Barbetorte a écrit :
La discussion ayant été placée dans le forum "Lumières", il serait intéressant d'examiner de plus prêt ce qu'il s'est passé au cours de cette période. Il n'y a pas eu de commerce d'esclaves sur le territoire métropolitain. Mais qu'en était-il de ceux qui arrivaient des îles avec leur domesticité servile ? J'imagine que ces esclaves n'obtenaient pas immédiatement leur affranchissement et qu'il devait y avoir une certaine tolérance à cet égard. Ceux-ci cherchait-ils d'ailleurs à être affranchis ? Il faut cependant observer qu'un édit de 1776 rappelait que le sol de France affranchissait. Pour quelles raisons ? Quels en furent les effets ?
Je viens de trouver par hasard une réponse à ma question sur le cas des esclaves amenés ou envoyés par leur maître en métropoles.
Dans un édit d'octobre 1716, le roi prend acte
que plusieurs habitants de nos îles de l'Amérique désirent d'envoyer en France quelques uns de leurs esclaves, pour les confirmer dans les instructions et dans les exercices de notre religion, et pour leur faire apprendre en même temps quelque métier d'art … mais que ces habitants craignant que ces esclaves ne prétendent être libres en arrivant en France, et ordonne les dispositions suivantes.
- Ceux qui voudront emmener ou envoyer des esclaves en France devront en obtenir l'autorisation des gouverneurs généraux ou commandants dans chaque île.
- Ces esclaves ne pourront prétendre avoir acquis leur liberté sous prétexte de leur arrivée dans le royaume et devront retourner dans la colonie lorsque le maître le décidera. Il en sera de même des esclaves qui seraient arrivés en France sans le consentement de leurs maîtres.
- Toutefois, faute d'avoir accomplis les formalités d'autorisation prescrites, ces esclaves seront libres et ne pourront être réclamés.
- Les esclaves emmenés ou envoyés en France ne pourront se marier sans le consentement de leur maîtres.
- Les esclaves emmenés ou envoyés en France pourront être affranchis par leurs maîtres. L'affranchissement pourra être obtenu par testament du maître décédé.
- Les esclaves ne pourront ni être vendus ni être échangés en France.
- Les colons retournés définitivement en France avec des esclaves devront les renvoyer en France dans le délai d'un an à compter de la vente de leur habitation dans la colonie. A défaut, les esclaves présents en France à l'issue de ce délai seront libres.
Le nombre croissant d'esclaves venant en France inquiète le pouvoir qui rappelle l'édit de 1716 et en renforce les dispositions par une déclaration du 15 décembre 1738.
Le motif exposé est
que depuis ce temps-là on y en a fait passer un grand nombre ; que les personnes qui ont pris le parti de quitter les colonies, et qui sont venues s'établir dans le royaume,y gardent des esclaves nègres, au préjudice de ce qui est porté à l'article 15 du même édit ; que la plupart des nègres y contractent des habitudes et un esprit d'indépendance, qui pourraient avoir des suites fâcheuses ; que d'ailleurs leurs maîtres négligent de leur faire apprendre quelque métier utile, en sorte que de tous ceux qui sont emmenés ou envoyés en France, il y en a très peu qui sont renvoyés dans les colonies, et que dans ce dernier nombre, il s'en trouve le plus souvent d'inutiles et même de dangereux.Bref, il faut serrer la vis. Aussi :
- A défaut d'accomplissement des formalités d'autorisation, les esclaves ne seront plus libérés mais confisqués au bénéfice de la couronne et renvoyés dans les colonies ;
- Les esclaves envoyés en France pour y apprendre un métier ne pourront y rester plus de trois ans ;
- Ils ne pourront s'y marier, même si leurs maîtres y consentent ;
- Ils ne pourront être affranchis et demeurer dans le royaume.