Il y a effectivement eu trois chasseurs au nom de La Fayette qui ont été envoyés dans le Gévaudan pour épauler M. d'Enneval, louvetier du roi. Pour preuve un courrier du 9 mars 1765, dans lequel ce dernier écrit à M. de Ballainvilliers (intendant d'Auvergne) : "[...]M. de Loriac nous a envoyé 3 gentilshommes de son côté, bons tireurs, qui se nomment MM. de La Fayette. Je suis obligé de les défrayer n'étant pas riches." (source : A.D. du Puy-de-Dôme c. 1732)
Un autre courrier, envoyé par M. Lafont (syndic du Gévaudan) à M. de St-Priest (intendant du Languedoc) et daté du 9 mai 1765, nous confirme que ces trois La Fayette étaient bien au côté du louvetier : "[...]Je me rendis à St.-Alban, j’en partis avec M. le comte de Morangiès qui conduisait les gens de sa paroisse pour aller joindre MM. d’Enneval en battant à droit et à gauche jusques au sommet d’une de nos plus hautes montagnes. Dans cette battue quelques paysans firent rétrograder un animal qu’ils prétendirent être la Bête féroce qui descendait de cette montagne et qui regagna la hauteur à leur approche. Ils vinrent nous en avertir au moment que nous joignions au sommet de la montagne les habitants du Malzieu, les gens qui accompagnaient MM. d’Enneval, et leurs chiens. Les personnes qu’ils ont avec eux actuellement sont 3 frère appelés MM. de La Fayette, d’Auvergne, qu’ils ont amené au mois de février dernier, M. le chevalier de Montluc, frère de M. le subdélégué de St.-Flour, qui est venu les joindre, et 2 ou 3 domestiques ou piqueurs.[...] M. d’Enneval le fils survint et nous dit que M. de La Fayette avait tiré cette Bête dans le bois d’assez près, étant à cheval, qu’il croyait l’avoir blessée, lui ayant paru qu’elle boitait. Nous cherchâmes vainement sans et ne pûmes rien découvrir. [...]" ( source : A.D. de l'Hérault, C.44)
Cet événement est d'ailleurs repris dans le Courrier d'Avignon en date du 28/05/1765 : "[...]Dans une battue qu’il fit faire le 6 de ce mois par 28 paroisses, la Bête fut trouvée dans les bois de Chanaleilles, et de là vint se jeter dans ceux des Dux et de Fraissinet, où elle fut tirée par un paysan, qui l’ayant ratée 2 fois, la tira pour la troisième, les chiens de M. d’Enneval la chassant ardemment et au mieux. M. de La Fayette, gentilhomme d’Auvergne, qui s’est rendu dans ce pays pour la chasser aussi, la tira à 15 pas; c’était d’aussi près qu’il fallait pour rendre le coup mortel s’il l’eût atteinte, mais il avoue qu’il la manqua. Ses chiens cependant l’atteignirent, l’arrêtèrent et la mordirent souvent. Elle gagna du côté de St.-Denis; et le soir on vit encore les chiens à ses jarrets dans ces bois-là et à Villedieu où ils la laissèrent à la nuit fermée.[...]"
En résumé, le La Fayette dont il est question dans l’histoire de la BdG est un hobereau auvergnat, envoyé par M. de Loriac (doit-on comprendre d’Aurac, proche du domaine des Lafayette ?), accompagné de 2 de ses frères. Mais en l’état actuel de nos connaissances, impossible d’en dire plus sur les liens entre le marquis de la guerre d’indépendance américaine et les chasseurs auvergnats.
Ce qui est sûr, c’est que le père du marquis, Michel Louis Christophe Roch Gilbert Paulette du Motier, également marquis de Lafayette, est décédé en 1759 à Minden, en Westphalie, le 1er août 1759 : ce n’est certainement pas lui qui a couru après la Bête…
_________________ Celui qui est prêt à sacrifier un peu de liberté pour obtenir un peu plus de sécurité ne mérite vraiment ni l'une, ni l'autre. (Benjamin Franklin)
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