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Message Publié : 06 Avr 2004 13:22 
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Eginhard
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UN GRAND MARIAGE

Peu aprés le mariage de l'ainé de ses petit-fils, Louis XV songe à l'union du comte de Provence avec Marie-Joséphine de Savoie. Les manoeuvres préliminaires qui précèdent tout mariage princier sont menées rondement : adresse officielle de demande en mariage le 3 novembre 1770 et envoi du baron de Choiseul à Turin pour reprédenter les interets du roi de France.
C'est à cette époque que Marie-Joséphine reçoit le portrait de son futur époux en miniature monté en bracelet. Quels sont ses sentiments ? nous l'ignorons. Elle se plie avec docilité et on ne lui demande pas davantage. De toute façon on lui a appris à ne pas poser de questions et l'idée ne l'effleure meme pas. Le 16 avril le contrat est signé, parmi les 14 articles un attire particulierement l'attention : Louis XV lui donne pour 300 000 livres de bijoux. Il est vrai que la cour de France a depuis toujours la réputation de couvrir ses princesses de joyaux chattoyants...

La cérémonie du mariage par procuration est célébrée le 21 avril à Turin dans la chapelle Saint-Suaire. Charles-Emmanuel, le frère ainé de Marie-joséphine représente le comte de Provence. En efet, lorsqu'une princesse se mariait en pays étranger, il y avait deux cérémonies : une dans le pays d'origine de la jeune fille et une seconde dans le pays d'adoption. Le lendemain, le voyage commence, il faut prendre la route de France. Un imposant cortège de 9 carosses escorte la princesse de Savoie. sa famille prend congé à rivoli : allons il faut se séparer, peut-etre pour toujours. Dés maintenant, elle est coupée de ses racines.

Le 2 mai, on atteint la frontière à Pont-de-Beauvoisin. C'est la cérémonie de remise strictement codifiée par l'étiquette, Marie-Joséphine appartient désormais à la France. Le duc de Saint-Mégrin est chargé de la recevoir. Mais il faut encore dix jours pour atteindre l'Ile de france : le 12 mai la princesse rencontre sa nouvelle famille et la cour en foret de Saint-Herem près de Fontainebleau. Que l'on ne s'y trompe pas ! le terme rencontre n'est pas le fruit du hasard. Les princesses venues du sud sont accueillies à Fontainebleau, celles du nord à Compiègne.
C'est à ce moment précis que la véritable histoire de Marie-Joséphine de savoie commence. Les faits sont désormais ettayés par de nombreux documents. Ils permettent de donner corps au récit.

D'emblée, dés l'instant ou la princesse savoyarde descend de carosse, la deception voire la consternation se lisent sur presque tous les visages. La comtesse de Provence ne plait pas, allons ce serait donc un laideron ? Laissons la plume aux contemporains, mais ils ne sont pas forcément impartials.

Le comte de Mercy-Argenteau : "Sa contenance est froide, embarrassée, elle parle peu, sans grace et elle n'a rien de ce qui est nécessaire pour plaire à cette nation".
Pisandat de Meirobert dans les Mémoires Secrets : " Cette princesse est trés brune : elle a d'assez beaux yeux mais ombragés de sourcils trés épais ; un front petit ; un nez long et retroussé ; un duvet déja trés marqué aux lèvres."
Louis XV à l'Infant Ferdinand de Parme : "J'arrive de recevoir la comtesse de Provence. Elle est trés bien faite, pas grande, de trés beaux yeux, un vilain nez, la bouche mieux qu'elle n'était, fort brune de cheveux et de sourcils et la peau parfaite pour une brune" et plus tard "Sans etre jolie, elle est trés agréable et si j'avais quelques années de moins aprés l'avoir vue, je l'aurais bien prise pour moi."
A cet égard, Louis XV est l'un des trés rares contemporains à présenter un portrait avantageux de Marie-Joséphine. Les autres décrivent avec complaisance ses sourcils en broussaille, ses moustaches ou son air emprunté. Un fait parait certain : la princesse est affligée d'un système pileux dévelloppé. Une seule solution, se soumettre à la torture des pinces à épiler et des cires !

Lors de l'entrevue de saint-Herem, deux personnes ne cachent pas leur satisfaction. Le comte de Provence se déclare content. Il aurait dit "elle est mieux que je n'espérais". C'est dans son caractère. S'il a été déçu, il a dérechef dévoré son mécontentement. Il veut faire bonne figure à sa femme pour donner le change. Quant à la dauphine Marie-Antoinette, dés qu'elle a vue Marie-Joséphine, elle s'est convaincue que sa belle-soeur disgraciée par la nature ne lui ferait pas d'ombre. Car autant la dauphine parait spontanée et gracieuse, autant la comtesse de Provence se tient sur son quant-à-soi et parait reveche. La vérité ? mais la princesse a peur de faire le moindre impair car elle a le sentiment de tomber dans un univers qu'lle ne connait pas. Soyons francs : elle n'en mène pas large.

Qu'a cela ne tienne ! Laideron ou pas, il faut maintenant marier les Provence pour de bon. Le 14 mai 1771 les noces sont célébrées dans la chapelle royale de Versailles. Si Marie-Joséphine dans sa robe de brocart se conforme scrupuleusement aux rites de la cérémonie, Louis Stanislas laisse éclater sa joie. Il prononça un "oui" si sonore que l'on s'en étonnit auquel il rétorqua "C'est que j'aurais voulu qu'il eut été entendu jusqu'à Turin".

Pour marier les deux jeunes gens, Louis XV a voulu un éclat identique au mariage qui avait été donné pour le dauphin un an plus tot. Aprés des années de fronde parlementaire et le désastreux traité de Paris de 1763, le roi veut rehausser le prestige de la monarchie en donnant un apparat variment royal pour les alliances de ses petit-enfants.

Le soir du 14 mai, les Grands Appartements sont ouverts. Plus de 600 titulaires de charges de cour et 4500 particuliers sont conviés. Mais comme à l'ordinaire, la foule est tellement énorme que le tout-venant se faufile facilement.
Lors de cette grandiose reception nocturne, le roi et sa famille jouent aux cartes dans la Galerie des Glaces. Invités et curieux se massent avec avidité pour voir ces augustes personnages. Personne ne songerait à offrir sa place pour un empire ! Puis on couche les mariés. Un coucher qui se fait en public bien sur, Louis XV se montre égrillard avec son petit-fils tandis que Marie-Joséphine ne sait ou poser ses yeux... Enfin on les laisse tranquilles, leur destin leur appartient.

Le lendemain, Louis Stanislas du haut de ses quinze ans déclare tout de go à son grand-père qu'il a été "heureux quatre fois !". Ce qui veut dire en langage moderne qu'il a honoré quatre fois sa femme. Allons bon, serait-il de bonne heure un champion des plaisirs d'Eros ? Marie-Joséphine confiera pourtant "je ne m'en suis pas aperçue". Troublant. Si Louis XV a fait mine de le croire de bonne foi, un silence de plomb entoure la nuit de noces. Contemporains, échotiers et gazettiers ne disent mot. C'est le contraste parfait avec les rumeurs de non-consommation du dauphin et de Marie-Antoinette en 1770.
La thèse la plus admise aujourd'hui réside dans le fait que l'union des Provence ne fut pas consommée le soir du 14 mai 1771. Louis Stanislas a préféré mentir plutot que d'endurer les bruits malveillants dont son frère ainé était l'objet.

Mais revenons aux fetes du mariage ! car un mariage royal ou princier sous l'Ancien Régime se déroule pendant plusieurs jours. Si la féerie, le luxe, la bonne chère sont au rendez-vous, la fatigue nerveuse et physique épuise les plus forts tempéraments.
Le 15 mai, des feux d'artifice mirifiques embrasent le ciel de Versailles. L'apothéose des fetes eut lieu le 20 mai avec un bal paré dans le Grand Téhatre de Gabriel. Ce téhatre inauguré un an plus tot était en fait triple grace à un plancher mobile. Il pouvait devenir une salle de festin, une salle de musique ou une salle de bal. Ce soir-là on réunit la scène à la salle ce qui forma un immense ovale or et turquoise. Aussi, si l'on chuchote sur le passage de la jeune mariée à l'aspect si singulier, on est bien obligé de reconnaitre qu'elle danse admirablement bien. Enfin un bon point pour Marie-Joséphine !

Les festivités se terminent. La comtesse de Provence fait un retour sur elle-meme. Elle a changé de pays, changé de famille, les usages et surtout l'esprit de la cour lui sont entierement nouveaux.
Pour comprendre le monde dans lequel elle doit vivre, elle doit pénétrer les mystères de Versailles. Car sur chaque visage se cachent des interets, des ambitions, des inimitiés.

Comme Marie-Antoinette, l'année précédente, elle a remarqué une femme éblouissante aux cotés de Louis XV. C'est la favorite du roi, elle est toute-puissante, elle a pour nom la comtesse Du Barry. Jeanne Du Barry espère beaucoup de la princesse de Savoie. On verra pourquoi et par quel biais.
Si Marie-Antoinette occupe la premiere place protocolaire, la dauphine n'est pas sans inquiétudes depuis l'arrivée de Marie-Joséphine. Car si cette dernière ne peut la surpasser sur le terrain de l'esthétique, elle est assurément intelligente, prudente et fait preuve d'un grand sens de l'observation. La comtesse de Provence peut attirer l'interet du roi, de quoi provoquer bien des jalousies ! Et si Marie-Joséphine allait représenter malgré elle un pion innocent afin de faire obstacle à la dauphine ? de quoi déclancher un grand branle-bas dans les chancelleries de l'Europe...
Son époux est une énigme. S'il fait l'empressé auprès de sa femme en public, il est froid et arrogant en privé. La tendresse n'est pas le fort du comte de Provence.

Autant de changements profonds et de réponses que devra résoudre la princesse de Savoie dans le monde de la cour de Versailles.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 06 Avr 2004 16:22 
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AU COEUR DES CABALES DE LA COUR

Sitot les fetes de son mariage terminées, la comtesse de Provence a tout le loisir de s'interroger sur le caractère de son époux que la raison d'Etat lui a imposée.
La question est malaisée car Louis Stanislas ne se dévoile pas et parle peu. Marie-Joséphine est déja chagrine car contrairement à ce qu'il a dit, il ne lui a pas procuré de révélations inédites dans la couche conjugale. Elle est déja desemparée et se sent isolée.

Si elle est loin d'etre séduisante, son mari n'a rien d'un Adonis. Les portraits du petit-fils cadet de Louis XV nous montrent un jeune homme au visage trop plein rehaussé cependant de beaux yeux noirs expressifs. D'un embonpoint précoce, il se dandine pompeusement comme un coq de basse-cour. Sa santé n'est pas brillante : sujet à la gloutonnerie, il a de fréquentes indigestions et des poussées de fievre.
Au cours d'une maladie en 1772, il perd tous ses cheveux. Louis Stanislas est contraint de porter perruque. Marie-Joséphine ne trouvera rien de mieux en le surnommant "Prince Tignasse !".

La lettre de Mercy-Argenteau du 16 septembre 1772 renforce ce tableau : " La santé du comte de Provence est toujours fort chancelante. Ce jeune prince est d'une faiblesse qui n'admet pas l'usage des exercices qui seraient propres à fortifier son tempérament. Les médecins ont pris la résolution de lui fermer un cautère qu'on avait du former dans son enfance. Il en est résulté que monseigneur de Provence commence à ressentir des incommodités occasionnées par les humeurs qui refluent dans le sang. Il lui est venu des dartres aux mains et il a perdu ses cheveux. Tous ses symptomes n'annoncent pas que la santé du jeune prince puisse se rétablir aisément et qu'on est guère dans le cas de s'attendre qu'il puisse avoir des enfants."

D'un an plus jeune que sa femme, le comte de Provence est un prince secret mais qui ne manque ni d'intelligence ni d'esprit. Prince cultivé, il est versé dans les lettres classiques, c'est un boulimique de lecture. Mais Louis Stanislas, second héritier après le dauphin est dévoré par l'ambition des frères cadets : celle de monter sur le trone. Il jalouse son frère qu'il juge moins intelligent et capable que lui. Les deux frères se méfient déja l'un de l'autre. S'ils ont encore des élans de franche camaraderie, une broutille provoque des disputes, voire des bagarres.
Les mauvaises pensées sont enterrées au fond du coeur de Provence mais jusqu'a la fin il méprisera le futur Louis XVI. Mercy-Argenteau parle de son penchant pour "l'intrigue, l'interet et une dissimulation outrée" et plus tard de sa fausseté.

S'il ne fait guere part de ses pensées à Marie-Joséphine, Louis Stanislas tient à maitriser la conduite de sa femme à Versailles . En effet si le comte de Provence n'a aucune part dans les affaires de l'Etat, il flatte la favorite en titre et les ministres de son grand-père. En témoigne cette lettre de l'ambassadeur d'Autriche : "Le despotisme qu'il exerce sur son épouse a souvent donné lieu a celle-ci de se plaindre. Elle voudrait paraitre répugner à toutes les démarches du parti dominant et elle s'en excuse comme d'une violence que lui fait subir le ton impérieux et absolu du jeune prince."

Nous y voila ! car à la cour la favorite du roi règne sans partage, il faut compter avec elle. De trés modeste origine, la comtesse Du Barry est devenue la maitresse de Louis XV en 1768. D'une incontestable beauté plastique, c'est une femme de gout au reste trés bonne. Elle ne ferait pas de mal à une mouche !
Si elle n'a pas d'ambitions politiques affichées, elle est malgré tout rattrapée par le jeu des intrigues et des cabales de la cour. L'arrivée de l'archiduchesse Marie-Antoinette en 1770 lui a causé un rude écueil : la dauphine lui bat froid, la regarde à peine et ne lui parle pas. Marie-Antoinette ne veut pas adresser la parole à une femme qu'elle juge impure, née à la lisière du peuple et qui lui vole la vedette.

Cette situation dure depuis un an lorsque Marie-Joséphine arrive à Versailles. A ce titre, le comte de Provence est l'un des rares menbres de la famille du roi à faire bon visage à madame Du Barry. C'est pourquoi il veut que sa femme conforme son comportement sur le sien : qu'elle parle à la favorite, qu'elle lui dise des niaiseries qui n'engagent à rien mais qui marqueront la différence avec l'attitude hautaine de la dauphine !

Assurément un dangereux chausse-trappe pour la princesse inexperimentée qu'est encore Marie-Joséphine. Pendant les premiers mois de son mariage, la comtesse de Provence semble dépassée par sa nouvelle situation, elle ne comprend pas le monde à la fois brillant et cynique de Versailles et les intrigues qui y fourmillent. Elle a du mal à s'adapter, la foule omniprésente lui pèse, elle s'étonne que l'on prenne la peine de la saluer lorsqu'elle se trouve dans ses appartements privés. En décembre 1771, elle écrit ainsi à ses parents : "Je suis excédée des visites, car à Turin il y a le baise-main, ici il n'y en a pas, toutes les dames viennent à l'heure qu'elle veulent et elles viennent à la débandande."
Nous ne sommes pas loin du temps ou Louis XIV disait à sa belle-fille "Nous nous devons tout entiers au public". Une princesse ne s'appartient pas. Il n'empeche à la fin du XVIIIe siècle, ces usages commençaient à devenir intolérables... Madame de Provence veut ne froisser personne, alors si on lui demande de faire la cour à madame Du Barry au risque de s'attirer les foudres de Marie-Antoinette, il y a un monde !

Mais la situation n'est pas si simple. Pour son mariage, une maison lui a été constituée, elle compte plusieurs centaines de personnes, de la dame d'honneur au dernier galopin de cuisine. Or cette maison a été largement pourvue de courtisans favorables à madame Du Barry. Les principals titulaires de charges doivent leur nominations grace à la favorite. A t-on voulu sciemment faire de la maison de la comtesse de Provence, un parti barryste ?
Pierre de Nolhac dans "Marie-Antoinette Dauphine" écrit à ce sujet : "Le mariage du comte de Provence fut la grande curée des profitables déshonneurs : ce fut madame Du Barry qui dressa la liste des charges qu'on créait pour la princesse savoyarde. Une de ses premieres amies, madame de Valentinois fut dame d'atours. Toutes ces créatures avaient pour role d'acquérir la comtesse de Provence à la favorite , d'obtenir d'elle à force de flatteries et de mensonges, le soutien ou au moins les égards qu'on avait vainement désirés de la dauphine".

Cela Marie-Antoinette le sut trés tot, alors que Marie-Joséphine était dans l'ignorance de ses intrigues d'antichambre. Peu à peu les deux princesses mises en porte-à-faux par des enjeux qui les dépassaient firent preuve de méfiance l'une envers l'autre. Ce sentiment se transforma en de la franche animosité, il devait perdurer jusqu'a la Révolution.

On a parlé parfois de l'existence d'un parti piémontais. A la vérité il n'a jamais existé qu'en idée et ce ne fut qu'une chimère. Certes, l'arrivée de la comtesse d'Artois en 1773 puis le mariage de Clotilde, soeur de Louis XVI avec le prince de Piémont en 1775 ont preté le flanc à ses bruits. Mais les deux princesses de Savoie n'avaient ni le caractère ni surtout la culture et les moyens politiques pour s'en faire les auxiliaires.

En fait, les alliances successives de la maison de Bourbon avec des princes de Savoie causa un mouvement d'humeur de la maison de Habsbourg. Car ne l'oublions pas les Bourbons et les Habsbourgs étaient le symbole d'une alliance capitale dont l'aboutissement avait été l'union du dauphin et de Marie-Antoinette.
C'est pourquoi Vienne se senti laisée par les alliances successives entre la maison de France et celle de Savoie. Elle craignit un moment la naissance d'un parti piemontais à Versailles susceptible de causer du tort à Marie-Antoinette et aux interets franco-autrichiens.
De ce fait, dans l'idée la favorite de Louis XV en aurait été un des satellites, elle a vainement cherché l'appui de Marie-Joséphine pour contrer l'hostilité de Marie-Antoinette.

Echec et mat pour madame Du Barry ! La comtesse de provence veut bien etre aimable avec elle, lui adresser quelques mots mais pas davantage. Pas question d'entrer dans des intrigues auxquel elle n'entend rien et pire encore ! qui risque de causer un différend entre Versailles, Vienne et Turin. Mais si il n'y avait que cela...

Car Marie-Joséphine nous l'avons dit, n'est pas un modèle de perfection esthétique loin s'en faut. Le drame c'est qu'elle se néglige au-delà de la bienséance, la coquetterie lui est étrangère.

Or dans une cour ou les dames passent une grande partie de leur temps à se parer pour la représentation, cette étrangeté ne passe pas inaperçue. A tel point que l'on recours aux méandres de la voie diplomatique. On mandate l'ambassadeur de Piémont-Sardaigne, La Marmora pour faire part à son ministre de tutelle du mécontentement de Louis XV. Dans cette conspiration du silence madame Du Barry -encore elle- et le duc d'Aiguillon, ministre des affaires étrangères ont appuyés La Marmora dans cette démarche.

Voici ce que l'ambassadeur écrit dans sa dépèche du 17 février 1772 : "Mais ce qui semble plus essentiel, c'est l'article de la parure et de la propreté. Il est bon que Votre Excellence sache que non seulement on ne peut obtenir de cette princesse qu'lle se laisse coiffer avec soin, comme ce serait de lui accomoder le front en enlevant les poils follets qui le rétrecissent et font que les sourcils approchent de trop près et se réunissent presque aux cheveux. Mais qu'elle ne prend nul soin de sa taille que Son Excellence sait n'etre point parfaite. Mais ce n'est pas tout et ils m'ont dit plus sur l'article de la propreté. Ils prétendent qu'elle néglige sa bouche, qu'elle ne fait pas assez usage des bains et qu'elle se refuse à se servir des expédients généralement adoptés, du moins ici, soit pour la propreté journalière, soit pour prévenir par des eaux de senteurs le désagrément des émanations que l'agitation de la danse ou la chaleur ne peuvent manquer de produire."

Voila qui est édifiant ! car non seulement la comtesse de Provence est affligée d'extraordinaires sourcils, mais elle ne se lave pas les dents et oublie le reste. A sa décharge, Marie-Joséphine vient d'un pays ou les règles de l'hygiène sont fort irrégulieres. Il en va autrement à Versailles. Louis XV et sa famille disposent de salles de bains dignes des fées et ils en usent...Majesté et altesses se lavent avant de se parfumer puis endossent de rutilants habits de brocart pour les moments reservés à l'apparat.
Malheureusement la princesse n'arrivera jamais complètement à se défaire de sa paresse. Si elle consentira à se faire épiler les sourcils, elle usera avec parcimonie des parfums et des fards. Elle n'avait pourtant que l'embarras du choix sur sa table de toilette.

Ce problème se calque sur un autre, celui de sa vie conjugale. Car non seulement Marie-Joséphine est trés négligée, mais elle est laide, de quoi dégouter son mari.
De plus, comme on l'a vu, le comte de Provence a moins de 20 ans souffre déja de troubles de santé. Si leur mariage a peut-etre fini par etre consommé, il ne le fut pas à cette époque. Marie-Joséphine laisse percer son désarroi lorsqu'elle écrit à ses parents le 7 février 1772 : "Je peux vous dire et pour mon malheur que quoique mes règles ne viennent point, je suis sure de ne pas etre grosse".

Or on sait aujourd'hui que les dérèglements hormonaux sont souvent dus à des facteurs psychologiques. Si elle est blessée dans sa nature intime, c'est qu'elle est probablement traumatisée par tous les changements inhérents dans sa vie depuis quelques mois. Coupée de ses racines, mariée à un prince trés froid, entrainé malgré elle dans des intrigues de cour dont elle n'a pas la clé de l'enigme, elle a déja le coeur lourd.

Si les relations d'Apollon et de Vénus ne sont pas au beau fixe, la vie des princes est infiniment agréable. Tout est fait pour les divertir. Les Provence je joignent souvent au couple delphinal dans une cascade de fetes, de bals et de comédies. Leurs vies en apparence sont trés gaies mais la toile de fond est moins riante. Un troisième couple se joindra bientot à eux : celui du comte et de la comtesse d'Artois.

Sur ce point, Marie-Joséphine usa de tout son pouvoir pour faciliter les mariages successifs dans sa famille. Pour celui de sa soeur Marie-Thérèse, elle en réfère directement à Louis XV qui lui répond le 4 mai 1772 :
"Certainement si votre ou vos soeurs vous ressemblent je ne pourrais mieux choisir, et si j'étais un peu plus jeune, je me mettrais moi-meme sur les rangs, bien faché peut-etre de ne pas y avoir sonjé plus tot. Je ne m'engage pas encore, mais je vous aime bien tendrement, et sans des circonstances dont je suis sure que vous etes instruite, nous nous connaitrions davantage. Je vous embrasse de bon coeur ma chère fille."

Le problème c'est que la France hésita un certain temps entre les princesses Marie-Thérèse et Marie-Anne . Elles étaient quasi-naines et Louis XV penchait pour Marie-Anne. Marie-Joséphine ne l'entendait pas de cette oreille. Voici ce qu'elle écrit à ce sujet : "Je serai tout aussi fachée que si on préférait la cadette à l'ainée car j'aime bien pauvre Thérèse comme vous savez." Elle eut gain de cause, ce fut finalement Marie-Thérèse qui fut choisie pour épouser le comte d'Artois.

Accueillie à la Croix-Saint-Herem le 14 novembre 1773, Louis XV trace d'elle un portrait avantageux à son petit-fils l'Infant de Parme : "Elle est trés bien, un peu petite, une belle peau ainsi que la gorge, le nez fort long et ressemblant fort à son père le roi de Sardaigne".

Le comte de Mercy-Argenteau est moins aimable : " Elle est fort petite, médiocrement prise dans sa taille ; elle a le teint assez blanc, le visage maigre, le nez fort allongé et desagréablement terminé, les yeux mal tournés, la bouche grande, ce qui forme en tout une physionomie irréguliere, sans agréments et des plus communes. Mais ce qui est bien plus facheux encore pour cette princesse, c'est la disgrace de son maintien, sa timidité et son air embarrassé ; elle ne sait prononcer une parole. Elle danse trés mal et n'a rien qui n'annonce en elle, ou le défaut de dispositions naturelles, ou une éducation excessivement négligée. Tout le public en a jugé ainsi et son premier coup d'oeil a été trés défavorable pour Mme la comtesse d'Artois".

Décidèment le jugement de l'ambassadeur d'Autriche est encore pire que celui donnécomtesse de Provence deux ans plus tot ! Mercy-Argenteau ne se gène pas pour dénigrer outre mesure les princesses de Savoie. En fait, il ne cherche qu'à consolider la position de Marie-Antoinette qui ne fait pas l'unanimité à Versailles.
A l'instar de Provence, le comte d'Artois souhaite avoir la haute main sur les faits et gestes de sa femme. Il est résolument anti-barryste et interdit à Marie-Thérèse d'adresser la parole à la favorite royale. Aussi si Marie-Joséphine se déclare ravie lors des retrouvailles avec sa jeune soeur, elle va vite déchanter. Elle se pose en conseillere avisée de la comtesse d'Artois afin de lui faciliter la tache dans les méandres de la cour. Mais Marie-Thérèse se dérobe aux sollicitations de la comtesse de Provence. Ce n'est pas une attitude pour la réjouir et elle marque de l'humeur. Cet épisode est l'une des premieres manifestations tangibles du caractère de Marie-Joséphine qui commence à s'affirmer. Son tempérament la dispose à l'autorité. Cette inclination ne fera qu'augmenter avec les années.

De son coté, la patrie des princesses de Savoie, le roi de Piemont-Sardaigne en tete, commence à s'impatienter du traitement dont sont victimes Marie-Joséphine et Marie-Thérèse.
Si Louis XV est trés aimable avec elle, il refuse de trancher le conflit larvé qui oppose sourdement la dauphine et ses belles-soeurs. Les trois jeunes femmes sont elles-memes les dupes de cette cabale qui les dépassent. Toutefois, elles sont sollicitées en permanence par le ambassadeurs qui défendent leurs interets en France. Mercy-Argenteau pour Marie-Antoinette et le comte de Viry pour les comtesses de Provence et d'Artois.

Ces princesses ne font que se conformer aux instructions des diplomates patentés qui leurs sont attachés. Mais ces politiques chevronnés oublient une chose : elles sont extremement jeunes -elles n'ont pas 20 ans- et n'ont qu'une idée trés réduite des arcanes de la politique. Si pour bien faire elles sont aimables avec un parti, elles en mécontentent un autre par contre-coup...Rude mission.

Le règne de Louis XV touche à sa fin. Sa liaison avec une femme de petite condition -mais dont la beauté, la culture, l'éducation et les manières ne déparent pas à Versailles- fait scandale. Vénéré pendant sa jeunesse sous le surnom de "Bien-Aimé" il est maintenant le "Bien-Hai".
Beaucoup espèrent de l'avénement de Louis XVI et de Marie-Antoinette, pourtant peu au fait des responsabilités écrasantes et des difficultés croissantes de la monarchie.
La mort prématurée du roi le 10 mai 1774 va procurer à la comtesse de Provence un rang éminent au sein de la dynastie. Un vent de jeunesse et d'optimisme souffle sur Versailles. Marie-Joséphine parviendra-t-elle à faire honneur à son rang de deuxième dame du royaume ?

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Dominique Poulin


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Message Publié : 06 Avr 2004 21:41 
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Toutefois l'enfance de Marie-Joséphine de Savoie reste assez obscure et le déroulement de son mariage ne se rapporte surtout qu'à des dates et à ses fetes. C'est pourquoi la comtesse de Provence ne me parait sortir de son anonymat qu'au lendemain de ses noces à travers les aspects suivants : son aspect ingrat, les relations de son curieux ménage et l'écheveau d'une cabale ou elle est compromise malgré elle...

Par la suite, on constatera que Madame -c'est son titre officiel à partir de 1774- a une personnalité bien affirmée et qu'elle se distingue de beaucoup de personnes de son milieu par un comportement original qui fera scandale. Mais je n'en dirais pas plus...

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Message Publié : 09 Avr 2004 17:28 
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Eginhard
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Serait-il possible de reproduire des portraits de la comtesse de Povence ? Certainement me diriez-vous. Le problème c'est que je ne sais pas faire ce genre de choses sur Internet.

A titre d'information, je connais quelques portraits de Marie-Joséphine. Par ailleurs Louis-Auguste a pris la peine de diffuser l'un deux, il est d'Elisabeth Vigée-Lebrun et a sans doute été peint en 1782 ou 1783.

Quels sont les autres portraits qui l'immortalisent dans son siècle ? J'en connais trois autres.

- Un de Gautier-Dagoty : Marie-Joséphine est assise dans une superbe robe de cour, ses cheveux sont coiffés en hauteur comme l'exigeait la mode. De sa main gauche, elle désigne un buste de son mari et un portrait de son père.
Et oh miracle ! Marie-Joséphine y apparait presque jolie ! Gautier-Dagoty a sans doute occulté les aspects malgracieux de la princesse. Quand on immortalise la deuxième dame du royaume, on ne représente pas un laideron, cela s'entend...

- Quand aux deux autres portraits, je ne les connais que de mémoire, car je ne les ai pas retrouvés dans ma documentation.

Le premier fait paraitre Mari-Joséphine en diane chasseresse sanglée d'une peau de panthère.
Pour le second, elle figure en buste avec une rose à la main, peut-etre est-t-il du au pinceau de Duplessis.

Par ailleurs, j'ai cru reconnaitre Madame en diane chasseresse sur le site de Maialen, et ce dans la rubrique de la famille de Louis XVI. Aussi Maialen si elle y consent, voudra-t-elle reproduire ce portrait dans le sujet qui nous passionne ?

Merci à tous.

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Message Publié : 10 Avr 2004 23:23 
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La laideur de la comtesse de Provence n'est pas contestable. De plus, comme vous l'avez lu, je ne l'ai pas nié dans mon récit.
Seul Louis XV est étrangement flatteur pour elle. Je ne sais pourquoi. Il avait pourtant fréquenté les plus belles femmes qui soit, Mme de Pompadour, Mme Du Barry, Louise O'Murphy (d'origine irlandaise)... N'a t-il pas écrit à son petit-fils l'Infant de Parme : "Si j'avais quelques années de moins, je l'aurais bien prise pour moi". Voila qui est fort troublant. Dans sa vieillesse avait-t-il quelque indulgence pour les tendrons disgraciés ? Mais pourtant à cette époque -1771-, il avait une femme éclatante de beauté dans son lit, la comtesse Du Barry...

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Dominique Poulin


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Message Publié : 11 Avr 2004 0:02 
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Grégoire de Tours
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Allez sur le site de l'Agence Photographique de la Réunion des Musées Nationaux, Dominique, vous retrouverez tous les portraits de votre héroïne, en tapant Comtesse de Provence dans le cadre "recherche". :wink:

Agence Photographique de la RMN.


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Message Publié : 11 Avr 2004 17:16 
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Plutarque
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Quant Louis XV dit qu'il l'aurait bien prise pour lui, il écrit bien à l'infant d'Espagne qui est tout de même assez jeune, de plus il parle d'une princesse royale. Ne l'aurait-il pas prise pour reine tout comme il aurait pris l'effacée Elizabeth d'Autriche? Car si elle était laide, elle semble savoir tenir son rang et surtout ne pas se mèler des intrigues, ce qui n'est pas le cas de Marie-Antoinette (quoiqu'ele en soit un peu malgré elle).

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Message Publié : 13 Avr 2004 16:56 
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Eginhard
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Inscription : 22 Mai 2003 16:34
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En ce moment j'essaie de développer la réflexion suivante : pourquoi les comtesses de Provence et d'Artois ont-elles été tant oubliées par les historiens ?
En leur temps, elles ont étées jugées sous un jour dévavorable. Marie-Joséphine était considérée comme laide et autoritaire et Marie-Thérèse trainait une réputation d'imbécilité et d'apathie.

Comtenporaines de Louis XVI et de Marie-Antoinette, d'autres princesses ni plus ni moins brillantes, ont eu droit à de nombreuses biographies. Citons Madame Elisabeth, soeur de Louis XVI, la princesse de Lamballe, princesse légitimée et amie de Marie-Antoinette et la duchesse d'Orléans, femme du futur Philippe-Egalité. La liste n'est pas exhaustive.

Passons au crible ces trois femmes de trés haut rang et essayons de réflechir sur les aspects significatifs de leurs vies qui ont attiré les historiens :

1) Madame Elisabeth

Soeur de Louis XVI et princesse célibataire, elle attire surtout l'attention lorqu'elle décide de rester auprès de son frère pendant la Révolution. Sa foi est ardente, son caractère en tout raisonnable, ses charités et sa bonté sont reconnues mais elle est bigote et assez opiniatre. Elle a du caractère.
Incarcérée avec les siens en 1792, elle monte sur l'échafaud deux ans plus tard. Tous ces biographes la portent aux nues parce qu'elle s'est sacrifiée pour Louis XVI. De cette façon et toujours sous la plume de ses admirateurs, elle participe au "martyre" de la famille royale. Madame Elisabeth a donc trouvé sa place dans l'histoire.

2) La princesse de Lamballe


Marie-Thérèse de Savoie-Carignan -cousine des comtesses de Provence et d'Artois- est mariée en 1768 au prince de Lamballe, cousin de Louis XV et prince légitimé, descendant d'un batard de Louis XIV. Veuve dès 1769, elle se lie d'amitié avec Marie-Antoinette qui en fait la surintendante de sa maison en 1775.
Bientot délaissée par la reine, elle vivra ensuite aux cotés de son beau-père le duc de Penthièvre. La princesse de Lamballe est considérée comme une femme aimable et placide mais de l'esprit point ! Elle est meme taxée de sottise.
L'attention est portée sur elle parce qu'elle fut l'amie de Marie-Antoinette, avant de se sacrifier en refusant d'émigrer puis de connaitre une mort tragique lors des massacres de Septembre 1792. Sabrée, égorgée, sa tete fut portée au bout d'une pique et ses parties intimes servirent de moustaches.
Au récit de tous ses malheurs, madame de Lamballe est donc passée à la postérité.

3) La duchesse d'Orléans

Fille du duc de Penthièvre, Marie-Adélaide est mariée au duc de Chartres, futur duc d'Orléans et Philippe Egalité. Sa vie de femme trompée n'est pas un élément suffisant pour l'immortaliser aux yeux de l'hiistoire. Alors quoi ? J'y viens. Sous la Révolution, elle se réfugie dans la maison de santé du docteur Belhome. Là, elle rencontre l'homme de sa vie, le conventionnel Rouzet qui n'a pas voté la mort du roi.
La liaison de la duchesse d'Orléans et de Rouzet devenu comte de Folmon par la grace du roi d'Espagne fera entrer Marie-Adélaide par la grande porte de l'histoire. Le fait qu'elle soit la femme de Philippe Egalité et la mère du roi Louis-Philippe n'y change rien puisque les comtesses de Provence et d'Artois sont les femmes des futurs Louis XVIII et Charles X. Et pour ces princesses, la célébrité de leurs maris n'a pas rejailli sur elles !

Au travers de ces trois fiches signalétiques, on peut avancer la réflexion suivante : la soeur de Louis XVI et la princesse de lamballe sont surtout célèbres parce qu'elles connurent des fins tragiques et la duchesse d'Orléans parce qu'elle tomba amoureuse d'un homme étranger à son milieu.
En conséquence le rang entre pour trés peu de choses, mais les faits et les événements qui jalonnent la vie de ces femmes. De plus ces princesses ont été confrontées aux prises directes de la révolution et deux d'entre elles y laissèrent la vie.
Le cas des comtesses de Provence et d'Artois est différent. Elles émigrèrent avant la Révolution : Marie-Thérèse en 1789 et Marie-Joséphine en 1791. Dans le cas contraire, auraient-elles échappées au couteau de la guillotine ? c'est peu probable mais ce n'est pas certain.

Peut-etre pour l'instant peut-on se fonder sur ce raisonnement à partir des renseignements dont nous disposons : les comtesses de Provence et d'Artois ne se sont jamais adoptées à leur patrie d'adoption. Et encore ! leur environnement ne se borne qu'au milieu de la cour et aux limites de l'Ile de France.
Si le cadre de vie des princesses de Savoie est superbe -les meubles et les objets qui nous sont parvenus le confirme- leurs ames nous échappent. Il est difficile de décrire leurs caractères. Enfin délaissées par leurs maris, tolérées par la reine et vivant dans une cour ou elles n'avaient pas d'influence, elles n'attirèrent pas l'attention de leurs comtenporains.

Malgré la narration de la vie de Madame -c'est le titre officiel de Marie-Joséphine de Savoie-, je continue de poser des hypothèses. Car à la lumière des trois princesses dont j'ai parlé, la comtesse de Provence mérite mieux. Elle avait un tempérament plus original que celui de Madame Elisabeth, un esprit qui surpassait et de loin ! celui de Madame de Lamballe et un rang bien supérieur à celui de la duchesse d'Orléans. Son gout pour les liqueurs fortes et les caresses saphiques n'ont pas empeché pour autant l'indifférence des historiens.
On peut penser que la nature autoritaire de la princesse savoyarde, sa réputation de femme mélancolique -nous parlerions aujourd'hui de dépression nerveuse- et alcoolique a contribué à faire du cas de Marie-Joséphine de Savoie un cas tabou.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 13 Avr 2004 18:28 
Pour ma part, il convient cependant de remarquer que la duchesse d'Orléans était quant à elle vivante lorsque son mari a joué-tristement- un rôle politique de premier plan, alors que les princesses de Savoie étaient décédées au moment où leurs époux respectifs ont commencé à jouer un rôle décisif du point de vue de l'histoire nationale... sous la Restauration.

Ce qui explique sans doute un intérêt plus marqué de ses contemporains et des historiens pour sa personne... et donc le plus grand nombre de témoignages à son sujet.

Enfin, une petite remarque supplémentaire concernant la princesse de Lamballe : elle a bel et bien émigré au début de la Révolution mais est rentré volontairement en France après la fête de la fédération, ce qui rend son destin encore plus tragique !


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Message Publié : 13 Avr 2004 22:23 
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Eginhard
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Je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi Sébastien. Les femmes des comtes de Provence et d'Artois sous Louis XVI éraient respectivement les deuxième et troisième dames du royaume. Ce n'est pas rien, mais comme je l'ai souligné dans mon précédent message le rang ne compte pas dans l'histoire mais les faits et les événements qui jalonnent la vie de chacun en bien ou en mal.

Si les époux de Marie-Joséphine et de Marie-Thérèse de Savoie ont joué des roles mineurs pendant la première partie de leurs vies, ils étaient trop prés du trone pour passer inaperçus !

J'ai une idée à l'instant : au XVIIe et XVIIIe siècles, les menbres de la haute société menaient des vies séparées. En ce qui concerne les princes et princesses, ces derniers avaient des appartements séparés, des cours et des maisons distinctes. Aussi bien souvent, les couples princiers et royaux ne s'aimaient pas, ils s'agissait d'unions politiques et dynastiques. Donc dans cette perspective, chacun menait sa vie de son coté... Les hommes prenaient maitresses, les femmes parfois mais c'est plus rare. Car du coté des altesses royales, si l'homme pouvait tromper sa femme à qui mieux mieux, son épouse malheureuse était tenue d'etre fidèle. Voila j'ai peut-etre trouvé une réponse à mes questions.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 14 Avr 2004 9:20 
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Plutarque
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Inscription : 31 Août 2003 18:34
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Pour ma part, j'ai appris comment la comtesse aurait pu être mèlée aux cabales, ce que j'ignorais totalement.

Je crois qu'il est bon de faire un parallèle avec Madame Clothilde. Pourquoi me direz-vous? Tout simplement parce qu'elle non plus n'était pas adaptée à Versailles. Elle semblait compenser son poids par un besoin extrêmement avide de conaissances, est dotée d'une grande culture -et on s'en servira pour discréditer Marie-Antoinette- mais n'a pas l'âme festive demandée à tout à chacun à Versailles. En cela elle ressemble à ses frères Louis XVI et Louis XVIII.

Elle ne passait donc pas pour quelqu'un d'interessant, et Marie-Antoinette confiait qu'elle avait peur qu'elle ne fasse mauvaise impression à Turin. Grave erreur! Si elle ne parait pas pieuse à l'extrême comme sa soeur cadette, Madame Clotilde récupère à Turin un mari qui lui ressemble et se lance à fond dans les oeuvres charitables. Apparament, elle plait. Peut-être que Turin avait justement peur d'une Marie-Antoinette?

Ce que je veux dire, c'est que si les comtesses de Provence et d'Artois avaient été mariées à des héritiers d'un royaume aux moeurs plus proches (l'Espagne peut-être) elles auraient sans doute trouvé leur place.

Maialen

PS: c'était le message inutile du jour

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Message Publié : 14 Avr 2004 17:53 
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Eginhard
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Inscription : 22 Mai 2003 16:34
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A propos de Madame Clotilde, je ne sais pas grand chose. Pour l'anecdote, tu n'es pas sans savoir Maialen qu'on la nommait sous le manteau "Gros Madame" ! Mais pour coroller ce que tu dit, elle semble effectivement s'etre mieux adaptée à Turin qu'à Versailles. Plus sérieuse -mais peut-etre moins gaie- que Marie-Antoinette, elle est tout de meme soupçonnée d'avoir fait partie des adversaires les plus résolus à la Révolution Française au meme titre que la reine Marie-Caroline, reine de Naples.
Mais à la réflexion, je sais trop peu de choses pour soutenir une discussion vraiment historique au sujet de Madame Clotilde. Dans son livre consacré à Louis XVIII, Evelyne Lever dit que la princesse Clotilde était l'un des rares menbres de la famille royale a avoir des atomes crochus avec la comtesse de Provence. Il est vrai que Marie-Joséphine a tout fait en son pouvoir pour concrétiser le mariage de la soeur de Louis XVI avec le prince de Piémont.

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Message Publié : 15 Avr 2004 21:59 
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Eginhard
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Je voudrais répondre plus largement à Kitten et Artaxercès à propos du dernier message que j'ai posté dans le sujet "Philippe-Egalité, père de Louis-Philippe ?" et cela dans le cadre de la comtesse de Provence.

Artexercès a écrit des choses fort interessantes en disant que la narration de personnages historiques dits "secondaires" n'est pas négligeable dans le sens que certaines données psychologiques qui leurs sont propres sont révélatrices de leurs époques. J'y ai reflechi cet aprés-midi figurez-vous et je pense qu'il a raison. Je recentre donc le débat sur la comtesse de Provence ou Madame -c'était son titre officiel-, comme vous voulez !

J'avais fais part un peu plus haut de mon raisonnement sur la vie de Madame et son peu d'impact sur les historiens et les litterateurs. Et j'ai expliqué pourquoi. Elle n'attira pas l'attention de ses comtenporains parce qu'elle ne s'était sans doute pas adaptée à sa patrie d'adoption. Et pourquoi ne se serait-elle pas adaptée ? parce que son cacractère, ses gouts et la vie de cour versaillaise ne lui convenait pas. Marie-Joséphine n'avait pas d'atomes crochus avec Marie-Antoinette car une grande disparité de points communs les séparaient. Mais elles avaient autant de caractère l'une que l'autre ! Mais la reine est la reine n'est-ce pas ? et il faut bien s'incliner devant ses volontés, car du fait de la mobilité de son caractère elle pouvait passer d'un état à un autre. Cela Marie-Joséphine ne lui pardonna pas, elle se sentit rabrouée et humilée. Donc dans l'ombre, la comtesse de Provence rejoignit la cohorte des mécontents à la cour et il y en avait beaucoup : son propre mari le comte de Provence, les tantes du roi Mesdames Adélaide, Victoire et Louise, le duc d'Orléans futur Philippe-Egalité... Au sein meme de la famille royale, l'entente et la solidarité n'était pas au rendez-vous loi s'en faut et cette donnée n'est pas à négligér lorsque l'on connait la suite.

Car pendant la Révolution, Louis XVI et Marie-Antoinette ne trouvèrent guère de soutien au sein de la dynastie. Les hommes pensaient à leurs propres interets et les femmes du fait de longues rivalités internes sous-jacentes ne pouvaient vraiment s'entendre. Il est probable que dans l'intimité Marie-Joséphine appelait sa belle-soeur "L'Autrichienne". C'est donc un facteur de plus de l'isolement du roi et de la reine pendant la Révolution et sa portée politique.

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Message Publié : 15 Avr 2004 22:11 
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Eginhard
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Vous vous souvenez de la polémique sur la taille de la comtesse d'Artois, la soeur de Marie-Joséphine de Savoie ? J'ai du nouveau. Je suis tombé tout à fait par hasard sur cette information dans le livre suivant "Madame Elisabeth, soeur de Louis XVI" de Monique de Huertas, page 39. A savoir que cette petite princesse de Savoie aurait mesuré quatre pieds six pouces ce qui fait en mesures actuelles un mètre quarante neuf. Nous sommes donc assez loin des un mètre trente cinq ou des un mètre trente... Le problème c'est que Mme de Huertas ne donne pas sa source, la seule donnée vraiment fiable en histoire.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 15 Avr 2004 22:44 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 03 Oct 2003 9:22
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Pour reprendre ce qui a été dit, je pense en effet qu'une bonne connaissance de la Cour, des personnalités et des influences respectives des Princesses de France avant 1789 est indispensable à la bonne compréhension de ce qui se passera après cette date. Je pense notamment aux comportements du Comte de Provence et d'Artois vis à vis du couple royal, de leurs sentiments réciproques avant leurs accessions au Trône qu'il n'est pas toujours aisé d'appréhender sans avoir en tête ceux que vous avez dépeint avec brio.


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