Pour les putschistes, ça ne marche pas fort... Alors que des colonels qui ont promis de se joindre à eux se montrent soudain hésitants (Challes dira :"Je ne savais pas qu'il y avait autant de salauds dans l'armée française") voilà que De Gaulle prononce à la radio et à la télé un discours d'anthologie :
- Il est en uniforme de général, pour rappeler que le chef des armées c'est lui, et les putschistes reçoivent leur paquet : "un quarteron de généraux en retraite ! "
- L'appel à tout militaire de n'obéir à aucun ordre de ces généraux, même sous des prétextes opérationnels - les putschistes essaient de déplacer certaines unités qui leur sont hostiles en prétextant des attaques du FLN.
Et pour finir ce "Français, françaises, aidez-moi !" qui aura un retentissement important.
Pour le contingent - les appelés - l'injonction de désobéir aux putschistes ne tombe pas dans l'oreille de sourds. Quelques mois auparavant, le ministre des armées avait fait distribuer des transistors à toutes les unités, et les comploteurs n'avaient pas vu l'enjeu : le problème pour eux, c'est qu'on capte très bien RMC (Monaco) en Algérie, et tous les appelés ont entendu le discours.
Du coup le contingent - qui en a marre de la guerre - jette du sable à pleine poignée. Certaines unités se mutinent, mettent sous clé leurs officiers dissidents, et partout où ils le peuvent ils bloquent les transmissions - le standard est le plus souvent tenu par des appelés. A Alger, au gouvernement général, devenu l'état major des putchistes, qui ont pris la ville, il faut une heure pour obtenir une communication vers une unité qu'on veut convaincre de suivre le putsch. (les appelés du central téléphonique font la grève du zèle et retardent les communications sous tous les prétextes.)
Les généraux et colonels dissidents se rendent compte après ce discours qu'ils ne pourront plus convaincre personne de les rejoindre - les officiers généraux multiplient leurs protestations de fidélité à De Gaulle, c'est leur carrière qui est en jeu - et qu'ils n'ont pas rallié assez d'unités à leur cause. Ils vont se rendre le lendemain ou le surlendemain, je ne sais plus.
Un certain nombre vont décider de passer à la clandestinité et rejoindre l'OAS, ce qui signe le début de la tragédie à venir. Challes et Zeller se rendent - on a joué, on a perdu... - mais Salan et Jouhaud passent à l'OAS et causeront des centaines d'assassinats, y compris d'officiers qui se sont opposés au putsch. L'un et l'autre, après leur arrestation, manqueront de peu d'être fusillés. (Jouhaud passe deux mois dans "le couloir de la mort", parce que De Gaulle rechigne à lui accorder sa grâce. Dur métier que celui de militaire rebelle !)
_________________ Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)
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