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 Sujet du message : Re: J'accuse !
Message Publié : 12 Déc 2019 22:09 
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Eginhard
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Theoask a écrit :
Bonjour,

J'ai vu hier soir le film historique "J'accuse" sur l'affaire Dreyfus. [...]

Est-ce que le producteur a vraiment filmé l'île du Diable? On aurait dit une île dans le Pacifique plutôt... ...



Ni Ile du Diable, ni Pacifique : https://www.ouest-france.fr/bretagne/mo ... ou-6284216

Et donc, ce fut à Plougasnou, dans le Finistère.

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[...] Te raconter enfin qu'il faut aimer la vie
Et l'aimer même si le temps est assassin
Et emporte avec lui les rires des enfants
Et les mistrals gagnants...

Renaud, Mistral gagnant, 1985.


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 Sujet du message : Re: J'accuse !
Message Publié : 12 Déc 2019 22:11 
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Grégoire de Tours
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Pierma a écrit :
Theoask a écrit :
Bonjour,

J'ai vu hier soir le film historique "J'accuse" sur l'affaire Dreyfus.

Trouvez-vous ce film précis en termes de détails historiques? Avez-vous relevé des anomalies (habillement/uniformes, dates, autre)?

Est-ce que le producteur a vraiment filmé l'île du Diable? On aurait dit une île dans le Pacifique plutôt...

Egalement je voulais dire qu'à la toute fin du film, quand Dreyfus rencontre le "Lieutenant Colonel Picard"' (désormais Ministre) après 7 ans de bagne et après avoir réintégré il ne le remercie pas mais lui dit simplement qu'il a fait son devoir.

Est-ce qu'en langage militaire cela revient à le remercier ou pas?


Bonjour

Ce film est une fiction basée sur le récit historique de l'affaire Dreyfus.
Il ne s'agit donc pas d'un documentaire dans lequel tout serait absolument exact.

L'équipe du film a pris grand soin de s'entourer de conseiller historique, judiciaire et militaire pour respecter au maximum la réalité historique.
C'est ainsi que les documents passés à l'écran sont des répliques exactes par exemple. Dans un autre ordre d'idées - les dialogues sont très souvent calqués sur des verbatims véridiques.
On peut donc dire que les inexactitudes ont été réduites au minimum.

Les écarts sont surtout perceptibles dans la narration. Cette affaire tentaculaire est impossible à résumer dans un film de 2h15. Trop de personnages et trop d'événements se sont déroulés en douze ans.

Il a donc fallu couper, réduire, condenser les événements et fusionner des personnages. Tout en restant fidèle à l'esprit de l'affaire. N'oublions pas aussi que J'accuse est un regard porté sur l'affaire par Picquart. Ce qui réduit l'amplitude des faits et le nombre des personnages à son contact.

La production ne s'est pas déplacée en Guyane. Les plans de l'île sont des images de synthèse basées sur les photos réelles et illustrations diverses. Les plans de la case et de son environnement immédiat ont été filmés ... en Bretagne. C'est la magie du cinéma.

L'épilogue est un exemple de simplification narrative rendue nécessaire par le cadre d'un film de cinéma. Dans la réalité elle n'a jamais eu lieu. Alfred Dreyfus n'a pas rencontré Picquart alors qu'il était ministre. Ils avaient rompu bien avant. Les demandes de Dreyfus avaient été transmises en fait par ses avocats et c'est Clemenceau lui-même qui avait refusé à Dreyfus la promotion à laquelle il avait pourtant droit.
Dans la séquence, on peut considérer que malgré tout, Dreyfus remercie Picquart.
En réalité, l'infortuné capitaine avait adressé à Picquart de très nombreuses lettres d'amitié et de remerciement dès 1899.

L'ensemble donne un résultat extrêmement convainquant, bien meilleur que la série de TF1 sensée raconter le Bazar de la charité, et bourrée d'anachronismes par exemple.


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 Sujet du message : Re: J'accuse !
Message Publié : 13 Déc 2019 5:25 
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HEKTOR a écrit :
Dans un autre ordre d'idées - les dialogues sont très souvent calqués sur des verbatims véridiques.
On peut donc dire que les inexactitudes ont été réduites au minimum.

Concernant les dialogue, on a déjà relevé que Polanski en fait des tonnes sur l'antisémitisme. pas un seul personnage qui n'y aille de sa phrase assassine sur les Juifs.

Mais à ceci près, je suis d'accord avec votre remarque sur la précision historique. (On n'a guère relevé, sur ce fil, que des broutilles, comme le port du képi à l'intérieur des locaux, détail que j'ignorais.)

Je ne me console pas de l'absence de la grande scène du II, qui fait tout basculer dans cette affaire : la détection du faux Henry. J'aurais supporté 3 minutes de plus à ce film, tant cette découverte est essentielle.

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 Sujet du message : Re: J'accuse !
Message Publié : 13 Déc 2019 12:13 
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Grégoire de Tours
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Je réponds avec retard à quelques points intéressants soulevés par Pierma.

Pierma a écrit :
(Un petit regret, il manque la scène clé de l'Affaire, le véritable coup de théâtre, celui où un officier montre au nouveau ministre de la guerre, sous la lampe, que le quadrillage de la "preuve" fournie par Henry ne raccorde pas : c'est un collage.)

Le coup de théâtre ne tient pas tant dans la "découverte" des éléments du faux commis par Henry, que de ses aveux complets.
Or le film insiste sur les aveux de Henry et moins sur sa matérialité.
Vous faites ici sans doute référence au téléfilm de Boisset qui fait de la découverte du maquillage de la pièce manuscrite , un événement majeur dans l'affaire. Ceci en présentant pratiquement son inventeur, le capitaine Cuignet, comme un héros dreyfusard, ce qu'il ne fut absolument pas au contraire.

On ne sait toujours pas ce qu'il s'est vraiment passé, en quels termes Henry a avoué, ce qu'il a dit exactement à Cavaignac, etc.
Bref, la séquence imaginée par Harris ne me choque pas dans le film.

Pierma a écrit :
Et tout comme Duc de Raguse, et sans doute plus encore, j'ai été saturé par les références au climat antisémite. Polanski en fait des caisses, on comprend que cet aspect le touche, mais enfin... à certains moments c'est insupportable.

Qu'aurait-on dit si Harris et Polanski avaient éludé le sujet ?
L'antisémitisme est - quoi qu'on veuille en dire - un point central de l'affaire. Les officiers représentés dans le film s'exprimaient de cette manière. Pourquoi faudrait-il l'édulcorer ?

Quelle scène particulièrement vous a dérangée ? Les références antisémites ne sont quand même pas si nombreuses.


Pierma a écrit :
Par exemple je me suis demandé si la réponse folle de Bertillon, l'expert en écriture, lorsque Picquart lui montre un document intercepté, venant d'Esterhazy, à côté du "petit bleu" supposé écrit par Dreyfus, si cette réponse est attestée ? Picquart en a-t-il fait état par la suite ? Si quelqu'un a l'information...
Picquart :"Et si je vous disais que ces deux documents, dont l'un est très récent, sont tous les deux de la main de Dreyfus, que me diriez-vous ?"
Bertillon :"Je vous répondrais que les Juifs ont trouvé un nouveau moyen de contrefaire l'écriture de Dreyfus !" 8-|

Au passage, je me suis demandé pour la première fois si Bertillon était dans le complot : tous ceux qui ont assisté à sa prestation au cours du procès (prestation remarquablement rendue) ont dit après coup qu'ils n'avaient rien compris à sa démonstration. L'homme, fondateur de la police scientifique et "inventeur" des empreintes digitales, n'était pourtant pas un imbécile. Parti-pris et jargon confus, donc.

Cette réponse de Bertillon à Picquart est rigoureusement exacte.

Un exemple : la déposition de Picquart au procès Zola lors de la cinquième audience du 11 février 1898 (Sténographie du Procès d'Emile Zola aux Assises de Seine - Tome 1 pp. 285-286)

M. Bertillon, dès que je lui eus présenté la photographie, me dit : « C'est l'écriture du bordereau ». Je lui dis : « Ne vous pressez pas voulez-vous reprendre cet échantillon et l'examiner à loisir ? » — Il me répliqua : « Non, c'est inutile ; c'est l'écriture du bordereau; d'où tenez-vous cela ? » « Je ne puis vous le dire. » « Enfin, c'est d'une époque antérieure ... » — Je lui répondis : « Non, c'est postérieur. »
Alors M. Bertillon me dit textuellement ceci : «Les juifs font depuis un an exercer quelqu'un pour avoir l'écriture du bordereau. Ils y ont parfaitement réussi, c'est évident. »


Pierma a écrit :
Mais une fois de plus, à voir tous ces officiers généraux se comporter en épouvantables salauds - ce qui est très bien illustré - et protéger Esterhazy - ce qu'on ne voit pas - je suis revenu à la question de base : je maintiens que leur motivation réelle n'a toujours pas été découverte.

Il y a dans le film ce mot de Picquart, encore étonné que ses chefs aient refusé de reconnaître une erreur : "L'état-major s'est mis dans la situation ridicule de condamner un innocent pour protéger un coupable."

Attention. La phrase du film est inverse : "l'état-major s'est mis dans la situation ridicule de protéger un coupable pour maintenir Dreyfus au bagne". Ce n'est pas pareil.

La raison de cette collusion est simple et tient en deux expressions : dossier secret et forfaiture.

Le film montre bien le malaise de l'état-major devant l'absence de charge au moment du premier procès. Et les débats n'ont fait qu'accentuer le vide accusatoire.
Pourtant l'état-major et avant tout - le ministre de la guerre - était allé trop loin. La condamnation était indispensable à un ministre ambitieux et candidat à la succession de Casimir-Perrier à la présidence de la République.

Devant la probable insistance de Sandherr - qui rappelons le - n'a pas "coincé" Dreyfus (c'est le 4e bureau qui l'a fait) ayant garanti la culpabilité de Dreyfus auprès du ministre, Mercier décide d'un acte de forfaiture qui va entraîner la radicalisation de l'état-major général et des ministres successifs : la transmission d'un dossier secret aux juges. La forfaiture tient dans le fait que le ministre a décidé que la défense n'y aurait pas accès, rompant en cela avec un pilier du droit : le débat contradictoire.
Un fonctionnaire, et au demeurant un ministre, se doit de faire respecter les lois de la République. Et non pas de les violer.

C'est donc logiquement que le général Mercier s'est vu inculper de forfaiture dans le cadre d'une enquête qui devait aboutir à la mise en accusation du général en Haute cous de justice. Cette procédure initiée en juillet 1899 fut interrompue par la nouvelle condamnation d'Alfred Dreyfus à Rennes.

Et c'est donc bien pour échapper aux conséquences de ce crime, que la collusion s'est entretenue. N'allez pas chercher ailleurs.


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 Sujet du message : Re: J'accuse !
Message Publié : 13 Déc 2019 12:29 
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Philippe de Commines
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C'est moi qui entend mal ou, par deux fois, Picquart s'adresse à son subordonné Dreyfus en lui servant du "MON capitaine" (au moment de la "dictée", et quand il le retrouve dans son cabinet une fois ministre) ?

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 Sujet du message : Re: J'accuse !
Message Publié : 20 Déc 2019 10:47 
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Marc Bloch
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Liber censualis a écrit :
C'est moi qui entend mal ou, par deux fois, Picquart s'adresse à son subordonné Dreyfus en lui servant du "MON capitaine" (au moment de la "dictée", et quand il le retrouve dans son cabinet une fois ministre) ?


Oui

où est le problème ?


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 Sujet du message : Re: J'accuse !
Message Publié : 20 Déc 2019 11:36 
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Citer :
Quelle scène particulièrement vous a dérangée ?

Personnellement, celle où l'on peut observer des étoiles de David peintes sur la vitrine d'un commerce par une foule hystérique, ainsi que le bris de cette dernière.
Un peu tôt pour une "journée de cristal"... :-|

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 Sujet du message : Re: J'accuse !
Message Publié : 20 Déc 2019 12:31 
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Marc Bloch
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Duc de Raguse a écrit :
Citer :
Quelle scène particulièrement vous a dérangée ?

Personnellement, celle où l'on peut observer des étoiles de David peintes sur la vitrine d'un commerce par une foule hystérique, ainsi que le bris de cette dernière.
Un peu tôt pour une "journée de cristal"... :-|


Cette scène m'a également surpris. Mais je pense qu'on peut vérifier facilement si les antisémites de 1898 s'attaquaient ainsi aux commerçants juifs !


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 Sujet du message : Re: J'accuse !
Message Publié : 20 Déc 2019 13:04 
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Polybe
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Duc de Raguse a écrit :
Citer :
Quelle scène particulièrement vous a dérangée ?

Personnellement, celle où l'on peut observer des étoiles de David peintes sur la vitrine d'un commerce par une foule hystérique, ainsi que le bris de cette dernière.
Un peu tôt pour une "journée de cristal"... :-|

L'étoile de Davis peinte sur les vitrines est peut-être un procédé (une licence ?) cinématographique, mais il est avéré que des émeutes antisémites nombreuses ont eu lieu en lien avec l'Affaire Dreyfus, et la description suivante, tirée de L'affaire (Jean-Denis Bredin, Fayard) fait immédiatement penser à ce que sera la "nuit de cristal", exception faite bien sûr de l'attitude des autorités:

Citer :
Une première vague d’incidents éclate dès le lendemain de la « bombe » lancée par Zola. Le 17 janvier à Nantes, 3 000 jeunes gens parcourent les rues en poussant des cris de mort. On casse les devantures des magasins des Juifs, on tente de forcer la porte de la synagogue. Le même soir à Nancy, les boutiques des Juifs sont envahies, la synagogue est assiégée. À Rennes, près de deux mille personnes, gentilshommes et paysans mêlés, donnent l’assaut aux maisons du professeur juif Victor Basch, et du professeur Andrade qui avait adressé une lettre, rendue publique, au général Mercier. À Bordeaux des manifestations violentes éclatent, aux cris : « Mort aux Juifs, mort à Zola, mort à Dreyfus ! » La police évite de justesse le pillage des magasins juifs. Des scènes analogues se produisent à Moulins, à Montpellier, à Angoulême, à Tours, à Poitiers, à Toulouse. Le 19 on doit fermer, à Nantes, les boutiques juives, et les dragons doivent rétablir l’ordre. Le 21 à Angers, et à Rouen, la cavalerie doit charger pour empêcher les pillages. Le 22 janvier c’est la gendarmerie qui doit, à Châlons, défendre les magasins des Juifs. À Saint-Malo le mannequin de Dreyfus est brûlé en place publique. À Marseille plusieurs milliers de gens, conduits par quelques jeunes, acclament les officiers au balcon du cercle militaire, brisent les grilles du temple, et poussent des hurlements de mort contre le rabbin, qu’il faut protéger. Au cours de la dernière semaine de janvier, le centre des émeutes se déplace vers l’est. Toute la Lorraine est touchée. À Épinal, à Nancy, à Bar-le-Duc, on défile dans la rue, on brise des vitrines, aux cris renouvelés de « A bas Zola, à bas les Juifs ! » Les manifestations réunissent 4000 personnes à Marseille et Bordeaux, 3 000 à Nantes, 2000 à Rouen. Elles durent six jours à Rouen, cinq jours à Marseille et Bordeaux, quatre jours à Nantes, Dijon, Châlons. Chaque fois la police doit intervenir pour préserver les synagogues et les maisons de commerce juives. À Paris l’agitateur antisémite Guérin exerce ses troupes au quartier Latin, sur les boulevards, autour du Palais de justice, pendant que se déroule le procès Zola. D’immenses pancartes sont promenées dans Paris, portant les mots « Zola à la potence. Mort aux Juifs ! » Guérin proclame, dans Le Figaro du 19 janvier, que le peuple de Paris a désormais deux otages : Bernard Lazare et Joseph Reinach. Presque tous les soirs des réunions publiques sont organisées, où les Juifs, Dreyfus, Lazare, Zola, le Syndicat sont voués à la mort. Des services religieux sont célébrés au cours desquels l’officiant invite les fidèles à continuer la lutte sacrée contre le peuple déicide.
Mais c’est en Algérie que se répand une véritable crise d’hystérie antijuive. L’antisémitisme y avait beaucoup grandi depuis quelques années. Le décret Crémieux, du 14 octobre 1870, qui avait naturalisé en bloc tous les Juifs d’Algérie, les attachant à la République, avait été très mal supporté par la plupart des non-Juifs. Ils y avaient vu une faveur scandaleuse de la République naissante. Plus de 320000 Français d’origine tenaient ainsi les 50000 Juifs installés en Algérie pour une communauté à part, vivant de commerce sinon d’usure, méprisée des Arabes, détestée des étrangers non naturalisés, Espagnols, Maltais, Italiens, antipathique à tous, et du coup repliée sur elle-même, incapable de vivre selon le mode commun. Dès le mois de mai 1897 des déchaînements violents, partis de Mostaganem, avaient éclaté3. Des magasins juifs avaient été pillés, notamment le 20 mai à Oran, des synagogues saccagées. Entre le 18 et le 24 janvier 1898 ce sont des émeutes sanglantes qui éclatent, dans presque toutes les villes d’Algérie. Les magasins des Juifs sont mis à sac, et la police, qui intervient mal ou tardivement, compte de nombreux blessés. Les bagarres qui commencent à Alger le 18 janvier y durent plusieurs jours. La plupart des bazars juifs sont dévastés. Les boutiquiers chrétiens sont obligés d’arborer des pancartes indicatrices « Maison catholique », « Pas de Juif dans la maison ». Tous les jours Zola est brûlé en effigie. Le maire d’Alger tente de flatter la population pour rétablir l’ordre : « Vous avez été indignés des agissements infâmes de ceux qui essayent d’atteindre cette chose sacrée, l’honneur de l’Armée française, […] mais ne faites pas dégénérer en désordre l’explosion de ces beaux sentiments. » Et encore : « Vous avez montré superbement votre furie française ; montrez maintenant que vous avez le calme et la force340. » Le 22 janvier au soir, les principaux meneurs, Pradelle, Lebailly, et un jeune homme, Max Régis Milano, agitateur à très fière allure, de famille italienne, haranguent une foule de plus de six mille personnes. Max Régis, qui a eu de nombreux duels avec des Juifs, propose d’« arroser de sang juif l’arbre de la liberté ». L’avocat Langlois proclame : « Les Juifs ont osé relever la tête. Il faut les écraser. » Attaqués les 22 et 23, les Juifs se défendent, et défendent leurs boutiques, à coups de bâton et de pierres. Un émeutier est tué, de nombreux policiers blessés. Le gouverneur Lépine, venu sur place, est lui-même atteint par un projectile, « au milieu des hurlements d’une foule en délire ». Aucune boutique juive n’échappe au pillage. Le 23 janvier, au retour des obsèques de l’émeutier tué, plusieurs Juifs sont lapidés, l’un d’eux massacré à coups de matraque. Plus de six cents personnes sont arrêtées, plus de cent grièvement blessées. Ce n’est que la première vague d’émeutes qui se prolongeront plusieurs années. Il ne se passe guère un jour, en 1898, sans qu’une manifestation antijuive n’éclate en Algérie.


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 Sujet du message : Re: J'accuse !
Message Publié : 20 Déc 2019 14:11 
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Le "gouverneur" Lépine était en fait le préfet de police. (Je ne sais pas si on utilisait déjà ce mot, mais la fonction remonte au "lieutenant du roi" : Paris a toujours été une ville où l'ordre public pouvait poser souci.)

Bien sûr qu'il y a eu des émeutes antijuives ! Et pas pour rire ! Mais Hubris vous en a fait une description, je n'y rajoute rien.

Les émeutes parisiennes ont eu une conséquence inattendue : Théodore Hertzl, de passage à Paris, a assisté à ces émeutes. L'impression qu'il en a retirée est à l'origine de la décision, prise au congrès sioniste de Bâle, de créer un état refuge pour les Juifs. (et donc en Palestine, pour des raisons diverses.)

Hertzl s'est dit, à voir le niveau de violence à Paris, que si les Juifs n'étaient même pas en sécurité dans ce pays, entre tous, qui incarnait la liberté en Europe, alors ils ne le seraient nulle part. Ce sont ces violences qui l'ont amené à trancher : il leur fallait un état.

Bien entendu l'idée d'Israël (on parlait à l'époque d'un "foyer national juif") n'est pas née ce jour là, elle était déjà en débat, mais du fait des antisémites parisiens, elle a cristallisé - c'est le mot - avec les violences liées à l'affaire Dreyfus.

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 Sujet du message : Re: J'accuse !
Message Publié : 20 Déc 2019 15:37 
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En regardant le film je suis surpris de la bagarre dans la rue
Picquart s'est vraiment colleté avec Esterhazy ?

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il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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 Sujet du message : Re: J'accuse !
Message Publié : 20 Déc 2019 15:38 
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Polybe
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Pierma a écrit :
Le "gouverneur" Lépine était en fait le préfet de police. (Je ne sais pas si on utilisait déjà ce mot, mais la fonction remonte au "lieutenant du roi" : Paris a toujours été une ville où l'ordre public pouvait poser souci.)

Non, il était bien gouverneur général en Algérie de 1897 à 1899, donc pendant ces événements, entre deux postes comme préfet de la Seine.


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 Sujet du message : Re: J'accuse !
Message Publié : 20 Déc 2019 15:43 
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Marc Bloch
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Qu'il y ait eu des émeutes anti-juives à Alger ou ailleurs en France, et même à Paris, est un fait avéré. Ce qui, je crois , pose problème dans le film, c'est la méthode qui rappelle les années 1930 en Allemagne. Avait on peint des étoiles de David sur les vitrines des commerçants juifs de Paris ? telle est la question. Peut-être mais ce serait à confirmer.


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 Sujet du message : Re: J'accuse !
Message Publié : 20 Déc 2019 16:14 
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Bien entendu. Les attaques contre les commerces juifs sont connues.
C'est la manière dont elles ont été relayées dans le film... est-ce que cette façon, très "SA" dans les années 1930 en Allemagne, était également visible en France ?

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 Sujet du message : Re: J'accuse !
Message Publié : 20 Déc 2019 19:02 
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Grégoire de Tours
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Duc de Raguse a écrit :
Citer :
Quelle scène particulièrement vous a dérangée ?

Personnellement, celle où l'on peut observer des étoiles de David peintes sur la vitrine d'un commerce par une foule hystérique, ainsi que le bris de cette dernière.
Un peu tôt pour une "journée de cristal"... :-|


Il s'agit de la transposition des émeutes antisémites d'Alger en 1898. Les seules dans lesquelles on ait eu à déplorer des morts. Polanski ne va toutefois pas aussi loin dans la représentation.
Cela dit des boutiques on été démolies à Paris pendant cette période. Mais sans que l'on ait relaté le décorum sans doute excessif qui vous gêne.

bourbilly21 a écrit :
En regardant le film je suis surpris de la bagarre dans la rue
Picquart s'est vraiment colleté avec Esterhazy ?

Oui cette scène est authentique à ceci près que Picquart s'est abstenu du bourre pif. Mais il a pris Esterhazy par le col et l'a remis à un agent.
L'anecdote désopilante a fait le tour des salons et des rédactions à l'époque. C'est l'un des rares moments comiques de cette triste affaire.


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