Nous sommes actuellement le 28 Mars 2024 22:21

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 38 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3  Suivant
Auteur Message
Message Publié : 08 Mai 2021 8:53 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
Tous les auteurs ne semblent pas d'accord sur l'état de l'opinion publique. Je soupçonne ceux qui disent qu'elle était devenue quasiment incontrôlablement va-t-en-guerre d'être intoxiqués par les éléments de langage des ultras bonapartistes qui ont utilisé cet argument pour justifier la déclaration de guerre.
Alors qu'en réalité, l'écrasante majorité des Français se moquait totalement de ces circonvolutions diplomatiques réservées aux initiés.

Je décorrèle toutefois l'affaire espagnole de la réaction à la dépêche d'Ems, la position du gouvernement impérial semble avoir été mieux partagée par l'opposition sur le sujet d'une succession Hohenzollern à Madrid.

Autre élément intéressant à préciser dans ce dossier : le régime impérial me semble friand des analyses d'opinion. Cela découle naturellement de la pratique du pouvoir plébiscitaire qui est consubstantielle à Napoléon III (et avant lui à son oncle via les sénatus-consulte), la légitimité du régime devant être "retrempée" de temps à autre dans une onction démocratique - ce système a trouvé un héritier dans la Ve République gaullienne, avec la pratique référendaire régulière, interrompue toutefois depuis 2005. Mais il est très possible qu'il ait été intoxiqué par ses propres pratiques, en gardant un œil vigilant sur le moindre mouvement d'humeur de l'opinion sans forcément diagnostiquer s'il s'agit d'une émotion passagère étendue à l'ensemble de l'opinion publique, d'un sursaut violent mais localisé d'une frange seulement de celle-ci (généralement partisane ou socialement identifiée) ou d'une tendance de fond particulièrement lourde. L'absence de sondages d'opinion "scientifiques", il est vrai, ne rendait pas la tâche facile. Ce souci constant de l'état de l'opinion trouve naturellement son origine dans la tare initiale du régime, instauré par un coup d’État (ou au moins un "coup de majesté" du chef de l’État), le 2 décembre 1851, et les multiples soubresauts de la société qui obligent l'Empereur à de constantes adaptations, tant législatives (droit de grève en 1864) qu'institutionnelles (libéralisation du régime à partir de 1860, amnisties, etc.).
L'erreur majeure, à mon sens, vient du fait que le régime était particulièrement fort à l'été 1870, dans le sillage du plébiscite triomphal du 8 mai qui l'avait ancré définitivement. Il n'y a donc pas lieu de craindre une opinion publique qui vient de montrer de manière éclatante qu'elle soutient le régime sous sa forme libérale.
Ne restent donc que deux explications : soit une opinion publique largement favorable à la guerre - mais je n'y crois guère - soit la manipulation des ultras pour des raisons de politique intérieure, ceux-ci voulant saisir l'occasion de la démonstration de force du régime du 8 mai pour (re)saisir l'intégralité du pouvoir et en finir avec l'expérience libérale - et cela me semble parfaitement cadrer avec l'attitude de Gramont, de l'impératrice, puis de Palikao au mois d'août. Ce ne serait en outre pas la première fois qu'un régime autocratique ou autoritaire cherche dans une victoire militaire un point d'appui pour faire face à des difficultés ou des questions d'ordre intérieur (le cas généralement pris en exemple est l'Argentine en 1982, mais il y en a bien d'autres).

LCL EMB

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Mai 2021 9:23 
Hors-ligne
Tite-Live
Tite-Live

Inscription : 08 Mai 2020 12:38
Message(s) : 369
Localisation : En Mayenne
On peut s'interroger sur la validité des renseignements que le gouvernement impérial recueillait sur l'état de l'opinion publique. Le cas de la déclaration Gramont est, à cet égard, assez éclairant.

La déclaration est faite le 6 juillet devant la Chambre. Elle est publiée le lendemain 7 juillet au Journal Officiel :

Notre respect pour les droits d’un peuple voisin ne peut pas faire que nous laissions une puissance étrangère essayer de relever le trône de Charles-Quint, détruire à notre détriment l’équilibre actuel des forces de l’Europe (applaudissements frénétiques) et mettre en péril les intérêts et l’honneur de la France (applaudissements et bravos répétés). Cette éventualité ne se réalisera pas. Nous comptons sur la sagesse du peuple allemand et sur l’amitié du peuple espagnol. S’il en était autrement, forts de votre appui et de celui de la nation, nous saurions remplir notre devoir sans hésitation et sans faiblesse (Applaudissements et bravos).

La France profonde peut alors commencer à en prendre connaissance ; du moins celle qui lit le JO, ou les commentaires qu'en font, localement, les organes de presse.
Simultanément, le ministère de l'intérieur demande aux préfets de l'informer des réactions produites par cette déclaration.

Le 8 juillet, le préfet de la Mayenne répond au ministre que le département approuve : l'honneur national est en jeu.

Sur quelles bases le préfet a-t-il fondé son avis ? Qui a-t-il eu le temps d'interroger dans un aussi court délai ? On est en droit de se poser la question. On doit même se la poser.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Mai 2021 9:34 
Hors-ligne
Administrateur
Administrateur
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 27 Avr 2004 17:38
Message(s) : 10623
Localisation : Région Parisienne
La lecture des journaux de l'époque est intéressante. On y apprend, entre autres, que seul Thiers était opposé à la guerre, Gambetta a voté pour.

L'éditorial du patron du Figaro détonne un peu.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k271925q/f1.image

_________________
Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Mai 2021 9:39 
Hors-ligne
Polybe
Polybe

Inscription : 22 Fév 2012 23:50
Message(s) : 102
Citer :
Mais il est très possible qu'il ait été intoxiqué par ses propres pratiques, en gardant un œil vigilant sur le moindre mouvement d'humeur de l'opinion sans forcément diagnostiquer s'il s'agit d'une émotion passagère étendue à l'ensemble de l'opinion publique, d'un sursaut violent mais localisé d'une frange seulement de celle-ci (généralement partisane ou socialement identifiée) ou d'une tendance de fond particulièrement lourde.


Mais précisément, le régime n'avait-il pas plus à craindre de ces minorités agissantes et bruyantes par rapport à l'opinion de l'ensemble de la population française plus attentiste ? Dans un pays où le pouvoir politique se trouve très centralisé on accorde fatalement une attention toute particulière aux soubresauts de la capitale, surtout quand deux gouvernements sont tombés de manière récente, sous fond de contestation sociale (qui au vu de la Commune n'était pas une affaire réglée dans l'empire) et des événements politiques qui nous apparaissent comme des épiphénomènes avec le recul.

Une chose est sûre, c'est bien Gramont qui lance l'escalade avec la question des garanties que la Prusse doit fournir à la France. Je me demande si dans le fond les événements qui suivent n'échappent pas en partie aux différents acteurs. En ayant souffler sur les braises, Gramont rend toute forme de recul diplomatique impossible. On avait été rassuré à Paris quand la candidature de Léopold avait été retirée et Napoléon III avait pensé la paix acquise. Sans Ems, y aurait-il eu la guerre pour autant ou se serait-on contenté d'un refus diplomatique de la Prusse de fournir la moindre garantie ? Est-ce que Gramont voulait la guerre ou espérait-il une victoire diplomatique pour venger Sadowa ? Dans tous les cas, j'ai le sentiment qu'une fois la surenchère diplomatique lancée, il devient impossible de faire marche arrière sinon ce serait porter un profond discrédit au régime impérial.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Mai 2021 9:42 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
b sonneck, merci de votre analyse fine des retours locaux à travers l'exemple d'un département de l'Ouest. M'est avis qu'il n'y a aucune base scientifique à quelque avis que ce soit : nous sommes aussi incapables de savoir si l'opinion publique suivait une posture belliciste que de dire le contraire que devait l'être le gouvernement impérial. On a peut-être même à faire à un cas de manipulation destiné à intoxiquer l'Empereur et le convaincre de décider la guerre.

De toute manière, il n'y a pas d'opinion publique à proprement parler, en tout cas comme celle que nous connaissons : ceux qui s'informent par le biais de journaux ou de gazettes sont très minoritaires dans la population. Cela concerne en fait surtout les cercles du pouvoir et les professions qui gravitent autour (journalistes, avocats, banquiers), et bien sûr l'opposition républicaine - ce qui ne signifie pas que ceux-ci, comme le pouvoir, ne trouvent pas écho dans le "petit peuple", mais celui-ci est subordonné à ces "leaders d'opinion".
Alors, quel est le niveau à partir duquel on considère que l'opinion publique veut la guerre : 5% d'avis favorables ? 10% ? 20% ?

LCL EMB

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Mai 2021 9:46 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 13 Mars 2010 20:44
Message(s) : 2195
LCL_EMB a écrit :
Il en a commis d'autres (le Mexique entre autres)

Deux objections sentimentales : sans le Mexique pas de Camerone et surtout pas de chant Eugénie les larmes aux yeux...
:arrow:

_________________
il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Mai 2021 10:05 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
Squalll a écrit :
Mais précisément, le régime n'avait-il pas plus à craindre de ces minorités agissantes et bruyantes par rapport à l'opinion de l'ensemble de la population française plus attentiste ? Dans un pays où le pouvoir politique se trouve très centralisé on accorde fatalement une attention toute particulière aux soubresauts de la capitale, surtout quand deux gouvernements sont tombés de manière récente, sous fond de contestation sociale (qui au vu de la Commune n'était pas une affaire réglée dans l'empire) et des événements politiques qui nous apparaissent comme des épiphénomènes avec le recul.


Non. Il est historiquement très clair qu'après sa grande victoire du 8 mai, l'Empire est plus solidement implanté que jamais. Fort de ce succès plébiscitaire clairement reconnu par tous les acteurs et notamment par l'opposition républicaine, il n'y a aucune menace intérieure qui soit de nature à le déstabiliser à brève échéance.
Ce qui n'est pas antithétique avec une attention particulière portée aux évènements parisiens. Paris est la caisse de résonance du pays. Et j'ai bien souligné que par sa nature plébiscitaire le régime est très attentif aux fluctuations de ce qu'il identifie comme l'opinion publique. Mais le régime venait de réaliser une démonstration de force éclatante, vue comme telle par tous les commentateurs de quelque bord qu'ils soient. Il a eu un test grandeur nature de sa légitimité au printemps, et n'a aucune raison de penser qu'il est minoritaire donc menacé, au contraire.

Squalll a écrit :
Une chose est sûre, c'est bien Gramont qui lance l'escalade avec la question des garanties que la Prusse doit fournir à la France.


Gramont, qui appartient à l'aile ultra du régime. Quel intérêt a-t-il à lancer cette escalade alors que la paix est acquise après le retrait de la candidature Hohenzollern ?
Mon analyse est que les ultras veulent profiter d'une bonne guerre pour fermer la parenthèse libérale. Parce que je ne vois pas d'autre explication, si ce n'est la bêtise mais elle ne cadre pas avec la suite des évènements qui montrent une cohérence des actions des ultras qui poussent à la guerre.

Squalll a écrit :
Je me demande si dans le fond les événements qui suivent n'échappent pas en partie aux différents acteurs. En ayant souffler sur les braises, Gramont rend toute forme de recul diplomatique impossible.


Justement, cela cadre parfaitement avec l'hypothèse d'une guerre extérieure voulue. Gramont ferme les options et oblige l'Empereur à la guerre, surtout si on l'assure que l'opinion publique la souhaite ardemment.

Squalll a écrit :
On avait été rassuré à Paris quand la candidature de Léopold avait été retirée et Napoléon III avait pensé la paix acquise. Sans Ems, y aurait-il eu la guerre pour autant ou se serait-on contenté d'un refus diplomatique de la Prusse de fournir la moindre garantie ? Est-ce que Gramont voulait la guerre ou espérait-il une victoire diplomatique pour venger Sadowa ?


Ems est une manœuvre assez grossière qui aurait été facilement contenue si le gouvernement impérial avait voulu la paix. Gramont ne veut pas la paix, comme son discours du 6 juillet, à la tonalité très belliqueuse, le souligne assez. Ems est donc le casus belli rêvé pour la fraction ultra. Parce qu'elle veut la guerre.
Pour quelle raison, en outre, la diplomatie française voudrait-elle "venger Sadowa" ? Elle se moque bien de venger l'Autriche, elle s'inquiète bien plus de l'équilibre des pouvoirs européens et craint une Prusse devenue hégémonique dans l'espace allemand. Certains ont sans doute pu penser qu'il était temps de mettre fin à son ascension maintenant, plutôt que d'être dans l'incapacité de le faire plus tard (à l'instar du Reich wilhelmien en 1914, certains nationalistes allemands préconisant une bonne guerre immédiate, alors que l'armée allemande domine la scène militaire continentale, plutôt qu'une guerre incertaine demain, avec des ennemis plus puissants). Mais venger Sadowa ne présente absolument aucun intérêt à Paris, au plus est-ce un refrain que l'on peut entendre à Vienne (et encore, l'alignement de la double monarchie austro-hongroise sur le Reich allemand à partir des années 1870-1880 montre bien que c'est à relativiser).

Squalll a écrit :
Dans tous les cas, j'ai le sentiment qu'une fois la surenchère diplomatique lancée, il devient impossible de faire marche arrière sinon ce serait porter un profond discrédit au régime impérial.


Analyse que je ne partage pas. Un recul aurait rendu les ultras furieux, certes, mais l'opinion publique s'en serait largement contentée, sauf la frange la plus nationaliste qui reste minoritaire. Et surtout, les ultras n'ont aucune raison de mettre en péril le régime, tout au plus auraient-ils voulu "débrancher" l'Empereur et le remplacer par son fils ou l'impératrice (c'est d'ailleurs très exactement ce qui se passe lorsque l'Empereur rejoint l'armée !). Le régime est plus solide en juillet 1870 qu'il ne l'a jamais été depuis 1860. Il s'en serait remis, facilement. Au contraire, l'alerte aurait pu être un bon prétexte pour reprendre la loi militaire où elle avait été abandonnée en 1868-1869 et réarmer.

Je pense qu'on assiste à une double manœuvre : 1) créer à l'extérieur un casus belli qui explicite la posture agressive du gouvernement impérial et justifie auprès de l'opinion publique une guerre nécessaire ; 2) forcer la main de l'Empereur, qui n'est pas un ultra mais dont on a besoin de la sanction pour entrer en guerre, en soulignant que l'opinion publique veut la guerre, et en utilisant tous les artifices de manipulation de la communication possibles (via les journaux et les retours des préfets, par nature favorables au régime et dont une bonne partie répond à Forcade la Roquette, un des ultras qui était ministre de l'Intérieur quelques mois auparavant seulement).

Pour ce faire, forcer la Prusse à la fermeté tout en supprimant ses propres options, puis montrer à l'Empereur que c'est le souhait unanime des Français (que ce soit le cas ou pas importe finalement peu, tant que l'Empereur le croit). Rassuré sur l'état de l'opinion publique et le soutien des Français à la guerre, rassuré par les militaires* sur l'état de préparation de l'armée, l'Empereur décide la guerre.
C'est exactement ce qui se passe.

* Il serait intéressant de savoir à quelle frange du bonapartisme répond, par exemple, le maréchal Leboeuf. Et les principaux conseillers militaires consultés par l'Empereur avant qu'il ne décide la guerre. Sont-ce des ultras ?

LCL EMB

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Mai 2021 10:29 
Hors-ligne
Salluste
Salluste
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 28 Mars 2020 20:19
Message(s) : 236
Localisation : Poitou
A lire, l'éditorial très lucide d'Auguste Nefftzer dans le Temps du 8 juillet 1870 .

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... f1.highres

Je ne sais pas à quoi correspondent les traits au crayon que l'on voit sur le journal. Sont-ce des marques de censure ?

_________________
La classe des sots politiques est, de toutes les classes de sots, la plus sotte (Alexandre Erdan).


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Mai 2021 14:01 
Hors-ligne
Tite-Live
Tite-Live

Inscription : 08 Mai 2020 12:38
Message(s) : 369
Localisation : En Mayenne
Article en effet très intéressant et assez lucide.

Je souscris d'autant plus volontiers aux hypothèses avancées par LCL-EMB, d'occasion délibérément saisie par les ultras pour évacuer, grâce à une guerre victorieuse, la parenthèse de l'Empire libéral, qu'elle concorde avec ce que j'ai lu autrefois sur les relations personnelles entre l'impératrice Eugénie et son très volage époux. Relations qui se seraient, dans les années fin 1850 ou début 1860, tellement dégradées, que l'impératrice aurait pris le chemin de l'Espagne avec son fils, rattrapée in extremis aux environs de Vendôme par Prosper Mérimée, ami de la famille, lancé à sa poursuite.
J'ai lu ici ou là que, de ce fait, cela aurait particulièrement arrangé Eugénie que Napoléon III victorieux aille se faire tuer sur le champ de bataille, lui ouvrant toutes grandes les portes d'une régence qu'elle aurait alors exercée durablement, au nom de leur fils.
Qui sait la perspective d'une telle fortune de guerre n'a pas compté, même inconsciemment, dans la conduite de l'impératrice et juillet et août 1870 ?...


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Mai 2021 14:25 
Hors-ligne
Administrateur
Administrateur
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 27 Avr 2004 17:38
Message(s) : 10623
Localisation : Région Parisienne
Il est certain que les ultras, emmenés par Eugénie, ont joué un rôle. Il ne faut pas oublier la maladie de Napoléon III qui est obligé de prendre de l'opium pour calmer ses douleurs, et l'empereur connaissait les faiblesses de l'armée et la force de l'ennemi puisqu'on a retrouvé après le 4 septembre les rapports de Stoffel annotés de sa main (Gouttman - La grande défaite). Pourquoi a t-il cédé ? Cela reste un mystère.

_________________
Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Mai 2021 14:44 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
Une preuve encore plus concrète et chronologiquement adaptée à la question est la réponse faite par l'impératrice le 18 août 1870 à la demande (!) de l'Empereur : alors que Napoléon III souhaite rejoindre Paris après avoir péniblement échappé à l'encerclement de l'armée de Lorraine à Metz, elle s'y oppose et avec elle Cousin-Montauban, au prétexte que cela aurait un effet psychologique terrible sur les Parisiens. Et l'Empereur de se soumettre...
Il est sûr que d'envoyer Mac-Mahon se faire étriller à Sedan (alors qu'il souhaitait placer son armée sous les murs de Paris pour en éviter l'encerclement) et l'Empereur se faire capturer par la même occasion a eu un effet bien plus positif sur les Parisiens, comme on a pu le constater le 4 septembre...

Napoléon III inutile aux armées, comme cela a été plus qu'évident pendant la campagne, sa place était à Paris, où il eut pu, peut-être, éviter la chute du régime (provoquée par l'annonce de sa capture, rappelons-le). Mais voilà, il gênait clairement les menées des ultras aux commandes depuis le 9 août (incarnés par l'impératrice et Cousin-Montauban), alors on le laisse là où il n'a aucun moyen d'agir, sauf en dérangeant les opérations.
Signe clair et tangible que l'impératrice et Palikao jouent une partition bien différente de celle qu'ils estiment être celle de l'Empereur...

A ce sujet, quel est le rôle des ultras dans l'éviction d’Émile Ollivier le 9 août 1870 ?

@Jean-Marc : oui, bien sûr, comme je le faisais remarquer plus haut, l'Empereur est très diminué pendant toute la crise, fantomatique même. Ce n'est pas le brillant décideur des années 1850, à peine son ombre. Cela peut expliquer pourquoi il a cédé : il n'a pas eu la force de s'opposer à l'aile la plus... dynamique des soutiens de son propre régime. Surtout si ceux-ci lui ont fait croire que la France soutenait la perspective d'une guerre comme un seul homme et qu'il ne manquait "pas un bouton de guêtre" aux armées. Fin lamentable pour un dirigeant qui, malgré ses défauts, des erreurs évidentes et un final catastrophique, fut capable et décidé - que l'on n'oublie pas qu'il remet la France, évincée en 1815, au centre du jeu européen, qu'il la modernise puissamment, noue des alliances qui eussent pu être solides et durables, par exemple avec le Royaume-Uni victorien, bref, qu'il fut un grand dirigeant.

Le maréchal Leboeuf était-il un proche des milieux ultras ?

LCL EMB

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Mai 2021 15:34 
Hors-ligne
Administrateur
Administrateur
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 27 Avr 2004 17:38
Message(s) : 10623
Localisation : Région Parisienne
Leboeuf me paraît surtout un incapable. Il y a deux solutions, la première est que ses discours ne sont que des rodomontades et il savait l'impréparation de l'armée, la seconde est qu'il s'est fait enfumer par ses services qui lui ont fait croire qu'il ne manquait pas un bouton de guêtre. Je penche pour la seconde, mais il est l'archétype du général de cette époque, du courage à revendre , mais petite cervelle, pas fait pour commander une armée, ni prévoir une guerre. Leboeuf n'a pas le courage de se battre contre les assemblées qui veulent toujours raboter les crédits et les effectifs et ne croit pas à une guerre contre la Prusse. Il est dommage que Niel ait été emporté par la même maladie qui tuera Napoléon III, il avait une toute autre envergure.

Il est dommage qu'il n'ait pas fait comme Joffre en 1911 lors de l'affaire de Tanger, ou même comme Gamelin au moment des Sudètes.

_________________
Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Mai 2021 16:54 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
Bah, je ne pense même pas qu'on puisse lui jeter la pierre. Il est prisonnier du système bonapartiste, dans lequel l'armée joue un rôle décisif dans le prestige du régime, et la guerre dans le prestige de l'armée.
Qu'il ait été aux fraises est évident, mais je n'ai pas l'impression qu'il y a grand monde de conscient de la disparité très importante entre la puissance militaire prusso-allemande et la française. Des "lanceurs d'alerte" ont certes tiré la sonnette d'alarme, ils seront d'ailleurs mis en avant assez rapidement (je pense à Trochu). Mais dans l'ensemble, le généralat français s'illusionne totalement sur les capacités de l'outil militaire qu'il est chargé de mener au combat.
Quant à la direction stratégique de la guerre, vu l'état de l'Empereur et les manœuvres des ultras, elle est tout aussi fautive. Il est intolérable que sans alliés, nous ayons pris l'initiative d'un conflit pour lequel nous étions si visiblement inférieurs, d'autant plus que notre manière de procéder décourage les amis sur lesquels nous aurions pu compter et provoque l'unité parmi les Allemands !

LCL EMB

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Mai 2021 17:58 
Hors-ligne
Polybe
Polybe

Inscription : 22 Fév 2012 23:50
Message(s) : 102
En lisant l'ensemble de vos messages, j'ai tout de même l'impression que l'empire était une construction très fragile et surtout en fin de vie à l'image de son empereur. Les résultats satisfaisants de plébiscite ne sont-ils donc pas en trompe l'œil, ce dont tous les acteurs auraient plus ou moins conscience ?

Citer :
Pour quelle raison, en outre, la diplomatie française voudrait-elle "venger Sadowa" ? Elle se moque bien de venger l'Autriche, elle s'inquiète bien plus de l'équilibre des pouvoirs européens et craint une Prusse devenue hégémonique dans l'espace allemand. Certains ont sans doute pu penser qu'il était temps de mettre fin à son ascension maintenant, plutôt que d'être dans l'incapacité de le faire plus tard


Je pense effectivement que ça correspond. La France se moque assez bien de l'Autriche, mais ce qui a déchaîné les passions, c'est que Sadowa est aussi un échec cuisant de la diplomatie française. Napoléon III n'obtient aucune des concessions promises, se retrouve même humilié à la suite de la crise luxembourgeoise, qui à bien des égards semble annoncer la guerre qui va suivre, et se met quand même l'opinion européenne à dos. Décidément, dans les affaires allemandes, l'empire aura tout raté.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Mai 2021 19:04 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9041
Squalll a écrit :
En lisant l'ensemble de vos messages, j'ai tout de même l'impression que l'empire était une construction très fragile et surtout en fin de vie à l'image de son empereur. Les résultats satisfaisants de plébiscite ne sont-ils donc pas en trompe l'œil, ce dont tous les acteurs auraient plus ou moins conscience ?

Non, l'empire n'est pas fragilisé à cette époque,ce serait plutôt le contraire.

Qu'il existe une tendance libérale et une tendance réactionnaire fait partie de la loi du genre.

Mais ça reste une autocratie, dont le chef est proche de sa fin, ou en tous cas trop handicapé par sa maladie pour prendre et imposer ses décisions. Le délitement est là.

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 38 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3  Suivant

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 7 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB