Laurent Frédéric a écrit :
C'est parfaitement inexact, puisque dès Louis XI, il existe un texte interdisant le changement de nom de famille sans l'autorisation du roi. Cela est confirmé par l'article 9 de l'édit d'Amboise du 26 mars 1556. Cela était motivé pour lutter contre les changements de noms pour les personnages en pleine ascension sociale, qu'il s'agisse de la noblesse ou de la bourgeoisie. Nous connaissons beaucoup de cas où dans les familles de la noblesses d'extraction, un neveu héritait d'un oncle maternel par voie testamentaire à condition que ce premier relève les nom et armoirie maternelles.
Voyez notamment ceci
http://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1989_num_49_1_1744.
Concernant l'absence de nom patronymique chez les femmes, c'est exacte jusqu'à la fin du Moyen Âge. On parle de X femme d'Untel, ou fille d'Untel. Mais il existe de rares exceptions comme Isabelle Romée par exemple.
Encore une fois, il faut distinguer les actes de la pratique, où le formalisme respecte généralement le droit (registres paroissiaux, actes notariés, actes de justice), etc..), et la pratique courante (usages épistolaires, documents narratifs, voire fiscaux). Je parle là pour l'Ancien régime.
Ce n'est pas tout à fait exact non plus. L'article cité comme référence est un essentiellement une étude sociologique sur les juifs ayant changé de nom au lendemain de la seconde guerre mondiale. Sur les noms de famille sous l'ancien régime, l'étude suivante est plus pertinente :
http://www.persee.fr/docAsPDF/mots_0243-6450_2000_num_63_1_2201.pdfAucun texte n'interdisait formellement les changements de nom sous Louis XI ni même après.
L'histoire a retenu les lettres patentes par lesquelles le valet de chambre du roi Le Mauvais est autorisé à se nommer désormais Le Daing et le notaire du roi à modifier son nom, Decaumont devenant de Chamont. La nécessité ressentie par ces deux proches serviteurs du roi Louis XI de solliciter une autorisation pour changer ou modifier leurs noms s'explique aisément hors de toute disposition de droit positif. Car le surnom – terme en usage à l'époque - est un outil assurant une double fonction. D'un côté il est ce par quoi on s'identifie à l'égard d'autrui, de l'autre côté il est l'identification donnée par l'entourage, qui peut avoir le caractère de sobriquet. Selon les circonstances, l'un ou l'autre de ces deux sens peut prédominer. Dans le cas des deux serviteurs du roi, c'était le second : il ne suffit pas de vouloir changer de nom, encore faut-il que l'environnement suive, or l'environnement comprend le roi et l'on ne commande pas au roi, on ne peut que solliciter sa faveur. Le père de Martin Guerre (de la célèbre affaire ) se trouvait dans la position inverse : vers 1524, le fils d'Anxi
Aguerre, Martin, reçoit à sa naissance le surnom de
Daguerre. Peu de temps après, Anxi change de lieu de résidence et prend et fait prendre à sa famille le surnom de
Guerre. Il n'y a eut pas d'obstacle à tout cela.
L'article 9 de l'ordonnance du 26 mars 1555 est ainsi rédigé :
Pour éviter à la supposition des noms et armes, deffenses sont faictes à toutes personnes de ne changer leurs noms et armes, sans avoir noz lettres de dispense et permission sur peine d'estre pugnis comme faulsaire et d'estre exauthorez de tout degré et privilege de noblesse ;
et l'article 211 de l'ordonnance du 15 janvier 1629, dite code Michau :
Enjoyons aux gentilshommes de signer du nom de leurs familles et non de celui de leurs seigneuries, en tous actes et contrats qu'ils feront, à peine de nullité desdits actes et contrats.La cour de cassation, dans un arrêt du 23 juin 1982 (pourvoi n° 80-16435), a jugé que les ordonnances royales des 26 mars 1555 (édit d'Amboise) et 15 janvier 1629 (code Michau)
n'avaient pour effet de supprimer, pour les possesseurs de terres nobles, le droit, consacré par l'usage, d'ajouter à leur nom celui de leur terre.
En outre, aucune de ces deux ordonnances ne fut suivie d'effet. L'ordonnance d'Amboise était destinée à régler un problème de perception de la taille en Normandie et fut enregistrée par la cour des aides de Rouen. Eût-elle été appliquée, que ce ne pouvait être qu'en Normandie. Mais elle ne le fut même pas. Car elle déplut fort aux magistrats du parlement de Normandie qui crièrent à l'incompétence de la cour des Aides. Ils furent entendus et, dès août 1555, l'ordonnance était rétractée. Le « Code Michau » était l'oeuvre du chancelier de Marillac, fort peu apprécié du Cardinal. Bien que l'ordonnance eût été présentée au parlement en lit de justice, les magistrats résistèrent. Comme cela n'intéressait pas Richelieu et que Marillac fut disgrâcié, l'ordonnance ne fut jamais enregistrée et resta lettre morte.
Comme ledit Anne Lefèbvre-Teillard, bien que l'autorité royale eût toujours la volonté d'instituer des règles de police strictes en matière de nom de famille, elle n'y est jamais parvenue comme elle le souhaitait et la coutume en matière de modifications ou adjonctions de nom est restée assez permissive jusqu'à la fin de l'ancien régime. La raison pour laquelle on sollicitait des lettres patentes était moins une soumission à une règle de police que le souci de se garantir une sécurité juridique. Car si ajouter un nom de domaine à son patronyme pouvait être licite, il n'était pas certain que ce nouveau nom fût reconnu par les tiers, en particulier l'administration. Aussi, pour le rendre opposable, se faisait-on délivrer une lettre patente.