La fonction rechercher de ce forum ne m'ayant rien donné à l'occurrence "siège de Namur en 1692", en voici le récit d'Anne Blanchard dans son Vauban aux éditions Fayard (pp. 316-318) :
" Namur, bâtie au confluent de la Meuse et de la Sambre, est à cette date l’une des villes frontières des Pays-Bas espagnols de véritable enjeu stratégique. La posséder permet de verrouiller ou d’ouvrir vers l’amont les dangereuses trouées des deux rivières qui s’y rencontrent, mais aussi de couvrir la région de l’Entre-Sambre-et-Meuse, conduisant directement à la trouée de l’Oise. La ville, très ancienne, est en partie agglutinée au pied de l’éperon rocheux du Champeau, qui domine la confluence et où se dresse le vieux château. L’agglomération s’est avant tout développée sur la rive gauche de la Sambre, dans une vaste plaine ; un quartier beaucoup plus modeste s’est aussi créé sur la rive droite de la Meuse. On comprend mieux pourquoi le périmètre des murailles des XVe et XVIe siècles, englobant le tout, fut démesuré. Or, vers 1640, une enveloppe à la moderne, avec bastions et courtines, fut élevée à l’extérieur de cette première enceinte, accroissant encore la taille de l’ensemble. La citadelle qui domine la ville fut alors également agrandie et complétée par un ouvrage important, la Terra Nova. Après la paix de Nimègue, les Espagnols, qui à l’instar des Français perfectionnent leurs forteresses, concentrent une grande partie de leurs efforts sur cette place qui « commande à la fois le fleuve et la trouée de l’Oise ». Ils construisent des retranchements sur le plateau de la confluence. Mieux, les Hollandais y financent un ouvrage à cornes redoutable, appelé suivant les cas fort d’Orange ou Guillaume en l’honneur de Guillaume II, parfois aussi fort Cohorn, du nom de l’ingénieur hollandais qui vient de le construire et qui le défendra lors des attaques françaises. D’autres ouvrages complètent encore cet ensemble impressionnant. C’est dire que l’attaque d’une telle ville n’a rien d’une plaisanterie.
Mené avec un art consommé, le siège a d’autant plus d’éclat que, placé sous le haut commandement du roi, il oppose deux célèbres ingénieurs, Vauban le Français et Cohorn le Hollandais. Il oppose aussi des forces considérables. Plus de 8 000 alliés (infanterie allemande, espagnole, hollandaise, artillerie anglaise) d’un côté, et de l’autre 53 bataillons d’infanterie, 148 escadrons de cavalerie, 2 bataillons de fusiliers, autant de bombardiers, 1 compagnie de mineurs et 60 ingénieurs, sans oublier la masse des travailleurs. Plusieurs relations ont été faites, dont le journal rédigé par Vauban lui-même, mais aussi, entre autres, celles du chevalier de Quincy, du marquis de Sourches, sans oublier celle de l’historiographe du roi, Jean Racine. Celui-ci souligne la part active prise par le roi, qui garde auprès de lui pour l’aguerrir le petit comte de Toulouse. Il s’émerveille de la magnifique revue préparatoire au siège faite au son « des tambours, des trompettes et des timbales », et qui réunit « six vingt mille hommes ensemble sur quatre lignes ». Tout une série de hauts faits jalonne ces dures journées.
L’écrivain est particulièrement enthousiaste sur Vauban : « M. de Vauban, avec son canon et ses bombes, a fait lui seul toute l’expédition. Il a trouvé des hauteurs au-deçà et au-delà de la Meuse, où il a placé ses batteries » ; emportant très rapidement le chemin couvert de la ville, faisant combler un fossé en un temps record, poussant les attaques contre les demi-lunes et les bastions avec tant de maestria que Namur, en dépit du courage de ses bourgeois, capitule dès le 5 juin. L’armée se porte alors dans l’Entre-Sambre-et-Meuse pour forcer les divers ouvrages défensifs de la citadelle. Le 15 juin Racine écrit : « Comme le retranchement qu’on attaquait avait un fort grand front, il fit mettre sur notre tranchée des espèces de jalons, vis-à-vis de lesquels chaque corps devait attaquer et se loger, pour éviter la confusion , et la chose réussit à merveille. » Défendu par Cohorn, le fort Guillaume se rend le 23 juin après quinze jours de tranchée ouverte, et Terra Nova le 29. La rencontre des deux ingénieurs, l’attaquant et l’attaqué, le vainqueur et le vaincu, est pleine de considération réciproque. Dans une lettre écrite à la fin du siège, Racine résume ses impressions : « Notre tranchée est quelque chose de prodigieux, embrassant à la fois plusieurs montagnes et plusieurs vallées, avec une infinité de tours et détours, presque autant qu’il n’y a de rues à Paris. » Il insiste sur les terribles effets de l’artillerie : « Quand je vous dirai que notre artillerie leur a tué, en deux jours, douze cents hommes. Imaginez trois batteries qui se croisent et qui tirent continuellement sur de pauvres gens qui ne peuvent trouver un coin où ils soient en sûreté. » On ne saurait non plus passer sous silence les recommandations qu’a faites le commissaire général aux soldats avant une attaque, témoignant du souci qu’il a eu d’éviter de trop grosses pertes : « Mes enfants, on ne vous défend pas de poursuivre les ennemis quand ils s’enfuient ; mais je ne veux pas vous faire échiner mal à propos sur la contrescarpe de leurs autres ouvrages. Je retiens donc à mes côtés cinq tambours pour vous rappeler quand il sera temps. Dès que vous les entendrez, ne manquez pas de revenir chacun à vos postes. » Le commissaire général limite ainsi autant qu’il se peut la trop grande précipitation française et les pertes en hommes. Néanmoins, d’après ses propres calculs, les morts du côté français atteignent 1 100 hommes, dont 9 ingénieurs, et les blessés 1 600, dont 16 ingénieurs ; du côté ennemi, 3 650 ont été mis à mal, morts et blessés confondus. "
Voilà ce qui m'a poussé à penser que Namur est l'une des plus brillantes victoires de Vauban, par la portée stratégique. Mais les Impériaux reprirent la ville à la fin de la guerre de la Ligue d'Augsbourg.
_________________ "L'Angleterre attend que chaque homme fasse son devoir" (message de l'amiral Nelson à Trafalgar)
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