Jerôme a écrit :
La littérature du temps ne donna à ma connaissance aucun exemple d'une jeune mariée répudiée au lendemain de la nuit de noce pour ce motif.
Je n'ai lu moi non plus aucun exemple en ce sens dans la littérature et, comme l'a fait observer Jean-Marc Labat, l'état des personnes étant régi par le droit canon dans le monde catholique, il ne pouvait y avoir d'annulation du mariage pour cause de non virginité de l'épouse.
Mais ce qui est certain est que les moeurs exigeaient que la femme parvint vierge au mariage et que c'était généralement le cas. En perdant sa virginité, la jeune fille se déshonorait. Cela pouvait se réparer par le mariage avec le partenaire. Dans je ne sais plus quelle pièce de Labiche, un coureur de jupons tient à faire savoir qu'il est homme d'honneur et qu'il ne s'en prend qu'à des femmes mariées. L'adultère commis par la femme mariée était seul sanctionné pénalement mais il était socialement mieux accepté (sauf à considérer la colère du cocu) que la liberté de moeurs de la jeune fille. Les limites de l'interdit ont toutefois dû beaucoup varier selon l'époque, le lieu et le milieu social. L'opprobre s'abattant sur la jeune fille séduite ne devait pas être absolu. Les gaillardises qu'écrivait Rabelais devaient bien reposer sur quelque réalité. Lui-même d'ailleurs avait vécu en concubinage et a eu, je crois, deux enfants. On rapporte aussi cette plaisante anecdote sur Nostradamus :
Citer :
Nostradamus avait un laboratoire en haut de sa maison. Un matin, il travaillait près de sa fenêtre et, de la rue, on ne voyait que son bonnet. Une jeune fille passa qui vit le bonnet et cria : " Bonjour, Monsieur de Nostredame ! " Il répondit : " Bonjour, jeune fille ! " Le soir, quand elle rentra, elle vit de nouveau le bonnet carré et cria : " Bonsoir, Monsieur de Nostredame ! " Il répondit alors : " Bonsoir, jeune femme ! ".
Quoiqu'il en soit, sauf peut-être sur le pourtour méditerranéen, je crois qu'on ne soit jamais parvenu, dans l'Europe chrétienne, à des extrémités telles que les crimes d'honneur qui peuvent encore être perpétrés en certaines contrées.
Ce qui était très mal accepté était d'être fille-mère. J'ai souvenir que, vers 1970 encore, en application d'une loi d'un autre âge, les autorités d'une des îles anglo-normandes voulaient expulser une mère célibataire. Sur un site consacré à la généalogie est présenté un exemple d'une situation qui ne devait pas être rare :
http://www.aupresdenosracines.com/2013/08/destin-dune-fille-mere-au-18eme-siecle.html. Il y avait diverses solutions, dont l'infanticide et, bien sûr, l'avortement, les deux étant punis de mort, ce qui n'empêchait pas qu'ils fussent pratiqués. L'enfant pouvait être abandonné, souvent sous le porche d'une église : c'étaient les "enfants trouvés" dont Saint Vincent de Paul s'est préoccupé. Si la fortune et la position sociale de l'intéressée le permettait, un mariage, qui pouvait n'être qu'un mariage blanc, assorti d'une dot confortable, permettait de sauver les apparences. J'imagine, mais c'est pure spéculation de ma part, que dans maintes familles aisées, après que la fille coupable eut accouché dans la plus grande discrétion, le nourrisson pouvait être confié à un couple de domestiques qui en endossait l'ascendance.