Caesar Scipio a écrit :
On peut aussi estimer que, parce que vous regardez (vous n'êtes pas le seul) les choses a posteriori avec connaissance de l'enchaînement des événements qui vont suivre, vous avez tendance à surinterprêter le rôle de l'événement dans l'évolution irréversible du cours des événements.
Je veux dire par là qu'il est parfois trop tentant de voir une série d'enchaînements de cause à effet entre un événement, puis un autre événement, puis encore un autre événement qui semblent former un tout cohérent et un mouvement irrésistible. Je comprends. C'est tellement séduisant, cette idée d'un ordonnancement logique des choses obéissant à des forces, des quasi-lois de l'Histoire. Ca laisse toutefois peu de place au hasard, aux contingences, aux coïncidences, aux apparences trompeuses.
Je ne vois vraiment pas ce qui dans mes messages a bien pu vous pousser à me prêter des propos si éloignés de ma pensée et de ce qu'il me semble avoir écrit.
Caesar Scipio a écrit :
Et pour préciser mon propos, est-ce vraiment le 14 juillet qui est décisif ou bien le 17 juillet quand Louis XVI décide vraiment de se rendre à Paris, de tendre la main aux acteurs de la journée parisienne au lieu par exemple de jouer le pourrissement, voire de préparer le retournement et l'affrontement ?
Le 17 n’est que l’acte final de la capitulation de Louis VXI. Car elle commence dès le 15 juillet, lorsqu’il reconnait la garde nationale. Ce geste est loin d’être anodin car il légitime une force armée (et quelle force ! 48 000 hommes assemblés en quelques heures alors qu’il a fallu trois semaines au roi pour rassembler une armée de 20 000 hommes) indépendante de lui. Pire elle est confiée à ses adversaires. C’est là que réside le tournant. Puis la capitulation se poursuit le 16 lorsque Louis XVI rappelle Necker. Ce n’est pas rien non plus. Si il a mis fin aux fonctions de Necker le 12 juillet, ce n’était pas sur un coup de tête ou un simple remaniement de façade. C’est le fruit d’une longue réflexion politique et la nomination des ministres conservateurs devait marquer un changement dans la conduite de la politique générale. Or l’insurrection parisienne le pousse à rappeler Necker. C’est ce qui va pousser le Comte d’Artois, frère du Roi et principal artisan du renvoi de Necker, à émigrer le soir même en signe de protestation contre les décisions du Roi.
Le 17 juillet, l’apparition du Roi au balcon de l’Hôtel de ville, véritable quartier général de l’insurrection parisienne, n’est que le dernier acte dans lequel le Roi vient baiser la main des vainqueurs.
Caesar Scipio a écrit :
Si l'ambassadeur russe a écrit le 17 juillet, à votre avis est-ce à cause des événements du 14 juillet pour lesquels il aurait jugé bon d'attendre 3 jours pour écrire ou bien est-ce parce qu'il jugeait décisive la réaction de Louis XVI le jour même du 17 juillet, par laquelle le roi détruisait en effet son autorité en s'en remettant symboliquement aux meneurs de la journée parisienne ?
Poser la question, c'est à mon sens y répondre.
Si l’ambassadeur russe écrit le 17 juillet, c’est parce qu’on est Vendredi et que c’est la date à laquelle il fait habituellement ses rapports hebdomadaires à sa chancellerie. Même pour la Russie, un courrier Paris-St Petersburg coute cher. Et Tweeter était en panne
Caesar Scipio a écrit :
Avec le jeune Napoléon qui a vécu les événements (et a pu juger que Louis XVI n'était décidément qu'un grand couillon),
Napoléon n’était pas à Paris le 14 juillet 1789 mais à Auxone. Si il a effectivement porté un jugement comparable sur Louis XVI c’était à l’occasion des événements du 10 août 1792. Mais Napoléon a bien réagit au 14 juillet puisque dès le 15 juillet 1789 il écrit à son oncle Lucien :
"je reçois dans le moment des nouvelles de Paris. Elles sont étonnantes et faites singulièrement pour alarmer. La fermentation est à son comble. L’on ne peut prévoir où tout cela finira. M. Necker s’est acheminé du côté de la Picardie, probablement pour passer en Hollande. Peut-être ce soir, peut-être cette nuit battra-t-on la générale pour nous faire aller à Dijon ou Lyon."Caesar Scipio a écrit :
on sait que rien n'est irréversible et qu'il aurait suffi d'une cannonade comparable à celle de Vendémiaire 1795 pour stopper net l'emballement parisien.
Je pensais que mon précédent message permettait de démontrer que justement puisque la canonnade n’a pas eu lieu le 14 juillet, elle ne pouvait désormais plus avoir lieu à partir du 15 juillet pour la bonne et simple raison que le roi n’a alors (presque) plus d’armée et que l’Assemblée dispose de plus d’hommes armés que lui.
Caesar Scipio a écrit :
Même après le 14 juillet, rien n'était irréversible même si les choses se sont singulièrement compliquées pour le grand ... Louis XVI qui ne savait pas décider, ne faisait que tergiverser pour finir par entériner les faits accomplis les uns après les autres faute d'oser.
Ce qui est irréversible le 14 juillet, c’est l’inversion du rapport de force. Tout le reste est soumis aux aléas de l’Assemblée et les états d’âme du Roi deviennent secondaires.
CNE503 a écrit :
Mais j'avoue, Macdonald, que votre message donne à penser et est très stimulant.
Aïe, vous avez touché mon talon d’Achille : je suis sensible à la flatterie.