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Message Publié : 13 Août 2015 14:30 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Il y a eu dans le monde entier en 1974/1975 une grave crise économique, liée à l'augmentation massive des prix du pétrole.
C'est à cette occasion que le nombre de chômeurs en France passe la barre du million.
Alors que de nombreux pays se sont remis de cette crise après un temps plus ou moins long (cas de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de la Suisse, des Etats-Unis, du Canada, des pays scandinaves, etc...) la France ne s'en est jamais remise.
Le chômage est resté à un niveau très élevé et la croissance sauf durant quelques années, est très souvent restée insuffisante.
Quels en sont les raisons ?
(par rapport aux autres pays et à condition
1 - de respecter la limite chronologique du forum qui est 1991
2 - de ne pas tomber dans un "france-bashing" systématique comme ont le voit dans de nombreux médias.)

_________________
"Les gosses n'apprennent plus rien à l'école; en histoire-géo par exemple, ils doivent se débrouiller comme ils peuvent. Bientôt, un gamin nous dira par déduction que l'an 1111 correspond à l'invasion des Huns....."

Compte rendu de réunion d'une communauté d'agglomération


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Message Publié : 13 Août 2015 16:14 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

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Je propose deux pistes d'interprétation : chronologique et psychologique.

Sur le plan chronologique, la période est marquée par 4 étapes :
1973- premier choc pétrolier
1979 - second choc pétrolier
1980-85- envolée du dollar et des taux d'interet
1990- choc de la guerre du golfe

La plupart des pays occidentaux ont en gros suivi le même timing :
1973-1979 - relances keynésiennes
1980-83 - cure d'austérité sévère
1983-90 - croissance rapide - pas d'inflation- fort recul du chômage.

Ce n'est pas le cas de notre économie
1973-76 - relance keynésienne
1976-1981- semi austérité (plan Barre)
1981-83- nouvelle relance keynésienne
1983-86- nouvelle austérité
1986-90 redémarrage tardif.

Sur le plan psychologique,l'opinion publique et les gouvernements français n'ont jamais osé aller très loin vers le libéralisme : le SMIC est sans doute le salaire minimal le plus élevé du monde, il augmente régulièrement (en 1974 et 1981 en particulier) de même que les allocations familiales. L'impot sur le revenu reste inégalitaire (ciblé sur les riches et en particulier les non-salariés à partir de 1974). Bref aucune incitation à créer des emplois peu qualifiés et peu rémunérés qui ailleurs ont largement permis de résorber le chômage ( les femmes de ménage sont plus nombreuses que les traders :P ).


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Message Publié : 13 Août 2015 17:06 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 19 Juil 2015 17:42
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Pour ma part la crise de 74 est assez comparable à la surmortalité due à la canicule .
Ne meurent que ceux qui de toutes façons allaient mourir.

Quand on revoit les industries de "74"on est dans un autre monde .
Strictement aucune attention sur le coût de l’énergie.
Guère d'attention sur la standardisation des pièces .
Guère d'attention sur le montage des pièces .

Quand le pétrole a brusquement augmenté (mais on savait bien que tôt ou tard ça allait arriver) ,ça a été une première catastrophe .
Quand les voitures japonaises sont entrées avec l'électronique japonaise en masse sur le marché (mais ici aussi on savait que ça finirait par arriver) , ça a été la deuxième catastrophe .
Quand les 2 premières catastrophes sont arrivées,ça a été la troisième : les sous traitants et cette fois des régions entières se sont cassé la figure .

L'état sait sauver un secteur,mais pas une économie complète .

La France et dans une moindre mesure la Belgique ,ont payé le prix fort: personne n'avait pensé à un "après" qui était à nos portes .

En Belgique je me rappelle très bien des mesures qui ont été prises ; en ligne directe du New Deal mais "Made in Belgium" : des travaux titanesques,long et coûteux pour venir au service d'une industrie condamnée à mort de toutes façons et à brève échéance : des super canaux ,qui sont "vides" . Des autoroutes,pour lesquels on a plus l'argent pour assurer l'entretien de base ,des zonings industriels déserts camouflés en zoning commercial,etc,etc...


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Message Publié : 13 Août 2015 21:00 
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Inscription : 10 Fév 2009 0:12
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Les voitures japonaises ne sont pas rentrées comme ça : alors qu'en Allemagne elles représentaient un tiers des ventes en France elles ont été soumises à des quotas leur interdisant de dépasser 3%.
(Motif officieux - et justifié : il était impossible d'exporter au Japon, qui faisait du protectionnisme en compliquant sans arrêt les normes techniques.)

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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Message Publié : 13 Août 2015 21:16 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 16 Jan 2010 19:18
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Où sont toutes nos industries textiles ?du cuir? Des matériaux de construction?de l'électronique?de la construction navale ?


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Message Publié : 13 Août 2015 22:36 
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Tite-Live
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Inscription : 02 Mai 2010 13:29
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Localisation : Duché de Gothie.
Vitalis a écrit :
Il y a eu dans le monde entier en 1974/1975 une grave crise économique, liée à l'augmentation massive des prix du pétrole.
C'est à cette occasion que le nombre de chômeurs en France passe la barre du million.
Alors que de nombreux pays se sont remis de cette crise après un temps plus ou moins long (cas de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de la Suisse, des Etats-Unis, du Canada, des pays scandinaves, etc...) la France ne s'en est jamais remise.
Le chômage est resté à un niveau très élevé et la croissance sauf durant quelques années, est très souvent restée insuffisante.
Quels en sont les raisons ?
(par rapport aux autres pays et à condition
1 - de respecter la limite chronologique du forum qui est 1991
2 - de ne pas tomber dans un "france-bashing" systématique comme ont le voit dans de nombreux médias.)


L'ayant vécu :

1/ capitalisme sclérosé refusant l'avancée technique et ayant fait le choix de l'émigration de ses capitaux pour produire hors France.
2/ immigration massive autorisée visant à saturer le marché du travail et donc baisser les salaires.
3/ Début des déficits publics (dernier budget en équilibre 1973 : raymond Barre, viré l'année d'après..)

_________________
« L'honneur défend des actes que la loi tolère. »
Sénèque


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Message Publié : 14 Août 2015 3:29 
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Localisation : Région Parisienne
Raymond Barre n'était pas ministre en 73, il n'a pas pu être viré l'année d'après. Il n'est devenu ministre qu'en 76.

_________________
Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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Message Publié : 14 Août 2015 22:44 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Vitalis a écrit :
Alors que de nombreux pays se sont remis de cette crise après un temps plus ou moins long (cas de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de la Suisse, des Etats-Unis, du Canada, des pays scandinaves, etc...) la France ne s'en est jamais remise.
Sentiment ou réalité ? A l'époque de Reagan et de Thatcher, USA et Royaume-Uni se sont désindustrialisés plus vite que la France. Dans les années 1980, le Royaume-Uni a traversé des crises sociales extrêmement graves alors que le président Mitterrand pouvait se féliciter d'une situation économique globalement bonne, ce qui, objectivement était vrai.


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Message Publié : 15 Août 2015 1:09 
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Tite-Live
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Localisation : Duché de Gothie.
Jean-Marc Labat a écrit :
Raymond Barre n'était pas ministre en 73, il n'a pas pu être viré l'année d'après. Il n'est devenu ministre qu'en 76.


79 alors.

_________________
« L'honneur défend des actes que la loi tolère. »
Sénèque


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Message Publié : 15 Août 2015 12:30 
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Marc Bloch
Marc Bloch

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Localisation : Versailles
Raymond Barre est reste Premier ministre de1976 à 1981.

Un des aspects et la question est le niveau très élevé du chômage en France qui n'est jamais revenu à bas niveau depuis 40 ans (fluctuation entre 9 et 11 % de la population active) alors que les autres pays libéraux ont vu fluctuer la demande d'emploi entre 5 et 10 %pop. act.

Serait cela la "préférence française pour le chômage "?

http://www.lopinion.fr/26-aout-2014/vin ... bien-15657

D'après un livre publié en 1994 - je suis désolé c'est hors limite chronologique... :oops:


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Message Publié : 15 Août 2015 14:47 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Durant les années 1980, le taux de chômage était plus élevé au Royaume-Uni qu'en France.


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Message Publié : 15 Août 2015 15:57 
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Tite-Live
Tite-Live

Inscription : 10 Mars 2006 4:35
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A mon avis, pour comprendre le chômage de masse entre 1973 et 1991, il faut se poser une question: si la France n'avait pas put développer une puissance industrielle comparable à celle de l'Allemagne, de la Grande Bretagne et des Etats Unis avant 1939, par quel miracle y est-elle parvenue entre 1945 et 1973?

La réponse est assez simple: il y a eut une bulle industrielle entre 1892 et 1971 (surtout entre 1944 et 1971) et cette bulle a explosé en 71. Le chômage de masse n'est qu'une conséquence de ce cataclysme économique.

La bulle industrielle avait trois sources principales:
1) L'isolement artificiel du marché français par rapport aux flux mondiaux des biens. Cela n'avait rien de bien extraordinaire au XXe siècle car la majorité des pays occidentaux avaient mis en place des barrières douanières et tarifaires importantes.
2) La politique de sur-investissement du gouvernement français au cours des années 50 et 60 qui, en faisant tourner la planche à billet et en finançant à des taux anormalement bas le développement industriel du pays, a mis la France dans un état de surchauffe industriel qu'aucune force du marché ne permettait de légitimer. Cette politique n'a été rendue possible que grâce aux politique de "répression financière" (contrôle des changes, emprunts forcés) décidé par Bretton Woods.
3) Le dollars fort — une décision avant tout politique — permettait d'exporter des produits industriels aux Etats-Unis dans des proportions énormes jusqu'à 1971.

Les industriels français se sont donc retrouvé de 1944 à 1971 devant deux demandes artificiellement forte: le marché domestique (protégé et gonflé par la demande publique) et le marché américain. En quelques années, la part de la main d'œuvre française engagée dans l'industrie est passée en gros de 30% à 50%, en quelque sorte la France a eut sa révolution industrielle en 1945.

Les conséquences de cette bulle furent terribles et peuvent être divisés en trois groupes:
1) Misallocation des capitaux, en pratique privant complètement les secteurs naturellement avantagés en France de financement.
2) Misallocation de la main d'œuvre et des savoir-faire, amenant à une crise sociale terrible dans les années 70-80.
3) Biais important des politiques publiques qui se retrouve en porte à faux une fois que la bulle a explosé.

Pour donner un exemple de ces misallocations, on peut parler de la Régie Renault. En clair, la France n'a aucun avantage dans la production d'automobiles moyenne gamme. L'énergie et les métaux sont plus chers qu'en Allemagne et la main d'œuvre est plus chère qu'en Italie ou en Espagne. En gros, la France est parfaitement placée pour construire des modèles de luxe, mais des modèles où le prix est le principal critère discriminant, non. Pourtant, l'injection des fonds publics dans l'entreprise, les aides à la consommation et les autres mesures destinées à aider les entreprises de construction automobiles ont eut pour effet de créer un véritable monstre économique employant une proportion allucinante de la main d’œuvre française.

Les problèmes associés avec cette politique pourraient faire l'objet d'une liste sans fin. J'en retiendrais deux. La première est la politique migratoire de la france qui a commencer à demander des ouvriers non qualifiés à ses anciennes colonies pour faire face à la demande. Evidemment, une fois la bulle explosée qui s'est retrouvé sans boulot? Une statistique qui m'amuse toujours signale que le nombre d'emplois qualifiés dans l'industrie française n'a pas diminué depuis 1970 alors que le nombre d'emplois non-qualifié a été divisé par cinq... Deuxième exemple: la politique énergétique. L'industrie est une grosse consommatrice d'électricité. Sans la politique de développement industriel des années 50-60, personne n'aurait probablement eu l'idée de faire des centrales nucléaires, il n'y aurait pas eu Areva et il n'y aurait pas eu les licenciements massifs du secteur.

L'augmentation des prix du pétrole n'a fait que révéler un problème beaucoup plus profond. Evidemment l'abandon de ces politiques de développement industriel n'a pas été facile, d'abord parce qu'il fallait réaliser le problème, ensuite parce que les intérêts en place étaient très puissants et finalement parce que la casse sociale allait être terrible. Un pays comme la Grande-Bretagne, dans une certaine mesure s'est retrouvé dans une situation à peu près similaire, avec cependant la différence que le système ultra-protecteur de Bretton Wood n'avait pas amené une croissance de rattrapage mais une longue stagnation, je pense donc qu'il fut plus aisé d'abandonner les illusions de la planification après l’élection de Margaret Thatcher en 1979.

_________________
Labore Fideque


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Message Publié : 15 Août 2015 17:48 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 16 Jan 2010 19:18
Message(s) : 2953
Ce sont deux prédateurs de la finance,Slater et Goldsmith qui ont commencé dès 1954 en Grande Bretagne à détruire le vieil outil industriel qui procurait des millions d'emplois.En relançant ce qui allait redevenir la "dictature des marchés" ,vieux système qui transforme l'investissement dans l'industrie et le commerce par l'intermédiaire de la bourse en véritable économie de casino avec"raids" et destruction permanente des emplois industriels et même commerciaux dans les pays évolués à salaires respectables.


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Message Publié : 16 Août 2015 7:24 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Maharbbal a écrit :
A mon avis, pour comprendre le chômage de masse entre 1973 et 1991, il faut se poser une question: si la France n'avait pas put développer une puissance industrielle comparable à celle de l'Allemagne, de la Grande Bretagne et des Etats Unis avant 1939, par quel miracle y est-elle parvenue entre 1945 et 1973?

La réponse est assez simple: il y a eut une bulle industrielle entre 1892 et 1971 (surtout entre 1944 et 1971) et cette bulle a explosé en 71. Le chômage de masse n'est qu'une conséquence de ce cataclysme économique.

La bulle industrielle avait trois sources principales:
1) L'isolement artificiel du marché français par rapport aux flux mondiaux des biens. Cela n'avait rien de bien extraordinaire au XXe siècle car la majorité des pays occidentaux avaient mis en place des barrières douanières et tarifaires importantes.
2) La politique de sur-investissement du gouvernement français au cours des années 50 et 60 qui, en faisant tourner la planche à billet et en finançant à des taux anormalement bas le développement industriel du pays, a mis la France dans un état de surchauffe industriel qu'aucune force du marché ne permettait de légitimer. Cette politique n'a été rendue possible que grâce aux politique de "répression financière" (contrôle des changes, emprunts forcés) décidé par Bretton Woods.
3) Le dollars fort — une décision avant tout politique — permettait d'exporter des produits industriels aux Etats-Unis dans des proportions énormes jusqu'à 1971.

Les industriels français se sont donc retrouvé de 1944 à 1971 devant deux demandes artificiellement forte: le marché domestique (protégé et gonflé par la demande publique) et le marché américain. En quelques années, la part de la main d'œuvre française engagée dans l'industrie est passée en gros de 30% à 50%, en quelque sorte la France a eut sa révolution industrielle en 1945.

Les conséquences de cette bulle furent terribles et peuvent être divisés en trois groupes:
1) Misallocation des capitaux, en pratique privant complètement les secteurs naturellement avantagés en France de financement.
2) Misallocation de la main d'œuvre et des savoir-faire, amenant à une crise sociale terrible dans les années 70-80.
3) Biais important des politiques publiques qui se retrouve en porte à faux une fois que la bulle a explosé.

Pour donner un exemple de ces misallocations, on peut parler de la Régie Renault. En clair, la France n'a aucun avantage dans la production d'automobiles moyenne gamme. L'énergie et les métaux sont plus chers qu'en Allemagne et la main d'œuvre est plus chère qu'en Italie ou en Espagne. En gros, la France est parfaitement placée pour construire des modèles de luxe, mais des modèles où le prix est le principal critère discriminant, non. Pourtant, l'injection des fonds publics dans l'entreprise, les aides à la consommation et les autres mesures destinées à aider les entreprises de construction automobiles ont eut pour effet de créer un véritable monstre économique employant une proportion allucinante de la main d’œuvre française.

Les problèmes associés avec cette politique pourraient faire l'objet d'une liste sans fin. J'en retiendrais deux. La première est la politique migratoire de la france qui a commencer à demander des ouvriers non qualifiés à ses anciennes colonies pour faire face à la demande. Evidemment, une fois la bulle explosée qui s'est retrouvé sans boulot? Une statistique qui m'amuse toujours signale que le nombre d'emplois qualifiés dans l'industrie française n'a pas diminué depuis 1970 alors que le nombre d'emplois non-qualifié a été divisé par cinq... Deuxième exemple: la politique énergétique. L'industrie est une grosse consommatrice d'électricité. Sans la politique de développement industriel des années 50-60, personne n'aurait probablement eu l'idée de faire des centrales nucléaires, il n'y aurait pas eu Areva et il n'y aurait pas eu les licenciements massifs du secteur.

L'augmentation des prix du pétrole n'a fait que révéler un problème beaucoup plus profond. Evidemment l'abandon de ces politiques de développement industriel n'a pas été facile, d'abord parce qu'il fallait réaliser le problème, ensuite parce que les intérêts en place étaient très puissants et finalement parce que la casse sociale allait être terrible. Un pays comme la Grande-Bretagne, dans une certaine mesure s'est retrouvé dans une situation à peu près similaire, avec cependant la différence que le système ultra-protecteur de Bretton Wood n'avait pas amené une croissance de rattrapage mais une longue stagnation, je pense donc qu'il fut plus aisé d'abandonner les illusions de la planification après l’élection de Margaret Thatcher en 1979.


Je suis en désaccord radical et quasi-absolu avec votre thèse. En espérant sincèrement que vous ne prendrez pas mal la contradiction que je vous apporte, c'est une combinaison de plusieurs contresens, erreurs et omissions.

1892 n'a rien à voir avec 1973.

La France du début de la 2ème révolution industrielle, malgré son retard agricole, est à la pointe du développement de certains nouveaux secteurs, en particulier l'automobile où elle devance tous ses concurrents européens en 1913 (et 2ème mondiale derrière les USA qui sont sur une autre échelle vue la taille du pays et la puissance du capitalisme américain combinée au modèle fordiste).

Tous les pays fonctionnent plus ou moins sur le,mode du protectionnisme enfant, à commencer bien sur par l'Allemagne et les USA. Il n'y a pas d'un côté un sain développement industriel (les USA, l'Allemagne), et de l'autre (France) une bulle industrielle qui aurait duré ... près d'un siècle !

Premier élément, que j'ai déjà développé sur ce forum : le grand changement qui s'opère au tournant des années 1970, c'est un changement radical des conditions de l'activité économique d'une ampleur telle qu'il a une portée anthropologique.
Alors que depuis les premiers pas de l'humanité, le principal problème économique était la rareté et la pénurie, au tournant des années 1970 c'est la surproduction qui devient structurellement le problème. La productivité a fait de tels progrès que l'appareil productif est capable de saturer la demande solvable.

Deuxième phénomène qui, combiné au premier, produit un effet démultiplicateur détonnant sur le processus conduisant à une surcapacité de production: la diffusion mondiale des techniques et des savoir-faire, que les anglo-saxons ont appelée globalisation et nous mondialisation.

Prenez le monde économique du début du 20ème siècle, et vous verrez que les pays qui maîtrisent les techniques et savoir-faire permettant de produire les biens et services élaborés, à haute valeur ajoutée qui permettent d'assurer les hauts niveaux de vie (toutes choses égales par ailleurs), représentent à peine 10% de la population mondiale.

Regardez le monde économique au début du 21ème siècle et vous avez un tableau radicalement différent : vous avez grosso modo plus de 60% de la population mondiale qui est dans la danse, pour un champ toujours plus large de biens et services, avec la montée de ce qu'on appelle les pays émergents.

S'agissant de la question de savoir pourquoi la France n'avait pas en 1913 ou en 1939 un poids industriel à la hauteur de celui du Royaume-Uni et de o'Allemagne, il y a une donnée fondamentale, pour ne pas dire énorme, qui vous a échappé : les ressources naturelles.
Vous vous souvenez peut-être, ou pas si vous êtes trop jeune pour l'avoir connu, des enseignements d'histoire-géographie au lycée où on nous faisait apprendre par cœur les millions de tonnes de production de charbon, d'acier, de fonte, des grandes puissances. Eh oui. Grosso modo du milieu du 19ème siècle au milieu du 20ème siècle, on est dans le monde du charbon et de la métallurgie.

Or le Royaume-Uni est, comme l'a écrit je ne sais plus qui, un bloc de fer posé sur un bloc de charbon. Et l'Allemagne aussi. Même chose aussi, mais à une autre échelle, pour la petite Belgique qui avait, au début du 20ème siècle dans ce monde qui était celui du charbon et de l'acier, une place énorme et disproportionnée dans la production industrielle mondiale au regard de sa démographie.

Pas la France parce que le découpage des frontières qui lui a été imposé en 1814/1815 à fait qu'elle n'a pas pu disposer, au sein de ses frontières, des très importantes ressources en charbon et en fer qui se trouvaient en Belgique, au Luxembourg et en Sarre (pour ne pas parler du reste des territoires de la rive gauche du Rhin). Changez la frontière et vous auriez eu une Histoire radicalement différente.

Si la Prusse puis son nouvel avatar l'Allemagne a pu devenir et rester la première puissance européenne, c'est parce que le découpage des frontières lui a permis de disposer et d'exploiter des ressources de charbon et de fer que personne ne pouvait égaler (Russie et USA mis à part) : Rhénanie en plus de la Silésie et la Saxe.
La France n'a pu exploiter qu'un bout de ce Nord dont la Belgique était le prolongement naturel, ainsi que la Lorraine dont la Sarre et le Luxembourg étaient aussi le prolongement naturel.

Pour faire un raccourci assez cru, la vision moralisatrice weberienne c'est très largement du pipeau à base d'autosatisfaction égocentrique. Parlez donc aux chinois de l'ethique protestante du capitalisme et ils vont bien se marrer.
Certes, il y a une place pour l'éthique ou pour les qualités d'irganisation et les prises d'îitiative d'un peuple : la preuve par les Pays-Bas, le Japon, la Corée du Sud ou encore Israël.
Mais dans la,plupart des cas, la prospérité est déterminée par la géographie d'un pays :
- un emplacement favorable ou au contraire excentré, ça change tout,
- un sol riche en ressources naturelles correspondant aux besoins vitaux/stratégiques ou au contraire dépourvu de telles ressources, çela change tout.

L'Australie ou le Canada ou la Russie, sans les gigantesques ressources qui les ont fait qualifier de scandale géologique, ce n'est rien. Les USA eux-mêmes, n'auraient pas eu le même rôle s'ils n'avaient pas trouvé dans leur sol, de gigantesques ressources de charbon, de fer et de pétrole qui en ont fait, largement autant que leur inventivité et leur esprit entreprenarial, la première puissance économique du monde pendant plus d'un siècle.

Pas de chance pour l'empire ottoman : relativement dépourvu de telles ressources, il n'a pas pu suivre les puissances concurrentes, en plus de l'immense bazar qu'il était déjà devenu.

Il y a certes un peu de récompense de la,morale et de la rigueur en économie, mais somme toute très peu. L'économie est le monde de la realpolitik et du hasard. Sans pétrole ni gaz, jamais le Qatar et les Émirats n'auraient été en mesure de se transformer en grand hub mondial et de modifier de manière phénoménale les flux mondiaux du transport mondial.

Le décrochage industriel de la France à partir des annees 1970 est tout sauf exceptionnel. Il concerne en fait tous les pays européens et occidentaux, à une exception : l'Allemagne.
En termes de production industrielle, le Royaume-Uni pèse aujourd'hui la même chose que la France. L'Italie aussi a nettement baissé, même si elle est au dessus de la France et du Royaume-Uni.
Les USA aussi.

D'ailleurs, le décrochage industriel de la,France est surtout à dater du début des années 2000. C'est véritablement là que la France décroche par rapport à l'Allemagne.

Pour de bonnes explications, je vous conseille plutot la lecture de Jean-Louis Beffa qui a très bien expliqué que depuis les annees 1970, la France n'avait plus de stratégie cohérente et à long terme : elle en change tous les 10 ans ce qui est une catastrophe. On godille alors qu'il faut raisonner sur des décennies.
On a raté le train du haut de gamme industriel alors que pourtant historiquement c'était plutôt une tradition nationale.

Lisez aussi Christian Saint-Etienne sur l'euro et la zone euro, et sur la stratégie de passager clandestin qu'y joue l'Allemagne depuis une quinzaine d'années.
Ainsi que les études de la Direction générale du trésor montrant le rôle fondamental du progrès technique et de l'externalisatiin des services qui étaient autrefois internalisés au sein des entreprises industrielles.

Et ajoutez-y en France l'absurdité de nos politiques fiscales, le coût de nos politiques sociales qui sont les plus généreuses (et donc coûteuses) du monde, ainsi que la stratégie trop souvent prédatrice de nos très grands groupes choyés, biberonnés et favorisés par l'Etat qui les préfère aux PME innovantes, là oui vous avez un facteur national aggravant.


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Message Publié : 16 Août 2015 22:44 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Je suis également en total désaccord avec Maharbbal et dans l'ensemble d'accord avec vous à quelques nuances près.

Les ressources naturelles, bien sûr, il en faut. Mais tout ne repose pas que sur le charbon et l'acier. N'oublions pas le textile qui fit la fortune de l'Angleterre au détriment des Indes.

Certes, si le territoire français s'était étendu à la Belgique et à la Sarre, la France aurait eu à sa disposition plus de charbon et d'acier. Mais je ne suis pas du tout sûr que cela aurait tout changé. Sur son territoire tel qu'il était tracé en 1815, il y avait suffisamment de quoi prendre un élan aussi dynamique qu'en Angleterre et un peu plus tard en Prusse. Mais les français ont peu l'esprit d'entreprise. Au dix-neuvième siècle, la faveur allait d'abord aux terres agricoles, aux immeubles de rapport et aux bons du trésor. Ensuite, il n'y a pas que l'industrie lourde. Quand on construit des avions, peu importe de n'avoir pas de minerai de fer. On importera l'acier consommé, cela jouera peu sur la valeur ajoutée. J'ai lu récemment quelque chose sur l'industrie aéronautique française dans les années 1930 : des méthodes de travail d'un autre âge induisant une production d'un volume d'une insuffisance catastrophique. Ce n'était pas les mines de charbon ou de fer qui manquaient mais un savoir-faire et, plus encore, un état d'esprit. Comment expliquer la prospérité de la Suisse, toute proportion gardée, grande nation industrielle ?

Je ne sais pas si l'éthique protestante versus éthique catholique explique tout, mais il est certain qu'il y a des facteurs sociologiques à prendre en compte et, si le manque de ressources a certainement handicapé l'empire ottoman, l'immensité du bazar, comme vous dites, y est aussi pour beaucoup. A contrario la Russie, sans l'absurdité de l'organisation soviétique, jouirait aujourd'hui d'un niveau de vie équivalent à celui de l'ouest de l'Europe.

Pour en revenir à la question initiale, je trouve la France de 1991 très bien remise du choc de 1973. La suite est hors limite chronologique.

Aux ouvrages que vous recommandez, j'ajouterais ceux d'Emmanuel Todd (on peut rester sceptique, mais l'approche sociologique est instructive) et l'excellent ouvrage de Thomas Pikettiy, Le capital au XXIème siècle où, comme le titre ne l'indique pas, est retracée l'évolution des revenus et des inégalités depuis le dix-huitième siècle.


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