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Message Publié : 05 Fév 2010 14:23 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Dans la version de la sourate que j'ai trouvé (sourate 105), il n'est pas question d'éléphants mais "des gens de l'Eléphant". C'est très différent. Je connais très mal cette période, mais au VIe et au début du VIIe, l'Ethiopie intervient souvent diplomatiquement et militairement en Arabie méridionale, plus ou moins encouragée par Byzance (j(ai en tête certains passages de Procope en particulier). Pour ma part, je comprends ces gens de l'Eléphant comme une métaphore pour les Ethiopiens. Cela ne suppose nullement une armée d'éléphants; autant que je sache, seuls les Lagides, Carthage puis les Numides et Rome ont été en mesure d'aligner des éléphants dans leur armée, aucun des peuples du sud n'en a employé, du moins dans l'Antiquité (je suppose que la sous-espèce d'Afrique du nord n'était pas à leur disposition, et que tenter une domestication des monstres de 3,5 m était voué à l'échec).
Mais j'ignore s'il y avait des éléphants dans l'actuelle Ethiopie dans l'Antiquité, ni si celui ci avait une valeur symbolique particulière.


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Message Publié : 05 Fév 2010 14:51 
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Le passage mentionné rapporte un fait très important dans l'histoire des Arabes pré-islamiques qui est la tentative de la prise de Mekka par ceux que l'on appelle les "Gens de l'Eléphant" qui sont les troupes d'Abraha. Plusieurs livres d'histoire mentionnent l'histoire de ce vice-roi yemenite prosélyte à l'égard du christianisme. Les sources les plus souvent citées sont celles d'Ibn Kathir et de Muhammad Ibn Ishaq. Ce serait par désir de vengeance qu'Abraha aurait tenté de détruire le temple de Mekka. Une de ses cathédrales aurait été brûlée par des Qurayshites et il se serait alors juré de ne pas vivre sans voir le temple de Mekka détruit. Pour cela, il aurait sollicité de grandes troupes de combat dont la seule vue suffisait à décourager les ennemis potentiels, juifs et qurayshites confondus.

Les événements se seraient déroulés dans les années 570, soit 50 ans environ avant la Révélation coranique. La sourate Al-Fîl est d'ailleurs mecquoise et de l'avis des exégètes comme des philologues allemands du XIXème siècle, elle serait apparue très tôt. Précisons encore que l'événement semblait être connu de nombreuses tribus arabes et qu'il a été présenté par la "poésie pré-islamique" comme un moment de grande victoire pour le dieu Allah qui appartenait, était même au sommet, du panthéon des divinités de l'époque.


http://sabyl.forumactif.com/approches-du-coran-f1/sourate-105quelle-lecon-tirer-de-celle-ci-t510.htm

j'ai d'autres traduction avec "propriétaires des éléphants" ou "compagnons des éléphants". Ok, les éléphants n'ont pas fait le voyage et ont évité les chutes de pierres ...


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Message Publié : 07 Fév 2010 22:33 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
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Curieux, je n'aurais pas pensé à évoquer cet épisode en histoire militaire, et pourtant !
Thersite a écrit :
Dans la version de la sourate que j'ai trouvé (sourate 105), il n'est pas question d'éléphants mais "des gens de l'Eléphant".
La Sira, racontée par Mahmoud Hussein, donne un récit cohérent de l'événement à partir des diverses sources.
Abraha est un général éthiopien qui a pris le contrôle du Yemen, nouvellement conquis par le Négus. Jaloux du pélerinage de la Mecque, il construit une église à Sanaa, soi-disant pour détourner le pélerinage à son profit (accusation qui a l'air courante). Un qoreïchite qui passe par là entre dans l'église et exprime sa façon de penser en la souillant de ses excréments lol ! Abraha décide alors de laver l'affront en marchant sur la Mecque pour détruire la Kaaba. À la tête de son armée, il fait marcher un éléphant venu d'Éthiopie. Il balaie sans problème les armées arabes qu'il rencontre. Arrivé au seuil du sanctuaire, il ordonne que son éléphant le détruise. Mais l'animal refuse d'avancer et se couche dans le sable par trois fois. Alors, une nuée d'oiseaux (ou de sauterelles) s'abat sur l'armée en la bombardant de cailloux :wink: . L'armée est décimée et Abraha, blessée, bat en retraite puis meurt sur le chemin du retour.

L'anecdote est évidemment didactique : on y trouve la démesure du roi ennemi, son châtiment exemplaire et miraculeux, l'inimitié des Chrétiens, le caractère sacré de la Kaaba qui se défend elle-même - à la différence des idoles païennes qui la remplissent. Pour faire la liaison avec l'histoire de la Révélation, c'est précisément l'année de l'Éléphant que naît Mahomet.

L'éléphant est ici traité comme un objet de prestige, symbole de démesure. On peut se demander s'il est envisageable d'emmener un éléphant (africain, donc non dressé ?) dans un milieu désertique en transportant à sa suite tout le fourrage et l'eau dont il a besoin quotidiennement.
En tout cas, cette utilisation rappelle celle d'Hannibal et de ses éléphants, lors de la seconde guerre punique. Les éléphants à qui il a fait passer les Alpes n'ont pas été utilisés sur le sol italien autrement que pour impressionner, sans doute parce que très peu ont survécu. Je crois que ceci vient de Polybe ou Tite-Live.
Mais cette seconde histoire n'est-elle pas elle aussi une invention des historiens pour stigmatiser l'hubris d'Hannibal ?

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Message Publié : 08 Fév 2010 3:39 
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Pierre de L'Estoile
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Nebuchadnezar a écrit :
En tout cas, cette utilisation rappelle celle d'Hannibal et de ses éléphants, lors de la seconde guerre punique. Les éléphants à qui il a fait passer les Alpes n'ont pas été utilisés sur le sol italien autrement que pour impressionner, sans doute parce que très peu ont survécu. Je crois que ceci vient de Polybe ou Tite-Live.
Mais cette seconde histoire n'est-elle pas elle aussi une invention des historiens pour stigmatiser l'hubris d'Hannibal ?

Ah non, les éléphants d’Hannibal n’ont rien d’une légende, leur présence dans les armées barcides d’Espagne est attesté, ils avaient été renforcés encore quelques années auparavant par Hasdrubal qui s’était livré à de vastes chasses en Numidie pour le compte d’Hamilcar. Ils eurent entre autres un rôle primordial en 220 lors de la bataille de l’Ebre, la première vrai bataille d’Hannibal en tant que général en chef. Lors du périple de 218, ils causèrent beaucoup de soucis à l’armée (l’épisode de la traversée du Rhône en particulier est resté célèbre, Polybe III.45-46 ; Tite-Live XXI.28) mais rendirent bien service dans les Alpes, où les barbares harcelaient l’armée un peu partout sauf là où étaient les éléphants : les montagnards étaient tétanisés par la présence de ces animaux (Polybe III.53 ; TL XXI.34-35 ; 37) ! 21 éléphants restèrent en Espagne avec Hasdrubal, 37 accompagnèrent Hannibal dans son périple (Polybe III.42 ; Appien VII.1), mais beaucoup durent passer l’arme à gauche entre le Rhône et l’Italie (l’infanterie dans le même temps passe de 36 000 à 20 000, pour donner une proportion). On trouve sur la toile et dans les bouquins très souvent le chiffre de 21 survivants, mais je n’ai pas la moindre idée de l’origine de ce chiffre, méfiance. Arrivée en Italie, ils facilitèrent le franchissement du Pô en brisant le courant en amont pour le reste de l’armée (TL XXI.47 ; technique traditionnelle, attestée en Orient avec les Diadoques), puis surtout furent alignés à la Trébie où leur rôle fut loin d’être négligeable ; placés sur les ailes, ils paniquent en partenariat avec l’infanterie légère la cavalerie romaine et se portent rapidement sur les flancs et le dos du centre, contribuant amplement à la déroute rapide des Latins ; la plupart des morts sont attribués par Polybe à la cavalerie et aux éléphants (Polybe III.72 ; 74 ; TL XXI.55 et Appien VII.7 minimisent au contraire leur efficacité face à l’infanterie romaine). Mais leurs exploits s’arrêtèrent là : l’hiver précoce était bien engagé, et la plupart succombèrent au coup de froid qui suivit (tous selon Polybe III.74 ; la plupart sauf 8 selon TL XXI.56). Quant aux survivants, ils passèrent l’arme à gauche au printemps 217 : pressé de partir pour soulager ses alliés, Hannibal engage la campagne trop tôt et une vague de froid lors de la traversée de l’Apennin emporte 7 des survivants (TL XXI.58), et seul resta Syros qui portera Hannibal dans les marais étrusques puis à Trasimène et à Cannes. Par la suite, Hannibal reçut de la métropole de nouveaux éléphants, à plusieurs reprises, qu’il mettra à profit en Italie du sud, en particulier leur capacité à forcer les palissades, mais leur fragilité relative rendit leur efficacité aléatoire. En tout cas, les récits alpins sont attestés aussi bien par les sources puniques (Sosylos et Silénos accompagnent l’armée d’Hannibal dans son périple) et par les sources latines (en particulier l’annaliste Lucius Cincius Alimentus, prisonnier à la Trébie, mais aussi le sénateur Fabius Pictor, source principale de TL et Polybe) tandis que Polybe bénéficie de témoignage de première main dans la gens Scipii, qui poursuivent le Punique depuis la Gaule jusqu’en Italie. Rien de légendaire donc.
Son frère refit lui aussi l’exploit de la traversée des Alpes, en emportant de son côté une quinzaine d’éléphants.

Nebuchadnezar a écrit :
c'est précisément l'année de l'Éléphant que naît Mahomet.

Qui choisit et comment est choisi ces éponymes d’années ? Est-ce chaque fois un animal ? Lié à l'évènementiel ? à l'astronomie ?
En attendant, ce genre d’explications étymologiques, rédigées a posteriori, me semble encore plus douteux…


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Message Publié : 08 Fév 2010 7:47 
Donc pour la Sourate 105, un éléphant a quand-même fait le voyage ?

Si une partie de l'histoire est un compte à dormir debout, pourquoi pas toute l'histoire ? Pour le compte à dormir debout, je veux parler de l'utilisation d'oiseaux comme lanceur de pierres hyper-efficaces au point de réduire les assayant à quelque chose qui ressemble à un tas de paille. Ou alors il s'agit d'un miracle du prophète comme la fois où il a recolér une main en crachant dessus ? Mais alors , comment on fait pour démeler les choses et savoir pour l'élephant ?


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Message Publié : 08 Fév 2010 23:32 
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Pierre de L'Estoile
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Thersite a écrit :
Qui choisit et comment est choisi ces éponymes d’années ? Est-ce chaque fois un animal ? Lié à l'évènementiel ? à l'astronomie ?
En attendant, ce genre d’explications étymologiques, rédigées a posteriori, me semble encore plus douteux…
Non, l'année de l'Éléphant est celle, précisément, de l'expédition manquée d'Abraha contre la Kaaba. C'est cette année que la tradition fait naître Mahomet.

Merci pour les éléphants d'Hannibal.

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Message Publié : 09 Fév 2010 7:33 
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Pierre de L'Estoile
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Nebuchadnezar a écrit :
Non, l'année de l'Éléphant est celle, précisément, de l'expédition manquée d'Abraha contre la Kaaba. C'est cette année que la tradition fait naître Mahomet.

Tu n'as pas compris ma question Neb. Est-ce exceptionnel de baptiser une année du nom d'un animal, en l'occurrence ici l'année de l'Eléphant en référence à la campagne éthiopienne, où est-ce habituel. Par exemple l'année précédente, l'année du dromadaire, l'année suivante l'année du Pivert, etc. Dans l'Arabie pré-islamique, les années n'était pas numérotés je présume, il faut donc un éponyme. Comme les Athéniens utilisaient l'archonte éponyme, les Romains le consul, les Argiens leur prêtresse d'Héra, les chinois les constellations.... Qu'est-ce que les Arabes pré-islamiques eux utilisaient ? Qu'est-ce qui justifie le nom "d'année de l'Eléphant" donnée à cette année là ?
Si ce genre de nom de baptême est normal, cela n'a aucun lien avec l'évènementiel, donc avec la présence d'éléphants. Si cela est anormal, exceptionnel, c'est lié à un évènement extraordinaire, marquant.


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Message Publié : 09 Fév 2010 21:05 
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Philippe de Commines
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La présence des éléphants n'est t'elle pas attestée dans les conditions de paix lors de plusieurs batailles ?

Si mes souvenirs sont bons les deux qui me viennent à l’esprit sont la seconde guerre punique et la guerre de Syrie.

Lorsque Hannibal est défait à Zama, en 202, pas Scipion l'Africain la capitulation de Carthage et les conditions de paix qui en découlent sont les suivantes:

Les conditions de paix furent léonines et Carthage dut livrer sa flotte, au final on consentit à lui en laisser, ses éléphants, cauchemar des Romains ainsi que les possessions d'Espagne.
Sans compter le tribut de colossal de 10 000 talents payable sur 50 ans.

Pour ce qui est de la défaite du roi Antiochos III lors de la guerre de Syrie et la bataille de Magnésie du Sipyle la paix d'Apamée régla l’affaire de la façon suivante :
Le Sénat romain lui interdit de traverser la limite du Taurus, d’entretenir une flotte dans la mer Egée et de lever des mercenaires en Grèce. Il doit livrer ses navires et ses éléphants (et en arrêter l'élevage), et payer une indemnité de guerre de 12 000 talents.

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Message Publié : 09 Fév 2010 21:57 
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Pierre de L'Estoile
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C'est sûr et certain. L'éléphant autour de la Méditerranée est une denrée rare et précieuse, mais surtout terriblement dangereuse. On a bon dos de rigoler sur leur efficacité aléatoire, cela reste une des armes antiques les plus redoutables jamais alignée sur un champs de bataille; on ne compte plus les victoires que leur seule présence a permis. Lors des campagnes de Pyrrhus, il alignait dans les 40 000 hommes, les Romains autant, et c'est 20 malheureux pachydermes qui retournent la situation. En 255, les éléphants puniques l'emportent pratiquement à eux seuls. Je vais faire, se serait sans fin.
Mais ce n'est pas des machines, ils restent des animaux, donc instables. Un cheval qui se rebiffe, on aura déjà tout le mal du monde à le maîtriser. L'éléphant furieux, lui, n'est plus maîtrisable, au point que les cornacs à la fin du IIIe seront équipés de pieux pour tuer l'animal incontrôlable. Mais même lorsque leur tactique échoue, ils obnubilent l'ennemi, qui y a consacré tous les moyens possibles et imaginables et toute son inventivité (je songe à Scipion à Zama par exemple). Les éléphants ne sont jamais pris à la légère, d'où le soin particulier des Romains à en priver ses adversaires. C'est comme confisquer la flotte : cela les ampute d'une part importante de leur puissance, même s'ils ne sont que peu nombreux.
Dans la même logique, on voit des paix arrachées uniquement avec des éléphants comme monnaie d'échange : Séleucos Ier et Sandracottos signent une paix avant de s'affronter, où Séleucos abandonne à l'Indien ses conquêtes en échange de "seulement" 200 éléphants (et d'une épouse), qui assureront à Séleucos la victoire contre les autres prétendants. De même, les Macédoniens vont se débarrasser de Pyrrhus à bon prix, en lui refilant une vingtaine d'éléphants, et il ira dorénavant s'agiter en Italie.
Ca démontre la valeur qui leur était accordée, et la terreur qu'ils inspiraient. A raison, même si ce n'est pas l'arme miracle non plus.


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Message Publié : 09 Fév 2010 22:38 
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Philippe de Commines
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Mais que peuvent les éléphants de Poros face au génie d'Alexandre le Grand. :mrgreen:

En -327, Alexandre se lance à la conquéte de l'Inde. Aux yeux des Grecs, elle représente une terre de légendes située aux confins du monde habité. Mais c'est aussi le bout de l'épopée, les soldats harassés refusant d'aller plus loin.

A partir d'Alexandrie du Caucase, l'armée se scinde en deux colonnes. Héphaïstion et Perdiccas ont pour mission de soumettre le Gandhâra en suivant la route directe qui conduit à l'Indus, par la passe de Khaà?ber : ils ont reçu l'ordre de préparer le passage du reste de l'armée et parviennent rapidement à un point favorable au franchissement du fleuve. Alexandre et la deuxième colonne prennent, eux, par la région montagneuse située sur la rive gauche du Kabà»l. Les populations tribales opposent une résistance acharnée. Mais l'armée d'Alexandre soumet une à une les villes des Aspasiens et incendie Arigaion.

C'est à ce moment que lui et ses hommes découvrent, peut-étre dans la vallée du Cophen, une ville, Nysa (actuelle Djalalabad), et une montagne, Mèros, o๠croît le lierre, un des attributs de Dionysos, preuve indubitable à leurs yeux de la présence du dieu en cet endroit. Le nom méme du roc qui surplombe la ville ( mèros , " la cuisse ", celle de Zeus d'o๠le dieu était censé étre né) leur fait penser au dieu grec du vin et de l'extase. Les habitants de la ville, assimilant le dieu grec à un de leurs dieux des montagnes, lui déclarent étre les descendants des Bacchants qui accompagnaient Dionysos lors de l'expédition du dieu en Inde. Peut-étre créent-ils eux-mémes cette tradition, conscients du souci que les Grecs ont de trouver des équivalents à leur propre panthéon, et sans doute aussi parce qu'ils comprennent l'intérét qu'ils ont à se présenter ainsi aux yeux d'Alexandre : rien ne peut contenter davantage le roi, qui a choisi de placer la conquéte sous le signe du dieu. La troupe célèbre sur ce mont des bacchanales puis, ayant reçu la soumission des Guréens, poursuit sa campagne contre les Assacéniens.

Après avoir enlevé plusieurs villes, Alexandre porte ses efforts sur le Rocher Aornos (" sans oiseau ") dans la haute vallée de l'Indus, o๠s'est concentrée la résistance. Cette citadelle est située sur une plate-forme rocheuse entourée de pentes escarpées et n'a qu'un seul accès : un escalier taillé dans le roc. On dit qu'Héraclès a échoué par deux fois à la prendre. Alexandre, autant pour s'assurer de cet emplacement stratégique qui permet de contrôler tout le territoire jusqu'à l'Indus, que pour surpasser son ancétre le héros, se lance à l'attaque : il fait jeter un pont au-dessus d'un ravin, s'empare d'un promontoire et, de nuit, avec une incroyable audace et accompagné de 700 hommes, atteint le sommet et met en fuite les ennemis.

Avant de rejoindre l'Indus, il continue de soumettre la région et intègre dans son armée des éléphants. De leur côté, Héphaïstion et Perdiccas ont fait bâtir un pont de bateaux, pour le franchissement du fleuve et, au printemps 326, Alexandre, suivi de son armée, prend pied le premier sur la rive orientale de l'Indus. Puis la marche vers l'intérieur du Pendjab (les terres des Cinq-Fleuves) reprend. L'armée traverse le territoire du Taxilès, accompagnée d'un corps de 5 000 soldats indiens, et gagne l'Hydaspe sur la rive gauche duquel se tient l'armée du roi Pôros. Ce souverain règne sur un territoire délimité par deux grands cours d'eau : l'Hydaspe (le Jhelum) à l'ouest et l'Akésinès (la Chenab) à l'est.

Face aux Macédoniens, sur l'autre rive de l'Hydaspe que les pluies ont grossi en ce mois de munykhiôn (fin avril-début mai), Pôros a rangé son armée en ordre de bataille. A l'endroit oà¹, à mi-chemin entre les deux rives, se trouve une petite île boisée, Alexandre, dissimulé par la végétation exubérante et par la mousson torrentielle, traverse le fleuve avec un corps expéditionnaire relativement faible composé de 4 000 cavaliers, 1 000 archers à cheval et environ 10 000 fantassins, laissant derrière lui le reste de l'armée sous les ordres de Cratère. Prévenu par ses éclaireurs qu'Alexandre fait mouvement, Pôros se demande s'il s'agit d'une attaque majeure ou d'une manoeuvre de diversion. Il envoie en reconnaissance un de ses fils à la téte de cavaliers et de chars. Mais, franchissant le dernier bras du fleuve, Alexandre apparaît soudain sur le flanc droit des Indiens. Les chars s'embourbent ; quant aux cavaliers, ils sont mis en déroute. Pôros, à la nouvelle du désastre, est alors certain qu'une importante armée approche et qu'il lui faut livrer bataille. Aussi choisit-il un emplacement plat et sablonneux pour affronter son adversaire.

Il dispose sur la première ligne de front ses 200 éléphants, éloignés les uns des autres d'au moins 30 m pour ne pas géner leur évolution. Il place légèrement en retrait, sur une deuxième ligne, un peu plus de 30 000 fantassins, en formation serrée, et répartit sa cavalerie forte de 4 000 cavaliers sur les ailes, avec de nombreux chars.

Observant le dispositif tactique de l'ennemi, Alexandre décide de ne pas attaquer au centre. La stratégie défensive et la tactique relativement stationnaire de Pôros se révèlent un choix désastreux face à l'ennemi original qu'est Alexandre. Le peu de mobilité des Indiens permet en effet à la redoutable cavalerie macédonienne, très expérimentée, de prendre l'avantage. Alexandre, comme dans les autres batailles, a recours à sa manoeuvre favorite dite du " front oblique ". Il frappe avec les éléments les plus forts de l'armée le point le plus faible des ennemis, à savoir la cavalerie de Pôros placée sur les ailes : il attaque lui-méme sur l'aile droite, tandis que Démétrios et Coenos opèrent sur l'aile gauche une manoeuvre d'enveloppement. Après un vif affrontement d'avant-garde et les premières charges de la cavalerie, la phalange s'ébranle et environne les bétes qui s'avancent contre elle. Les éléphants percés de coups, et ayant, pour la plupart, perdu leurs cornacs, ne gardent plus l'ordre ordinaire. Fous de douleur, ne distinguant plus amis et ennemis, ils renversent tout sur leur passage. Les Macédoniens, qui ont toute la place pour manoeuvrer, peuvent et reculer et poursuivre les bétes quand ils l'estiment nécessaire alors que les Indiens, au milieu de leurs éléphants, reçoivent d'eux la plupart de leurs blessures.

Alexandre, qui vient de l'emporter, s'approche de son ennemi, vaincu et blessé grièvement, et l'invite à lui dire quel sort il souhaite. Pôros lui fait, d'après les historiens, cette réponse : " Traite-moi comme un roi, Alexandre " ; et Alexandre, charmé par cette réponse : " Tu le seras, Pôros, en ce qui me regarde, mais toi, en ce qui te regarde, demande-moi ce qui te serait agréable. " Pôros réplique que tout est contenu dans sa réponse. Alexandre est encore plus charmé par cette réplique et redonne à Pôros la souveraineté sur les Indiens de son royaume, ajoutant méme à son ancien royaume un autre territoire, plus vaste que celui qu'il possédait. Alexandre sait déjà , en effet, qu'il est plus judicieux de laisser en place des chefs traditionnels plutôt que d'imposer des administrateurs macédoniens.

Une fois arrivé sur l'Hyphase, le plus oriental des grands affluents de l'Indus, Alexandre a le profond désir d'atteindre l'océan et les limites de la terre habitée. Mais les soldats refusent de traverser la rivière pour se lancer dans la conquéte de la vallée du Gange. Au bout de trois jours de retraite sous sa tente, le roi accède à leur volonté de retour. Cependant, il entend laisser de son passage des traces extraordinaires. Il fait bâtir douze autels monumentaux en action de grâce envers les dieux. Un immense fossé est creusé. Le camp est étendu au triple de ses dimensions. Des baraquements et des écuries du double de la taille normale sont édifiés ; des mangeoires et des mors de chevaux d'une taille gigantesque sont laissés sur place pour que la légende puisse se nourrir de vestiges tangibles.

Alexandre décide alors de soumettre les territoires situés entre le haut pays et la mer Erythrée (mer d'Oman). Il faut donc que toute la vallée de l'Indus tombe entre ses mains. Il fait construire une flotte par les marins phéniciens, chypriotes et égyptiens qui l'accompagnent, et s'embarque avec une partie de l'armée. Tandis qu'il descend l'Hydaspe, deux autres colonnes, menées par Cratère et Héphaïstion, longent le fleuve sur ses deux rives. Au cours de ce voyage fluvial, Alexandre engage d'abord, vers la mi-novembre 326, une campagne contre les Malles. Après avoir remporté une première bataille, il poursuit sur sa lancée et assiège une ville de brahmanes o๠des Malles s'étaient réfugiés. Or, malgré l'intérét qu'il porte aux ascètes, que les Grecs appellent gymnosophistes (les " sages nus "), il ne comprendra jamais réellement ce que signifie étre un brahmane. Il ne distingue sans doute pas les brahmanes des jaïnas ou des bouddhistes. Prisonnier, malgré sa curiosité intellectuelle, de sa mentalité grecque, Alexandre ne se rend pas compte que les brahmanes forment une caste avec ses propres droits et qu'ils constituent la première d'entre elles. Il voit en eux tantôt des conseillers de roi, tantôt des philosophes qui mènent une vie selon la nature. Or les brahmanes sont à la fois des philosophes, des prétres et, méme dans cette Inde du Nord-Ouest, des soldats.

Alexandre ne comprend pas non plus ce qu'est le système des castes qui assure à chaque brahmane d'étre brahmane en quelque lieu que ce soit, ni le prestige considérable de cette caste aux yeux des Indiens. Aussi l'attaque d'une ville de brahmanes et le massacre de ses habitants (qui se défendent d'ailleurs avec bravoure) sont-ils ressentis par les Indiens comme un crime odieux, abominable. La rébellion se répand vite dans les royaumes de Sambos et de Musicanos. Là , tout bascule dans l'horreur : villes détruites, populations passées au fil de l'épée. La présence aux côtés d'Alexandre de l'ascète Calanos n'empéche rien.

C'est à l'embouchure de l'Indus qu'Alexandre décide, toujours guidé par un double motif, stratégique et exploratoire, de scinder son armée et de l'engager dans deux expéditions également périlleuses : la traversée d'un désert, dont la tradition rapporte qu'elle a été fatale à tous ceux qui s'y sont risqués, et la remontée par voie de mer de la côte orientale du golfe Persique, depuis l'emplacement de l'actuelle Karachi.

A la téte de l'armée, Néarque est le dernier à partir, à la fin du mois d'aoà»t 325. Les navires que ce dernier commande longent la côte de Gédrosie (le Mâkran actuel) avant de s'engager dans le golfe Persique puis de remonter l'Euphrate. Le récit de Néarque est celui d'une véritable aventure et d'une exploration du littoral menée avec grand soin pour repérer les mouillages, les productions du pays et noter ce qui touche à la géographie, à la botanique, au climat, ainsi que toutes les curiosités, comme les baleines, observées peut-étre pour la première fois - et combattues ! - par les marins grecs.

Alexandre, de son côté, part en avant de la flotte avec l'armée de terre, en passant d'abord par la plaine de Bela, puis au travers de la chaîne montagneuse du Kirthar ; de là il s'engage à l'intérieur de la Gédrosie. Leur marche est d'environ 750 km et s'achève en atteignant la capitale, Pura (proche de l'actuelle Bampur). Elle commence au début d'octobre 325 et prend fin en décembre. Aujourd'hui encore, le Baluchistan et une large partie du Mâkran sont des régions redoutables pour le voyageur.

Les souffrances sont immenses, méme si Alexandre a choisi la saison la plus favorable, celle oà¹, grâce aux pluies, les puits sont pleins. Dans le désert, entre 45 000 et 55 000 personnes périssent - en majorité les femmes et les enfants qui accompagnent l'armée. Aussi peut-on s'interroger sur le motif qui le pousse à choisir cet itinéraire. Le Mâkran n'est pas, en effet, la seule voie existante entre l'Inde et les terres iraniennes. Compte tenu du caractère d'Alexandre, la seule réponse vraisemblable : relever un défi surhumain et triompher là o๠ses prédécesseurs avaient échoué ; étre, plus grand qu'Héraclès et Krishna qu'il tient pour une manifestation locale du héros grec. Et cette aventure désastreuse, par la ténacité du souverain et le sentiment qu'il a de son invincibilité, devient un triomphe.

Source Historia.

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Message Publié : 09 Fév 2010 22:41 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 25 Juil 2009 21:18
Message(s) : 1550
Localisation : Vienne (86)
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Avec la photo ça rend mieux :wink:

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> Le courage, c'est de comprendre sa propre vie... Le courage, c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille... Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel.
( Jean Jaurès )


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Message Publié : 18 Août 2021 23:32 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 23 Déc 2004 18:02
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Localisation : Généralité de Riom & Bourbonnais
L'imaginaire Européen ne semble cantonner l'éléphant de guerre qu'aux conflits Asiatiques, ou au mieux, à l'Antiquité et la geste de Hannibal à travers les Alpes

voici une présence moderne sur le sol Européen

bataille de Khotyn en 1621 lors de la guerre polono-ottomane, place alors située en Moldavie et aujourd'hui en Ukraine

les pachydermes du camp ottoman sont prés du pont sur la gauche, autre note d'exotisme oriental ils étaient d'ailleurs accompagnés de milliers de chameaux

toutefois il n'y avait que 4 éléphants de guerre et leur poids dans la balance n'a guère eu d'effet pour donner la faveur des armes sur les Polonais et les Cosaques Ukrainiens

ce tableau de Pieter Snayers (1592-1667) était jusque là attribué à tort aux sièges de Vienne de 1529 ou Esztergom 1543
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dernière utilisation pachydermique militaire en campagne en Europe, à voir


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Message Publié : 19 Août 2021 10:34 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 16 Déc 2006 15:45
Message(s) : 490
Vu leur nombre, sait-on à quoi on servit les éléphants ? Ils servaient seulement de bêtes de sommes où ont-ils vu le combat ?


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Message Publié : 19 Août 2021 20:36 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 23 Déc 2004 18:02
Message(s) : 1404
Localisation : Généralité de Riom & Bourbonnais
Leur présence me plonge dans un abîme de perplexité à l'heure des canons et armes à feu

d'ailleurs comme me l'informe Michał Paradowski auteur d'une série de 4 volumes sur les guerres des Armées de la Rzeczpospolita Polono-Litunanienne du XVIIe dont un sur ce conflit de 1620-1621, ils étaient le double ce qui ne change pas non plus le rapport des forces et à l'un d'eux arriva ce qui devait arriver...

la campagne de Chocim (Khotyn) de 1621 a été l'une des plus grandes réussite de l'armée conjointe polono-lituano-cosaque qui a réussi à défendre ses fortifications contre les forces ottomanes massives.
Jan Czapliński, qui a servi dans l'armée polonaise en tant que volontaire pendant cette bataille, a mentionné l'exploit plutôt inhabituel des équipages d'artillerie polonais :
"Il y a beaucoup de chameaux et de bœufs dans le camp ennemi mais ils n'ont que huit éléphants et l'un d'eux a été tué par [nos] canons"


Je ne n'ai trouvé ce que les Ottomans avaient derrière la tête, intimidation, question de prestige, emploi contre une charge de cavalerie...


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Message Publié : 19 Août 2021 21:52 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 13 Mai 2006 22:36
Message(s) : 631
Localisation : Toulouse
Et sait-on exactement comment ils étaient utilisés, c'est-à-dire combien de soldats ils portaient et de quel type ? (J'avoue ne pas arriver à le distinguer dans le tableau). Etaient-ils équipés d'armes à feu ? Si oui cela pourrait aussi être une des raisons, disposer d'une plateforme mobile de tir dominant le champ de bataille ?


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