Je n'en ai pas de réponse... Par contre je vous met le texte d'Ammien Marcellin qui explique avec sa vision de païen modéré sa propre interprétation des tremblement de terre, livre 17, 7 :
[17,7] (1) Un tremblement de terre se fit sentir à cette époque dans la Macédoine, l'Asie Mineure et le Pont, et y ébranla les monts et les villes. Parmi les désastres de toute espèce qu'entraîna ce fléau il faut citer en première ligne la destruction complète de Nicomédie, capitale de la Bithynie. Donnons sur cette catastrophe quelques détails avérés. (2) Le 9 des calendes de septembre (24 août), au lever du soleil, l'aspect serein du ciel tout à coup fut troublé par un amas de nuages de couleur de suie. Toute clarté disparut. Il devint impossible, si près qu'on fût des objets, de rien discerner, tant les yeux étaient obscurcis par l'épaisse vapeur dont l'atmosphère venait d'être envahie. (3) Puis, comme si le Dieu suprême eût lui-même lancé les fatals carreaux de sa foudre, et déchaîné les vents des quatre points opposés du globe, une effroyable tempête fit mugir les montagnes, et retentir les rivages du fracas des vagues qui vinrent s'y briser. Le sol trembla, et par des secousses affreuses, accompagnées de trombes et de typhons, renversa de fond en comble la cité et ses faubourgs. (4) La ville étant construite en grande partie sur le flanc d'un coteau, les édifices croulèrent les uns sur les autres avec un bruit épouvantable. L'écho des montagnes renvoyait les cris désespérés de tous ceux qui appelaient une femme, un enfant, un être qui leur était cher. (5) Enfin, après la deuxième heure, et longtemps avant la troisième, le ciel redevenu serein révéla toute l'horreur du désastre. Les uns étaient morts écrasés sous le poids des décombres; d'autres, ensevelis jusqu'aux épaules, et qu'un peu d'aide eût pu sauver, périssaient faute de secours. On en voyait de suspendus en l'air, au bout des solives qui leur étaient entrées dans le corps. (6) Çà et là gisaient des groupes naguère pleins de vie, et qui, par une commune chance de destruction, étaient devenus des monceaux de cadavres. D'autres, emprisonnés sains et saufs sous les débris de leurs toits, se voyaient condamnés à périr de douleur et de famine. De ce nombre fut Aristénète, qui venait d'obtenir le titre, longtemps ambitionné par lui, de lieutenant gouverneur de cette province, à laquelle Constance avait donné le nom de "Piété", en l'honneur de sa femme Eusébie. L'infortuné dut ne succomber qu'après une longue et cruelle agonie. (7) Plusieurs sont encore enfouis sous les ruines, à la place, où l'ébranlement les a surpris. Enfin, ce n'étaient que plaintes déchirantes des blessés, qui, le crâne ouvert, mutilés d'un bras ou d'une jambe, imploraient vainement l'assistance de ceux que le sort avait également maltraités. (8) Néanmoins un certain nombre de temples et de maisons d'habitants, et même une partie de la population, eussent pu échapper au désastre, sans un incendie qui survint, et qui, promenant sa rage durant cinquante jours et autant de nuits, dévora tout ce qui pouvait lui fournir d'aliment. (9) C'est le cas, j'imagine, de dire quelques mots des hypothèses des anciens sur les tremblements de terre. Je dis hypothèses, car, sur ce point, les infatigables élucubrations des savants, et leurs discussions qui durent encore, ne sont pas plus près d'une démonstration que l'ignorance du vulgaire. (10) Aussi, pour éviter une méprise qui serait un sacrilège, les rituels et les livres des pontifes prescrivent-ils prudemment (et c'est une réserve strictement observée par les prêtres) de s'abstenir en ces occasions d'invoquer un dieu plutôt qu'un autre, puisqu'on ignore encore quelle divinité préside en effet à ce grand désordre de la nature. (11) Les théories abondent sur la cause des tremblements de terre, et se contredisent au point de mettre Aristote aux abois. Tantôt on les attribue à l'action violente de courants d'eau souterrains contre les parois des canaux déliés qui les contiennent, et qu'en grec nous appelons syringes. Tantôt, comme l'affirme Anaxagore, c'est l'air qui circule dans ces secrètes cavités, et qui, rencontrant l'obstacle d'un corps solide, ébranle, pour trouver issue, le terrain sous lequel il se trouve comprimé. On a souvent observé, en effet, l'absence de toute agitation de l'atmosphère pendant la durée des secousses; sans doute parce que tout l'air alors est absorbé dans les profondeurs de la terre. (12) De son côté, Anaximandre prétend que ce sont les vents qui s'engouffrent dans ces grandes gerçures ou crevasses qui entrouvrent le sol à la suite d'un été trop ardent ou de pluies continues, et qui le remuent ensuite jusque dans ses fondements; ce qui expliquerait la coïncidence ordinaire de ces terribles phénomènes avec une période de sécheresse ou d'humidité excessive. Et c'est pourquoi les poètes et les théologiens d'autrefois ont donné à Neptune, divinité modératrice de l'élément humide, les noms d'Ennosigaeos et de Sisichthon. (13) Ces tremblements sont de quatre espèces. Les brasmaties, fermentation violente des entrailles de la terre, qui lui fait avec effort soulever à sa surface des masses considérables: ainsi ont surgi en Asie Délos, Hiéra, Anaphé et Rhodes, cette dernière successivement connue des anciens sous les noms d'Ophiuse et de Pélagie, et qu'on dit avoir été arrosée d'une pluie d'or; ainsi sont nées Éleusis en Béotie, Vulcano dans la mer de Tyrrhène, et nombre d'autres îles. Les climaties, qui couchent sur le flanc des cités, monuments et montagnes, et passent le niveau sur le sol. Les chasmaties, où la force de la commotion ouvre des gouffres, et absorbe toute une contrée. C'est ainsi que se sont abîmées à jamais, dans la profonde nuit de l'Érèbe, une île de la mer, Atlantique, plus spacieuse que toute l'Europe; Hélicé et Bura, dans le golfe de Crisa; et, près du mont Ciminus en Italie, la forte ville de Saccumum. (14) Enfin les mycematies, variété des trois autres espèces, s'annoncent par un bruit souterrain et terrible. C'est une convulsion intestine du globe, qui en apparence va se dissoudre, mais dont les éléments ne tardent pas à se rasseoir. Ce qui caractérise surtout ce phénomène, c'est le sourd mugissement qui le devance, et qui ressemble à celui des taureaux. Reprenons notre récit.
_________________ Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.
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