@Narduccio
Les émigrants sont venus de tout l'espace germanique (Pays-Bas et Flandres inclus, Alsace et Lorraine germaniques incluses, naturellement ; il me semble qu'il y a même eu quelques francophones), selon un axe essentiellement ouest/est, ce qui fait que les dialectes allemands de tout l'espace colonisé situé hors de l'Allemagne actuelle correspondent aux dialectes qui sont à leur ouest : en Prusse Orientale, on parle bas-allemand sauf à un endroit du Sud où l'on parle moyen-allemand, en Silésie, en Bohème du Nord et en Roumanie on parle moyen-allemand, en Bohème du sud et dans les actuelles Hongrie et Voïvodine on parle haut allemand. Les émigrants des Pays-Bas et de Flandres semblent avoir été particulièrement nombreux, et excellaient dans la construction de digues et l'assèchement de marais maritimes ; ils ont donné son nom (le "Fläming") à une région située à cheval sur les actuels Brandebourg et Saxe-Anhalt.
Je ne sais pas transmettre les cartes, mais dans
Deutsche Dialekte, wiki, vous trouvez des cartes très suggestives, surtout la première des cartes du chapitre Vertreibungsgebiete, qui est particulièrement claire.
Cela dit, voyez aussi cette carte, de l'expansion "bauerliche", c'est à dire paysanne :
http://www.schoenhengstgau.de/Geschicht ... Ostsgr.htm, (les rayures grises signalent la forte présence non-Allemands, vous en voyez notamment dans une partie de la Prusse Orientale).
Survol de toute l'Europe, très claire :
http://www.ostdeutsches-forum.net/Gesch ... e.htm#1937. Vous noterez combien nombre de ces territoires peuplés d'Allemands n'ont jamais été sous domination politique allemande.
En Russie :
http://www.kfi.nrw.de/Aufgaben/Integrat ... 2-2005.pdf. Ces paysans allemands de Russie étaient libres (et non serfs), et dégagés de toute obligation militaire (sous les tsars, durée du service militaire (il est vrai, non universel) : vingt-cinq ans...).
Comme texte en français, très peu développé mais quand même mieux que rien, vous avez :
http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/_drang_ ... entale.asp.
L'argument qui suscitait votre incrédulité était, je crois : si les gens avaient émigré, l'espace d'où ils seraient partis se serait vidé, donc ils n'ont pas émigré.
Mais la faculté de récupération d'une population de l'Europe traditionnelle est bien connue : après une épidémie, après une famine, par rapport à la situation habituelle les jeunes se mariaient plus tôt, les veufs se remariaient plus souvent, moins de gens restaient célibataires, moins de gens essayaient d'éviter d'avoir des enfants, les enfants survivaient davantage, et en peu de temps la population retrouvait son niveau antérieur. Et bien, dans un territoire qui était un territoire d'émigration, ça devait être un peu pareil, et la population ne baissait pas, ou bien baissait très peu avec une récupération rapide. Par ailleurs, dans les territoires colonisés, les terres étaient abondantes (si vous défrichez une forêt il y a de la place après... ; après les guerres avec les Turcs, il y avait des espaces, en Hongrie, où il ne restait plus grand monde...), donc la population limitait peu ses naissances et croissait rapidement (je ne vérifie pas, mais, de mémoire, les Allemands de la Volga sont passés de moins de cent mille à trois millions de Catherine II à Lénine alors que la population d'Allemagne n'a pas augmenté à ce rythme, comme les Québécois sont passés de 60 000 à six millions (et même neuf millions si l'on compte ceux qui se sont dissous dans la population anglophone, par exemple la famille de Jackie Kennedy (née Bouvier)).
Cela dit, évidemment, une des conditions de l'émigration est que le territoire de départ soit densément peuplé, et la Peste Noire a porté un coup au mouvement d"émigration... Peu s'en vont quand il y a moins d'hommes sur le même espace cultivable.
Je suppose que l'émigration devait concerner surtout les jeunes, et, parmi les jeunes, les non-héritiers (au Nord-Est de la ligne Aix-la-Chapelle/Bonn/Marburg/Erfurt, le partage des biens n'était pas égal), cela dit je ne me souviens plus si je l'ai lu ou seulement supposé. Je ne sais plus comment les émigrants voyageaient - plutôt isolés ou plutôt en groupes ? - ni s'ils avaient une destination précise ou si c'est dans la région de destination qu'ils cherchaient l'endroit précis où s'établir - évidemment cela a dû varier selon les lieux et les époques. Y avait-il des recruteurs issus des territoires de destination ? Les Allemands de la Volga, je me souviens que le voyage se faisait collectivement, en liaison avec l'Etat russe (mais c'est la dernière des émigrations, au XVIIIème siècle).
En ce qui concerne l'émigration alsacienne, je ne vérifie pas maintenant mais je me souviens que le Straßburg de Russie (débaptisé sous Staline...) tire son nom de la capitale de l'Alsace, je ne sais pas pour les autres à l'Est (il y en avait un en Poméranie, un en Prusse Orientale et un en Siebenbürgen/Transylvanie, tous trois des territoires de colonisation).