Darwin1859 a écrit :
Note: cette discussion est hors du sujet, peut-être pourrions-nous la déplacer?
Hors sujet ... pas si sûr que cela. Le postulat de départ est :
leroisanscouronne a écrit :
Bonjour,
Telle est la phrase qu'on entend très souvent pour ne pas dire toujours. A vrai dire je lance ce sujet après avoir vue un journaliste sur twitter dire : "Les mathématiques interdites à Béziers. Cette invention arabe n'est pas dans notre culture selon Robert Menard." , ce n'est pas le seul à le dire, un avocat répond en disant "une invention Perse, pas arabe. Mais ça ne change pas le fond." , juste après je regarde un film "oss 117" , dans un passage du film l’héroïne dit clairement que les mathématiques sont une invention arabe. ( pour vous dire que dans la culture populaire c'est un fait)
Lorsque que je recherche par moi même je ne trouve rien qui va clairement dans ce sens , le mot même "invention" me semble totalement inadapté pour une science comme les maths. Euclide doit-il se retourner dans sa tombe ? Quelle est la part de vérité mais surtout peut-on dire que les mathématiques ont été inventées par les arabes ?
Merci de m'éclairer.
Oublions la référence politique... La réponse a été apportée plusieurs fois : diverses populations, à diverses époques se sont servies de concept qu'on nomme aujourd'hui, mathématiques, pour réaliser un tas de tâches plus ou moins importantes pour ces collectivités. Une partie de ses "mathématiques" a perduré et à été transmises. D'autres furent perdues et ré-inventées plusieurs fois. L'histoire actuelle des mathématiques montre cette transmission entre divers courants de pensée qui ont chaque fois enrichi les concepts intellectuels qui permettaient la compréhension du monde. Car c'est cela la grande force des mathématiques : elles expliquent incroyablement bien le monde réel qui nous entoure. Cela est d'ailleurs un débat récurrent sur la place exacte des mathématiques. Sont-elles un outil inventé par l'esprit humain pour expliquer le monde, où existent-elles par elles-mêmes dans ce monde réel ? Bref, est-ce qu'on découvre ou on invente de nouvelles lois et connaissances ? Débat récurrent car on n'arrive pas à percer ce mystère de la réalité des mathématiques...
Revenons à leur histoire. En fait, comme partout en science, le savoir est cumulatif. Bernard de Chartres disait que "nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants". Pourquoi de géants ? Car nos ancêtres ce qu'ils ont découvert et créé, ils l'ont fait en n'ayant qu'une partie de nos connaissances. Si on revient à notre histoire de piège à lumière préhistorique, les outils modernes nous aident grandement. Un petit tour sur wikipedia, et on trouve les lois de la trigonométrie qui seront nécessaires, plus les lois de l'optique. Il faudra peut-être chercher un peu plus pour trouver les tables astronomiques qui permettent de savoir la hauteur du soleil au moment du solstice d'hiver en un lieu donné. Tout cela nous le devons au travail de certains scientifiques ou mathématiciens des temps passés. Certains sont connus, on a perdu le nom de la plupart des premiers théoriciens. Ainsi, sur la page wikipedia de l'optique, on trouve ceci :
Citer :
Historiquement, l'optique apparaît dès l'Antiquité, puis est développée par les érudits musulmans dont des Perses. Elle est d'abord géométrique. Ibn al-Haytham (965-1039), scientifique perse, connu par les occidentaux sous le nom d'Alhazen est considéré comme le père de l'optique moderne, de la physique expérimentale et de la méthode scientifique.
Bref, Ibn al-Haytham serait le "Père" de l'optique ...
moderne. Déjà cela veut dire qu'il y avait une optique antique qui a sûrement servie de base à ses travaux. Mais, une partie de ses travaux ont constitué en une critique de cette optique antique, ce qui a permit l'émergence de l'optique moderne. Quel est son principal apport ? Ptolémée pensait que les rayons lumineux partaient de l’œil et éclairaient l'objet qu'on voyait. Ibn al-Haytham comprend que c'est l'inverse, notre œil n'est qu'un récepteur qui reçoit la lumière réfléchie par l'objet. A partir de ce petit changement de perspective qui nous parait très trivial, l'optique moderne va pouvoir se développer. On ne sait pas s'il est le premier à proposer que la relation entre les éléments nécessaires à la vision sont lumière -> objet -> œil (il manque encore le cerveau, car maintenant on sait la part de celui-ci dans notre vision), mais il est le premier dans nous en gardons la trace.
A-t-il inventé l'optique ? Si on pense que les mathématiques sont intimement liées au monde, il n'aurait fait qu'en découvrir les premiers fondements permettant l'émergence de l'optique moderne. SI on pense que les mathématiques sont un outil humain, dans ce cas, il a découvert/inventé un moyen de mieux expliquer la réalité complexe de ce qui nous entoure. L'optique est-elle une invention "arabe" ou "perse". Si on a une vision étriquée du monde, on peut le professer, mais ce serait nier les travaux de pas mal de scientifiques. Dont une bonne partie sont occidentaux.
Quelque part, la question, telle qu'elle était posée initialement, peut sembler privilégie une vision "médiévale" du monde, ou il y aurait d'un coté ce qui est lié à la foi et à la philosophie chrétienne du monde et ce qui serait apporté par les infidèles et qui serait l’œuvre du démon... Bref, l'analyse de Robert Ménard nous mènerait un bon millénaire en arrière. Mais, quelque part, les arabes ont continué les travaux des chinois, des indiens, des romains, des grecs. Ceux-là ont continué les travaux des anciens Égyptiens, des Babyloniens, des anciens Chinois. Qui, eux-mêmes, on continué les travaux de nos ancêtres du néolithique, mais aussi du paléolithique.
Il y a une longue filiation, et cela est vrai dans presque toutes les branches des mathématiques. Presque à chaque fois, vous trouverez un "arabe", un ou plusieurs. Pas toujours vraiment "arabe", car même s'il écrit en arabe, pour que son savoir diffuse le plus possible, il sera perse, ou arménien, ou ... Et puis, derrière l'arabe, on trouvera souvent des grecs, des indiens, des égyptiens, des babyloniens. Par les indiens, on a des contacts avec les chinois. Remonter plus loin dans le temps est impossible, sauf si on regarde les artéfacts qui nous ont été laissés par des ancêtres plus vieux. On a de très anciens artefacts qui pourraient être des calendriers astronomiques. Ce ne sont que des traits sur des bâtons, mais ils peuvent permettre d'ordonner le monde.
Quels usages ? On vit sur l'utopie que les plus anciens représentants de l'espèce humaine vivaient simplement au jour le jour, en acceptant béatement et naïvement ce que la mère Nature leur dispensait ... Rien n'est plus faux. Un calendrier astronomique est utile pour savoir quand certains phénomènes vont se produire, et donc organiser des rites liés à ces évènements. Mais surtout, si vous savez quand va se situer l'équinoxe de printemps, vous pouvez savoir quand le temps va devenir plus propice à la végétation. Donc, quand il faut préparer les champs pour les semailles ou les plantations. Vous pouvez anticiper les tempêtes d'équinoxe. Bref, le monde devient ordonné, et on peut agir dessus.
On me dira : "OK, pour l'agriculteur. Mais quel avantage pour le chasseur-cueilleur ?" En fait, il y en a , mais tant qu'il suit des troupeaux qui vont lui servir de source de nourriture principale, c'est relativement anecdotique. Et puis, au milieu du mésolithique, il devient sédentaire et il apprend à exploiter un milieu donné durant toute l'année. Il doit donc savoir quand les troupeaux d'herbivores migrateurs vont passer sur son territoire. Il doit savoir où aller, et à quel moment pour cueillir telle ou telle plante. Bref, il accumule un tas de savoirs qui mis bout à bout lui permettent de collecter sa nourriture 365 jours par ans !
Bref, les savoirs qui deviendront nos mathématiques naissent quelle part durant les dizaines de milliers d'années qui sont nécessaires à l'émergence de l'homme. Les arabes, comme les grecs, les romains, les babyloniens, les indiens, les chinois, ... n'ont été que des passeurs qui nous ont transmis des savoirs venus du fond des âges. Des passeurs qui ont laissé leurs touches et qui ont enrichi et ordonné nos connaissances et notre science.
Les mathématiques ne sont pas arabes, comme elles ne sont pas occidentales, ni indiennes, ni grecques, ni romaines, ni ... elles sont simplement humaines. Et je pense que qui nie cela, nie une part de notre humanité.