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 Sujet du message : Mythe de la fondation troyenne
Message Publié : 03 Jan 2010 1:06 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 08 Déc 2009 18:21
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Hommage à Thersite qui lance les idées, mais ne concrétise pas :mrgreen:
Dès lors, je lance le sujet : quels sont les personnages, les villes, les nations qui rattachent leurs histoires à celles des toryens exilés ?
Deux déjà :-le mythe d'Enee et de Rome
-le mythe de Pharamond et des Francs
EN plus de faire un inventaire il serait intéressant d'essayer de trouver pourquoi cette descendance est mise en vaant!
Voila je lance l'idée à ceux que ça intéresse!

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"Il n'y a point de place faible, là où il y a des gens de coeur." Pierre du Terrail

"Qui est le numéro 1 ?
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Message Publié : 03 Jan 2010 1:59 
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Tite-Live
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Antenor,peu être.Il aurait fondé Venise.

http://bcs.fltr.ucl.ac.be/fe/05/anthenor2.html

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Ecrire l'Histoire, c'est foutre la pagaille dans la Géographie.
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Message Publié : 03 Jan 2010 5:20 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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Du moins, Venise s'est attribué un mythe plus ancien qui reliait les Troyens à Padoue et aux Vénètes.

Pour donner un aperçu rapide (aucune exaustivité, juste quelques indices ; comme tu dis Polycarpe : j'ai quelques idées, mais je laisse bosser les autres ! :mrgreen: ), il existe trois cycles majeurs : Enée (colonise l'Asie Mineure en particulier Ascania, la Thrace avec Ainéia, l'Arcadie, Corcyre, la Sicile, la Sardaigne, le Latium...), Anténor (Thrace, puis Adriatique et surtout la Vénétie et même... Gaule) et Hélénos (concentré sur l'Epire, mais que l'on retrouve aussi dans la Chersonèse de Thrace par exemple).
Mais à ces trois personnages majeurs vont s'ajouter toute une ribambelle d'autres fondateurs partis dans des conditions parfois mystérieuses, et qui ne se rattachent pas à un cycle, je songe à Elymos et Aigestos dont nous avons déjà eu l'occasion de parler en Sicile, mais aussi Capys à Capoue par exemple, ou Siris en Apulie, ou Cora en Campanie avec un certain Dardanos.
Troisième type de fondations : les prisonniers troyens des Achéens obtiennent parfois des terres ou se soulèvent et s'enfuient (en Arcadie; en Corinthie à Ténée via Agamemnon; en Egypte grâce à Ménélas; les compagnons de Gerginos libéré par Teucer depuis Chypre, etc.). Beaucoup de fondations mixtes, captives troyennes et héros grecs échoués, parfois à l'initiative des femmes (mythe récurrent de l'incendie de la flotte par les matrones déchaînées), par exemple à Scioné en Thrace, mais c'est le cas pour tous les "Retours".

Leur pérégrinations sont des plus variées, fluctuant au gré des siècles... Parfois, seule l'homonymie justifie une telle colonisation (les multuples "Troie" qui parsèment la Méditerranée, petite ville ou obscurs lieu dits; au mythographe ensuite de se débrouiller pour l'intégrer à un mythe préexistant ; ou Capoue / Capys, etc.), mais la politique et l'économie ont leur mot à dire. Evidémment, à partir du moment où les Romains se réclament de Troie, beaucoup de monde a intérêt à lancer de telles prétentions. Pour certains, ça marche (Egeste, Troie en ont bien profité; Capoue ou les Vénètes ont sans doute joué là-dessus à un moment ou à un autre). Pour d'autres, personne n'est dupe : ainsi les Arvernes caressent l'idée de se faire passez pour des descendants de Troyens via Anténor !
Et des surprises inexpliquées : les Maxyes, un peuple Libyen des Syrtes, hellénophiles, se veulent descendants de Troyens d'après Hérodote !

Il faut bien comprendre aussi que les légendes ne sont pas uniques, il existe un large panel de légendes de fondations pour chaque ville, qui coexistent, et telle ou telle version ne s'impose pas forcément. Ce qui permet, entre autres, aux cités de s'adapter et de jouer sur une de ces relations "familliales" imaginaires, mais largement célébrés dans l'Antiquité, avec décrets publics et accords commerciaux à l'appui. Dans ce contexte, plus on en a, mieux c'est. Ainsi, si Rome dans la version disons canonique, vigilienne, est une fondation indirecte des Troyens (via Albe, fondée par Lavinia, fondée par Enée), il existe toute une ribambelle de traditions parallèles, qui parfois relient directement la ville à Troie, par l'intermédiaire d'une certaine Rhomé ou d'un Rhomos (voir en particulier les recensions de Denys d'Halicarnasse au livre I, la Vie de Romulus de Plutarque ou l'article Roma de Festus Grammaticus), mais aussi d'autres plus surprenante, comme Rome fondée par Ulysse ! Ou un mélange des deux : Ulysse et Enée colonisent ensemble le Latium. Pour rester dans le cadre des récits homériques, car beaucoup d'autres auraient pu se sont invités dans l'histoire, avant d'être finalement abandonnés. D'ailleurs, en cherchant bien, ils se sont trouvés des ancêtres Troyens plus anciens, en la personne des colons du mont Palatin apporté par Héraclès, composés entre autres de prisonniers troyens (Héraclès ayant emporté Troie une première fois).

Bref, un sacré micmac, contradictoire, confus, fluctuant, et en recomposition permanente. Le phénomène se poursuit au Moyen-Age, mais ce n'est plus mon domaine: Venise et les rois francs déjà mentionnés, mais aussi la moitié de l'Europe se réclame des Troyens à un moment ou à un autre. lol


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Message Publié : 03 Jan 2010 9:33 
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Tite-Live
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Citer :
via Albe, fondée par Lavinia,


N'est ce pas Ascanius(fils d'Enée) le fondateur d'Albe?

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Message Publié : 03 Jan 2010 12:19 
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Pierre de L'Estoile
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Dans la version habituelle (qui remonte au moins à Fabius Pictor), oui. Mais même Tite-Live hésite sur l'identité de l'Ascanius en question... du coup, plusieurs Ascanius fils d'Enée apparaissent. L'aîné, né à Troie, fils de Créuse, et le cadet, né dans le Latium de Lavinia fille de Latinus, âgé de seulement 7 ans à la mort du paternel. L'un et l'autre sont assimilés parfois à Iule... ou pas. Quant au premier, certaines traditions ne le font même pas quitter l'Anatolie et en font même le (re)fondateur de Troie quelque temps après le départ des Grecs.


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Message Publié : 05 Jan 2010 23:31 
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Philippe de Commines
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A ce propos, j'avais déjà parlé ailleurs sur le Forum du cas de L'Histoire des rois de Bretagne (Historia regum Britanniae) écrite par l'évêque Geoffroy de Monmouth, au XIIe siècle... Et qui fait de Brutus, le premier roi légendaire des Bretons !
Ce qui faisait de lui le fondateur d'une longue lignée de rois, dont l'un des descendants n'était autre que... Le fameux Arthur ! :wink: :arrow:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Historia_regum_Britanniae
http://fr.wikipedia.org/wiki/Brutus_de_Bretagne

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“La barbarie est l'état naturel de l'humanité, [...]. La civilisation n'est pas naturelle. Elle résulte simplement d'un concours de circonstances. Et la barbarie finira toujours par triompher.” ― Robert E. Howard


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Message Publié : 05 Jan 2010 23:39 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 08 Déc 2009 18:21
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Très intéressant! l'article Wikipedia me semble un peu léger dans le sens qu'il dit que cette description fut faite pour avoir une généalogie originale. N'ya-t-il pas un but politique ? La légitimation du royaume breton ? Idem pour les cités antiques ?

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Message Publié : 06 Jan 2010 0:00 
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Philippe de Commines
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Polycarpe de M. a écrit :
Très intéressant! l'article Wikipedia me semble un peu léger dans le sens qu'il dit que cette description fut faite pour avoir une généalogie originale. N'ya-t-il pas un but politique ? La légitimation du royaume breton ? Idem pour les cités antiques ?

Peut-être... Mais j'avoue que je ne me suis jamais vraiment intéressé à cet aspect de la question !
Pour ma part, j'ai la chance de posséder une édition française de ce texte.
Les références de l'ouvrage sont :
Histoire des rois de Bretagne par Geoffroy de Monmonth (traduit et commenté par Laurence mathey-Maille) - Edité par Les Belles Lettres, 1992. :arrow:
http://www.lesbelleslettres.com/livre/? ... 0100838610
C'est un ouvrage indispensable pour tous ceux qui s'intéressent au Mythe arthurien et - d'une manière générale - à l'histoire mythique de l'île de Bretagne ! :wink:

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Message Publié : 06 Jan 2010 2:26 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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A mon avis, il faut prendre chaque cas à part, c’est délicat de tirer des règles générales.

Avant tout, ce sont des mythes grecs, donc allogènes, et la plupart du temps, les indigènes ne devaient même pas être au courant des ancêtres fabuleux que des mythographes de chambre hellènes leur attribuaient. C’est en particulier le cas pour la plupart des étapes « toponymiques ». Certains mythographes, dès le Ve avec Hellanicos par exemple, vont traiter la mythologie comme de l’histoire, et vont donc s’échiner à ordonner le mic-mac, à lui donner des contours chronologiques et géographiques précis. La tentation est grande de chercher les étapes de son héros sur une carte, et chaque mot vaguement ressemblant va être interprété comme un indice de son passage et lui être rattaché, et une histoire créée pour l’occasion. Par exemple, en Egypte, un vague patelin se nomme Troia, ou quelque chose d’approchant. Ni une ni deux, sa fondation va être attribuée aux Troyens. Reste à expliquer leur présence en Egypte. Et ça tombe bien, Ménélas a pas mal valdinguer dans le coin, selon les épopées des Retours. Le contexte va autoriser l’assimilation, et l’assimilation va préciser le contexte : le processus se nourrit de lui-même. Et hop, Strabon XVII.1.35 : Un autre fait curieux [que nous n'avons pas observé nous-même,] mais dont nous devons la connaissance à autrui, c'est qu'aux environs de la carrière d'où furent extraites les pierres des pyramides (cette carrière est située en vue des pyramides mêmes, de l'autre côté du Nil, sur la rive Arabique) il existe une montagne passablement rocheuse appelée le Troïcum, dans laquelle s'ouvre une caverne profonde, et qu'il y a en outre à une très petite distance de cette caverne et du fleuve un gros bourg, du nom de Troïa, qui passe pour avoir été fondé anciennement par les prisonniers troyens que Ménélas traînait à sa suite, ce prince leur ayant permis de s'établir en ce lieu.
Dans ces cas-là, inutile de chercher un sens politique profond…
Un autre exemple étymologique : Capoue (Kapya en grec). Ca ressemble furieusement à Kapys, un ancien roi de Troie. Et hop, une étymologie facile sera proposée : Stéphane de Byzance, s.v. Kapua : « Capoue : Ville d’Italie. Héc., Eur. D’après le Troyen Capys. ». Idem avec Ainéia en Thrace, comme par hasard censée être fondée par Ainéias, Enée. Etc.
Dans ce cas là, c’est une manière pour le narrateur d’explorer, de s’approprier l’œkoumène dans un cadre mythique défini et rassurant, non un symbolisme politique.

Mais à moyen ou long terme, les cités étrangères peuvent (ou non) s’accommoder de ces mythes importés, comme le cas romain qui a carrément phagocyté le mythe originellement attribué aux Latins en général. Plusieurs raisons peuvent être avancées.
D’une part, se reconnaître d’une fondation troyenne ou achéenne, antérieure ou légèrement postérieure à la guerre de Troie, c’est montrer par rapport à ses voisins un témoignage d’antériorité, qui peut justifier certains ambitions territoriales et influer dans les luttes de prestige à l’échelle locale. Dans le monde colonial, en effet, il n’y a dans l’imaginaire grec aucune cité avant l’œuvre civilisatrice des héros (Héraclès d’abord, puis les Argonautes, les Retours…). Ce sont eux qui transposent la cité au cœur du domaine sauvage. Aussi, quand bien même un peuple est reconnu plus ancien (par exemple les Sicanes, antérieurs aux Elymes d’Egeste), la cité qui se targue d’une fondation héroïque conserve l’antériorité de la civilisation.
Autre avantage, cela permet de s’intégrer à des réseaux. On a ainsi des exemples de traités à l’époque hellénistique et romaine entre des grandes cités au passé héroïque célèbre, comme Argos, et de petites lointaines qui par l’intermédiaire d’une parenté fictive, vont nouer des relations commerciales très avantageuses. Je ne trouve plus l’exemple que j’avais en tête : il s’agissait d’un décret honorifique argien (je crois) en l’honneur d’un rhéteur qui avait démontré la parenté mythique entre sa cité et Argos ; en récompense (pour avoir enfin réuni cette belle famille :mrgreen: ), il obtenait de nombreux avantages personnels et sa patrie était traitée avec les mêmes soins qu’une colonie, une cité-soeur (places d’honneurs, avantages commerciaux, etc.). Cette soit-disante parenté avait été créée en fait pour l’occasion, en s’appuyant sur un panel de légendes préexistantes autorisant cette audace, travail d’exégète accompli par notre besogneux sophiste. Un autre exemple dont j’ai retrouvé cette fois la référence : un décret de Xanthos, 205 av. Une petite cité de Doride, Cyténion, a perdu suite à un séisme et aux Macédoniens ses remparts. Elle a donc besoin de subsides pour les reconstruire, et s’en vont quémander la générosité dans un vaste rayon et en cours de route font étape dans la grande et riche Xanthos en Lycie. Pour appuyer leur demande, ils démontrent la parenté des deux cités, à l’aide de développement généalogiques complexes. Le décret en question résume l’argumentaire. Extrait : « . . . Outre la parenté entre eux et nous qui nous vient de ces dieux, ils nous exposaient également les liens complexes de descendance qu'ils ont avec les héros, en établissant leur généalogie à partir d'Aiolos et de Dôros. Ils nous représentaient encore que les colons, partis de notre pays sous le commandement de Chrysaôr fils de Glaukos fils d'Hippolokhos, furent pris en charge par Alétès, un des Héraclides. Parti en effet de Doride, Alétès les a secourus alors qu'ils étaient attaqués ; il les délivra du danger qui les menaçait, et fit son épouse de la fille d'Aor, le fils de Chrysaôr . . . » etc. Or Xanthos n’était sans doute qu’une étape parmi d’autres ; les émissaires de Cyténion devait donc adapter leur discours en fonction des lieux traversés, et d’autres « parentés » furent sans doute présentés au cours de la même ambassade, auprès d’autres éventuels généreux donateurs. La généalogie est devenue un style oratoire particulier, cultivé par les diplomates.
Pour revenir au cas troyen, une fois Rome conquérante, chaque patelin devait mettre en avant son hérédité mythique pour se poser comme une parente de la puissante cité. Ce qu’a fait par exemple Egeste ou Troie elle-même, à leur grand avantage. L’exemple le plus flagrant de ces parentés troyennes inventées très tardivement dans l’espoir de se rapprocher de Rome, ce sont les Arvernes : Lucain, Pharsale I : « l'Arverne, issu du sang troyen et qui se prétend notre frère ».
Pour les généalogies troyennes médiévales, il me semble que c’est une manière de revendiquer l’héritage romain, et de reprendre à son compte la glorieuse destinée prédite aux fils des Troyens ; si ce n’est Rome, ce sera nous ! L’exemple de Foxhole sur le Brutus ancêtre des Bretons obéit à la même logique, auquel se joint un argument étymologique classique, même un peu meilleur que le Francus des Mérovingiens : au moins Brutus est une nom romain classique.
Une autre raison me vient à l’esprit, dans le cas d’Egeste : la cité a valorisé le mythe troyen, au détriment du mythe héracléen. Ce faisant, elle se place nettement dans le camp des ennemis des Grecs, par opposition aussi bien aux menées spartiates (= Héraclides avec Dorieus) que plus généralement doriennes avec Acragas. La séculaire lutte entre Troyens et Grecs est ainsi transposée dans la Sicile du VIe siècle. A l’inverse, les Doriens valorisent de leur côté le mythe héracléen, justifiant leurs ambitions territoriales, leurs « droits » sur les Elymes. Un autre contexte aurait pu amener d’autres choix.
Je me demande si Rome n’a pas ainsi été amenée à valoriser son passé troyen (aux dépends des Arcadiens d’Evandre ou d’Héraclès, qui avaient autant si ce n’est plus de droit sur la paternité de la ville, voire d’Ulysse) dans le contexte des guerres de Pyrrhus. Pyrrhus l’Eacide, le descendant d’Achille, en lutte contre la Troyenne Rome. Cette guerre, très importante dans l’imaginaire et la construction de l’identité romaine, a dû cristalliser cette version au dépends des autres.

Autrement dit, le sens des mythes varie selon les époques, mais aussi selon le point de vue (allogène/indigène) ; de plus, les légendes s’enrichissent au fut et à mesure, tandis que d’autres moins utiles disparaissent (cf. les multiples récits de la fondation de Rome). En se rappelant que la plupart de ces mythes de fondations ne nous sont pas parvenus. L'épigraphie est à ce titre précieuse, levant des pans insoupçonnés.


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Message Publié : 24 Fév 2010 6:07 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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Je rajoute un autre peuple à la longue liste des prétendants à l'héritage troyen : les Sardes, ou pour mieux dire, les Iléens, un des principaux peuples de l'île.
Ce qui est intéressant, en l'état de ma recherche, c'est la chronologie. Les Grecs lui préfèrent comme éponyme Iolaos, le neveu d'Héraclès, et nomment d'ailleurs le peuple les Iolaens. Iolaos aurait conduit une petite colonie d'Héraclides, accompagné selon certains (le détail à son importante) d'un contingent athénien, alias Ioniens, dont Dédale. Or les Ioniens caressent au VI-Ve le rêve d'une fondation coloniale dans la grande île. Le mythe de Iolaos, à l'origine sans simplement éponymique, un naïf rapprochement onomastique, a pu ainsi préparer le terrain à une future ou éventuelle colonisation, justifiant des ambitions aussi bien doriennes qu'ioniennes. Je ferme la parenthèse, hors sujet, en signalant que ce n'est pas le seul mythe colonial grec (Aristée par exemple, qui aurait précédé Iolaos et les Thespiades).

Mais à l'époque romaine intervient une troisième colonisation légendaire : les Troyens. Encore une fois, une vague ressemblance de sonorités justifie toutes les audaces (Iléens vs Ilion/Iliens, l'autre nom de Troie), et voilà l'île affabulée d'une colonisation troyenne contemporaine d'Enée, issue même d'Enée, certains de ses compagnons ayant été détournés sur l'île. Encore une fois, le même scénario peut-être repris : le thème prit son essor sous les Romains, car pour eux, il justifiait leurs droits sur l'île, dont ils étaient les propriétaires légitimes contrairement aux conquérants puniques ; et pour les Sardes eux-mêmes, après coup, le thème a pu servir à l'occasion diplomatiquement pour se rapprocher du nouveau maître. Tout le monde y gagne, donc cette version se popularise.


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Message Publié : 25 Fév 2010 22:02 
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Polybe
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Je me rappel d'un numéro récent (automne dernier) du magazine l'Histoire consacré à l'origine supposée troyenne des Francs et de Lutèce, abordant le Liber Historiae Francorum si mes souvenirs sont exacts.

J'essaierai de vous retrouver la référence prochainement s'il y a des intéressés.

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Message Publié : 05 Mars 2010 11:11 
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Pierre de L'Estoile
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Je crois qu'il y aurait même des intéressés par un résumé ! ;)


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Message Publié : 05 Mars 2010 18:11 
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Tite-Live
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Kâlî a écrit :
Je me rappel d'un numéro récent (automne dernier) du magazine l'Histoire consacré à l'origine supposée troyenne des Francs et de Lutèce, abordant le Liber Historiae Francorum si mes souvenirs sont exacts.

J'essaierai de vous retrouver la référence prochainement s'il y a des intéressés.


On trouve entre autre ceci dans le Liber Historiae Francorum

Illi quoque egressi a Sicambria, venerunt in extremis partibus Reni fluminis in Germaniarum oppidis, illucque inhabitaverunt cum eorum principibus Marchomire, filium Priamo, et Sunnone,filio Antenor ; habitaveruntque ibi annis multis. Sunnone autem defuncto, acciperunt consilium, ut regem sibi unum constituerent, sicut ceterae gentes. Marchomiris quoque eis dedit hoc consilium, et elegerunt Faramundo, ipsius filio [...] (MGH, Scriptores rerum Merovingicarum, II, éd. B. Krusch, Hanovre, 1888, p. 244).

Sortis de Sicambrie, ils arrivèrent à l'extrémité du fleuve Rhin dans les villes des Germanies, et c'est là qu'ils habitèrent avec leurs princes, Marcomir, fils de Priam, et Sunnon, fils d'Anténor. Ils y vécurent de nombreux années. À la mort de Sunnon, on leur conseilla de se donner un roi, comme les autres nations. Marcomir aussi fut de cet avis, et ils élurent Pharamond, son fils.

http://bcs.fltr.ucl.ac.be/fe/05/anthenor2.html#France

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Message Publié : 23 Juil 2011 15:57 
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Eginhard
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Inscription : 18 Fév 2010 22:31
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Parmi la longue liste de peuples et cités revendiquant une origine troyenne, les Goths n'ont pas été cités.

Pourtant Jordanes (dans De origine Getarum ou Getica) construit, lui aussi, une origine troyenne "honorifique" aux Goths.
L'un des anciens rois goths, Télèphe, n'est autre qu'un fils d'Hercule et d'une soeur de Priam (tant qu'à faire !), qui combattit certains héros grecs de la guerre de Troie.
Bien plus tard, au temps de l'Empereur gallien, les Goths ravagèrent la Phrygie, "qui commençait juste à respirer après la guerre de Troie (sic)".
Jordanes relie donc le passé des Goths aux légendes des origines de Rome. En outre, Jordanes fait naître Mars dans le pays des Gètes (appellation "poétique" des Goths à cette époque). Ainsi les Goths descendent de Mars, tout comme les Romains.

Finalement, la question qui devrait se poser n'est-elle pas : Quel peuple ou quelle cité ne se revendique pas des Troyens ? lol


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Message Publié : 23 Juil 2011 16:22 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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Il fait pire : il assimile les Gètes aux Goths (le nom ressemble et les Goths ont occupé la Dacie), nous contant les prouesses philosophique du "goth" Zalmoxis !
Or le Gètes sont souvent rapproché dans l'antiquité des Thraces. Donc Jordanès va assimiler Goths et Thraces, nous contant les exploits du "Goth" Sitalcès lors de la Guerre du Péloponnèse...
Or, par les peuples Thraces se trouvent les Mysiens/Moésiens. Et dans l'Iliade (XIII.5), les Thraces mysiens sont cité parmi les autres alliés Thraces de Priam. Puisque les Goths sont les Gètes, que les Gètes sont les Thraces, que les Thraces sont les Mysiens, alors les Goths combattent à Troie.
Or, un peuple d'Asie Mineure est homonyme, les Mysiens, eux aussi très souvent cités dans l'Iliade. Tant qu'à faire, autant considérer les deux peuples comme identiques ! Donc les Mysiens d'Asie sont Moesiens de Thrace, qui sont des Thraces, qui sont des Gètes, qui sont donc des Goths.
Or ces Mysiens eurent juste avant la Guerre de Troie un roi nommé Télèphe, fils d'Héraclès, qui épousa la fille du roi local Teuthras. Puisque Télèphe est roi des Mysiens, que les Mysiens d'Asie sont les mêmes que les Mysiens de Thrace, qui en tant que Thraces sont identiques aux Gètes qui ne sont autres que les Goths, alors Télèphe fils d'Héraclès est un roi Goth...

Et je passe sur le volet scythe, eux aussi assimilés, qui nous remonte aux Amazones, gothes bien sûr...

8-| lol

On rigole, mais tous les nationalistes du monde procèdent encore de la même manière, et par assimilation successive en viennent à s'approprier tout et surtout n'importe quoi... Entre les Chinois tchétchènes et les Hyksos serbes...


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