Ce que je reproche au livre de Gisèle Halimi, comme à toutes les biographies de la Kahina d'ailleurs, c'est la méconnaissance criante des us et coutumes berbères, je m'explique:
Outre le fait que l'on ne sait pas si la Kahina était juive ou chrétienne ou païenne (les historiens ne s'accordent pas, par exemple Gabriel Camps pensait qu'elle était chrétienne),
le livre dénote une parfaite méconnaissance de l'histoire du peuple berbère, de son organisation sociale et de ses coutumes.
Par exemple, dans le premier chapitre du livre de Gisèle Halimi, Delhia (La Kahina) aurait sauvé l'arabe Khaled, son fils adoptif, des griffes des autres chefs berbères qui massacraient les prisonniers, pour en faire son amant!!!! Madame Halimi (que je respecte et que j'admire sincèrement) ignore sans doute qu'il existait une coutume ancestrale qui faisait obligation à tout individu à qui l'on demande protection ainsi qu'a la tribu auquel il appartient d'assurer cette protection quel que soit l'individu qui la demande, cette coutume s'appelait l'anya (le général Daumas rapportait le cas en Kabylie, d'une femme qui s'apprêtait avec ses frère à exécuter l'assassin de son mari, au moment où il allait être exécuté, le meurtrier demanda l'anya à la veuve, qui lui accorda, et il put partir libre).
La Kahina était décrite comme une femme autoritaire, un dictateur, un peu comme la reine Elisabeth, en fait les rois et les reines n'existaient pas chez les berbères, en temps de paix on élisait des amins, chargés de faire respecter les lois; contrairement aux sultans, califes, rois et autres charges aristocratiques (à l'origine d'ailleurs, un Califfe n'était pas un aristocrate), un amin ne recevait aucun émolument et n'avait aucun privilège si ce n'est celui de puiser dans ses deniers personnels pour des dépenses exceptionnelles (lire La Kabylie et coutumes Kabyles sociologie de Hanotaux et Letourneux, ainsi que l'ouvrage du général Daumas sur la Kabylie) Un aguellid peut être élu exceptionnellement en période de crise, mais même à l'époque du grand aguellid Massinissa, les tribus restaient indépendantes ou bénéficiaient d'une grande autonomie, ainsi que les villages qui constituaient chacun, une république indépendante.
Enfin, Gisèle Halimi confond les tribus et les grandes confédérations de tribus, par exemple elle fait une distinction entre les Kotama, les Djéroua (tribu de la Kahina) et les Sanhadja (qui seraient selon elle les ancêtres des Touaregs, en devrait écrire Touari au pluriel) en fait les Sanhadja étaient une grande confédération berbère qui, avec les Zénètes, a envahi le Maghreb à partir du 3eme siècle, les Sanhadja regroupaient les Kotama de petite Kabylie, les Djéroua et les Ouarébas des Aurès; les Touaregs, eux descendent plutôt des Garamantes qui avaient formés un état puissant dans le Fezzan et dont la capitale était Guarama.
J’ajouterai que le système social était très démocratique chez les berbères, or décrire la Kahina comme une autocrate qui impose ses vues et ses idées à son peuple sans même le consulter donne une idée fausse de la richesse des liens qui pouvait relier un chef berbère à son peuple.
Autre chose : la charia n’était pas appliquée par les berbères, même après leur conversion à l’islam, leur justice était basée sur le droit coutumier qu’ils appelaient Kanoûn, par exemple le voleur devaient rembourser 10 fois le produit de son vol à la victime et la pire des punition était la bannissement.
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