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 Sujet du message : Sekigahara
Message Publié : 22 Juin 2012 0:58 
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Jean Froissart
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Les éditions Osprey produisent des livrets dont certains sont presque puérils, d'autres bêtement militaires pour ne pas dire militaristes, et d'autres d'authentiques pépites.

Pour d'obscures raisons, mais forcément commerciales (...) aucun de leurs livrets de fond n'a jamais été traduit en français.

Il y a quelques années, je me suis livré au jeu de réaliser pour moi une traduction d'un petit bouquin particulièrement bien fait, consacré à la bataille de Sekigahara qui eut lieu en octobre 1600 et modifia l'histoire du Japon.

J'ai véritablement réécrit le texte original, dans la mesure ou je l'ai, soit modifié, soit complété d'éléments qui n'y sont pas au départ. Je dois ici remercier des auteurs en langue française tels que Julien Peltier ou Madame Elisseief, chez qui j'ai trouvé ces éléments de complément.

Je me confie ici à notre modération, car j'ignore si le texte que je vais commencer ainsi à mettre en post a le droit d'être diffusé.

Moyennant quoi, prenez vos sabres et mettez vos Kabuto, je vous emmène à la fin du Sengoku-Jidai !

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"Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".

Yves Modéran


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 Sujet du message : Re: Sekigahara
Message Publié : 22 Juin 2012 1:00 
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Les origines de la guerre

Toyotomi Hideyoshi était mort. Le grand unificateur avait été capable de réaliser ce que bien peu avant lui avaient su faire. Il avait pris une nation divisée par les complots et la guerre civile, et, un par un, avait amené tous les clans combattants sous son contrôle.

Hideyoshi avait commencé son oeuvre de conquête en ramassant les morceaux épars de l'hégémonie d'Oda Nobunaga, son maître disparu (vainqueur du clan Takeda à la bataille de Nagashino en 1575); il s'était proclamé le protecteur et gardien du jeune fils de Nobunaga, qu'il avait adopté, et avait commencé alors à tisser un réseau d'alliances et à étendre son influence. Son action lui aliéna nombre des anciens vassaux de Nobunaga, ce qui l'amena à combattre ses anciens alliés; ceux qui refusèrent de le rejoindre spontanément et de reconnaître sa suzeraineté connurent la terreur de ses armées.

Même Tokugawa Ieyasu, l'un des seigneurs féodaux les plus puissants du Japon, avait finalement rallié la bannière d'Hideyoshi. Même si Ieyasu aurait pu peut-être vaincre Hideyoshi, il avait jugé préférable d'opter pour l'alliance – et la patience.

Malgré les assertions des hagiographes de l'époque, qui tentèrent de le raccrocher au vénérable clan des Fujiwara (qui exercèrent le shogunat du 13° au 15° siècle), Hideyoshi était issu d'origines paysannes, et il ne pouvait en aucune manière réclamer de plein droit le titre de shôgun. Il dut se contenter de la fonction de Kanpaku, sorte de premier ministre civil, mais fut bel et bien le maître incontesté du Japon, et son sabre pouvait lever une armée qu'aucun shôgun n'aurait pu rassembler.

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 Sujet du message : Re: Sekigahara
Message Publié : 22 Juin 2012 1:00 
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Dans les années 1590, l'âge venant, il voulut assurer sa succession; il transmit ainsi en 1592 sa charge de Kanpaku à son fils adoptif, Hidetsugu, et prit le titre de taikô (utilisé par les Kampaku qui s'étaient retirés), titre sous lequel il est généralement connu.

Le Japon connaissait la paix pour la première fois depuis plusieurs décennies, et Hideyoshi, tout en faisant la part de l'appétit de ses lieutenants pour quelque gloire guerrière, décida de mettre en oeuvre un rêve un peu fou qui l'habitait depuis longtemps.. Ses alliés et vassaux étaient des vétérans et de redoutables combattants; leurs ambitions et leurs personnalités étaient en rapport avec leur expérience; leurs armées étaient prêtes.

Hideyoshi décida alors de conquérir la Chine, avec comme but immédiat le contrôle de la Corée.

Si ambitieux que soit ce projet, il provoqua l'enthousiasme de nombre de ses vassaux. En 1592, une flotte fit voile vers la Corée, transportant 130 000 samouraïs. Les japonais remportèrent d'abord une série de succès, mais, lorsqu'une armée chinoise passa la frontière pour venir en aide au roi coréen en fuite, les choses changèrent. Hideyoshi envoya un renfort de 60 000 hommes pour conforter la position des envahisseurs, et des négociations commencèrent.

Lorsqu'en 1593 un fils, Hideyori, naquit au taikô âgé de 57 ans, ses relations se dégradèrent irrémédiablement avec Hidetsugu, fils adoptif et Kanpaku – trois ans plus tard, déposé, il fut invité à se faire seppuku, pour avoir comploté contre son père adoptif et ancien bienfaiteur.

Ces problèmes domestiques ayant distrait un temps Hideyoshi de la campagne de Corée, il envoya ensuite à Pékin une ambassade afin de discuter des termes de la paix. L'ambassade revint en 1596, porteuse de propositions inacceptables de la part de l'empereur de Chine.

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Dernière édition par La Saussaye le 22 Juin 2012 1:15, édité 1 fois.

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 Sujet du message : Re: Sekigahara
Message Publié : 22 Juin 2012 1:01 
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Hideyoshi fut furieux du refus de ses prétentions, et peut-être plus encore du fait que l'empereur chinois se proposait de lui conférer le titre de « roi du Japon », ce qui aurait fait de lui un vassal des chinois, sans parler du crime de lèse-majesté contre l'empereur du Japon, de qui Hideyoshi tenait sa position.

L'année suivante, sa réponse fut l'envoi de 100 000 hommes supplémentaires en Corée, sous le commandement du neveu de sa femme (un autre fils adoptif), Kobayakawa Hideaki, âgé de 15 ans. L'expédition était destinée à l'échec, rongée de l'intérieur par les susceptibilités des uns et des autres, et sanctionnée extérieurement par des combats malheureux.

En mai 1598, Hideyoshi tomba malade. Inquiet pour la sécurité de son fils (et le sort de son héritage), le taikô fit mander ses vassaux les plus puissants et les plus fortunés : Tokugawa Ieyasu, Maeda Toshiie, Uesugi Kagekatsu, Môri Terutomo et Ukita Hideie. Aucun des cinq n'avait de revenu inférieur à un million de kokus annuels (le koku, unité de mesure représentant approximativement 180 kilos de riz, permettait de mesurer la fortune dans le Japon féodal; c'était la quantité de riz nécessaire à l'alimentation d'un individu pendant une année). Hideyoshi leur fit jurer d'être les garants de la position du petit Hideyori, âgé de 5 ans, et de le traiter comme s'il était Hideyoshi lui-même. A Maeda Toshiie et Tokugawa Ieyasu, le taikô confia la sécurité et l'éducation de son fils, Toshiie étant alors déjà son gardien. Les seigneurs jurèrent, et c'est ainsi que fut créé le conseil de régence des 5 taikôs.

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 Sujet du message : Re: Sekigahara
Message Publié : 22 Juin 2012 1:02 
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Ces régents devaient oeuvrer aux côtés des cinq Bugyôs, ou intendants, qu'Hideyoshi avait précédemment nommé pour superviser le gouvernement civil de la capitale. Ensemble, ils auraient à sillonner le pays au nom d'Hideyori jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge nécessaire.

Le taikô ordonna également le retour des armées présentes en Corée. Ceci scinda ses vassaux en deux camps, ceux qui pensaient que la victoire était encore possible, et ne voulaient pas tourner les talons, et les autres, plus nombreux, qui voulaient rentrer chez eux. Quand ces derniers eurent eu gain de cause, les faucons n'eurent d'autre choix que de rentrer aussi, sans quoi leurs positions seraient devenues intenables.
Cette décision de repli général fit des ennemis aux Bugyôs, et beaucoup devaient se rappeler plus tard qu'ils leur devaient cette retraite et la perte de face qui en avait résulté pour eux.

C'est alors que, le 15 Septembre 1598, mourut Hideyoshi.

Afin de mieux protéger ses intérêts, Ieyasu s'installa au château de Fushimi, qui avait été la forteresse personnelle d'Hideyoshi, et fut aussitôt considéré par les autres régents comme un usurpateur en puissance. De toute façon, que l'accusation ait été fondée ou non, il est certain que l'enfant Hideyori, à l'âge de 5 ans, était bien incapable de gouverner. Maeda Toshiie, en résidence avec l'enfant au château d'Osaka, sentait de surcroît l'âge venir.

Les taikô étaient liés par certaines règles; l'une d'entre elles était qu'aucun mariage entre leurs enfants ne pouvait avoir lieu, s'il devait avoir des conséquences politiques. Or, d'un point de vue purement pratique, il était tout simplement impossible à un daimyô de marier l'un de ses enfants, à cette époque, sans que ce geste ait de résonance politique. Ieyasu, en particulier, maria plusieurs de ses enfants à des fils et filles d'hommes puissants, afin de fonder des alliances.

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 Sujet du message : Re: Sekigahara
Message Publié : 22 Juin 2012 1:03 
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Ishida Mitsunari, l'un des cinq bugyôs, intrigant impénitent, apparaissait derrière toutes les intrigues ayant pour but de contrecarrer l'influence de Ieyasu, voire même de le déposer. Il se rendit au château d'Osaka, auprès de Toshiie, vieux et malade, afin de lui parler du problème Ieyasu, mais Hosokawa Tadaoki, un ami, et de Ieyasu, et du clan Maeda, s'interposa.
En privé, il attira l'attention de Maeda Toshinaga sur le fait que son père, Toshiie, et Ieyasu, étaient les deux hommes les plus puissants de leur génération.

Si jamais Mitsunari parvenait à se débarrasser de Ieyasu, le seul homme qui l'empêcherait encore d'atteindre au pouvoir absolu serait le vieux Toshiie, souffrant, et dont les jours étaient comptés; quand à Toshinaga lui-même, il aurait bien du mal à rester en vie avec un individu comme Mitsunari dans les environs.
Il était donc évident que ses intérêts rejoignaient ceux de Ieyasu. Convaincu par Tadaoki, Maeda Toshinaga se mit à son tour à convaincre son père de ne pas abandonner Ieyasu.

Ceci n'empêcha pas les autres régents de continuer à réclamer la démission de Ieyasu, mais il les ignora tout simplement. Son refus même d'engager avec eux quelque discussion que ce soit n'améliora pas leurs relations, mais les régents ne pouvaient rien faire, sauf peut-être déclencher une guerre, alors même qu'aucune raison vraiment valable ne le justifiait à ce moment. De surcroît, aucun n'était, pris isolément, assez puissant pour tenir tête au seigneur Tokugawa, et aucun n'avait suffisamment de personnalité pour mener une coalition contre lui.

La seule option que Mitsunari entrevit fut d'assassiner Ieyasu, mais son complot échoua et, lorsque les généraux de Ieyasu en entendirent parler, plusieurs d'entre eux (Kâto Kiyomaza, Ikeda Terumesa, Asano Yukinaga, Katô Yushiaki, Hosokawa Tadaoki et Kuroda Nagamasa) décidèrent d'éliminer Mitsunari lui-même.
Pour échapper à leur fureur, il dut fuir le château d'Osaka en pleine nuit, déguisé en femme, se faisant conduire dans un palanquin. Sa destination fut à la fois déconcertante et inattendue : le château de Fushimi, et Ieyasu.

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 Sujet du message : Re: Sekigahara
Message Publié : 22 Juin 2012 1:04 
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Mitsunari lui demanda sa protection, et, chose singulière, Ieyasu la lui accorda. Certains historiens se sont émerveillés que Ieyasu ait pu ainsi commettre un acte aussi dangereux et imprudent; d'autres supposent qu'il avait bien jaugé Mitsunari, et était arrivé à la conclusion qu'un ennemi vivant sous son contrôle était préférable à un mort remplacé par quelqu'un d'autre, quelque part. Pour le mettre hors circuit, il lui ordonna de rentrer dans ses terres, au château de Sawayama, au printemps de 1599, pour y rester sous l'oeil vigilant d'Hideyasu, son fils.

Le vénérable Maeda Toshiie mourut ce même printemps 1599, pas avant pourtant qu'Hosokawa Tadaoki n'ait eu le temps d'arrimer solidement Toshinaga, fils et héritier du clan, et la plupart de ses vassaux, à la cause de Ieyasu. Avec la mort de Toshiie, la charge de gardien du jeune Hideyori devenait subitement vacante; Ieyasu s'en empara prestement, et vint s'installer au château d'Osaka, dont il fit sa demeure. Cet acte n'eut d'autre résultat que de nourrir un peu plus la colère des intendants et des régents encore en activité.

Le 22 Août 1600, alors que Ieyasu préparait une campagne militaire contre un seigneur rebelle du nord, Uesugi Kagekatsu, Mitsunari passa aux actes.
Il réunit contre Ieyasu un quorum des cinq bugyô et de trois des quatre taikôs (il y eut une abstention: Toshinaga, ayant pris la place de son défunt père, garda le silence quand il s'agit de condamner Ieyasu); ce quorum établit contre le Tokugawa une accusation en bonne et due forme réunissant 13 charges contre lui.

Parmi ces charges se trouvaient la condamnation des mariages politiques que Ieyasu avait arrangés, comme aussi le fait qu'il s'était emparé de l'ancienne résidence d'Hideyoshi. Que ces accusations aient été fondées pour la plupart ne présente guère d'importance : Ieyasu les prit pour une déclaration de guerre pure et simple. Il est tout aussi académique de se demander si telle était bien l'intention des membres de l'alliance anti-Tokugawa; avaient-ils prévu la réaction qu'entraînerait leur vote? Seraient-ils allés jusque là s'ils avaient su que Ieyasu répondrait par la guerre ? On ne peut que se poser la question.

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Yves Modéran


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 Sujet du message : Re: Sekigahara
Message Publié : 22 Juin 2012 1:05 
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Jean Froissart
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Inscription : 03 Jan 2008 23:00
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Chacun avait depuis longtemps eu le loisir de choisir son camp, et à peu près tous les daimyôs japonais avait rejoint l'un ou l'autre, au côté des Toyotomi, loyalistes, sous Ishida Mitsunari (bientôt appelés l'armée occidentale) ou sous Tokugawa Ieyasu (l'armée orientale).

Chacun des camps échafaudant fiévreusement des plans, ce n'était plus qu'une question de temps avant que les hostilités n'éclatent. Quelques mois plus tard, la lutte pour le pouvoir se terminerait près d'un petit village, dans un vallée étroite, encaissée entre des montagnes, appelé Sekigahara.

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 Sujet du message : Re: Sekigahara
Message Publié : 22 Juin 2012 9:25 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
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MERCI La Saussaye :P :P

Je vais revenir lire cela attentivement tout à l'heure.

bien à vous

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et tout le reste n'est que littérature


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 Sujet du message : Re: Sekigahara
Message Publié : 25 Juin 2012 15:15 
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Hérodote
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Bravo et merci pour le clin d'oeil ;)
Petite précision : le conseil des anciens est composé des tairô, et non taikô.
Le "complot" ourdi par Hidetsugu n'est pas chose certaine. Même si le caractère instable de l'intéressé est avéré, il est possible que ce scénario ait été inventé de toutes pièces pour l'écarter du pouvoir en faveur de Hideyori.
J'invite aussi à la méfiance vis-à-vis du portrait habituel d'Ishida Mitsunari, présenté comme un "intrigant impénitent". Il semble que Mitsunari, à défaut d'être un grand général, était un homme de qualité qui n'a, au fond, rien fait d'autre que tenir parole. L'histoire est écrite par les vainqueurs, et c'est surtout la propagande Tokugawa qui a imposé l'idée d'un lâche complotant en coulisses, ce en quoi il ne devait pas être si différent de ses contemporains... 15 ans plus tard, lorsqu'il s'agira de régler son compte à Hideyori, on accusera le jeune homme, qui attirait quelques temps plus tôt les compliments, d'être "efféminé" : en clair une "femmelette" incapable de remporter la guerre.
Quel est le bon chemin ? Ceux qui se battent au nom de la parole donnée comme ceux qui le font au nom de l'intérêt du pays ont probablement cherché à camoufler, ici comme ailleurs, la poursuite de visées personnelles. Ces questionnements autour de la loyauté font en tout cas de Sekigahara un conflit emblématique.


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 Sujet du message : Re: Sekigahara
Message Publié : 29 Juin 2012 1:07 
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Jean Froissart
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Inscription : 03 Jan 2008 23:00
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Merci cher Julien pour vos précisions !

J'avoue en effet, à l'époque ou j'ai traduit le texte d'Anthony Briant, avoir pensé à une faute de frappe concernant les Taïrô.

Grâce à vous, il s'avère qu'en effet les copains des éditions Osprey s'étaient un rien plantés dans leur typo ...

Je vous rejoins aussi concernant le jugement très "officiel" qui ressort de l'ouvrage de l'ami Briant concernant Ishida Mitsunari.

Je vais continuer à mettre en ligne ma traduction (approximative) accompagnée de mes modestes apports !

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 Sujet du message : Re: Sekigahara
Message Publié : 29 Juin 2012 1:18 
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Inscription : 03 Jan 2008 23:00
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Quels étaient les généraux, ou seigneurs de la guerre, qui se rencontrèrent à Sekigahara ?

Commençons par le plus énigmatique, et le vainqueur : Tokugawa Ieyasu.

Tokugawa Ieyasu (1542 -1616), seigneur de la plaine du Kantô (actuellement Tokyo et ses environs) était un descendant du célèbre clan Minamoto. Les Minamoto avaient donné au Japon d'exceptionnelles personnalités, telles que Yoshitsune, Yoritomo ou Yoshiie. Ils étaient devenus l'unique famille à laquelle était dévolue la charge de shôgun. Les Minamoto eux-mêmes avaient disparu depuis longtemps en 1600, mais de nombreuses branches familiales existaient encore, et les Tokugawa étaient la plus importante de ces branches.

Ieyasu était aussi l'un des daimyô les plus fortunés du Japon. Il gouvernait à la mort d'Hideyoshi 8 provinces constituant la région du Kantô, le grenier à blé du Japon, domaines qui lui rapportaient un revenu annuel total de l'ordre de 2,5 millions de kokus, soit plus de deux fois plus que le plus riche de ses rivaux. Influence et pouvoir accompagnent naturellement la fortune : ses armées étaient les plus grandes, ses guerriers les mieux entraînés, ses amis les plus fiables. En tant que membre du tairô, Ieyasu détenait également une part de l'héritage d'autorité du défunt taikô.

Pendant plus de vingt ans, à l'époque d'Oda Nobunaga, Tokugawa Ieyasu avait été, non un vassal, mais un allié.

Un allié d'une fidélité absolue, mais qui jamais ne s'était engagé au delà de ses provinces, sauf lorsque, jeune général, il avait opéré une retraite émérite pour protéger les troupes de Chikuzen, le futur Hideyoshi.

Dans l'année qui suivit la mort d'Obunaga, Ieyasu, laissant les prétendants s'entretuer, prit le contrôle de deux provinces essentielles : le Kai et le Shinago.

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 Sujet du message : Re: Sekigahara
Message Publié : 29 Juin 2012 1:27 
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Pourquoi essentielles ? Parce que qu'il s'agissait des provinces du clan Takeda, dont les troupes avaient été les plus puissantes de tout l'archipel.

En 1583, Ieyasu prend le contrôle de ces deux régions. Vaincu à Nagashino en 1575 par une armée commandée par Oda Nobunaga et Ieyasu, le clan Takeda s'est lentement effondré.

Takeda Katsuyiro est mort au combat en 1582, la même année au cours de laquelle le chef du clan Oda a disparu.

L'armée des Takeda, ses généraux et ses techniques dans tous les domaines, est décapitée mais existe encore.

Ieyasu se les rallie alors en 1583, avant même qu'Hideyoshi ait eu le temps de réagir, et il confie alors à son jeune second Ii Naomasa une troupe qui va rentrer dans la légende sous le nom de « diables rouges de Naomasa ».

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 Sujet du message : Re: Sekigahara
Message Publié : 29 Juin 2012 1:41 
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Inscription : 03 Jan 2008 23:00
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Ces "diables rouges", reconnaissables à cette couleur sur leurs armures, sont en fait les successeurs de la célèbre cavalerie Takeda.

Tokugawa Ieyasu dira d'eux : "ils sont les tarières de mon armée", car ces unités en rouge transpercent littéralement les lignes ennemies.

Pendant qu'Hideyoshi unifie le Japon central, en se ralliant par la diplomatie le clan Mori au sud, il s'aperçoit dès sa prise de pouvoir que les alliés Tokugawa ne se rallient pas.

Que veut ce général, maintenant quadragénaire, qui reste neutre ?

Hideyoshi le gardera à l'oeil tout en voulant, à toute force, le séduire. Mais rien n'y fera : Tokugawa, dans ses huit provinces, n'attaque personne et semble vivre comme si Kyoto, la capitale impériale, et les crises en cours ne le concernaient en rien.

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 Sujet du message : Re: Sekigahara
Message Publié : 03 Juil 2012 20:05 
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Inscription : 03 Jan 2008 23:00
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En 1590, le Kanpaku (Hideyoshi devenu haut dignitaire impérial) et son allié un peu lointain Ieyasu se liguent contre les seigneurs Hojo d'Odawara, dans le nord du Japon. Quelque semaines suffisent à amener, face à l'armée coalisée, le clan Hojo à la reddition.

Hideyoshi et le chef du clan Tokugawa vont alors se mettre d'accord sur une opération stupéfiante de chassé-croisé.

Les Tokugawa, leurs vassaux et leurs armées, quittent leurs provinces et partent s'installer sur les terres des Hojo. Hideyoshi récupère les régions ainsi mises à disposition.

L'opération est "gagnant-gagnant" : Hideyoshi éloigne son allié peu empressé, et récupère les provinces du littoral qui lui permettent de contrôler l'une des principales voies de communication de l'archipel.

Mais, dans le même temps, Ieyasu devient presque indépendant, et préservera ses forces pendant les dix ans qui suivent.

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