In Horace de Viel Castel : Mémoires sur le règne de Napoléon III. Robert Laffont, 2005.
14 août 1853. Dans le Moniteur de ce matin il y a quatre nominations d’officiers et de chevaliers. Officiers : Mocquard, secrétaire de l’Empereur ; Conneau, premier médecin.
Chevaliers : Ch. Thélin, trésorier de la cassette ; Acar, premier pharmacien.
Conneau est un ami dévoué ; Thélin est, je crois, frère de lait, je n’ai pas d’objections à faire ; mais Acar le pharmacien ! ; mais Mocquard, est-ce pour avoir servi d’eunuque blanc à l’Empereur auprès de Mme Howard ?
Mercredi 14 février 1855.Le faubourg Saint Germain, qui a la palme pour les cancans de mauvais goût et pour les calomnies de cuisinières, raconte que Madame de Malaret donne sa démission de dame de l’Impératrice pour éviter d’avoir une seconde fois à repousser les propositions de Sa Majesté.
Lundi 14 septembre 1857. La comtesse Walewski, femme du ministre des Affaires étrangères, est décidément la favorite actuelle de l’Empereur. L’Impératrice ne peut se passer d’elle, et Walewski se pavane à l’ombre de la nouvelle dignité de sa femme.
Vendredi 19 août 1859. La Bédollière, chambellan de l’Empereur, le plus inepte des hommes, le plus obtus, le plus incapable d’aucun service est fait sénateur. Motifs : Son père avait été fusillé en 1815 ; sa femme a couché avec Napoléon III.
Jeudi 5 janvier 1860. On parlait ces jours-ci de la faveur de la jolie Madame de Cadore : Le Fuel le répétait ce matin à Nieuwerkerke qui le niait avec une certaine animation, car, dit-il, il n’en a pas entendu souffler mot. Ceci ne prouve rien, Nieuwerkerke ne sait quelque fois pas les choses les plus connues. Ce qui est positif, c’est que l’Empereur faisait grande attention à Madame de Cadore, que l’Impératrice la choyait beaucoup comme elle a choyé Mesdames Walewska, Castiglione, Labédollière, etc. etc.
Que Monsieur le marquis de Cadore, lieutenant de vaisseau avant la campagne d’Italie, a reçu sans qu’aucun fait particulier ne motivât cet avancement, le titre de capitaine de frégate, que depuis il a abandonné la carrière maritime pour aller contre tout droit et en violation des règlements, prendre le poste de premier secrétaire d’ambassade à Naples, et qu’enfin il est nommé chambellan honoraire. M. de Cadore jouit de tous les avantages d’un mari de favorite, et cependant sa femme ne l’est pas ! … je le veux bien.
Jeudi 28 juin 1860. J’ai appris une assez jolie anecdote, et je la tiens de si bonne source que je puis garantir son authenticité.
Pendant le voyage de Compiègne que précéda le mariage de l’Empereur, Mlle de Montijo se trouvait avec sa mère au nombre des invités.
L’Empereur, très amoureux, poursuivait Mlle de Montijo de ses obsessions tellement, qu’une nuit il pénétra dans son appartement et voulut employer la violence pour vaincre l’énergique résistance de l’héroïne. Dans la lutte qui fut acharnée, Mlle de Montijo repoussa avec une telle force l’arme terrible de l’assaillant qu’elle en fut foulée dans sa monture.
L’Empereur dut se retirer, et lorsqu’il fut guéri, il jugea devoir emporter par une alliance, la place qui avait résisté à un assaut. Les portes furent alors ouvertes et nous eûmes une Impératrice.
Vendredi 22 novembre 1861. Walewski est fort ébranlé ; le crédit de sa femme est anéanti, elle a passé au rang des sultanes réformées.
Il y a six semaines, elle admirait à Pierrefonds un lézard gargouille qui venait d’être placé dans une partie du château restaurée. « C’est très bien exécuté, dit-elle, mais voilà une conduite d’eau qui doit coûter cher …
- Moins que la vôtre, Madame », lui répondit le maréchal Vaillant.
Une personne présente à cette escarmouche reprocha au général sa vivacité.
« Vous ignorez, répliqua le rude ministre de la maison, que ce traînage nous coûte quatre millions de francs ! » Enfin Madame Walewska est disgraciée.
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