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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 06 Fév 2013 19:38 
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Jules Michelet
Jules Michelet
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Inscription : 29 Déc 2003 23:28
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... surtout qu'il n'y avait pas à proprement parler de religion "égyptienne". Il y avait des croyances et pratiques religieuses, qui pouvaient être adoptées par leurs voisins sans trop bousculer leur propre univers religieux. Les divinités égyptiennes ont pu être vénérées au Levant (en fait surtout dans les garnisons égyptiennes), mais à vrai dire c'est plus dans l'autre sens que les emprunts de divinités ont été notables.

En tout cas il est évident que l'idée de situer l'Exode sous le règne de Ramsès II n'a plus vraiment court chez les antiquisants, même si on la retrouve encore dans certains ouvrages, en fait surtout des rééditions de vieux ouvrages. A ma connaissance il n'y a guère plus que Kitchen qui appuie cette théorie avec des exemples de l'époque, mais il n'a pas vraiment d'écho dans le champ de l'histoire biblique. En l'état actuel des connaissances un Exode tel qu'il a été décrit dans la Bible n'est pas crédible, il a été mis en avant le fait que les lieux cités dans les récits de la Torah relatifs à l'Exode et la Conquête correspondaient plus à la géographie de la fin de l'âge du fer (époque de rédaction de ces textes) et non pas à la fin de l'âge du bronze (donc l'époque de Ramsès II). D'ailleurs si c'est Finkelstein qui a popularisé cette analyse en France, il faut rappeler qu'il n'en est pas forcément le plus important artisan (on peut notamment citer Redford et Dever). Il n'y a plus grand monde non plus dans le milieu de la recherche scientifique pour soutenir que l'Exode biblique soit la version exagérée d'une fuite depuis l’Égypte d'un groupe de personnes mené par un leader charismatique qui serait à l'origine du récit ; en fait rien n'indique que le récit de l'Exode (même sous une version orale antérieure) soit particulièrement ancien parmi les traditions bibliques.


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 06 Fév 2013 22:18 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 27 Jan 2013 18:47
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Bonjour Alain.g

Vous dites au sujet de ma remarque concernant la stèle de Méneptah : « Votre " il semblerait désigner plus une région qu'un peuple " n'est pas un argument recevable pour nier l'existence d Israël au temps de Moïse. C'est trop facile de tuer ainsi une preuve archéologique. Avez vous déjà vu un "pays" qui a une semence détruite »

D’abord vous avez qcq peu tronqué ma phrase puisque je termine par … « pour couper la poire en deux on peut parler d’une tribu non sédentaire » … c’est ce que je voulais souligner en comparant la région « Israël » avec celle de « Canaan » à cette époque (soit vers 1210 av JC).

Donc sans « tuer une preuve archéologique » encore faudrait’il ne pas lui faire dire plus qu’elle n’en dit.

Quoi qu’il en soit … ce que je voudrais signaler entre d’une part Israël (Royaume du Nord) ou pré-exilique (à Babylone) et Israël biblique (post-exilique) c’est que :
1) L'Israël que suppose l'AT (post-exilique) est une société juive (au sens issue de Juda/Judéen),

2) L'Israël pré-exilique n'était pas une société juive … à la rigueur se serait des proto-juifs,

3) L'AT, ni en partie ni en totalité, ne peut être compris sans son fondement dans la société juive,

4) L'Israël de l'AT (post-exilique) ne peut pas avoir vu le jour avant la dernière phase de la période Perse ou la première phase de la période hellénistique,

5) L'idée "d'Israël" dans l'AT est fondamentalement la même que celle que l'on retrouve dans les rouleaux de la mer Morte.

Concernant les Apiru (Hapiru, Habiru) :

L’équation Hapiru=Hébreux ne fait, loin de là, pas consensus !!!

Dans sa première définition ce terme qui se trouve, sous différente appellation, dans pratiquement tout le proche et moyen Orient (‘prm en Ugarit, ‘aperu en Egypte notamment) … désigne des individus qui sont caractérisés par une situation sociale particulière.

L’idée que les Hapiru ne soient autre que les Hébreux … via Hapiru=’ibrîm (hébreux) … ne colle pas tout à fait à la réalité car :

a) les Hapiru ne forment pas (ou qu’ils soient) des groupes ethniquement homogènes … ils sont mercenaires (à Larsa, Anatolie, à Ugarit etc) ; ouvriers de carrières ou vendangeurs (en Egypte) … se sont en gros des « déracinés » qui n’ont en commun que leur détresse matérielle et donc leur condition de dépendance,

b) ils ne sont nul part animés d’un qcqconque idéal national voire politique … ils combattent indifféremment pour (ou contre) l’Egypte.

D’autre part le comportement de ces Hapiru, par exemple en Canaan, est tt à fait différent de la tradition que l’on prêtre (via la Bible) aux Hébreux … les Hapiru vivent en symbiose avec la population locale … lorsqu’ils attaquent une ville ils la pillent, la brûlent … tandis que Josué garde intact les localités conquises.

A la « limite » … dans l’AT le terme Hébreu sert en qcqsorte (comme je l’ai signalé) à introduire pour le narrateur la distinction entre les proto-israélites et les autres groupes communautaires … il se pourrait donc qu’il représente une forme évolué à partir d’un Hapiru originel (pris au sens d’étranger sans biens ni droits dans le pays ou il séjourne) … plus tard, dans le temps, quand on a oublié la signification primitive on imagina un ancêtre éponyme ‘Eber pour expliquer le lien existant entre les Israélites et leurs congénères d’Edom, Moab, Ammon etc etc

Mais cette généalogie est un peu factice car contrairement à la logique qu’elle devrait impliquer … il ressort que seul les Israélites furent historiquement parlant les seuls à être désignés par le terme d’Hébreux.


Cordialement, Epsilon


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 07 Fév 2013 11:36 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Dès lors que Finkelstein était cité à l'appui d'une thèse, j'ai voulu montrer qu' il était nuancé et ne niait pas l'ancienneté du peuple juif, pas plus que l'existence de David et Salomon, tout en l'avançant dans le temps, de 200 ans environ.
Ce qui me parait excessif, c'est de profiter du débat sur l'existence de Moïse pour reculer l'existence du peuple juif en jouant sur les termes, ce que Finkelstein et le co-auteur ne font absolument pas.
Je m'en tiens à cet auteur et ne croit pas qu'on puisse faire disparaitre Israel comme peuple jusqu' aux Perses voire à la période hellénistique, ainsi que vous le faites dans votre:
" 4) L'Israël de l'AT (post-exilique) ne peut pas avoir vu le jour avant la dernière phase de la période Perse ou la première phase de la période hellénistique, "
Est également douteuse l'affirmation que :
" 5) L'idée "d'Israël" dans l'AT est fondamentalement la même que celle que l'on retrouve dans les rouleaux de la mer Morte. " Bizarre affirmation !
Pour les Hapirous, le fait qu'il y ait débat ne suffit pas pour dénier une présence hébreux très ancienne en Egypte, qui est plausible en raison de la proximité géographique des deux peuples. Finkelstein est crédible autant qu'un autre chercheur à cet égard.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 07 Fév 2013 12:09 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 27 Jan 2013 18:47
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Alain.g a écrit :
pas plus que l'existence de David et Salomon, tout en l'avançant dans le temps, de 200 ans environ.

Bon il y a 34 page de référence sur David dans le livre de Finkelstein ... d’où tenait vous cette affirmation concernant David/Salomon : « en l'avançant dans le temps, de 200 ans environ » ???

Je ferais remarquer que j’admets l’existence de David … mais quand bien même il y ait un chef/roitelet répondant à une « certaine époque » du nom de David … l’important n’est pas tellement dans le nom mais bien dans les faits/gestes qui lui sont rapportés/attribués !!!

Alain.g a écrit :
Je m'en tiens à cet auteur

Libre à vous ...

Alain.g a écrit :
et ne croit pas qu'on puisse faire disparaitre Israel comme peuple jusqu' aux Perses voire à la période hellénistique

Tout dépend de votre définition du mot/nom « Israël » ???

Alain.g a écrit :
pour dénier une présence hébreux très ancienne en Egypte

Je n’ai, relisez moi, jamais, au contraire, remis en cause la présence d’hébreux en Egypte !!!


Cordialement, Epsilon


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 07 Fév 2013 21:12 
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Jules Michelet
Jules Michelet
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Inscription : 15 Mai 2005 12:40
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Epsilon a écrit :
Concernant les Apiru (Hapiru, Habiru) :
L’équation Hapiru=Hébreux ne fait, loin de là, pas consensus !!!

Nous sommes d'accord.

Epsilon a écrit :
L’idée que les Hapiru ne soient autre que les Hébreux … via Hapiru=’ibrîm (hébreux) … ne colle pas tout à fait à la réalité car :

a) les Hapiru ne forment pas (ou qu’ils soient) des groupes ethniquement homogènes … ils sont mercenaires (à Larsa, Anatolie, à Ugarit etc) ; ouvriers de carrières ou vendangeurs (en Egypte) … se sont en gros des « déracinés » qui n’ont en commun que leur détresse matérielle et donc leur condition de dépendance,
b) ils ne sont nul part animés d’un qcqconque idéal national voire politique … ils combattent indifféremment pour (ou contre) l’Egypte.

D’autre part le comportement de ces Hapiru, par exemple en Canaan, est tt à fait différent de la tradition que l’on prêtre (via la Bible) aux Hébreux … les Hapiru vivent en symbiose avec la population locale … lorsqu’ils attaquent une ville ils la pillent, la brûlent … tandis que Josué garde intact les localités conquises.

Là par contre, je ne pense pas qu'il y'ai incohérence. Les récits de la Bible sont des mythes. Si l'on part de l'hypothèse qu'un groupe d'Hapiru aurait pris le pouvoir dans une zone donnée (cherchant des terres après avoir été chassés d'Egypte... comme les hyksos par exemple) et qu'il s'y maintiendrait, il pourrait très bien y'avoir création d'un mythe de fondation comme l'on en retrouve dans de nombreuses cultures.

Après, je ne dis pas que c'est ce qui a put se passer, les éléments sont trop peu nombreux pour étayer suffisamment cette hypothèse. Mais elle tient toujours plus que le fait de ce baser sur les mythes de la Bible. Les hyksos, composés d'éléments non homogènes à forte dominance d'éléments sémitiques, après avoir été chassés d'Egypte ont nécessairement dû chercher de nouvelles terres où vivre et aurait put se fondre dans la population de Canaan puis plus tard aurait absorber les philistins (derniers arrivants dans la région à la suite de l'épisode des peuples de la mer).

_________________
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Skipp


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 08 Fév 2013 11:10 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 27 Jan 2013 18:47
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Bonjour Skipp

Le problème avec les Hyksôs c’est … que c’est un nom donné par les Egyptiens eux-mêmes à ces envahisseurs nom signifiant : « Princes des pays étrangers » … montrant manifestement que même les Egyptiens à cette époque ne connaissaient pas l’origine exact de ces « asiatiques ».

Nous pouvons extrapoler qu’ils sont plus sémites qu’autre chose … et dans ce cas qu’il s’agit de cananéens et/ou amorrites venus de Palestine … ceci par « défaut » dans la mesure qu’au XVIII siècle s’ils venaient de Syrie et/ou de Mésopotamie les archives de ces pays en auraient fait mention.

C’est, probablement, dans ce contexte que l’on peut placer le récit de Genèse concernant l’entrée « d’Hébreux » en Egypte.

Une fois chassés d’Egypte par Ahmosis (fondateur de la XVIII dynastie) … ce dernier les pourchassa le plus loin possible d’Egypte jusqu’en Asie … mais d’une part c’est pour eux un « retour » de là ou ils venaient … et d’autre part ne pas oublier aussi que c’est vers le milieu du XVI siècle que date la conquête de la Palestine pat l’Egypte.

Bref c’est, pour le moins, qcq peu le brouillard …

Ce qu’il faut voir concernant l’AT c’est quand bien même il y ait mythe … fondateur plus d’Israël biblique que de Dieu … nous ne pouvons/devons pas rejeter pour autant l’ensemble des données historiques qu’il contient … données qui pour la plupart ont un fond historique même si cette « histoire » est revue/enjolivée.


Cordialement, Epsilon


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 08 Fév 2013 12:15 
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Plutarque
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Inscription : 08 Fév 2013 10:15
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Si je puis me permettre, en tant que nouvel arrivant sur ce forum, je pense qu'il faudrait aborder le débat avec ordre et méthode. Je veux dire que, ci-avant, en quelques « post », ont été abordés : l'esclavage en Égypte (que l'Exode elle-même nie en ses strates les plus anciennes) — la durée du séjour (400 ans, alors qu'il est également fait mention, en Genèse ou en Exode, de 430 ans, de 4 ou de 2 générations) — Joseph et Moïse (alors que ces personnages appartiennent à deux composition littéraires et à deux écoles de pensée différentes) — une date (1300 av. J.-C., qui n'est plus guère suivie par les chercheurs modernes non-fidéistes) — Cham, le fils maudit (personnage surajouté à la tradition aux fins de masquer le « mythe de la castration du père » initialement présente dans le corpus et qu'on ne peut lier aux Cananéens) — l'éruption de Théra (Santorin) vers 1600 (hypothèse intéressante mais non nécessaire à l'explication des « plaies » et à « l'ouverture de la mer ») — etc.
D'une manière générale, pour peu que l'on soumette l'assemblage disparate que constitue le Pentateuque à une évaluation critique non confessionnelle, on constate que maints passages afférents à l'exode reflètent simplement ce qui s'en disait au moment de leur rédaction. Nous ne disposons d'aucun moyen de vérifier la véra­cité de cette tradition reconstruite à partir d'un travail de mémoire et d'on-dit tardifs. Doit-on pour autant la considérer, cette tradition, comme une thèse proposée au terme d'une longue période de latence ? Une fiction née de l'imagination de scribes portés à affabuler dans le seul but d'exal­ter la gloire de leur dieu ? Il semble peu recevable qu'un peuple aussi fier que les Juifs de l’Antiquité se soit volontaire­ment représenté ses ancêtres sous les traits d'esclaves asservis dans un pays étranger. On ne peut totalement exclure qu'un noyau de vérité histo­rique, certes enjolivé de folklore, d'épisodes romancés et, surtout, de nécessité religieuse, soit à la base du récit biblique de yetsiath mitsraïm, « la sortie d'Égypte ».
Quant aux sources égyptiennes prétendument muettes à ce sujet : le sont-elles vraiment ? Les pharaons du Nouvel Empire pourraient avoir erronément compté parmi les aamou (« Asiatiques »), shasou (« nomades ») et autres heqaou khasout (« chefs des pays étrangers ») certains descendants des éléments cana­néens arrivés chez eux du XVIIe au XVIe siècle. Parmi ces immigrés auraient pu figurer de lointains ancêtres des Hébreux. Cette hypothèse ne peut être écartée dans la mesure où les Égyptiens auraient été incapables de les identifier pour la simple raison que ce qui allait devenir la spécificité hébraïque — une identité reliant les membres de cette communauté à un ancêtre éponyme — n'exis­tait pas encore.
Sur le plan philologique, il y aurait également lieu, avant débat, d'évaluer la pertinence des copies fragmentaires de l’Aiguptiaka de Manéthon ; de se livrer à l'exégèse et à l'herméneutique du texte hébreu massorétique et, au besoin, de le comparer au texte grec de la Septante ainsi qu'aux traditions alternatives contenues dans le Pentateuque Samaritain, le Coran et les autres auteurs antiques.
Mais il faut, à mon sens, faire tout d'abord un sort à une tenace idée reçue concernant l’historicité du peuple hébreu. En réalité, celui-ci, tel que la Bible le décrit, (c'est-à-dire comme un peuple déjà constitué dans la première moitié du IIe millénaire) n'a jamais existé. Il s'agit d'une invention de scribes judéens du VIe siècle persuadés que leur nation plongeait ses racines dans un passé lointain. Dans la littérature paléolevantine, le terme ivri/ibri, « hébreu », appliqué à des personnes ne se rencontre nulle part ailleurs que dans la Bible, et ceci une trentaine de fois seulement. [Le beth ou veth hébreu (ב) est une lettre « double » représentant soit le b, soit le v. La ponctuation massorétique distingue le premier du second par un point inséré au centre de la lettre. Nous lisons plus souvent ibri en raison de l’usage voulant que l’on reproduise la lettre écrite et non sa prononciation.] Ce nom s'est formé autour du verbe abar, « passer », dans le but d'accréditer par l'étymologie l'allégation tardive selon laquelle les ancêtres de ceux qui allaient plus tard devenir les Juifs de l'Antiquité avaient jadis « passé » l'Euphrate pour aller s'installer en Canaan. Depuis plusieurs décennies l'archéologie de surface contredit cette assertion et met en lumière l'origine presque exclusivement cananéenne de la population des anciens royaumes d'Israël et de Juda, comme le font observer Finkelstein et Silberman 2002, pp. 130-145. C'est aussi ce qu'affirmait déjà Ézéchiel 16, 3, en rappelant au peuple de Juda exilé à Babylone : « Par ton origine et par ta naissance, tu es du pays de Canaan ».
L’appellation « Hébreux » ne devrait être conservée que pour désigner les possibles aïeux des éléments cananéens et exogènes qui s'agrégèrent un jour pour former les confédérations, puis les royaumes, d'Israël et de Juda.
On lie encore parfois les Hébreux aux groupes d'apirou mentionnés par les textes hiéroglyphiques et cunéiformes du IIe millénaire. Le dénominatif ibri semble pourtant n'offrir avec le terme égyptien apirou (ou son équivalent akkadien habirou) qu'une ressemblance phonétique fortuite. Ces deux derniers vocables sont davantage liés au caractère social et au mode de vie des groupes ainsi désignés qu'à leur ethnie. Les apirou-habirou sont le plus souvent présentés, tantôt comme mercenaires, ouvriers ou prisonniers de guerre, tantôt comme pillards sans feux ni lieux, sans que leurs caractéristiques ethniques soient décrites. Leur nom disparaît de la documentation à partir du Xe siècle pour cause probable de sédentarisation et d'absorption par les populations locales. Il reste toutefois un « hic » embarrassant : c'est que ce soit justement à la même époque, temps présumé de la royauté de David, que le terme ibri (ou sa forme plurielle, ibrîm) n'apparaisse plus dans la Bible.
La première mention non biblique du nom « Israël » se rencontre au XXIVe siècle sur les Tablettes d'Ébla (et non pas d'Ougarit). On l'y trouve écrit en tant qu'anthroponyme théophore sous la forme ishra-il . Le terme il étant sans doute ici l'interprétation éblaïte du nom de El, le grand dieu cosmocrate de Canaan des IIIe et IIe millénaires. On le traduit généralement par « El est fort ».
On retrouve à nouveau « Israël » onze cents ans plus tard, cette fois désigné en tant que peuple, sur une stèle de victoire du pharaon Mérenptah (1212-1202). Parmi une liste de cités-États cananéennes vain­cues, se lit le nom d'un groupe humain phonétiquement translittéré y-s-r-i-a-l, immédiatement suivi des mentions « dévasté, plus de semence ». Il est possible que cet ethnonyme ait désigné des « proto-Israélites » en voie de sédentarisation mais, contraire­ment aux affirmations d'une certaine exégèse, rien ne relie ces gens à des Hébreux chas­sés ou enfuis d'Égypte. Si les Égyptiens avaient fait ce rapprochement, celui-ci eût été mentionné à coup sûr. Dans l'état actuel de nos connais­sances, il est plus raisonnable de supposer que l'armée de Mérenptah a rencontré et défait en un lieu non précisé de Canaan une peuplade non sédentarisée qui se réclamait d’une figure locale du dieu El sous un nom qui a été compris Ysrial. [Certains biblistes ont voulu lire ce nom Yzréel, le rapprochant de la vallée fertile s’étendant au sud-est de Haïfa, derrière le Carmel. Il est pourtant incontestable que dans l’inscription, le groupe de signes terminaux formé par le bâton de jet, le couple et les trois traits du pluriel marque la désinence d’un ethnonyme et non celle d’un toponyme.]
Quatre siècles plus tard environ, la tradition samaritaine attribuera le nom d'Yishra-El au patriarche Jacob dans le cadre mythique de son combat avec l'obscur génie du gué du Yabboq relaté en Gn 32, 28. Au terme de ce pugilat, l'avatar du dieu El, rendu à merci, concède à son adversaire : « Ton nom ne sera plus Jacob mais Israël car tu as lutté avec les dieux [elohim] et avec les géants [anashim] et tu as été vainqueur ». Vu le contexte, l’interprétation hébraïque de ce nom ne peut être « El est fort » mais, au contraire, « Fort contre El ». Vers la même époque, apparaissent deux nouvelles mentions non bibli­ques d'Israël, désigné en tant que royaume par la stèle du roi moa­bite Mesha, puis par la stèle de Tel Dan, œuvre probable du roi araméen Hazaël.
Les scribes bibliques, quant à eux, donneront concurremment à l'anthroponyme Israël la valeur d’un eth­nonyme qui leur servira à distinguer les dix tribus nordistes, et celle d’un toponyme désignant leur territoire, futur royaume de Samarie. L’anthroponyme Juda aura le même devenir : après avoir été à la fois le nom d'un des douze fils de Jacob et celui de la tribu prétendument issue de ce per­sonnage, il deviendra celui de son territoire, futur royaume de Jérusalem.
Pour ce qui est de l'historicité de Moïse, je pense que le personnage doit être sorti du cadre de l'Exode, où il a manifestement été ajouté (de même que son prétendu frère Aaron) afin de rattacher cet événement fondateur à un nom devenu prestigieux. Les strates les plus anciennes de la tradition montrent qu'à l'origine, la sortie d'Égypte se déroulait sans Moïse, sans plaies et sans miracle de la mer, sous l'égide exclusive de la divinité devenue Yahvé.
Enfin, on ne peut débattre du « séjour » en Égypte (dans la joie ou le malheur), a fortiori de la « sortie », si l'on n'a pas d'abord examiné la possibilité que les Hébreux y soient d'abord arrivés.
Non ?

_________________
Roger


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 08 Fév 2013 12:31 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Un bilan excellent, Didoumès. Merci !

_________________
"L'histoire serait une chose merveilleuse si seulement elle était vraie."
Léon Tolstoï.


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 08 Fév 2013 17:52 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
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Magistral.J'espère que l'on vous gardera parmi nous Roger. ;)

_________________
et tout le reste n'est que littérature


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 08 Fév 2013 21:02 
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Plutarque
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Inscription : 04 Jan 2013 23:22
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8-| Merci beaucoup c' est une super explication ! :)


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 08 Fév 2013 23:15 
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Jules Michelet
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Inscription : 15 Mai 2005 12:40
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Superbe texte Didoumès. 8-|
On voit que vous avez beaucoup lut sur le sujet.

Epsilon a écrit :
Le problème avec les Hyksôs c’est … que c’est un nom donné par les Egyptiens eux-mêmes à ces envahisseurs nom signifiant : « Princes des pays étrangers » … montrant manifestement que même les Egyptiens à cette époque ne connaissaient pas l’origine exact de ces « asiatiques ».

Nous pouvons extrapoler qu’ils sont plus sémites qu’autre chose … et dans ce cas qu’il s’agit de cananéens et/ou amorrites venus de Palestine … ceci par « défaut » dans la mesure qu’au XVIII siècle s’ils venaient de Syrie et/ou de Mésopotamie les archives de ces pays en auraient fait mention.

A propos des hyksos, il devait y avoir parmi eux des éléments sémites et hourrites. De nombreux sceaux hyksos ont été trouvés et sur ces sceaux l'on trouve de nombreux noms qui à l'époque étaient courant chez les araméens et rare chez les cananéens. Comme Yakubher (Jacob-El) qui a la même étymologie que Jacob. Après, je ne sais pas si il y'a eu une étude exhaustive de l'anthroponymie de ces sceaux.

Image
Sceau scarabé Hyksos au nom d'un prince Hyksos 'Yakubher' soit 'Jacob-El'

Epsilon a écrit :
Ce qu’il faut voir concernant l’AT c’est quand bien même il y ait mythe … fondateur plus d’Israël biblique que de Dieu … nous ne pouvons/devons pas rejeter pour autant l’ensemble des données historiques qu’il contient … données qui pour la plupart ont un fond historique même si cette « histoire » est revue/enjolivée.

Je suis d'accord avec vous. La Bible doit pour une partie au moins prendre sa source dans certains faits historiques transmis oralement avant d'avoir été fixé par écrit dans la Bible. Mais concernant la Bible, je préfère parler de mythes et mettre en garde certains qui prendraient les chapitres de la Bible pour référence historique. L'on a déjà lut sur ce forum des intervenants qui croyaient en l'existence historique d'Abraham... qui est plutôt un personnage symbolisant la multitude. Mais il est possible que certains personnages historiques ayant réellement existé et dont l'on aurait perdu la trace aient inspirés l'histoire de certains personnages de la Bible (peut être le roi David dans un ancien chef de tribu ? ou Jacob à retrouver parmi un prince hyksos ?).

L'archéologie étudie le Passé mais c'est néanmoins une science qui avance... l'on découvre sans cesse de nouveaux indices parfois ténue, parfois flagrant, mais l'on avance... lentement mais sûrement. Espérons que les prochaines années nous donnerons de belles découvertes.

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Skipp


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 09 Fév 2013 10:02 
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Plutarque
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Nous avons admis que si certains ancêtres des Hébreux étaient arrivés en Égypte dans la première moitié du IIe millénaire, ils n'auraient pu être identifiés comme tels puisque ce qui allait devenir leur spécificité n'existait pas encore. Déterminons maintenant quelles pourraient être les sources indiquant une arrivée significative de Sémites dans la vallée du Nil.

1. Sources égyptiennes
La première est l'Aiguptiaka (Αιγυπτιακα), « Histoire de l’Égypte » écrite en grec à Alexandrie par le prêtre égyptien Manéthon de Sebennytos au IIIe siècle av. J.-C. En tant que membre du clergé chargé d'une mission royale, Manéthon a dû avoir accès aux archi­ves officielles, aux annales et aux listes royales conservées dans les temples. Hélas, il a souvent mélangé décompte rigoureux des pharaons et légendes populaires avec la naïveté déconcertante d’un Hérodote ou d’un Diodore. Apparemment peu doué d'esprit critique, il semble avoir tenu pour différents des récits disparates contant les mêmes faits, ce qui expliquerait certaines de ses exagérations chronologiques. (À sa décharge, on peut également supposer que certaines recensions, copiées d'après des documents parfois vieux de plus de deux millénaires, ont été mal interprétées par les Égyptiens eux-mêmes.) L'œuvre de Manéthon ne nous est connue que par les citations frag­mentaires et souvent inexactes de Flavius Josèphe (historien juif du Ier siècle ap J.-C.), de Jules L'Africain (écrivain chrétien du IIIe siècle) et d'Eusèbe de Césarée (évêque de Césarée Maritime au IVe siècle). On l'a souvent taxé d'antisémitisme, alors que rien ne permet d’affirmer avec certitude qu'il ait été l'auteur des propos calomnieux sur les Juifs rappor­tés par Josèphe comme étant de sa main. Ces allégations diffamatoires pour­raient être l’œuvre d'un autre écrivain (peut-être Ptolémée de Mendès) et Josèphe pourrait avoir copié l'un en croyant copier l'autre. Les citations « manéthoniennes » de Josèphe se trouvent dans son ouvrage polémique intitulé Contre Apion, tandis que celles de l’Africain et une version Eusèbe ont été compilées au Moyen-âge par le prélat byzantin Georges le Syncelle dans sa Chronographia. Une seconde version d'Eusèbe, dite arménienne, apparemment plus fidèle au texte originel, est égale­ment parvenue jusqu’à nous.

Une deuxième source d'importance est le Papyrus royal de Turin. Il s'agis­sait à l'ori­gine d'un rouleau de papyrus d'environ 1 m sur 40 cm. Ses débris sont conservés au Museo Egi­zio de Turin. Il fut trouvé intact en 1822 à Thèbes par le consul-aventu­rier ita­lien Ber­nardino Drovetti mais fut irrémédiablement abîmé durant son transport... dans les fontes d'un cheval, pour être ensuite entreposé dans des conditions désastreuses. Le recto est constitué d'un docu­ment comp­table de l'époque de Mérenptah (1212-1202). Le verso, qui pourrait être un devoir de scribe, reprend une liste de plus de 300 rois, depuis l'époque légen­daire des dieux jusqu'à la fin de la XVIIe dynastie. Jean-François Champollion le retrouva à Turin émietté en d’innombrables fragments. Il réussit à le reconstituer partiellement et à en donner une première traduction, tra­vail poursuivi et affiné depuis par d'autres chercheurs.

Notre troisième source est la « Généalogie des Prêtres memphites ». Il s'agit de la liste des ancêtres d'un prêtre ayant vécu à la fin de la XXIe dynastie (vers 1000) et qui fait remonter sa lignée au-delà de la XIe (vers 2000). Bien qu'en grande partie « inventée », cette généalogie nous est précieuse dans la mesure où elle est jalonnée de noms royaux, dont celui du pre­mier pha­raon « asiatique » qu'elle nomme Sharek. Elle permet d'évaluer la période qui s'étend du début de la xiiie dynastie à la fin de la xviie à environ 200 ans (Drioton et Vandier 1989 : 17).

Pour ce qui est de la documentation contemporaine de l'époque troublée qui vit des Asiatiques submerger la Basse-Égypte et ravir le pouvoir aux rois indigènes, c'est quasi­ment le zéro absolu. Il n'en subsiste presque rien tant fut sévère l'acharnement avec lequel les premiers pharaons du Nouvel Empire s'attachèrent à faire disparaître le souvenir de ces prétendus envahisseurs qu'ils qualifièrent à tort de barbares. Seuls subsistent de nombreuses amulettes en forme de scarabée épar­pillées dans l'est et à l'est du delta,. Cel­les-ci, souvent taillées dans des pierres dures, étaient inscrites au nom de celui qui les avait émises. La plus ancienne date de la iiie dynastie (Dessoudeix 2008 : 54). On n'en trouve plus guère après la xxe. Sur les scarabées de la période qui nous occupe figu­rent simplement des noms de naissance « royaux » à consonance sémitique, pour la plupart inconnus de l'historiographie.

2. Sources étrangères
Elles se résument à deux livrets de la Bible hébraïque et à quelques allusions chez les prophètes.
La première de ces sources est la Genèse, premier livre de la Bible hébraïque, qui traite de la genèse de l'univers et de l’humanité. Ses onze premiers chapitres relatent de manière très imagée l’his­toire du monde, depuis la Création jusqu’à la dispersion des humains sur la Terre. Les trente-neuf chapitres suivants (Gn 12 à 50) sont consacrés à la saga des patriarches Abraham, Isaac et Jacob.
Scientifiquement, l’historicité des patriarches ne peut qu’être mise en doute. Aucun indice archéologique n'étaie leur existence. Leur biographie est manifestement tissée à partir de petits ré­cits étiologiques, jadis indépendants, qui, au dé­part, ne les concernaient pas. Ceci ne signifie pas qu'il faille pour autant « jeter le patriarche avec l’eau du bain ». On ne peut en effet totalement exclure que les noms Abraham, Isaac, Jacob ou Israël aient été ceux de personnali­tés ayant existé dans le passé. On ne peut donc écarter l'hypothèse que l'on aurait regroupé autour de personnages réels des récits étrangers à leur biographie afin d’associer telle ou telle tradition à un nom prestigieux.
Le choix délibéré d'Abraham, ancêtre prétendu des Judéens, comme fondateur du peuple juif et premier initiateur d'une descente en Égypte marque simplement la volonté des diri­geants de la Jérusalem post-exilique de se mettre en avant dès le début de l’Histoire conventuelle.

Le « Roman de Joseph » est notre seconde source. Il s'agit d'un document d'époque tardive, probablement rédigé pour la première fois en Égypte sous la XXVIe dynastie (vers 600). Il conte l’arrivée de Joseph, fils de Jacob, dans la Vallée du Nil et son élévation à la cour d'un pharaon. Sous les traits d’un ensei­gnement de sagesse, il exalte les qualités de chasteté, de modes­tie, de bien­veillance et de miséricorde de son héros. Lors de la refonte du futur corpus biblique, entre le milieu de l'époque perse et le début de la période hellénistique, cette his­toire, déjà altérée par des retouches, fut interpolée dans la Genèse (chap. 37 à 50), comme pour servir de trait d'union entre ce livret et celui de l'Exode.

Gn 12 nous livre d’abord une singulière historiette allouant une descente en Égypte à Abraham. Décortiquons-là  :
« Il y eut une famine dans le pays [de Canaan] et Abraham descendit en Égypte pour y séjourner. […] Comme il était près d'entrer en Égypte, il dit à Sarah, sa femme : Voici, je sais que tu es une femme belle de figure. Quand les Égyptiens te verront, ils diront : C'est sa femme ! Et ils me tueront et te laisseront la vie. Dis que tu es ma sœur afin que je sois bien traité à cause de toi et que mon âme vive grâce à toi. Lors­que Abraham fut arrivé en Égypte, les Égyptiens virent que la femme était fort belle. Les grands de Pha­raon la virent et la vantèrent à Pha­raon et la femme fut emmenée dans la maison de Pha­raon. Il traita bien Abraham à cause d'elle et Abra­ham reçut des brebis, des bœufs, des ânes, des serviteurs et des servantes, des ânesses et des chameaux. Mais Yahvé frappa de grandes plaies Pharaon et sa maison au sujet de Sarah, femme d'Abraham. Alors Pha­raon appela Abraham et dit : Qu'est-ce que tu m'as fait ? Pourquoi ne m'as-tu pas déclaré que c'est ta femme ? […] Aussi l'ai-je prise pour ma femme. Maintenant, voici ta femme, prends-la, et va-t-en ! Et Pharaon donna ordre à ses gens de le renvoyer, lui et sa femme avec tout ce qui lui appartenait » (Gn 12, 10-20).

Sachant par les chapitres précédents de la Genèse que Sarah était alors âgée de 70 ans et Abraham de 80, on pourrait s'étonner des goûts singuliers de ce pharaon trouvant une gardienne de chèvres septuagénaire si attirante qu'il s'en éprend aussitôt et la claquemure dans son harem. Il va de soi que l'extravagante longévité des patriarches et de leurs épouses n'est pas à prendre au pied de la lettre. (Selon la Genèse, Sarah serait morte à 127 ans et Abraham à 175.) Le récit, qui ne tient aucun compte du contexte, veut ici tout simplement exalter la beauté de l'aïeule légendaire du peuple juif. Les pharaons, considérés comme des incarnations divines et assujettis à une stricte éti­quette de cour, n'avaient pas accou­tumé — on s'en doute un peu — de se jeter, l'écume aux lèvres et le pagne entre les dents, sur la femme du premier nomade indigent venu dans un but de fornication.
Le troc dont Sarah est l'objet, par contre, nous intéressera davantage car il va nous faire découvrir deux paradoxes dénonçant l'interpolation tardive du récit. Parmi les biens donnés à Abraham en échange de sa « sœur » figurent des chameaux (en réalité des dromadaires, Camelus dromædarius, et non Camelus bac­trianus qui a deux bosses). Les dromadaires n'étaient pas incon­nus en Égypte mais ils n'y furent couramment utilisé que vers le iiie siècle av. J.-C. (B. Midant-Reynes et F. Braunstein-Silvestre, Orientalia Roma 1977, vol. 46, n° 3, pp. 337-362). Abraham aurait également reçu des ânesses. Le texte hébreu parle d’athonoth, féminin pluriel du mot athon, « âne », mais la Septante (qui puise à une autre source, apparemment plus ancienne) n’évoque pas des ânesses (grec onos) mais des hémionos (hémi-onos, « demi-ânes »), autrement dit des mules, hybrides femelles de l'âne et de la jument, avec tout ce que cela soulève à nouveau d'anachronisme eu égard à l'apparition tardive du cheval en Égypte. (Il ne peut s'agir d'hé­miones, ces ânes sauvages d'Asie : ils ne furent jamais domestiqués au Levant et encore moins en Afrique.)

L'incursion en Égypte de groupes sociaux correspondant à la description biblique de la famille d'Abraham était un phénomène récurrent depuis la plus haute antiquité. Le fait est largement attesté dans la documentation. Exemple : sous Mérenptah, un garde-frontière de la région de l'ouadi el-Toumilât consigne dans son rapport avoir fait passer « des shasou [« nomades »] d'Édom à travers le fortin […] qui est à Tjekou, aux étangs de Per-Atoum […] afin de les garder en vie, eux et leurs trou­peaux, sur le domaine royal » (Papyrus Anastasi VI, 4.).

En réalité, l'épisode biblique mettant en scène Abraham et Pharaon n‘est qu’une ver­sion alternative d'un récit traditionnel dans lequel un ancêtre mythique, figure du peuple juif, des­cend en Égypte, y est bien reçu et s'y enrichit, avant que Yahvé ne frappe le pharaon de « plaies » et que ce dernier, prenant alors l'Ancêtre en grippe, ne le fasse expulser manu militari. Une fois débarrassée de l'incise concernant Sarah, cette historiette récapitule en moins de dix versets les éléments constitutifs de l'Exode : la descente en Égypte, le séjour, l'enrichissement, les plaies et l'expulsion.

Enfin, l'extranéité de ce récit se décèle également dans le fait que jamais le texte initial consacré à Jacob ne fait évoquer par celui-ci une descente en Égypte de son grand-père.

Références citées supra :
Flavius Josèphe, Contre Apion, trad. R. Harmand, Leroux, Paris, 1900. (http:// remacle.org/ bloodwolf/historiens/flajose)
Drioton Étienne et Vandier Jacques, L'Égypte, des origines à Alexandre, Presses Universitaires de France, Paris, 1989.
Dessoudeix Michel, Chronique de l'Égypte ancienne, Actes Sud, Arles, 2008.

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Roger


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 09 Fév 2013 17:07 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 27 Jan 2013 18:47
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Bonjour Didoumès

Merci pour vos deux excellentes contributions et bienvenue.

Je suis entièrement d’accord avec ce que vous écrivez … aussi mes remarques tiennent plus du détail que du fond.

a) Vous dites :
« Ce nom s'est formé autour du verbe abar, « passer », dans le but d'accréditer par l'étymologie l'allégation tardive selon laquelle les ancêtres de ceux qui allaient plus tard devenir les Juifs de l'Antiquité avaient jadis « passé » l'Euphrate pour aller s'installer en Canaan. Depuis plusieurs décennies l'archéologie de surface contredit cette assertion et met en lumière l'origine presque exclusivement cananéenne de la population des anciens royaumes d'Israël et de Juda ».

1) Si effectivement en Gn (14,13) il est question de « Abram l’Hébreu » au sens de descendant de « Heber » en Gn (10,24-25) et que ce Heber est issu du verbe « abar » (traverser/passer) … ce que certains savants on compris comme étant : « ceux qui sont venus au-delà » (sous-entendu de : l’Euphrate) et qui se serait installé en Canaan … c’est bien ce que Josué dit en Jo (24,2) … d’un point de vue biblique la boucle est bouclée … les Hébreux viennent de Mésopotamie.

2) vous poursuivez en faisant remarquer que l’histoire/archéologie « contredit cette assertion » … et « met en lumière l'origine presque exclusivement cananéenne de la population des anciens royaumes d'Israël et de Juda ».

Ma remarques est : y a-t-il contradiction … la réponse est non … car les Cananéens dés le III millénaire s’étendaient du Nord de la Syrie dite Syrie-Mésopotamienne (et le fait de mentionner Harran en Ge 11,31 n’est pas neutre) jusqu’au début de l’Egypte … en passant donc par le Liban (ce qui donnera les Phéniciens) et la Palestine … ce n’est que plus tard que ces Cananéens seront réduis à la seule limite du Canaan biblique que nous connaissons.

L’auteur Biblique n’a fait que repousser ses ancêtres/racines à la prestigieuse dynastie d’Ur … d’autant plus qu’un lien très ancien fait la relation entre Harran lieu principal du dieu-lune objet de culte/pèlerinage … et Ur ou initialement était implanté le dieu Babylonien Sin.

b) Vous dites :
« C'est aussi ce qu'affirmait déjà Ézéchiel 16, 3, en rappelant au peuple de Juda exilé à Babylone : « Par ton origine et par ta naissance, tu es du pays de Canaan ». ».

En fait dans ce verset, et les suivants, ne s’adresse pas spécialement Juda/Jérusalem … mais bien d’Israël/Canaan dés l’époque de ses origines … et partant Ezéchiel reproche donc au peuple d’avoir tj eu du sang cananéens dans ses veines.

c) Au sujet de Gn (32,28) [en fait 29 pour la plupart des bibles] vous dites :
« Au terme de ce pugilat, l'avatar du dieu El, rendu à merci, concède à son adversaire : « Ton nom ne sera plus Jacob mais Israël car tu as lutté avec les dieux [elohim] et avec les géants [anashim] et tu as été vainqueur ». Vu le contexte, l’interprétation hébraïque de ce nom ne peut être « El est fort » mais, au contraire, « Fort contre El ».

Sans revenir sur « Elohim » le sens premier est ici « Dieu combattra » … Israël (Yisrâ’êl) est rattaché au verbe sârâh (combattre/fort avec/pour) … voir aussi Osée (12,4-5) ou l’adversaire de Jacob est Elohim puis un ange … quoi qu’il en soit « Dieu est fort » ou « Fort contre Dieu » nécessite, dans notre contexte, que Dieu « condescende » à s’approcher de l’homme … se mette donc à sa portée pour « combattre » avec lui … ces définitions sont donc équivalentes en ce sens, ici, que Jacob n’a rien à craindre de personne Dieu est auprés de lui.

d) Concernant Gn (12,10-20).
Je rattacherais ce récit avant tout à un récit primitif de « prostitution sacrée » qui avait court à cette époque … on le retrouve aussi entre Sara et Abimaleck (Gn 20,1-18) … voire une autre fois entre la femme d’Isaac et le même Abimaleck (Gn 26,6-11).

Pharaon/Abimaleck jouent le rôle de rois-prètres consommant sous forme d’union hiérogamique l’union du mariage de Sara et d’Abraham.

Le thème de la stérilité de Sara aurait de ce fait un lien avec cette « prostitution sacrée » qui serait censée à y parer … aussi le récit nous montre Saga « guérir » de sa stérilité juste après on aventure avec Abimaleck (Père-du-roi agent certain de la fertilité).

Autre détail celui du rôle de la « sœur » que la femme joue lors de ce rite de la « prostitution sacrée » … c’est ici, de la part d’Abraham et Isaac, qu’un « pieux » mensonge … Abraham l’avoue même en demie en Gn (20,12).

La présence de chameaux/dromadaires laisse à penser qu’il s’agit d’un pharaon/roi Hyksôs.


Cordialement, Epsilon


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 09 Fév 2013 18:03 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 27 Jan 2013 18:47
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Bonjour Skipp

Source : Histoire de l’Egypte ancienne de Nicolas Grimal

Le fondateur de la première dynastie Hyksôs, la XV de Manéthon, est un certain Salistis, qui serait le même que le Chechi attesté par des sceaux trouvés à Kerma … ce qui laisse supposé que la Nubie avait fait alliance dés le départ avec le Hyksôs contre les Thébains … et le Charek connu de Memphis.

Ces Hyskôs que sont-ils ???

Leur nom est la déformation grecque de celui que leur ont donné les Egyptiens : heqaou-khasout (les chefs des pays étrangers) … cette appellation ne recouvre aucune notion de race ou de provenance bien définie … elle s’applique, de l’Ancien au Moyen Empire, à tout étranger, de la Nubie à la Palestine.

Les Hyksôs recouvrent à peu prés ceux que les Egyptiens appelaient les « Asiatiques » et avec lesquels ils ont eu maille à partir déjà auparavant … Aamou, Setjetiou, Mentjou d’Asie ou Retenou … si la dernière étape de leur prise de pouvoir est violente, leur implémentation semble avoir été beaucoup mieux acceptée par les populations que ne le laisse sipposer les textes du début du Nouvel Empire … que leur inspiration nationale entraîne à de nombreuses outrances.

La liste de fonctionnaires du Papyrus de Brooklyn montre qu’Egyptiens et « Asiatiques » cohabitent sans heurt … bien plus, les rois Hyksôs ont été de grands constructeurs qui ont laissés des temples, statues, reliefs, scarabées et encouragés la diffusion de la littérature égyptienne … le Papyrus mathématique Rhind, par exemple, est daté de l’an 33 du roi Apophis I, le père du rival de Kamosé … même s’il n’est que la copie d’un original thébain … il témoigne d’un respect culturel certain.

Les Hyksôs inaugurent un modèle de gouvernement qui réussira par la suite à chaque envahisseur qui le pratiquera, à l’exclusion de tout autre … ils se fondent dans le moule politique égyptien au lieu d’imposer leurs propres structures de gouvernement … cela ne les empêche pas de conserver leur identité culturelle, sensible dans l’architecture (les « forts hyksôs ») ou la céramique de Tell el-Yahoudiyed (malgré les qcq réserves que l’on pourrait faire) … ils adoptent l’écriture hiéroglyphique pour transcrire leur nom, les titulatures royales égyptiennes … copient les modèles plastiques du Moyen Empire etc etc.

En matière de religion ils agissent comme en politique en instituant une religion officielle « à l’égyptienne » autour de Seth d’Avaris … l’adversaire d’Osiris … dont ils se contentent d’accentuer les caractères sémitisants.

Ce n’est qu’ensuite que celui-ci sera assimilé à Baal-Rechef ou au dieu Hittite Teshub … ils conservent également le culte d’Anat-Astarté … mais n’écartent pas les dieux égyptiens : les rois continuent de porter le nom de Ré dans leur titulature.

(Entres autres rois ... 1650, Yaqoub-Har)

Leur présence, moins néfaste que ne le disent les sources égyptiennes postérieures, laissera de profondes empreintes dans la civilisation, dont elle brise à tout jamais l’insularité … sur le plan religieux, culturel et philosophique, elle crée un fonds où les rois du Nouvel Empire viendront puiser … dans le domaine des techniques, les apports sont incalculables, surtout en matière militaire avec, au premier rang, l’utilisation du cheval attelé … attesté pour la première fois sous Kamosé (vers 1578), même si l’animal était connu et élevé auparavant dans la vallée … ils permettent aux Egyptiens d’accéder aux technologies nouvelles d’armement nées de l’industrie du bronze, grâce auxquelles les pharaons du Nouvel Empire prendront le pas sur leurs concurrents orientaux.

Salitis/Chechi/Charek gouverne, probablement depuis Memphis, pendant vingt ans un royaume qui comprend le Delta et la Vallée jusqu’à Gebelein … ainsi que les pistes caravanières qui permettent de faire la jonction avec ses alliés Nubiens … Cet état de fait durera jusqu’au règne d’Apophis I ... il délègue une partie de son autorité à une branche Hyksôs vassale improprement appelée XVI ième dynastie par Manéthon.

Voici voila ...

Il me semble inutile de faire un qcqconque rapprochement entre Hyksôs et Israélites et donc entre Yaqoub-Har (Yaqoub-Her) et le patriarche biblique Jacob … maintenant que l’auteur biblique ce soit « inspiré » d’écrits égyptiens concernant Jacob et surtout Joseph c’est plus que probable … comme d’ailleurs il fait un large plan des récits Mésopotamiens.

La pérégrination d’Abraham de Ur jusqu’en Egypte … donne en qcqsorte une légitimité à l’écrivain sacré de s’approprier les traditions de ces différents peuples … pour en faire son propre récit sous sa propre théologie.


Cordialement, Epsilon


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 09 Fév 2013 19:32 
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Plutarque
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Inscription : 08 Fév 2013 10:15
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Bien que cela nous éloigne quelque peu du sujet « Moïse et l’Histoire », je ne peux laisser le post d’Epsilon sans réponse.

a), 1) et 2) Les versets de Jos 24, 2 ss, constituent en effet le « Credo deutéronomique » que tout juif pieux devait réciter en offrant ses prémices. Il s’agit d’une allégation tardive (7e siècle). Elle n’implique nullement, sauf dans l’esprit de l’auteur deutéronomiste, une origine mésopotamienne des Hébreux. Cette opinion (fausse à mon sens) provient d’une erreur de la Septante qui a erronément traduit le mot hébreu Khasdim (descendants de Khesed) par le terme grec Khaldaion (Chaldéens), ce qui a donné à croire qu’Abraham provenait d’Ur en Chaldée (c'est-à-dire Ur en Sumer). L’onomastique montre que toute la parentèle d’Abraham porte des noms liés, non pas au dieu Lune Nannar (plus connu sous son appellation akkadienne de Sîn) mais à son avatar Yérakh adoré dans la région de Harrân, en Syrie euphratéenne, 1.000 km plus au nord. Mon humble opinion est qu’Abraham et sa famille ne seraient que d’anciens héros mythologiques de Haute-Syrie auxquels on aurait prêté plus tard une existence humaine. Enfin, ce n’est pas parce qu’Abraham est donné pour provenir de tel ou tel contrée, que les « Hébreux » en proviennent eux aussi.

b) Éz 16, 3. La suite du texte (une allégorie dans laquelle la population hiérosolomytaine est comparée à une épouse infidèle de Yahvé) ajoute ensuite : « Ton père était Amorite et ta mère Hittite », ce qui nous plonge dans une certaine perplexité. Si les emoriy (Amorites) désignés par ce verset étaient manifestement des Sémites, le terme khittiy désigne les Hittites, peuple indo-européen qui vécut en Anatolie, du XVIIIe au VIIe siècle. On notera cependant que d’autres auteurs bibliques décriront les Hittites (en réalité des Néo-hittites) vivant parmi les Cananéens, qui finiront par les assimiler. Ézéchiel reproche à ses contemporains leur apostasie mais ne leur fait aucun grief de leurs origines.

c) Dans le récit étiologique de Gn 32, je ne peux hélas accepter la transcription « Dieu combattra » car le texte dit bien que le nom d’Israël est donné à Jacob parce que il « a lutté » (sarita), contre les elohim (≠ de Elohim, la divinité israélite) et les anashim, et a été vainqueur. Il s’agit justement d’un des rares passages ou la stature initiale de Titan du héros originel transparaît encore.

d) En ce qui concerne le triplet Sarah et Pharaon / Sarah et Abimeleq / Rébecca et Abimeleq, il est le fruit de réécritures successives. La Genèse attribuait également une descente en Égypte à Isaac mais elle fut retirée du texte reçu sans doute pour cause de redondance. (La trace de sa suppression subsiste encore en Gn 26, 1-2.) Ce récit fut sans doute initialement attribué à Jacob par la tradition nordiste. Primitivement il devait mettre en scène Jacob et une de ses épouses, probablement Rachel. (En effet, la première femme de Jacob, Léa, était plutôt laide, alors que Rachel était très belle.) Selon Gn 35, 19, Rachel était morte assez tôt mais, comme le font très justement observer les traducteurs de l'École biblique de Jérusalem, le récit devait suivre une tradition antérieure qui plaçait plus tard la mort de Rachel, ainsi qu'en témoigne encore Gn 37, 10. Quand les Judéens reprirent ce récit samaritain, ils remplacèrent simplement les protagonistes initiaux par les héros judéens Abraham et Sarah. Y voir une transposition du thème de la prostitution sacrée m’étonne un peu. Mais, après tout pourquoi pas?

Quant au thème de la guérison de la stérilité de Sarah, je n’y vois personnellement qu’une de ces hiérogamies (union entre un dieu et une créature) dont la littérature mythologique est si friande. Elle indique d’ailleurs que, contrairement à l’idée reçue généralement admise, Abraham n’est pas le père biologique de son « fils », mais seulement son père nourricier (comme le sera plus tard un certain charpentier de Nazareth).

Enfin, je ne vois pas en quoi « La présence de chameaux/dromadaires laisse à penser qu’il s’agit d’un pharaon/roi Hyksôs.

Bien à vous,

_________________
Roger


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