lire : amsideguignol.free.fr : Peu avant la Révolution, le sieur Etienne Laboré reçut du roi le privilège de vidanger les fosses d'aisance des maisons lyonnaises pour en disperser le contenu sur les terres de Champfleury (futur quartier de la Buire) et de Plantechoux (c'est au sud de notre place Guichard). Ces deux noms sont éloquents Pour exercer son utile industrie, Laboré s'installa au château Rachais qui jouxte notre place Bir-Hakeim, il y logea son personnel et ses récipients.
Bientôt dépassé par l'ampleur de sa tâche, il eut l'idée de passer des accords de coopération avec les cultivateurs de Vénissieux et du Moulin à Vent. Cela ouvrit à ces terroirs caillouteux, les chances d'une prodigieuse fertilisation.
Les cultivateurs des deux agglomérations s'organisèrent pour assurer gratuitement le curage méthodique des latrines bourgeoises et, en sens inverse, pour faire vendre par leurs épouses, à Lyon et à la Guillotière, les beaux légumes qui poussaient sur leurs terres enrichies.
Chaque soir, sauf le dimanche, un défilé d'équipages composés de citernes et de tonneaux en bois, équipés de lanternes vertes, allait stationner devant les barrières de l'octroi et, dès que sonnait le dernier coup d'onze heures, ces tâcherons nocturnes se répandaient au grand galop dans les quartiers afin de pouvoir terminer leur besogne avant l'aube.
A l'aller comme au retour, les roues à bandage ferré tintaient si fort sur les pavés en tête de chat que ce tintamarre fut bientôt surnommé « l'artillerie de Vénissieux ». Cette appellation fit jurisprudence !
L'inestimable matière était exploitée selon deux procédés rivaux. Au bourg de Vénissieux, une sorte de grande boutasse fut aménagée près de l'actuelle avenue Jules Guesde qui, sans qu'on y vit trop de malice, porta longtemps le nom d'Avenue des Roses car les horticulteurs y vinrent nombreux. Par dessiccation dans cette barbotière, on obtenait la poudrette excellent engrais pulvérulent. Ce lieu devint célèbre dans tous les environs sous l'appellation enchanteresse de « Lac de Vénissieux ».
Les maraîchers du Moulin à Vent pratiquaient une technique moins compliquée. Après une dilution sommaire, il déversaient directement le contenu de leurs tonneaux. Cette méthode dite « du lisier » présentait un inconvénient pour les gourmets en raison de l'arrière-goût très prononcé qu'elle infligeait aux légumes.
Malgré les effluves que le vent du midi portait jusqu'aux Brotteaux, les deux modes d'épandage subsistèrent sous la Troisième République et, lorsque l'Union Mutuelle des Propriétaires (U.M.D.P.)
Lorsqu'un touriste parisien s'enquérait des attractions locales, il se trouvait toujours quelque loustic pour lui glisser, sur le ton de la confidence : « Mais, allez donc admirer le beau Lac de Vénissieux ! ».
Et lorsque, dans les voitures de la ligne N° 12, les ouvriers chimistes des usines de Saint-Fons voyaient monter quelque habitant de « Vénissieux-la-Pompe », ils se faisaient un devoir de se boucher ostensiblement les narines. Chaque époque à ses distractions !
En 1790, comme toutes les paroisses du Royaume, celle de Vénissieux fut transformée en Commune. On en profita pour officialiser l'empiétement territorial jusqu'à la rue du Moulin à Vent. La place du même nom devint, pour les voyageurs venant du sud, l'entrée principale de la Guillotière et du nouveau département de Rhône-et-Loire. Un poste de garde y fut placé. Les auberges s'y multiplièrent.
_________________ Que vaut-il mieux? S'asseoir dans une taverne, puis faire son examen de conscience, ou se prosterner dans une mosquée, l'âme close? . Hakim Omar Khayyam (1048-1122)
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