que Dieu a seul fourni au roi le devoir de mener ses sujets au salut, et donc de ne pas agir en tyran en respectant les « libertés » des sujets.

Le pouvoir d’enregistrement des édits et autres ordonnances et lettres patentes a fait développer cette conception du pouvoir, conception bien enracinée et chère aux magistrats. Le pouvoir royal lui, comme vous l’avez dit, n’avait aucunement l’intention de faire des parlements le « dépôt des lois » comme ceux-ci aimèrent de plus en plus à se nommer, en particulier au XVIIIe siècle. Le charisme d’un Montesquieu ou d’un Le Paige (pour C. Maire) n’est pas loin… Je reviens pas dessus.

Le magistrat a donc pour fonction de faire régner les « lois » en les faisant respecter dès lors qu’il considère qu’elles ne le sont pas et que le roi-individu vient à manquer à son devoir. Il doit rappeler au souverain sa mission, celle de faire régner le bien commun. [En réalité, les parlementaires chercheront toujours à accuser l’entourage royal et non pas le roi lui-même, qui ne pouvait pas, selon eux, oublier sa mission en ce que les deux corps du roi se confondaient et donc devaient se confondre ( !). Ce dernier aspect montre bien la sacralisation dont fait l’objet la personne royale.]

Ces représentations, cette culture politique propre à la magistrature s’est construite au gré des évènements qu’a connue la monarchie française depuis l’existence des parlements. La pensée politique du magistrat est ainsi le terrain d’un nœud de représentations. Olivier Chaline dans sa thèse sur Godart de Belbeuf l’évoque très bien. Au fil des temps, les représentations du magistrat se sont enrichies.
Exemple, l’épisode de la Ligue et l’époque du soutien du régicide a clairement joué dans les représentations parlementaires. Et ce sont les jésuites, plutôt adeptes du tyrannicide lorsqu’un roi ne suit pas les « positions » de l’Eglise romaine, en ce qu’ils considèrent que l’Etat est d’abord dans l’Eglise et non l’inverse, qui avaient en particulier été condamnés par le Parlement de Paris essentiellement (condamnation au feu des écrits des chantres du régicides comme ceux de Bellarmin ou de Mariana). Cet épisode a fait professer un gallicanisme sans équivoque à la magistrature : la puissance temporelle est au-dessus de la puissance spirituelle, celle du pape, puisque le roi tient son pouvoir de Dieu seul, et non du pape et de l’Eglise qui ne détient qu’un pouvoir de définition dogmatique, et donc en aucun cas un pouvoir de délier les sujets du roi de France de leur fidélité au souverain de droit divin. Et les représentations gallicanes sont encore présentes au XVIIIe siècle lorsque les parlements en viennent à refuser d’enregistrer la bulle papale Unigenitus durant tout le premier tiers du siècle, ou décrètent l’expulsion des jésuites de France en 1762 après la tentative d’assassinat du roi Louis XV par Damiens (Damiens n’entretenait sans doute aucun commerce avec la compagnie de Jésus mais les parlements ont volontairement « profité » de la situation pour se débarrasser de l’ennemi de toujours, qui plus est impliquée dans l’affaire La Chalotais). La pression des parlementaires « jansénistes » et du jansénisme de façon générale était aussi très forte dans les affaires religieuses au XVIIIe siècle. (voir Dale Van Kley et Catherine Maire, « De la cause de Dieu à celle de la Nation »…, même si leurs thèses sont en partie discutables).

Enfin tout cela pour montrer que les représentations parlementaires sont très ancrées et issues de temps anciens.
Le magistrat défend « la monarchie qui-ne-meurt-jamais-en-France », c’est-à-dire l’Etat en un mot, issu de l’établissement divin. En défendant le corps immortel de la monarchie, les parlements défendent d’autant plus la mission de l’Etat, celle du bien commun. Les parlements défendent donc en dernier recours l’intérêt des sujets, mission divine assignée au roi sur terre.

En fait l’opposition parlementaire sous Louis XV vient du fait que l’individu-roi et les parlements ne défendent pas la même version du bien commun. Le magistrat défend l’Etat de justice, le roi l’Etat de finance. Le roi, étant seul en rapport avec Dieu considère qu’en aucun cas il ne doit pas se faire obéir (cf le discours de la Flagellation), et il est le seul à même de remplir la mission transcendante, et il définit le bien public comme il le veut, selon sa volonté, puisqu’il n’a de compte à rendre qu’à Dieu et qu’il sait ce qu’il fait. La magistrature a elle une vision bien précise du bien commun : le roi doit respecter les « libertés » de ses sujets, ses privilèges, ceux qui existent depuis des lustres, inscrits dans une sorte de « constitution coutumière » (Sarah Hanley). Si le pouvoir royal en exercice agit autrement, il fait preuve de despotisme.

Au fond le magistrat ne défend pas bien sûr le pouvoir légitime de la Nation, en temps qu’incarnation de l’Etat, ni la liberté de l’individu sans Dieu (mais les « libertés » des sujets c’est-à-dire leurs privilèges). La légitimité vient de Dieu seul, et Dieu l’a donnée à un individu, le roi. Il a donné la mission du bien commun au roi, pas à une hypothétique « nation ». Les sujets sont tenus d’obéir au roi.
Mais comme la mission est celle du bien commun, les parlements en viennent à défendre cet idéal à tout prix contre toute action royale qui pour eux faillit à cette mission. Les parlements, en cela, défendent donc l’intérêt des sujets dans l’optique de cette mission. La défense de la Nation (sans Dieu) tel que nous la concevons, n’est pas loin. Le terme même de « nation » est à la mode chez les élites en ce XVIIIe siècle. Le XVIIIe siècle est plus encore que le XVIIe celui des salons philosophiques, et il est de mode de reprendre le vocabulaire d’un Montesquieu (qui plus est pour un magistrat!) par exemple. Certains parlementaires, poussant les compagnies, enhardis de surcroît par l’effet d’entraînement liés à l’enthousiasme de « l’union des classes » à partir du milieu du siècle (je ne m’étends pas) en viennent à prononcer un vocabulaire ambiguë, notamment le mot « nation », qu’ils n’envisagent pourtant pas dans le sens que lui donne un Montesquieu ou un homme des Lumières. C’est un effet de mode, les parlements n’ont à l’évidence en aucun cas intérêt à l’existence d’une légitimation d’une nation moderne au sens que nous connaissons et de celui des philosophes. Professer cela c’est mettre fin à la monarchie! Ce que les parlements, institutions monarchiques n’ont pas intérêt à défendre. Mais l’effet d’entraînement est trop fort, le culte de l’apparence comme vous l’avez dit est trop fort, on s’enhardit, on professe des concepts dont on n’a même pas idée de ce qu’ils représentent vraiment…

En cela l’opposition parlementaire sous Louis XV a une grande importance dans les origines de la Révolution, bien qu’elle soit à l’évidence loin d’être la seule cause. C’est avant tout le contexte direct qui a joué dans les renversements.

Je n’ai malheureusement pas pu dire tout ce que j'aurais voulu lol mais c’est déjà trop et je me suis certes souvent répété ! :s

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Message Publié : 06 Mai 2008 11:05 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 27 Avr 2008 14:42
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fab9815 a écrit :
Je n’ai malheureusement pas pu dire tout ce que j'aurais voulu lol mais c’est déjà trop et je me suis certes souvent répété ! :s

Non ce n'était pas trop. Vous faites une entrée fracassante sur le forum et j'espère que vous y resterez. Je me réjouis d'avance de vos débats avec letiers pour qui les parlements et les magistrats n'ont pas de secrets non plus! :P

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Message Publié : 06 Mai 2008 11:11 
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Fustel de Coulanges
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Inscription : 15 Nov 2006 17:43
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Belle intervention! Je pense que tous les intervenants vous en sont gré. :wink:

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Message Publié : 06 Mai 2008 13:57 
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Plutarque
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[quote="fab9815"]La position des parlements devant la politique de l’Etat au XVIIIe siècle n’est pas compréhensible en dehors de l’étude de la culture politique de la magistrature, c’est-à-dire des représentations mentales dont elle est l’objet depuis des temps reculés et qui influent sur son comportement politique.

Dans l’imaginaire parlementaire (je dis bien l’imaginaire parlementaire), le magistrat se considère comme un homme de devoir, de par sa fonction, fonction qui est publique, immortelle, issue de l’établissement de Dieu, et donc qui le dépasse. Mais il doit incarner au mieux sa fonction, en dépit de ce dépassement, et donc servir la mission que Dieu a assigné à sa fonction, celle de faire régner le bien commun, l’Etat de justice. En théorie, il n’a pas à intervenir puisque seul le roi, à qui Dieu a confié le pouvoir, est habilité à légiférer et faire régner le bien commun, l’Etat de justice.



Votre principal propos est "l'imaginaire parlementaire" et magistralement exposé. Il reste pet être plusieurs points à éclaicir essayons

Ne prenons pas Montesquieu comme référence parlementaire il fut Président à mortier en survivance de son oncle durant 8 ans pour s'occuper, ses travaux ni ses inclinations ne le portaient au Palais

La question de l'imaginaire parlementaire est, comme vous le soulignez, ancienne et abreuvée à de multiples sources. il ne naît pas de la simple confrontation dialectique avec le pouvoir royal ; il naît d'une culture scientifique juridique dont Ernt Kantorowicz nous donne l'essentiel dans un article que j'ai déjà cité avec les références dans le fil de discussion sur la naissance de l'Etat allemand ( au sujet du SAINT Empire romain germanique). Kantorowicz expose que c'est au 12e siècle qu'on assiste à une autonomisation du droit comme discipline ( sortant à la fois de de la réthorique et de la théologie pour le versant canonique).
C'est au sein de ces docteurs de l'Université de Bologne que se forge sur 3 siècles ( du 12e au 14e) le sens à la fois judiciaire et politique).
D'abord , et quelque soient les évolutions des différents imaginaires qui vont de développer le premier point est que le roi est source ce justice et que les cours sont " du roi". Le point contradictoire est que le roi ne PEUT pas présider une de ses cours de justice Raro princeps iurista invenitur .L'idée est que le roi ne peu retirer à ses tribunaux la connaissance de certains procès. Ce qui amene à constater que si le parlement est un icontestable soutien à l'absolutisme royal il impose des limites à l'arbitrare royal .
On peut suivre alors deux lignes de pensées : les " absolutistes" opposés aux " constitutionnalistes" . La contradiction centrale est la suivante : le Prince est il au dessus de la Loi ou au dessous de la Loi d'où il découle une antinomie entre les 2 maximes que vous connaissez bien : princeps legibus solutus et princeps legibus alligatus en fait c'est Thomas d'Aquin qui surmonta la contradiction : le prince est legibus solutus au regard de la vis coactiva la puissance coercitive de la loi positive qui reçoit sa puissance du prince lui-même ; le Prince est lié par la vis directiva la puissance directive de la loi naturelle à laquelle il DOIT se soumettre volontairement. C'est une synthèse thomiste à laquelle souscriront les tenants des 2 écoles et, ce qui est plus intéressant encore, c'est une synthèse que cite Bossuet et dont Louis XIV reconnaît la substance ( v King's two bodies p.136 ed gallimard)
C'est là que se forge l'imaginaire parlementaire à point tel que le caractère sacerdotal de la royauté va glisser progressivement vers le caractère sacerdotal des docteurs en droit puis des compagnies souveraines. La métaphore sacerdotale nous vient de Rome ( cf Justinien) et se décline à l'aube des temps modernes en sacerdotium sprituale et sacerdotium temporale Le roi ( ou l'empereur bien sur) a rang de prêtre, les juristes aussi ont rang de prêtes ( c'est une comparaison déjà faite par Ulpien
C'est à ces sources que se nourrit l'imaginaire parlementaire beaucoup plus que dans les aléas politique des régences ou des réunions des Etats Généraux. Si les compagnies souveraines sont le pilier de la monarchie absolue, elles le sont comme partie prenante à la majesté royale à la sainteté de la majesté royale ils partagent un meme sacerdoce. Ainsi le rationalisme juridique sape-t-il les fondements de la royauté liturgique pour s'installer à sa place ( voir qq chose d'pprochant dans l'article de M. de Certeau " production du temps : une archéologie in l'écriture de 'histoire gallimard 1975) le reste ne sera que combats qui n'affecteront jamais ces idées fondamentales et qui remontent à la "réouverture" de l'Universel du droit romain au milieu du XIIe siècle

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l'Etat n'a pas à représenter l'intérêt général mais à faire de l'intérêt général un objet de croyance.

Gilles Deleuze


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Message Publié : 06 Mai 2008 15:28 
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letiers a écrit :
La contradiction centrale est la suivante : le Prince est-il au dessus de la Loi ou au dessous de la Loi d'où il découle une antinomie entre les 2 maximes que vous connaissez bien : princeps legibus solutus et princeps legibus alligatus en fait c'est Thomas d'Aquin qui surmonta la contradiction : le prince est legibus solutus au regard de la vis coactiva la puissance coercitive de la loi positive qui reçoit sa puissance du prince lui-même ; le Prince est lié par la vis directiva la puissance directive de la loi naturelle à laquelle il DOIT se soumettre volontairement.


C'est clair que c'est une vraie contradiction, au fond, que des juristes comme Bodin, Le Bret ou Bossuet dans sa version théologique, ont essayé de régler, en faisant du roi un souverain délié des lois et donc au dessus de la Loi dans un face à face avec Dieu, mais tout de même soumis à la Loi en ce que celle-ci représente un principe intemporel supérieur qui dépasse l'individu-roi et qui garantit la continuité d'un Etat qui-ne-meurt-jamais en France.
En fait au final, il y a bien un constitutionnalisme sans le mot comme vous dites, et même le monarque absolu, délié des lois, est au final tenu de respecter les lois divines et naturelles qui définissent la pérennité de la monarchie, d'une monarchie qui n'est pas tyrannie. C'est pour cela que Sarah Hanley parle d'une "constitution monarchique" "cachée", sans le mot.

C'est d'ailleurs ce qui a conduit l'historiographie à remettre en question le concept même d'absolutisme dans les faits mêmes, puisque le roi, au final, ne peut pas tout faire, certes par principe, mais aussi parce que cet absolutisme qui respecte les lois divines et naturelles dans les faits, sur le terrain, est limité. Le roi doit sans cesse négocier ses décisions. L'intendant envoyé en province, souvent esseulé, n'a guère le choix que le compromis pour faire passer la loi du monarque, et il doit se ménager des soutiens, des fidélités pour être le "roi dans la province".

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