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 Sujet du message : Essor du servage dans l'Est.
Message Publié : 07 Mai 2022 13:40 
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Au travers de diverses lectures, j'apprends que l'essor du servage ou des corvées est tardif dans les pays slaves ou en Hongrie à compter du XVIème siècle, à une époque où ces coutumes ont quasiment disparues dans les régions de l'ouest. Quelles en sont les causes ?

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Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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Message Publié : 07 Mai 2022 17:30 
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Pierre de L'Estoile
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Je pense qu'il y a deux phénomènes semblables, mais pas identiques.

D'un côté, l'Europe de l'est connaît à partir de la Renaissance une sorte de décadence avec une rétractation urbaine, sous les triples poussées germaniques, ottomanes et russes, sans parler du commerce avec l'Europe de l'ouest qui demande des chevaux et fournit de plus en plus de produits manufacturés. Les paysans, qui augmentent en proportion, sont donc contraint d'accepter une situation de servitude pour être protégé.

De l'autre, la Russie s'unifie sous Ivan le Terrible, s'impose face aux Turco-Mongoles, et entreprend son développement. Et le choix qui est fait est de permettre aux boyards de s'appuyer sur les paysans, réduits en quasi-esclavage.
Dans ce cas, le terme "servage" ou "second servage" est impropre : le serf russe est, comme un esclave, une chose que le propriétaire peut vendre à loisir. Tout au plus la morale chrétienne orthodoxe enjoint de les maltraiter avec modération.

Le roman de Gogol, les Ames Mortes, parle justement d'un escroc qui veut présenter à l'organisme de financement du développement agricole russe un projet de colonisation gagé sur des actes de propriétés de paysans.

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Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
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Message Publié : 08 Mai 2022 10:06 
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Jean Froissart
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Je pensais que c'était le seul moyen trouvé afin qu'un paysan se sédentarise, reste sur la terre qu'il doit travailler.
Avant, il semble que l'essentiel du peuple était très mouvant. L'Histoire se "stabilise" avec Ivan IV ce qui est assez tardif d'où un décalage dans le temps.
*

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"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
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Message Publié : 08 Mai 2022 12:36 
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Rebecca West a écrit :
Je pensais que c'était le seul moyen trouvé afin qu'un paysan se sédentarise, reste sur la terre qu'il doit travailler.


:rool: :rool: lol
Soit vous êtes naïve, soit vous ne connaissez pas grand chose au monde paysan. Prenons par exemple l'exemple de l'Alsace après la guerre de 1870. C'est chez les paysans qu'il a eu le moins d'optants pour la France. Pas parce qu'ils n'étaient pas plus ou moins patriotes que le reste des alsaciens. Mais parce qu'ils ne pouvaient pas emmener leurs terres avec eux. Autre exemple, la création de villes neuves à l'époque médiévale, pour attirer les paysans, les seigneurs promettaient qu'il n'y aurait pas de serfs, et que les serfs qui viendraient s'installer seraient libérés de leurs servages. Bien entendu, ils parlaient des serfs des autres seigneurs des alentours... Voir parfois de plus loin, car pour implanter les vignobles en Alsace, ce furent des vignerons bourguignons qui se virent offrir des terres et une exonération fiscale sur une durée plus ou moins longue, surtout s'ils venaient avec des pieds de vignes et leurs outils. Il semble que pas mal d'entre eux furent des serfs qui ont profité de l'aubaine pour quitter leurs vies de servitudes et devenir leurs propres maîtres.

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Message Publié : 08 Mai 2022 13:08 
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Il y a différentes formes de servage, j'ignore de quelle façon était organisé celui de ces régions. J'ai lu qu'il y avait jusqu'à 6 jours de corvées par semaine, ce qui s'assimile à de l'esclavage, il n'y a jamais rien eu de tel dans l'ouest. Je vais essayer de trouver un ouvrage sur le sujet.

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Message Publié : 08 Mai 2022 14:21 
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Jean Froissart
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narduccio a écrit :
:rool: :rool: lol Soit vous êtes naïve, soit vous ne connaissez pas grand chose au monde paysan. Prenons par exemple l'exemple de l'Alsace après la guerre de 1870...

Au lieu de vous fendre pour la énième fois d'un post auné à une Alsace (on se demande le bien fondé de l'Alsace sur ce sujet...) dont vous vous faites le syndicat d'initiative ainsi que le porte parole du monde paysan semble-t-il, construisez un post sur la Russie à l'époque d'Ivan IV. Ou encore un peu d'épaisseur dans l'approche du monde slave.
Ce sera un peu plus intéressant, plus instructif, vous serez ensuite un peu plus crédible dans vos interventions.
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Message Publié : 08 Mai 2022 14:37 
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L'Alsace est un exemple que je connais bien. Mais, ce qui a existé en Alsace, a existé dans tout le monde occidental, les exemples abondent. Dans de nombreuses régions, il y a des dictons qui disent que l'air de la ville rend libre, ils datent de l'époque où le servage sévissait en Occident. Vous désirez que je vous explique pourquoi on disait cela ?

Le servage n'a JAMAIS été une manière d'inféoder un homme à une terre. Lui donner la terre est bien plus efficace. Les possédants, là où il y avait pénurie de main d'oeuvre, ont su utiliser l'attrait du don de terres pour attirer des travailleurs agricoles. A votre avis, pour quelle raison ? Il leur aurait suffit, si on suit votre raisonnement, de prendre des serfs là où ils en avaient de trop pour les déplacer sur les terres où ils en manquaient... Or, ils se sont crus obligés de donner des droits et des terres... Et je vais vous donner un scoop, ils ne le faisaient pas par bonté d'âme...

Un historien allemand a compilé toutes les données disponibles sur les droits communaux sur le territoire du SERG. La vision commune était que c'était les citadins qui combattaient pour avoir ces droits, péniblement attribués par les suzerains de ces territoires. La réalité est juste inverse. Oui, le développement des villes se fait suite à l'acquisition de chartes communales qui libéralisent les droits des citadins. Mais, dans la majorité des cas, c'est le seigneur qui est à l'initiative de la distribution des droits communaux. Ces villes deviennent des attracteurs pour les villageois qui veulent quitter leurs condition servile. Et les seigneurs locaux voient leurs ressources croitre en même temps que croissent les villes concernées...

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Message Publié : 08 Mai 2022 14:54 
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Jean Froissart
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Narduccio a écrit :
L'Alsace...

Depuis quand exactement les coutumes et us de l'Alsace sont la représentation de ce qui est courant sous toutes les latitudes ?
Vous avez des sources autres que des "dictons" et autres "on" ceci, "on" celà ?

Citer :
Le servage n'a JAMAIS été une manière d'inféoder un homme à une terre.

J'ai simplement avancé que ce pouvait être une raison. Je n'ai pas le réflexe wiki mais là, je viens de jeter un coup d'oeil (vous auriez dû) et ma foi, il semblerait que ce fut un des paramètres.

Citer :
Il leur aurait suffit, si on suit votre raisonnement, de prendre des serfs là où ils en avaient de trop pour les déplacer sur les terres où ils en manquaient...

Manifestement vous n'avez aucune connaissance de la Russie, de sa construction, de ses évolutions. La Russie fonctionnerait comme l'Alsace ? On croit rêver. Et l'Alsace à quelle époque ? Sous quels princes ?
Mieux la Russie du XVIIe qui s'ouvre à l'occident est le reflet de l'Alsace de 1870 avec ses optants ?

Citer :
Un historien allemand a compilé toutes les données disponibles sur les droits communaux sur le territoire du SERG.

Le sujet est-il les droits et coutumes des Princes du SERG (et à quelle époque) ou la Russie ? Comme si ces deux "mondes" pouvaient entrer en comparaison... décidément.
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Message Publié : 08 Mai 2022 15:22 
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J'ai réagi à une phrase où ce que vous exprimez est manifestement faux. Les choses étant égales par ailleurs, à toutes les époques où le servage s'est imposé, et à tous les lieux où il s'est imposé, chaque fois qu'ils l'ont pu, les serfs ont tenté d'échappé à ce système. Si VOUS faites l'effort de chercher quelques secondes, vous devriez trouver des exemples pour toutes les régions et toutes les époques. L'un des meilleurs exemples est justement qu'à de nombreuses époques, les seigneurs ont poursuivis les serfs qui s'échappaient et que ceux-ci étaient sévèrement punis.

Le servage n'est pas un moyen d'attacher une personne à la terre. Car autrement, on ne serait pas obligé de punir ceux qui fuient le servage. Dans les zones où le servage était pratiqué à grande échelle, il y a effectivement peu de serfs qui s'enfuyaient. Car ils savaient qu'ils allaient sûrement être rattrapés avec soit le sort d'être renvoyés d'où ils venaient et de subir une punition, soit le sort d'être mis en servage sur les terres où ils avaient été capturés. Mais, dès qu'ils avaient des perspectives de pouvoir vivre libre, il y avait toujours des fugitifs.

Alors, oui, j'ai cité l'Alsace. J'aurais pu citer divers exemples issus du Royaume de France, ou des Pays-Bas, de l'Angleterre, du SERG, de ... Comme je l'ai dit, si vous faites l'effort de chercher plutôt que de mariner dans vos lubies, vous verrez que les exemples abondent.

Au fait, pour le cas de la Russie, vous devriez vous intéresser aux groupes de cosaques. Certains regroupaient un nombre assez conséquents de serfs fugueurs...

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Message Publié : 08 Mai 2022 16:41 
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Le Drang nach Osten fut facilité par des promesses d'exemptions fiscales et de liberté, qui furent tenues un premier temps, puis rognées au fil du temps selon les régions. Les Saxons de Transylvanie furent attirés de la même manière. Pour attirer des colons, il faut un intérêt, on attappe pas les mouches avec du vinaigre. A noter que la concurrence fiscale existe toujours, et suscite toujours un attrait certain. :mrgreen:

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Message Publié : 08 Mai 2022 19:37 
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Jean Froissart
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[… Dans un passé lointain, le paysan russe (moujik) pouvait se considérer comme un homme libre

il n'y avait dans le pays qu'un nombre rapidement décroissant de véritables esclaves (kholop), descendants de prisonniers de guerre ou de races soumises et employés surtout comme artisans ou domestiques. C'est en homme parfaitement libre et indépendant que le paysan russe avait défriché, la hache à la main, l'immense territoire des rives du Dniepr jusqu'au-delà de l'Oural

C'est seulement vers le milieu du Xve que des changements interviennent : recours accentués à la corvée, imposition de redevances en monnaie, entraves aux déplacements.

Avec la concentration des fiefs sous l'autorité de Moscou, les restrictions deviennent sévères...

Les grandes émigrations vers les steppes méridionales, le dépeuplement des régions centrales … imposent de nouvelles mesures. … Sous B. Goudounov, la loi de 1597 réglemente le droit de départ, jusqu'alors privilège essentiel des paysans … Animé d'un esprit niveleur, il (Pierre Ier "le Grand") abolit lors d'un recensement la vieille distinction entre les esclaves en droit (kholop) et les paysans asservis à la glèbe. Indifférent aux finesses juridiques … il ne voit dans les uns comme dans les autres que des éléments où il puisera ses contingents de recrue et les revenus de son trésor.

L'imposition patriarcale par "feu" cad par maison paysanne est remplacée par une nouvelle unité de perception "l'âme masculine" … sous le règne de Pierre III, en 1762 la "charte des libertés" de la noblesse libère cette classe privilégiée de son obligation de servir l'Etat (ce qui était la justification du servage : je veille à l'intégrité du territoire, à l'administration et le paysan doit assurer la subsistance... Le nbre de serfs augmente avec les donations aux dignitaires et favoris.

Entre 1740 et 1801, les distributions de serfs mâles ont atteint le chiffre de 1 300 000 (dont 800 000 sous Catherine II).]

Il existe diverses catégories de serfs, trois pour l'essentiel : les serfs domestiques, les hommes soumis à la taille, les hommes astreints à la corvée...
" … les extravagances du luxe, les caprices de la mode, tout cela est la cause que le nombre des esclaves personnels a passé toute mesure... un propriétaire vivant dans ses terres a, chez lui, non seulement ses tailleurs et ses cordonniers mais aussi des peintres, des chantres de chapelle, des orchestres et même des troupes d'acteurs et des corps de ballet..." Tourgueviev
Le prince de Ligne :
"Je vois des Russes à qui l'on ordonne : soyez matelots, chasseurs, musiciens, ingénieurs, peintres, comédiens et qui deviennent tout cela selon la volonté de leurs maitres..."
Certains parviennent à se faire émanciper.

A l'opposé de cette minorité de serfs "domestiques" se trouve un majorité écrasante de paysans dont les seigneurs perçoivent une rente foncière de caractère "féodal" sous forme de corvées ou de redevances … les corvéables sont particulièrement nombreux dans les régions fertiles … ils travaillent trois jours par semaine pour le seigneur, versent des redevances en nature … L'étendue de leur lopin et l'importance de leur cheptel varient selon les régions ; d'après les données statistiques dont on dispose, une  âme  recensée possède en moyenne dans les régions boisées du Nord de 6 à 9 déciatines, dans les provinces centrales de 2,8 à 3,7 déciatines … en Ukraine, ce chiffre tombe dans le gvt de Poltaya jusqu'à 2 déciatines

Quant aux hommes soumis au seul versement de la redevance (obrok), ils sont incontestablement au-dessus des autres.
" … cet obrok est fixé à tant par âme ou ménage (tiaglo). Mais cette base de l'impôt n'est souvent que fictive. En réalité, les paysans sont taxés en raison de la quantité de terrain qu'ils cultivent. Cet état de chose amène nécessairement de fréquentes mutations dans la répartition des lots de terre et il en résulte des inconvénients graves. … le paysan n'étant pas sûr de conserver longtemps le lot qui lui est départi, ne fait pas de sacrifices pour l'améliorer... d'ordinaire, les paysans soumis à l'obrok ne vivent guère chez eux, n'ayant que peu de terrain … ils laissent à la maison quelqu'un de leur famille et s'en vont exercer ailleurs … revenant dans leur foyer pour y passer l'hiver (les maçons et la plus grande partie des charpentiers travaillant à Moscou et St Petersbourg arrivent des gouvernements de Yaroslav et de Wladimir ; le district de Rostov fournit les jardiniers ou maraîchers à l'Empire..." N. Tourgueniev (le publiciste pas le romancier).

Vous avez les serfs enrichis qui, parfois, prêtent de l'argent à leur seigneur (le prince Belosselki empruntera du jour au lendemain 60 000 roubles qu'il a perdu au jeu ; dans des quartiers marchands à Moscou et St Petersbourg, des maisons et des rues entières appartiennent à des serfs ; la plus grande fabrique de chapeaux de Moscou appartient à un serf de Cheremetiev dont la fortune est évaluée à 5 millions de roubles etc.) : c'est une minorité bien évidemment.

Vous avez ceci, de 5'50 à 15'03 ou 17'07.
https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-lhistoire/le-travail-contre-la-liberte-24-le-servage-et-son-abolition-la-russie-entre-deux-mondes-0
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Message Publié : 12 Mai 2022 0:03 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 23 Mars 2005 10:34
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Localisation : Nanterre
Merci beaucoup de cet intéressant document.
Quand on fait le parallèle avec la situation en Europe de l'ouest au milieu du Moyen Âge, il est passionnant de comparer les différences de contextes qui ont pu mener à des évolutions différentes, mais sans oublier que des facteurs culturels ou même de politique conjoncturelle ont pu jouer. En bref, il est possible que le servage se soit développé parce que la "puissance pauvre" qu'est la Russie a toujours assis sa grandeur en pressurant sa population.

En fait de contexte, deux différences sautent aux yeux. D'une part, la terre russe n'est certainement pas aussi riche que les plaines de Beauce. L'Ukraine et son tchernozium ne sont même pas dans le territoire. Les propriétaires terriens éraient donc certainement moins intéressés par la croissance des rendements avec des paysans qualifiés et équipés que par l'accroissement des surfaces en augmentant le nombre de paysans. D'autre part, l'immensité de la terre fait que les paysans sont toujours tentés de se déplacer pour voir ailleurs si l'herbe est plus verte. D'où la volonté de l'aristocratie de les retenir. La seule échappatoire était effectivement les communautés Cosaque des confins, comme celle des rives du Don : " Le Don ne connaît pas l'extradition !".

La mention de Pierre le Grand est édifiante : en unifiant les statuts d'esclave et de serfs, il assure une main d'œuvre pour son programme de grands travaux, à commencer par la construction de Saint-Petersbourg, avec un taux de perte de 40%.Avait-il constaté qu'à l'ouest, les serfs étant uniquement attachés à la terre, ils n'étaient pas utilisables pour les grands travaux, ce qui fait que le monde médiéval occidental avait dû construire ses châteaux forts et ses cathédrales en pénurie constante de main d'œuvre ?
(En pratique, cela avait mené à la recherche d'autres énergies et aux premières machines en bois qui font parler de la révolution industrielle du Moyen Âge)

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Message Publié : 21 Juin 2022 0:35 
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Jean Froissart
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Inscription : 13 Juin 2017 15:04
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Autre source.

[… sous le règne de Fiodor (fils d'Ivan IV Vassilievich), ou plus exactement du régent Godounov, on achève de fixer les paysans à la terre par l'instauration du servage. Le Code paysan (Oulojénié), qui paraîtra en 1607 … indiquera qu' "au temps du tsar Ioann Vassilievitch (Ivan IV), les paysans bénéficiaient du droit au libre départ mais que le tsar Fiodor Ioannovitch, sur l'injonction de Boris Godounov … interdit ce départ et fixa par écrit le nombre de paysans dont chacun disposait".
Le "libre départ" dont chacun disposait était autorisé par les Soudiebniks (Codes des lois) de 1497 et 1550 : une fois par an … le 26 novembre, … à l'occasion de la Saint-Georges, les paysans pouvaient passer chez un autre propriétaire après avoir rendu leur compte de la récolte passée.
Ce droit s'était vu … limité sous Ivan le Terrible, pour faire obstacle aux riches boïars qui, payant ce que les paysans devaient à leur maître, les attiraient chez eux.

Après la mort d'Ivan, on instaure les "années d'interdiction", durant lesquelles tout mouvement est impossible.
...
Les historiens russes n'ont pas réussi à trouver dans les archives une quelconque loi interdisant les pratiques de la Saint-Georges. L'asservissement s'effectue progressivement. Les cadastres mentionnés dans le Code -et établis à la suite du recensement des terres effectué dans les années 1580 et au début des années 1590- servent de fondement juridique au servage.
La nouvelle situation est régie par une série d'oukazes. Malgré la durée de son accomplissement, le processus d'asservissement des paysans est une surprise.]

- "Histoire de la Russie et de son empire" - M. Heller – Plon 1997
*

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Message Publié : 24 Juin 2022 17:13 
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Jean Froissart
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Inscription : 13 Juin 2017 15:04
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Nebuchadnezar a écrit :
En bref, il est possible que le servage se soit développé parce que la "puissance pauvre" qu'est la Russie a toujours assis sa grandeur en pressurant sa population.

Avec un petit peu de recul, je n'adhère pas à cette vision ou à l'expression mais peut-être ai-je mal compris.
Je lis ceci comme une analyse a posteriori et un peu imprégnée par nos valeurs occidentales projetées dans l'histoire du moment.
Ce qui me gêne est que l'imprégnation semble colorée d'un débordement idéologique (assez prégnant chez Heller d'ailleurs).
Je suis totalement d'accord avec la mention "...mais sans oublier que des facteurs culturels ou même de politique conjoncturelle ont pu jouer.".
Citer :
D'autre part, l'immensité de la terre fait que les paysans sont toujours tentés de se déplacer pour voir ailleurs si l'herbe est plus verte. D'où la volonté de l'aristocratie de les retenir.

L'Ukraine n'existant pas comme on la connait de nos jours, les premiers serfs à se fixer sur ces "marches" sont des serfs polono-lituaniens, rejoints ensuite par des hommes qui pour diverses raisons -dont le servage mais tout autant la politique d'Ivan IV avec l'opritchnina- fuient. Donc des hommes encore libres et appartenant à plusieurs franges de la société russe ayant pour certains fait ce choix par ambition, goût de l'aventure, refus d'une politique autocratique etc.
Voir dans les Cosaques uniquement des fuyards du servage est un peu aventureux.
Citer :
La seule échappatoire était effectivement les communautés Cosaque des confins, comme celle des rives du Don

Au cours du temps et avec l'inclusion de divers paramètres, cette sorte de réserve (plus "mercenaire" que paysanne) sera reconnue (Hetmanat) et se tournera -lors d'une opposition qui dégénère en conflit russo-polonais- vers un protectorat russe (choix sera fait pour deux options : pro-"Pologne" ou pro"Russie").
L'hetmanat pro-russe disparaitra sous Catherine II, les hommes étant -depuis Pierre Ier et sa réforme de l'armée- petit à petit intégrés dans l'armée russe avec l'avantageuse "table des rangs".
Cependant, il faut compter avec cette sorte d'Etat dans les Etats : tant la Pologne/Lituanie que le grand duché de Moscovie puis les Russies. C'est là, essentiellement que l'on trouve des réserves promptes à l'enflammement et s'abouchant avec différents pouvoirs, ceci en gardant une liberté "mercenaire".
Citer :
La mention de Pierre le Grand est édifiante : en unifiant les statuts d'esclave et de serfs ...,

Avec Pierre Ier les règles vont être fixées jusqu'à la fin du XIXème.
Même si ce souverain refuse par des Oukazes que les serfs soient vendus "comme du bétail", "à la tête" (on sépare les familles) : ces pieux édits n'auront pour ainsi dire aucun écho.

Les réformes sur une aussi vaste superficie sont faites par à-coup(s?) assez violents. L'absence de réformes l'est tout autant. Le gros handicap : affronter les possédants qui sont -bien souvent- les piliers d'un choix fait d'un régime autocrate. Il faut avoir en tête que la place est loin d'être sûre, l'Histoire en est la preuve et le souverain, baigné par cette histoire, forte de multiples révoltes paysannes où le levain reste la désaffection d'une frange des familles les plus anciennes peut hésiter devant un paradoxe incroyable : la masse endure et -au cours de son histoire- confrontée à divers troubles recherchera toujours la main (la représentation) la plus sûre/dure (?).
Le "Temps des troubles" a crée une telle angoisse que Pierre Ier et ses violentes réformes passeront. Il faut avoir en tête que les Russes voyaient en Ivan IV un "bon" tsar.
*-*

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Jean Froissart
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Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
.
Je mets tout de même ce lien que j'ai trouvé intéressant pour ce sujet.
https://www.academia.edu/8154125
"La naissance du servage russe. Un survol de l'historiographie contemporaine." (Igor Filippov)
*

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