Les "francs-tireurs" français ont fait parlé d'eux durant le siège de Sébastopol en Crimée, dans le sens où ils firent autant de dégâts parmi les défenseurs russes de la place que l'artillerie de siège de gros calibre des alliés. Ces tireurs d'élite étaient choisis généralement parmi les zouaves ou les chasseurs à pied et étaient armés de carabines rayées (pour le précision des tirs à longue distance). leurs techniques de combat est très bien expliquée dans le livre d'Alain Gouttman sur "la guerre de Crimée":
"Ils sortent de leurs tranchées comme des chats, rampent le long des plis de terrain, de jour comme de nuit, s'embusquent derrière une motte de terre ou un tas de cailloux, souvent à quelques dizaines de mètres des bastions ennemis. Et ils attendent (la patience, ça, un tireur d'élite embusqué doit en être nécessairement pourvu...Quelque soit l'époque!). des heures parfois, immobiles et silencieux comme des pierres.Ils attendent qu'une embrasure se démasque chez les Russes pour permettre le tir d'une pièce d'artillerie. alors, en un quart de seconde, sur un servant à peine entr'aperçu, c'est une, deux, ou une demi-douzaine de balles qui s'abattent...Ainsi le lieutenant-colonel Rosine racontera-t-il plus tard que la mise en batterie d'une seule pièce-en pleine bataille, il est vrai- lui aura coûté quarante hommes d'élite".
Le père Damas, aumônier supérieur de l'armée d'orient, raconte quant à lui dans ses "souvenirs": "Un artilleur a-t-il le malheur de paraître pour charger sa pièce ou la pointer, une balle siffle et vous le jette à terre.Un autre ne prend pas sa place impunément : le même sort l'attend.On prétend qu'un seul de nos tireurs en a tué neuf de suite. J'ignore si le fait est vrai, mais le désespoir des Russes est évident. Pour se mettre à l'abri, ils ont imaginé de masquer chacune de leurs pièces derrière un volet à deux battants. C'est bon pour charger. Mais lorsque le moment de tirer est venu, il faut bien ouvrir la fenêtre. Alors, malheur à celui qui fait l'opération. Une balle est toute prête. Elle part, siffle, et traverse la tête de téméraire [...]Furieux, à certains moments, [les Russes] soulèvent par derrière les affûts de leurs canons, et vomissent une effroyable mitraille sur le terre inoffensive, tandis que les francs-tireurs, blottis dans leurs trous, rient à leur barbe et rechargent tranquillement leurs fusils".
Parfois aussi, contre un seul de ces "agaçants insectes", c'est vingt ou trente canons qui se mettent à tirer ensemble, par salves, retournant le sol jusqu'à la complète disparition du franc-tireur...et à son remplacement immédiat : car dans les trois compagnies spéciales formées "d'éclaireurs" (celles-ci créées en décembre 1854), où il s'agit de "faire tomber Moscow", les volontaires ne cessent d'affluer.
Mais les Russes, eux aussi, savent viser juste. dans les tranchées franco-britanniques, la première tête qui dépasse des gabions ou des sacs de sable reçoit immanquablement sa balle. A certains passages mal abrités, et que le tir ennemi interdit de mieux protéger, on marche dans des flaques de sang tant les morts y ont été nombreux. Même le tireur français qui glisse son fusil entre deux sacs de sable risque sa balle au front avant d'avoir eu le temps d'achever son geste. car les Russes ont aussi leurs tireurs d'élite, dénommés "plastouns", le plus souvent des Cosaques du Don rompus depuis des années aux tactiques de la guerre contre les montagnards du Caucase, comme nombre de Français l'ont été aux méthodes "africaines" en Algérie. Ces "plastouns" sont armés comme leurs homologues d'en face, du nouveau fusil à canon rayé, la fameux "Stutzen", qui révolutionna le combat d'infanterie à l'âge industriel. Mais chez les Russes, le parc de ces armes modernes est limité: ils n'en possèdent qu'une pour 23 hommes, contre une pour 3 chez les français et une pour 2 chez les Britanniques.
Ainsi, de jour comme de nuit, francs-tireurs français et "plastouns" russes rampent en silence, se cherchent de trou en trou, de rocher en rocher, s'épient des heures durant, se contournent, se tendent des pièges, et se livrent à une véritable guerre de "Peaux-Rouges"...
Les Anglais également se sont essayés à ces méthodes de combat, mais sans grande conviction cependant. Une compagnie de "Riflemen", aux ordres du capitaine Tryon, entreprend elle aussi d'organiser des "battues" dans le No Man's Land qui sépare les lignes alliées de Sébastopol. Mais lorsque Tryon est tué, personne se présente pour le remplacer et la compagnie anglaise est alors dissoute...
A lire ces lignes criantes de réalisme, on peut dire que les méthodes de combat du "sniping" moderne étaient déjà bien établie en 1854-55 lors de cette grande guerre de Crimée. Vassili Zaïtsev et les autres tireurs d'élite bavarois instruits à l'école de tir de Zossen ont eu nombre de prédécesseurs, cela est sûr.
Par contre, concernant les lunettes de visée que l'on fixe sur les fusils, quand est-ce que celles-ci ont été utilisées pour la première fois dans une guerre ?
Cordialement
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_________________ "Vous êtes de la merde dans un bas de soie" (Napoléon à Talleyrand).
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