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Message Publié : 11 Juin 2023 14:46 
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Métiers, jurandes, ce qu'on a appelé corporations au cours du XVIIIeme siècle ont elles apporté un progrès ? Si elles apportent une certaine protection à leurs membres, elles encadrent tellement leurs pratiques qu'elles empêchent tout changement. Je crois que le déclin des draperies flamandes au XVème siècle est du à l'incapacité de leurs membres à suivre le changement de la mode. Elles permettaient aussi au pouvoir poltique de se décharger en grande partie de la surveillance des pratiques des professions.

Ces institutions ont été supprmées à la Révolution, et nous avons assisté au XXème siècle à leurs renaissance dans des métiers particuliers, ordre des médecins, des infirmières, des experts comptables qui permettent à certaines professions de faire la même chose que les corporations d'Ancien Régime, mais je n'ai pas d'avis tranché sur le fait de savoir si c'est un bien ou un mal.

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Message Publié : 11 Juin 2023 17:18 
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La loi Le Chapelier, qui supprimait à la révolution les corporations, a eu pour effet un boom économique immédiat.

En effet, es corporations, en limitant le nombre de patrons (les maîtres) aboutissait à un maintien de l'offre en prix - qu'elles déterminaient - et même en quantité, tel maître vivant très bien avec le quota que fixait en réalité la limitation de son nombre d'ouvriers. Tu as aussi certainement raison sur la difficulté à faire évoluer l'offre, pour quoi faire, quand on détient un monopole de fait ?

Et soudain, des ouvriers quittent leur maître, se mettent à leur compte et cela se traduit par une baisse de prix et une explosion de la demande, parce que ces produits ou services passent à des prix accessibles au grand public. (On parlerait aujourd'hui de "relance par l'offre".)

Cela dit, je pense que cette loi ne concernait pas toutes les professions, notamment juridiques. L'indice qui me fait dire cela est le fait que Napoléon - je l'ai lu, en tous cas - n'a pas voulu supprimer la corporation des notaires, pensant que les Français n'aimeraient pas voir des fonctionnaires se mêler de leur petit patrimoine.

On a donc là une profession strictement corporative, où on achète encore aujourd'hui une charge, comme sous l'ancien régime. Il y avait peut-être d'autres trous dans la raquette Le Chapelier, mais il y a aussi la tendance très naturelle des professions qui le peuvent à installer un pont-levis et un monopole : les taxis, les médecins (avec le numerus clausus qu'ils ont si bien défendu face aux pouvoirs publics qu'on a tout platement une pénurie de médecins, ce qui est un comble pour une profession où le vieillissement de la population a fait exploser les besoins.)

J'ignore quelles professions ont pu ainsi construire un donjon, et lesquelles l'ont conservé en 1789, ce serait intéressant de regarder.

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Message Publié : 11 Juin 2023 18:21 
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Jean-Marc Labat a écrit :
Métiers, jurandes, ce qu'on a appelé corporations au cours du XVIIIeme siècle ont elles apporté un progrès ? Si elles apportent une certaine protection à leurs membres, elles encadrent tellement leurs pratiques qu'elles empêchent tout changement. Je crois que le déclin des draperies flamandes au XVème siècle est du à l'incapacité de leurs membres à suivre le changement de la mode. Elles permettaient aussi au pouvoir politique de se décharger en grande partie de la surveillance des pratiques des professions.


A contrario, il me semble que de nombreux médiévistes mettent au bénéfice des corporations certaines réussites architecturales. Pour la plupart des législateurs médiévaux, les corporations permettent d'encadrer des professions sans qu'eux-mêmes n'aient à s'en charger.

Jean-Marc Labat a écrit :
Ces institutions ont été supprimées à la Révolution, et nous avons assisté au XXème siècle à leurs renaissance dans des métiers particuliers, ordre des médecins, des infirmières, des experts comptables qui permettent à certaines professions de faire la même chose que les corporations d'Ancien Régime, mais je n'ai pas d'avis tranché sur le fait de savoir si c'est un bien ou un mal.


Dans certains pays, il existe des systèmes proches du corporatisme. Lors d'une visite de travail aux USA, j'ai été étonné d'apprendre que c'était les syndicats qui reconnaissait la compétence au sein de la centrale nucléaire que nous visitions. Si un employé voulait évoluer vers un métier différent, comme cela est le cas en France entre technicien d'exploitation et pilote de centrale nucléaire, il lui fallait une reconnaissance syndicale. En France, la personne qui veut faire une telle évolution, se prépare (seule ou avec l'aide de sa hiérarchie), quand elle s'estime prête, elle postule, passe un examen interne, et si elle a le niveau, la direction l'envoie se former pour son nouveau travail. Dans la centrale que nous visitions, les choses se passent tout différemment. Alors, il se trouve que les techniciens d'exploitation et les pilote ne dépendent pas du même syndicat... Donc, le technicien qui veut évoluer va contacter le syndicat des pilotes. Ils lui font passer un examen de compétences. Si c'est OK, il se forme, en dehors des horaires de travail en suivant des cours faits par des intervenants du syndicat des pilot Quand ils estiment qu'il a le niveau, ils lui font passer un autre examen et s'il est accepté, ils l’accueillent dans leur syndicat. Puis, ils annoncent à la direction que monsieur Untel est apte à être pilote. La direction le fait passer sur un simulateur, et si c'est OK, ils changent son contrat de travail. Dans les faits, il y a une concertation direction, syndicats et employé sur comment se passe le processus. Il y a une concertation syndicat de la corporation et employeur sur le salaire.

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Message Publié : 12 Juin 2023 9:31 
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Il n'y a pas si longtemps que la CGT détenait le monopole de l'embauche aux NMPP, dans la distribution des journaux.

(Ce système, associé à des salaires élevés, a sauté avec l'ouverture européenne à la concurrence.)

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Message Publié : 12 Juin 2023 10:14 
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La NMPP s'est transormée en Prestalis et a fini par faire faillite, les éditeurs en ayant marre de mettre au pot pour combler ce trou sans fond.

Il y avait aussi le monopole d'embauche des dockers, ce qui a entraîné la chute des ports français. Les importateurs avec qui je traitais préféraient débarquer leurs marchandises à Rotterdam plutôt qu'au Havre, pourtant plus proche.

Le journaliste François de Closets avait écrit il y a trente ou quarante ans dans un de ses livres le mécanisme par lequel certaines professions cherchaient à obtenir un ordre pour verrouiller l'accès à certaines professions.

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Message Publié : 12 Juin 2023 12:07 
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Jean-Marc Labat a écrit :
Le journaliste François de Closets avait écrit il y a trente ou quarante ans dans un de ses livres le mécanisme par lequel certaines professions cherchaient à obtenir un ordre pour verrouiller l'accès à certaines professions.

C'est "Toujours Plus" que j'avais lu à l'époque avec un grand intérêt. Il a publié une suite en 92.
Il y dénonce les bastilles corporatistes ignorées du grand public, c'est à lire.

Sur le plan sociologique il fait dans le premier le constat que la France fait payer la crise à ses chômeurs, et dans le second que ce sont désormais les précaires qui sont bouclés à l'extérieur du pont-levis.

Pour les ports, ça va plus loin que le Havre : le plus grand port français de Méditerranée (en exceptant le port pétrolier de Fos sur Mer) hé bien c'est Rotterdam aussi. La CGT de Marseille ne plaisante pas !

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Message Publié : 12 Juin 2023 20:46 
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Marc Bloch
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Sans être un expert, je crois que les corporations assuraient une fonction judiciaire (qui fut plus ou moins reprise par les conseils des prud'hommes) et une fonction d'assurance sociale contre le chômage ou la maladie ( qui ne fut pas réellement reprise par des mutuelles avant le second empire).

On peut voir dans ces deux fonctions une forme de progrès !


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Message Publié : 12 Juin 2023 21:38 
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Pierma a écrit :
Il n'y a pas si longtemps que la CGT détenait le monopole de l'embauche aux NMPP, dans la distribution des journaux.

(Ce système, associé à des salaires élevés, a sauté avec l'ouverture européenne à la concurrence.)


Ce que je voulait démontrer, avec mon exemple américain, c'est qu'il y a un discours ambiant opposé au corporatismes auxquels on associe de nombreux maux. Or, un pays à l'économie florissante comme les USA connaissent un mélange entre libéralisme et corporatisme. C'est donc que le système corporatiste doit offrir des avantages. Le problème est lorsque les pouvoirs publics, croyant avoir la paix sociale à bon compte laissent que les corporations s’exonèrent du droit commun en leur laissant trop de prérogatives.

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Message Publié : 16 Juin 2023 8:25 
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Pierre de L'Estoile
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Dans l'histoire des organisations professionnelles que nous commençons ici, je pense qu'il faut distinguer trois axes.

Premièrement, les associations de producteurs, en général les artisans. A mon avis, c'est considérer le problème à l'envers que de commencer par leur suppression et les reproches qui leur étaient faits, et qui concernaient une bonne part de l'Ancien Régime. Il faut noter ici que ce mode s'inscrit dans la société du Moyen Age où l'individu n'a pas d'importance s'il ne fait pas partie d'un ensemble plus vaste. Se regrouper permet de peser dans les décisions face aux pouvoirs municipaux, seigneuriaux, ecclésiastiques. Même les prix font l'objet de discussion : personne ne fait confiance à la "main invisible du marché" et si une foire se tient proche d'un lieu où sévit la disette, un bourreau trône au milieu pour avertir les "avaricieux" (pêché capital) qui voudrait en profiter pour spéculer.
Les corporations permettent aussi d'encadrer les statuts de maîtres et d'apprentis, afin d'assurer la transmission des savoirs en même temps que la normalisation des pratiques, dans le but fournir des produits de qualité et bien caractéristiques de la région, voire de la ville. Elles peuvent également édicter des règles de travail communes ("ne pas travailler à la lueur de la bougie", histoire ne pas enflammer toute la ville) et traiter les litiges et infraction en interne.
Il est à noter que si elles ont disparu, le principe d'association de producteurs pour contrôler le marché perdure au travers de la tendance des entreprises à se regrouper en trusts.

En deuxième lieu, il y a les professions spécialisées exerçant une charge de service public - même si le terme est anachronique. Notaires, médecins... Ici, la profession nécessite clairement d'être réglementée, car la qualité des a une grande influence sur la population. C'est ainsi que les notaires ont échappé à la loi Le Chapelier en conservant le principe des charges vénales, et les médecins, même s'ils ont été "libéralisés" un temps, ont rapidement dû être réorganisés par Napoléon pour protéger la population du charlatanisme.

En dernier lieu, il y a les syndicats, qui sont, contrairement aux premières, des associations de travailleurs formées par la base contre leurs employeurs. Leur pouvoir est directement issu du rapport de force. Ainsi, aux Etats-Unis, pays qui n'a pas hésité à livrer de vrais combats de rue contre des mineurs en grève, on comprend que dans des domaines où la main d'oeuvre spécialisée n'est pas remplaçable, comme les centrales nucléaires, les syndicats aient pu acquérir de grands pouvoirs. Tout marche mieux pour eux pour les ouvriers quand on ne peut pas les remplacer par des "Jaunes" ;)
Rajoutons que les descriptions des conditions de travail au XIXe siècle - hygiène et sécurité déplorables, paiement en bons valables uniquement dans les magasins d'usine, livret ouvrier pour signaler les récalcitrants... - rendent aisément visibles les apports des luttes syndicales. Même si leurs nombreux défauts sont également actuellement visibles puisqu'elles complexifient la gouvernance, rigidifient les fonctionnements, et empêchent les entreprises de s'adapter à des contextes changeants.

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Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
George Orwell


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Message Publié : 16 Juin 2023 16:15 
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Merci Nebuchadnezar pour votre contribution
Nebuchadnezar a écrit :
Les corporations permettent aussi d'encadrer les statuts de maîtres et d'apprentis, afin d'assurer la transmission des savoirs en même temps que la normalisation des pratiques, dans le but fournir des produits de qualité et bien caractéristiques de la région, voire de la ville. Elles peuvent également édicter des règles de travail communes ("ne pas travailler à la lueur de la bougie", histoire ne pas enflammer toute la ville) et traiter les litiges et infraction en interne.
Il est à noter que si elles ont disparu, le principe d'association de producteurs pour contrôler le marché perdure au travers de la tendance des entreprises à se regrouper en trusts.


On peut faire un bilan des savoirs et règles communes. Mais, comme ailleurs, il faut accepter que ce bilan soit mitigé en fonction de nombreux facteurs. Dans certaines villes/régions/pays la mise en place de savoirs minimaux pour exercer une profession a souvent permis de virer les branquignols... Mais parfois cela a aussi empêché des progrès, car les nouveaux process n'étaient pas conformes à règles anciennes. Sauf que dans certaines villes, ce sont les corporations qui vont faire les recherches pour acquérir un nouveau savoir pour contrer une concurrence lointaine. C'est le cas pour certaines corporations de céramistes quand les porcelaines de Chine inondent le marché du luxe en Europe...

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Message Publié : 16 Juin 2023 17:35 
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Jean Froissart
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Narduccio a écrit :
Sauf que dans certaines villes, ce sont les corporations qui vont faire les recherches pour acquérir un nouveau savoir pour contrer une concurrence lointaine. C'est le cas pour certaines corporations de céramistes quand les porcelaines de Chine inondent le marché du luxe en Europe...
C'est dit en passant, mais je crois que cette petite phrase de Narduccio mérite d'être approfondie:

- les Européens ont été incapables de lutter contre l'inimitable porcelaine chinoise, puisqu'ils en ignoraient le matériau de base: le kaolin
- le premier gisement de kaolin a été découvert en Saxe en 1709, simultanément les chimistes allemands trouvent une formule de fabrication et sont capables de copier la porcelaine chinoise de manière passable.
- en 1712, les Français rattrapent leur retard dans la course à la porcelaine: le jésuite limougeaud François d'Entrecolles missionnaire en Chine envoie non seulement en France la description du process, mais même des échantillons de kaolin
- on sait aujourd'hui que François d'Entrecolles n'a pas fait cela par hasard, mais qu'il était un espion industriel dûment gratifié pour ces services. Par qui? Je l'ignore, mais Narduccio qui donnez cet exemple pour illustrer la proactivité des corporations, peut-être pourrez-nous nous en dire plus.

- dernière remarque: a priori, si les premiers vrais gisements de kaolin se sont trouvés dans la région natale de François d'Entrecolles, c'est une coïncidence.

J'ai vu en Chine, à l'entrée d'une salle de musée consacrée à la porcelaine, l'inscription suivante: tous les peuples ont su faire de la terre cuite. Mais la porcelaine est un cadeau de la Chine à l'Humanité. Mi-figue mi-raisin, donc :mrgreen:


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Message Publié : 16 Juin 2023 21:43 
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Marc Bloch
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J'ai retrouvé la trace d'un débat au Conseil d'État (1803).

A lire ici

https://www.napoleonica.org/collections ... ageSize=20


Un extrait sur la réglementation d'ancien régime :

ceux qui, par goût ou par nécessité, se destinaient à l’exercice des arts et métiers, ne pouvaient y parvenir qu’en acquérant la maîtrise, à laquelle ils n’étaient reçus qu’après des épreuves aussi longues et aussi nuisibles que superflues (1), et après avoir satisfait à des droits ou à des exactions multipliées, par lesquels une partie des fonds, dont ils auraient eu besoin pour monter leur commerce ou leur atelier, ou même pour subsister, se trouvait consommée en pure perte.


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Message Publié : 17 Juin 2023 10:01 
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Jerôme a écrit :
Un extrait sur la réglementation d'ancien régime :

ceux qui, par goût ou par nécessité, se destinaient à l’exercice des arts et métiers, ne pouvaient y parvenir qu’en acquérant la maîtrise, à laquelle ils n’étaient reçus qu’après des épreuves aussi longues et aussi nuisibles que superflues (1), et après avoir satisfait à des droits ou à des exactions multipliées, par lesquels une partie des fonds, dont ils auraient eu besoin pour monter leur commerce ou leur atelier, ou même pour subsister, se trouvait consommée en pure perte.


En fait, il faut voir que cela avait des avantages et des désavantages. Pour le client, l'avantage premier est qu'un niveau minimum de qualité est garanti. Effectivement, il en paye le prix. Pour l'exercice de la concurrence, c'est plus délicat à juger, et pour le démontrer je dois utiliser un exemple moderne, quasi-actuel.

Depuis environ 20 ans, la ville de Mulhouse se retrouve dans une espèce d'équilibre entre l'offre et la demande sur l'offre commerciale en centre-ville. Dit autrement, l'ouverture de tout nouveau commerce entraine la fermeture d'un ou deux autres commerces sur le même secteur d'activité. Et pas toujours au bénéfice du dernier arrivé... En fait, globalement, la sélection se fait sur 2 critères. Le premier est la qualité de la gestion. Le second est que c'est souvent les articles les moins chers, donc de moins bonne qualité. Cela a donc entrainé la fermeture de la plupart des magasins qui offraient un choix de meilleure qualité. Est-ce un bien, est-ce un mal ? C'est une question de point de vue. En fait, ceux qui recherchent des produits de qualité ont déserté le centre-ville, et certaines enseignes qui étaient des "navires-amiral" du commerce mulhousiens sont tentés par un déménagement en périphérie.

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Message Publié : 17 Juin 2023 10:29 
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Les restrictions à la circulation ne sont pas pour rien dans la fermeture des magasins de centre ville. No parking, no business disent les Américains.

Un des désavantages des corporations, du moins pour certaines, était que c'était un système fermé où seuls les fils de maîtres, les gendres en l'absence de fils, ceux qui se mariaient avec une veuve de maître pouvait accéder à la totalité du métier. Les autres restaient compagnons toute leur vie.

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Message Publié : 17 Juin 2023 11:23 
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Jerôme a écrit :
J'ai retrouvé la trace d'un débat au Conseil d'État (1803).

A lire ici

https://www.napoleonica.org/collections ... ageSize=20


Un extrait sur la réglementation d'ancien régime :

ceux qui, par goût ou par nécessité, se destinaient à l’exercice des arts et métiers, ne pouvaient y parvenir qu’en acquérant la maîtrise, à laquelle ils n’étaient reçus qu’après des épreuves aussi longues et aussi nuisibles que superflues (1), et après avoir satisfait à des droits ou à des exactions multipliées, par lesquels une partie des fonds, dont ils auraient eu besoin pour monter leur commerce ou leur atelier, ou même pour subsister, se trouvait consommée en pure perte.


On ne mâchait pas ses mots, au Conseil d'Etat, sur les inconvénients d'un monopole installé. Toutes les dérives d'un système monopolistique s'y trouvent :
"La source du mal est dans la faculté même, accordée aux artisans d’un même métier, de se rassembler et de se réunir en un corps.

Il paraît que lorsque les villes commencèrent à s’affranchir de la servitude féodale et à se former en communes, la facilité de classer les citoyens par le moyen de leur profession, introduisit cet usage inconnu jusqu’alors.

Les différentes professions devinrent ainsi comme autant de communautés particulières dont la communauté générale était composée. Les confréries religieuses, en resserrant encore les liens qui unissaient entr’elles les personnes d’une même profession, leur donnèrent des occasions plus fréquentes de s’assembler, et de s’occuper, dans ces assemblées, de l’intérêt commun des membres de la société particulière, qu’elles poursuivirent avec une activité continue, au préjudice des intérêts de la société générale.

Les communautés, une fois formées, rédigèrent des statuts ; et sous différens prétextes de bien public, les firent autoriser par la police.

La base de ces statuts est d’abord, d’exclure du droit d’exercer le métier, quiconque n’est pas membre de la communauté. Leur esprit général est de restreindre, le plus qu’il est possible, le nombre des maîtres ; de rendre l’acquisition de la maîtrise d’une difficulté presqu’insurmontable pour tout autre que pour les enfans des maîtres. C’est à ce but que sont dirigées la multiplicité des frais et des formalités de réception, les difficultés du chef-d’œuvre toujours jugé arbitrairement, sur-tout la cherté et la longueur inutile des apprentissages, et la servitude prolongée du compagnonage ; institutions qui ont encore l’objet de faire jouir les maîtres gratuitement, pendant plusieurs années, du travail des aspirans.

Les communautés s’occupèrent sur-tout d’écarter de leur territoire les marchandises et les ouvrages des forains ; elles s’appuyèrent sur le prétendu avantage de bannir du commerce des marchandises qu’elles supposaient être mal fabriquées. Ce motif les conduisit à demander pour elles-mêmes des réglemens d’un nouveau genre, tendant à prescrire la qualité des matières premières, leur emploi et leur fabrication.

Ces réglemens, dont l’exécution fut confiée aux officiers des communautés, donnèrent à ceux-ci une autorité qui devint un moyen, non-seulement d’écarter encore plus sûrement les forains, sous prétexte de contravention ; mais encore d’assujettir les maîtres mêmes de la communauté à l’empire des chefs, et de les forcer, par la crainte d’être poursuivis pour des contraventions supposées, à ne jamais séparer leur intérêt de celui de l’association, et par conséquent à se rendre complices de toutes les manœuvres inspirées par l’esprit de monopole aux principaux membres de la communauté.

La police des jurandes, en ce qui concerne la perfection des ouvrages, était illusoire, tous les membres des communautés étant portés par l’esprit du corps à se soutenir les uns les autres. Un particulier qui se plaignait, était presque toujours condamné, et se lassait de poursuivre une justice plus dispendieuse que ne valait l’objet de sa plainte.
"

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