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Il n'y a aucun socialisme chez Barrès, même pas une tentation, il est à l'opposé de ce genre d'utopie.
C'est inexact; il n'y a évidemment pas de socialisme au sens marxiste chez Barrès bien entendu mais il y a chez lui un anticapitalisme/antimatérialisme antimarxiste, assorti d'un souci d'intégrer le prolétariat dans la nation par des mesures sociales, et réciproquement d'étendre le nationalisme au peuple, rompant ainsi avec le nationalisme traditionnel qui jusque là était essentiellement l'affaire de la bourgeoisie, grande et moyenne.
Barrès a été boulangiste et même député boulangiste de Nancy --et on connait la forte composante populaire du boulangisme, qui a été ainsi sans doute le premier mouvement politique de la France moderne à transcender la frontière entre peuple et bourgeoisie.
Le journal de Barrès, la Cocarde, contient de nombreuses références au socialisme, qui est présenté favorablement, sous condition: "L'idée socialiste est une idée organisatrice si on la purge du poison libéral qui n'y est point nécessaire". Il y a donc bien chez Barrès une amorce de socialisme national et populiste.
Enfin, vous affirmez que Barrès n'était pas antisémite; bien sûr que si, il l'est, il a même été un des antidreyfusards les plus notoires, et il n'a mis une sourdine à son antisémitisme que pendant la PGM, au sujet des combattants juifs dont il a reconnu le courage. Ce qui a poussé certains à écrire que pour Barrès, les seuls bons juifs étaient les juifs morts (au combat).
Et il faut bien voir que cet antisémitisme est une composante essentielle de son nationalisme: Barrès veut réaliser l'union des classes sociales dans la Nation, or cette union des classes sociales n'est possible qu'autour d'un ennemi commun (imaginaire): le juif.
C'est à cause de cette utilité politique aux fins d'intégration et de mobilisation des masses que l'antisémitisme représente pour Barrès (je cite): la "formule populaire" par excellence.
C'est à dire la formule qui permet de d'intégrer le prolétariat à la collectivité nationale, en mettant fin à la lutte de classe par la substitution de l'ennemi de race , le juif, à l'ennemi de classe, le capitaliste/bourgeois.
C'est aussi faire une contresens de taille que de poser que Barrès exalte l'individualisme, alors qu'au contraire il considère l'individualisme, héritage des Lumières, à la fois comme une cause et une manifestation de la décadence. Chez les penseurs anti-révolutionnaires, l'individu n'est rien, la collectivité est tout, et un individu n'en est que l'incarnation passagère. L'individu n'est qu'une des cellules composant le grand corps social, ensemble qui transcende sa petite personne , qui n'est que la résultante de forces, raciales, culturelles, qui le dépassent infiniment.