Duc de Raguse a écrit :
J'accepte vos critiques mon cher Karolus
- d'ailleurs pourquoi autant de titulatures aussi révérencieuses ? :roll:
Je précise alors ma pensée, mais je ne pensais pas devoir le faire...
Si on lit avec attention la doctrine de Marx, mère de tous les socialismes d'après 1863, on peut biensûr observer que ce n'est que l'étape socialiste - le pouvoir confisqué par le prolétariat - qui a été franchie par les pays cités ci-dessus.
Mais alors, déjà ce stade est faux par rapport à la théorie : ceux qui ont confisqué le pouvoir en Russie - et ailleurs - sont pour la plupart issus de la bourgeoisie, non du monde ouvrier...
Il en va de même pour la théorie de la prise du pouvoir : Marx pensait que la révolution n'arriverait que dans un pays composé presque majoritairement d'ouvriers, ce qui n'est absolument pas le cas de la Russie en 1917 ( encore au moins près de 80% de
moujiks ).
Ses préférences allaient d'ailleurs à l'Allemagne ou à la France.
De plus, Marx souhaitait que cela soit la spontanéité populaire qui conduise ses "conducteurs" à prendre le pouvoir. En février 1917, on observe une spontanéité dans les grèves d'ouvriers et de soldats et la formation des conseils - ou
soviets. Mais, en octobre 1917, il n'y a rien de tout cela. C'est une poignée de révolutionnaires armés qui prend le pouvoir au nom du peuple et des
soviets, dans lesquels ils ne sont même pas majoritaires ( à peine 20%). Ne parlons même pas de l'Assemblée constituante de novembre 1918 - disssoute en janvier 1919 par les bolcheviks - où les partisans de Lénine n'avaient même pas la majorité relative, loin de là !!!
Alors, dès le départ, il y a eu des erreurs par rapport à la doctrine.
Le communisme est le stade d'une société sans classes, sans monnaie, sans Etat, le mythe d'une société de "bons sauvages" à la Rousseau, peuplée d'hommes bons pratiquant le troc et surtout plus la guerre puisque tout le monde étant l'égal de l'autre.
Nulle part dans le monde on ne l'a observée, c'est vrai, mais pensez-vous Karolus qu'elle aurait été possible concrètement puisque même l'étape intermédiaire - qui était sensée la provoquer - a échoué ?
Je ne juge pas le communisme avec des préjugés Karolus, mais avec des constats simples et clairs. La société soviétique a été pressurisée, saignée à blanc, à un tel point pour obtenir cet idéal forcé, on a massacré et déporté tant de paysans pour qu'ils participent à cet idéal de partage que vous comprendrez que je doute un peu... :roll:
Cela n'a rien à voir avec la dictature de Staline, il a déposé fidèlement les thèses de Lénine et a dû composé avec la situation héritée...
D'ailleurs à cette époque les communistes du monde entier ne se posaient pas autant de questions que vous sur la doctrine et la fidélité au dogme et suivaient son exemple aveuglément en venant chercher les ordres au
Komintern !!!
duc de Raguse.
P.S. : les bolchéviques n'ont pas eu besoin de l'intervention des étrangers pour la guerre civile débute...
Dans n'importe quel pays civilisé mettre la propriété privée et la liberté - surtout celle-ci ! - hors-la-loi provoque cela ! Ce sont les Socialistes Révolutionnaires, les mencheviks, les nobles, les simples paysans qui ont refusé ce régime de sauvagerie tournant le dos à la dignité humaine au nom même de celle-ci ! :evil:
Lorsque les bolcheviks prennent le pouvoir en octobre 1917, globalement, ils bénéficient du soutien de la population, notamment dans les villes, les campagnes, majoritaires étant plutôt SR. D'ailleurs, la prise de pouvoir des bolcheviks se fait quasiment en douceur, ne provoquant nullement une guerre civile. Cet état de fait n'est évidemment pas du au soutien idéologique des masses urbaines russes, mais par le slogan opportuniste de
Lénine,
"la Terre et la paix immédiate" (
les thèses d'Avril), ralliant les soldats au mouvement bolchevik. N'oublions pas que ce qui a totalement miné le gouvernement de
Kerenski, c'est le désir de ce dernier de poursuivre la guerre contre l'
Allemagne, alors que l'armée russe, avec le
prikaz n°1 de mars 1917 (
création des conseils de soldats dans chaque compagnie), était en pleine décomposition.
L'élection de l'Assemblée Constituante, à l'automne 1917, à majorité SR, et sa dissolution le 5 janvier 1918 et non pas 1919, par les bolcheviks, n'amène pas non plus une résistance contre le pouvoir soviétique, et dès avril 1918,
Lénine dira que la guerre civile, qui n'a jamais vraiment commencé, à part dans le
Don, avec la petite armée des Volontaires, est finie.
L'absence de résistance traduit la faiblesse de l'opposition de droite, qui était coupée de la population paysanne, comme le verra l'échec de l'action de l'armée des Volontaires, dans le Don, début 1918, et une masse paysanne qui se contente de faire ses affaires, quasi en autarcie par rapport au pouvoir central des villes.
La guerre civile va être relancée par
Lénine, tout simplement car les villes ne sont plus ravitaillées par les campagnes, que la famine guette la population citadine, ce qui saperait le pouvoir bolchevik. D'où la guerre déjà lancée contre les "koulaks" dès juin 1918, avec la création des
Kombedy, ou
Comités de paysans pauvres et des brigades de choc pour aller trouver les surplus de blé dans les campagnes. Et les bolcheviks vont alors se trouver devant des millions de petits propriétaires terriens qui avaient bénéficié du partage des terres dès février 1917, processus acté par le slogan léniniste "
la terre aux paysans".
On peut donc voir l'histoire de la révolution bolchevik comme une opposition entre la minorité léniniste, citadine et ouvrière, et la masse silencieuse de la paysannerie russe, rétive à tout interventionnisme du centre et à la collectivisation des terres. L'échec de la première collectivisation léniniste que
Lénine reconnaîtra en lançant la NEP en mars 1921, relancera le processus de la "terre aux paysans" qui menacera, implicitement, le pouvoir soviétique, et qui entraîna la grande collectivisation stalinienne,
Staline voulant mettre au pas cette paysannerie fermée à l'ordre socialiste. Elle sera aussi un échec.
En fait, toute la problématique de la révolution bolchevik avait bien été prédite par
Kautsky, qui affirmait qu'une révolution socialiste dans un pays arriéré ne pouvait que mal se terminer et que le léninisme ne pouvait qu'aboutir à une dictature sanglante.