Vézère a écrit :
Pierma a écrit :
Mais vous n'avez pas retenu ses arguments ? Parce que sa thèse est assez paradoxale...
Ma foi, non, pas particulièrement. Mais parlons-nous de la même chose?
Excusez-moi, mais considérer une guerre comme une dépense keynésienne pertinente est tout de même... "far fetched" aurait-il dit, un peu tiré par les cheveux.
Citer :
Pierma a écrit :
Il y a UN effet positif évident, c'est précisément l'effet sur le complexe militaro-industriel : les matériels américains, testés en réel et produits en quantité, ne pouvait qu'améliorer la position de premier exportateur d'armes des USA.
Me trompé-je, ou bien quand je dis "booster l'économie", vous ne l'envisagez que sous l'aspect des exportations?
non, je me suis mal exprimé. Le secteur, avant tout autre, qui a bénéficié de la guerre est le fameux "complexe militaro-industriel" mais d'abord et avant tout du fait du volume de commandes reçues. (Le boost à l'export est un plus, certes important et durable, mais somme toute annexe.)
J'ai donné l'exemple de l'aéronautique parce qu'il est parlant : il faut imaginer que le Phantom sera produit à 5000 exemplaires durant sa longue carrière. J'ignore précisément combien ont été produits spécifiquement pour être immédiatement engagés au Vietnam, mais 400 y ont été perdus, ce qui donne un ordre de grandeur.
En réalité, quand on dit "complexe militaro-industriel", c'est une expression de l'époque (qui décrit une réalité indéniable) mais il faut imaginer tout ce qui est nécessaire à une armée engagée à la fois dans la défense de l'Europe et dans la guerre au Vietnam, sans parler de la Garde Nationale. Je ne vais pas faire la liste, mais quand vous citez le textile, le caoutchouc et l'acier, vous êtes chez leurs sous-traitants ou fournisseurs.
C'est colossal, et vous avez raison de dire que ça ne se limite évidemment pas à la partie visible, les équipements de première ligne. C'est une grosse partie de l'industrie qui est irriguée.
Jusque là je suis d'accord, sachant que ces industries se portaient déjà bien avec le volume de commandes du temps de paix.
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C'est bien entendu au PIB intérieur que je pensais.
Il ne s'agit pas que d'aéronefs, loin s'en faut. Ces GI répandus en Asie ont consommé du textile, de l'acier, du caoutchouc, des véhicules, du coca-cola, de la musique, des services logistiques, des médicaments, des articles de sport... dans des proportions sans commune mesure avec ce qu'il auraient consommé en restant tranquillement chez leurs parents et en allant à la fac'.
C'est bien ce surplus de consommation qui est un gain direct pour l'activité des entreprises américaines.
Mais je ne vous suis pas sur ce terrain là. PIB intérieur associé aux commandes militaires, tant que vous voulez, je l'admets.
Tout en rappelant que les dépenses de "consommables" - carburants, munitions, bombes - et les pertes en hommes et équipements, sans compter tout ce qui a été cédé ou fourni en pure perte au Sud Vietnam, ne suscitent pas précisément un retour sur investissement : voila de l'argent qui aurait pu être investi plus utilement ailleurs. (Admettez qu'il y a de la perte en ligne, c'est le cas de le dire, pour le PIB interne.)
Mais le gain de PIB associé à la solde de 500 000 jeunes Américains, au plus haut de l'engagement américain, là je ne vous suis plus. (Tout le monde boit du Coca, au Vietnam comme à la maison, à part les prix pratiqués, le boost se discute...)
Pour moi ces soldes ne dépassent sans doute pas le volume d'achat qu'aurait suscité... je ne sais pas... le recrutement de 250 000 professeurs dans les Etats du Sud, et l'embauche de 250 000 employés du bâtiment pour un programme de remise en état ou de reconstruction des taudis où vivait la population la plus pauvre. Et tant qu'à financer, ajoutons une colossale prime à l'achat automobile pour ces mêmes populations, dans un pays où il vaut mieux être motorisé pour aller bosser. (Je laisse ça à votre imagination : ce ne sont pas les façons utiles de dépenser l'argent publique qui manquent.)
Bref, je ne nie pas que les 20 milliards de dollars par an dépensés pour le Vietnam aient produit un effet sur le PIB interne (un boost de l'économie, pour parler clair) mais si on considère ça comme un choix d'investissement - ce n'est évidemment pas ce qui a guidé les décideurs politiques - c'est bien le moins rentable qu'on puisse imaginer.
Vous avez fait de l'économie, vous connaissez la "parabole" de la vitre brisée, qui déclenche une hausse du PIB, parce qu'elle va faire travailler le vitrier, l'usine de vitrages et la verrerie. Il y a beau temps que les économistes on fait justice de ce raisonnement, et remis en cause le seul indicateur du PIB.
Donc sans dénier à cette guerre de formidables retombées (majoritairement industrielles) dont le peuple américain a forcément profité, je dis aussi que dans ces dépenses colossales il y a une forte part de "verre cassé." (que je suis incapable d'estimer, mais je pense que vous saisissez l'idée.)
j'arrête là sur ces aspects économiques, il me semble inutile d'épiloguer davantage sur la valeur des investissements pour une guerre perdue. De plus la guerre du Vietnam a eu un impact non seulement sur les finances américaines, mais même sur l'économie mondiale : l'abandon - contraint et forcé - de l'étalon or, en faisant baisser le dollar, à provoqué pour tous les pays une hausse du prix du pétrole, et peut-être aussi des produits américains, dont j'ai dit que certains étaient technologiquement exclusifs.
Tout ça pour défendre le Sud Vietnam à la place des Vietnamiens ? Ces dirigeants avaient perdu la tête !
(Mais nous voila loin de Von Braun !)