Une étude sur cette question :
France-Diplomatie : Le changement climatique a-t-il contribué à écrire l’Histoire ?Citer :
Longtemps, les hommes ont corrélé la grandeur et la décadence des Empires à la volonté divine. En réalité, sous le couvert de ce fatum, une série d’études suggère plutôt que l’élément à blâmer serait la variabilité du climat. Ulf Büntgen et son équipe se sont en effet livrés à une analyse multiséculaire des cernes de croissance chez des arbres en Europe et en Asie, afin de reconstituer leur histoire climatique et la confronter aux bouleversements politiques et sociaux de l’époque. Ainsi, des invasions barbares ayant précipité l’effondrement de Rome à l’avènement de l’Empire Islamique en passant par la diffusion mortifère de la peste en Europe, l’étude des changements climatiques apporte un éclairage nouveau à l’interprétation historique de l’essor et du déclin des grandes puissances.
Une démarche scientifique rigoureuse…
Le paléoclimatologue Ulf Büngten, de l’institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage à Zurich, a récemment publié dans Nature Geoscience les résultats de ses recherches sur les anneaux de croissance de 150 mélèzes dans l’Altaï-Sayan, en Asie. Celles-ci viennent compléter une étude similaire effectuée sur 9000 échantillons de bois prélevés dans les Alpes Européennes à laquelle Ulf Büngten avait aussi participé. Pour recueillir des informations, les scientifiques ont utilisé la méthode de dendrochronologie qui permet d’obtenir, d’une part, des datations en comptant et en analysant la morphologie des cernes et, d’autre part, une reconstitution des changements climatiques et environnementaux subis par les arbres.
Dans un premier temps, les chercheurs ont donc comparé des données météorologiques des deux cents dernières années avec des échantillons d’arbres vivants pour mettre en évidence l’impact de la température et de l’humidité sur la croissance des cernes. Puis, en fonction de leur champ d’action en Europe ou en Asie, ils ont analysé le bois de chênes, de pins, de mélèzes, d’édifices historiques et de sites archéologiques pour former une base de données sur l’évolution des climats Asiatique et Européen au cours des 2500 dernières années. Dans les deux cas, les chercheurs en sont venus à la conclusion que les événements historiques et les évolutions climatiques étaient corrélés.
… Pour un éclairage historique nouveau :
Dans le cadre de l’étude menée en 2011 dans les Alpes Européennes, les chercheurs ont noté que les périodes de stabilité sociale et de prospérité, notamment l’ascension de l’Empire Romain entre 300 avant J.C. et 200 après J.C., vont de pair avec des été chauds et humides, donc parfaits pour l’agriculture. En revanche, des périodes d’instabilité climatiques, notamment celles affectant la production agricole, sont susceptibles d’amplifier les crises sociales, économiques et politiques. Par exemple, l’étude relève qu’au IIIe siècle, les invasions barbares et les troubles politiques qui ont précipité la chute de l’Empire Romain s’accordent avec un contexte de sécheresses prolongées. De même, les vagues de froid du début des XVIIe et XIXe siècles coïncident respectivement au déclenchement de la Guerre de Trente Ans et aux départs des migrants européens, notamment les Irlandais fuyant The Irish Potato Famine de 1846 pour gagner l’Amérique. Grâce à l’afflux massif de migrants, les Etats-Unis sont rapidement devenus une société multiculturelle au XIXe siècle. Certes, l’émergence de ce melting pot répondait surtout à des exigences politiques ou économiques mais certains, comme les Irlandais émigraient aussi pour fuir un contexte climatique défavorable. Prenons le cas des Canadiens-français. Ces derniers sont passés d’un modèle agricole de subsistance à une agriculture de marché au XIXe siècle. Or, le climat de l’époque, via le froid et les insectes, couplé à la concurrence des agriculteurs du Haut-Canada a lourdement pesé sur la viabilité des récoltes de la vallée du Saint-Laurent. Pour cette raison, de nombreuses familles canadiennes ont préféré émigrer vers New-York et ses manufactures.
L’étude parue ce mois-ci vise à conforter les observations de 2011 à la fois pour l’Europe, mais également l’Asie. Pour ce faire, les chercheurs se sont focalisés sur l’étude des bouleversements politiques survenus au cours des Ve et VIe siècles de notre ère, alors que l’hémisphère nord faisait face à un refroidissement climatique majeur : le Late Antique Little Ice Age.
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Papier intéressant à lire et qui ouvre de nombreuses perspectives historiques...