Jean-Marc Labat a écrit :
Un conseil nommé par des politiques composé essentiellement de politiques me paraîtra toujours éminemment suspect.
Avec le recul, le conseil constitutionnel existant depuis 1958, on peut constater que les personnalités qui y sont nommées savent faire abstraction de leurs orientations politiques pour étudier de manière impartiales les cas qui leur sont soumis. Elles ont en particulier validé la loi sur les nationalisations quoiqu’elles y fussent pour la plupart politiquement défavorables. Par ailleurs le mode de nomination est de nature à prévenir le reproche de gouvernement des juges.
Principales décisions prises avant 2000.
Cette liste est reprise de l’ouvrage Les grandes décisions du Conseil constitutionnel publié par les éditions LGDJ.
Décision du 16 juillet 1971 sur la liberté d’association : non-conformité partielle
Le Conseil constitutionnel réaffirme le caractère de principe fondamental reconnu par les lois de la République de la liberté d’association :
A l'exception des mesures susceptibles d'être prises à l'égard de catégories particulières d'associations, la constitution d'associations, alors même qu'elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l'intervention préalable de l'autorité administrative ou même de l'autorité judiciaire.
Décision du 27 décembre 1973 relative à la taxation d’office : non-conformité partielle
Ont été censurés les termes de la loi fiscale relative à une taxation d’office : et si les bases d'imposition n'excèdent pas 50 % de la limite de la dernière tranche du barème de l'impôt sur le revenu qui violent le principe d’égalité des citoyens devant la loi en établissant une discrimination basée sur la fortune vraie ou supposée d'une certaine catégorie de citoyens.
Décision du 15 janvier 1975 sur l’IVG : conformité
- il n'appartient pas au Conseil constitutionnel d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international ;
- la loi sur l’IVG ne contrevient à aucun des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ni ne méconnaît le principe énoncé dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, selon lequel la nation garantit à l'enfant la protection de la santé.
Décision du 12 janvier 1977 sur la loi autorisant la visite des véhicules en vue de la recherche et de la prévention des infractions pénales : non-conformité partielle
Les pouvoirs donnés aux officiers de police judiciaire de procéder à la visite de tout véhicule ou de son contenu aux seules conditions que ce véhicule se trouve sur une voie ouverte à la circulation publique et que cette visite ait lieu en la présence du propriétaire ou du conducteur, alors même qu'aucune infraction n'aura été commise et sans que la loi subordonne ces contrôles à l'existence d'une menace d'atteinte à l'ordre public, porte atteinte aux principes essentiels sur lesquels repose la protection de la liberté individuelle.
Décision du 16 janvier 1982 sur la loi de nationalisation : non conformité
Dans l’ensemble la loi de nationalisation est conforme à la constitution. Mais ne le sont pas les articles 6, 18 et 32 relatifs à la détermination de la valeur d'échange des actions et, comme ces articles sont inséparables de l'ensemble de la loi, celle-ci ne peut être promulguée en l’état. Le gouvernement a dû revoir sa copie.
Décision du 25 février 1982 sur le statut de la Corse : conformité
- la création d’une nouvelle catégorie de collectivité territoriale ne comprenant qu’une seule unité n’est pas contraire à la constitution, il y a d’ailleurs un précédent en la ville de Paris ;
- les droits et libertés des communes et des départements sont préservé ;
- il n’est pas porté atteinte au principe d’indivisibilité de la République.
Décision du 13 août 1993 SUR conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France : non conformité partielle
- Aucun principe ni règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national.
- Cependant le législateur doit respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République : la liberté individuelle et la sûreté, notamment la liberté d'aller et venir, la liberté du mariage, le droit de mener une vie familiale normale ; qu'en outre les étrangers jouissent des droits à la protection sociale, dès lors qu'ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français ; qu'ils doivent bénéficier de l'exercice de recours assurant la garantie de ces droits et libertés.
- le droit d’asile en faveur de toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté est un principe à valeur constitutionnelle.
Décision du 27 juillet 1994 sur la bioéthique- le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie n’est pas applicable aux embryons ;
- il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne détient pas un pouvoir d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l'état des connaissances et des techniques, les dispositions prises par le législateur en matière de procréation assistée et de manipulation des embryons ;
- il n'existe aucune disposition ni aucun principe à valeur constitutionnelle consacrant la protection du patrimoine génétique de l'humanité.
- l'interdiction de donner les moyens aux enfants conçus à l’aide de dons de gamètes de connaître l'identité des donneurs ne porte pas atteinte à la protection de la santé telle qu'elle est garantie par le préambule à la constitution de 1946 ;
- aucun principe à valeur constitutionnelle ne prohibe les interdictions d'établir un lien de filiation entre l'enfant issu de la procréation et l'auteur du don.
Un conseil nommé par des politiques composé essentiellement de politiques me paraîtra toujours éminemment suspect.
La plus cinglante censure de la l’histoire de la Cinquième République n’est pas venue du Conseil Constitutionnel mais du Conseil d’État lorsque ce dernier, par son arrêt du 19 octobre 1962, a annulé une ordonnance instituant une cour de justice d’exception chargée de juger, suivant une procédure spéciale et sans recours possible, les auteurs et complices de certaines infractions en relation avec les événements d’Algérie. Le général de Gaulle en fut vert de rage.
L’ordonnance était une résurgence des décrets-lois de la IIIe République. La Quatrième République avait formellement prohibé cette pratique qui a cependant été tacitement reprise en raison des nécessités. La Cinquième l’a légalisée en l’encadrant. Quoique leurs dispositions entrent dans le champ de la loi, les ordonnances conservent leur caractère réglementaire jusqu’à leur ratification par le parlement.