Je me suis toujours demandé si le formidable développement industriel allemand du XIXe siècle jusqu'a nos jours n'était pas seulement explicable par l'abondante ressource en charbon mais aussi par les similitudes entre la formation militaire prussienne et les qualités de discipline et de précisions exigées par l'industrie. Il se trouve que je viens de tomber par hasard sur un auteur qui évoque un parallèle entre l'armée, la société et l'économie.
"Elle ne se voulait pas uniquement le lieu de transmission des techniques militaires mais aussi, pour reprendre les mots du premier ministre de la Guerre, von Boyen, celui de la transmission des « vertus du citoyen ». Cela incluait la loyauté absolue au roi et l’obéissance à la loi, ainsi que l’ordre, la propreté, la ponctualité, l’esprit d’économie et l’auto-discipline.
Partie intégrante de l’instruction régulière dispensée aux troupes par les officiers instructeurs, ce programme éducatif soutenait en fait l’ensemble du « service intérieur » au sein de la caserne et se manifestait par le contrôle du vêtement et de l’équipement, de l’hygiène corporelle, mais aussi de la posture et de la précision dans l’exécution des ordres et des directives.
Pendant leur service, les soldats apprenaient davantage que tirer au fusil, planter une baïonnette ou marcher en rang. Ils apprenaient aussi à se laver quotidiennement, à changer régulièrement de sous-vêtements et à avoir recours aux services du médecin. Ils devaient de plus nettoyer et entretenir leur uniforme, cirer leurs bottes, ranger leur armoire et balayer leur chambre. Même en dehors du service, leur comportement était strictement réglementé et surveillé par l’armée.
Des millions de jeunes gens passèrent ainsi par cette école. 270 000 recrues environ passaient annuellement dans les casernes. Selon leur statut et leur arme, elles y restaient suffisamment longtemps – entre 1 et 3 ans – pour que la hiérarchie puisse les plier, les travailler, afin de les rendre conformes à l’image souhaitée du soldat et du citoyen...
Rendu à la vie civile, le soldat était fidèle au roi, travaillait assidûment et obéissait à ses supérieurs à l’usine comme à la ferme. Il respectait les lois de l’État et de l’Église. Il fondait une famille convenable et élevait ses enfants dans le même esprit."
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