Alain.g a écrit :
Il est impossible de mener une guerre dans un climat de telle division nationale et de haine, un climat de guerre civile. La défaite était inéluctable. C'est cette réalité qui est la clé de la défaite mais aussi du comportement de l'armée qui a intégré la défaite dans son raisonnement et dans sa stratégie.
Sans nier les divisions politiques, je me demande si votre tableau n'est pas plus noir que la réalité.
Le pacte germano-soviétique et le changement de cap soudain de la direction du PCF, sur instructions de Moscou, a été diversement reçu par les militants de base et même par les cadres. Un des dirigeants du PCF (j'ai oublié lequel, peut-être André Marty) a dit après guerre qu'il n'était pas exagéré de dire qu'à cette époque le parti était coupé en deux, situation qui s'est aggravée au début de l'occupation, quand la direction du PCF a fait le meilleur accueil à l'occupant.
Il faut se mettre à la place du militant de base : pendant des années on a dénoncé le fascisme et le danger nazi, on a soutenu la République espagnole menacée par les fascistes dont on a dénoncé les exactions, on s'est allié aux socialistes dans le Front Populaire pour s'y opposer (et on n'a eu qu'à s'en féliciter) on a lancé des pétitions contre la liquidation des communistes allemands et les premiers camps... Le militant communiste de base est peut-être le plus averti des Français sur la nature du nazisme, son ennemi implacable.
Et soudain il faut abandonner le front antifasciste et mettre les deux camps dans le même sac ! Les militants et sympathisants communistes peuvent entendre que Staline a signé le pacte pour gagner du temps et parce que les politiques français étaient capables de s'allier avec les nazis contre lui - que penser en effet de l'accord de Munich ? - mais de là à faire soudain de Hitler une figure inoffensive, il y a de la marge.
S'imaginer que tous les militants communistes ont fait demi-tour-droite au premier signal me semble largement exagéré. Aussi disciplinés et intoxiqués à l'Humanité qu'ils aient pu être, la pilule était tout de même un peu forte.
Je pense d'ailleurs que Daladier a commis une faute majeure en interdisant le Parti Communiste et en déclenchant la chasse aux dirigeants communistes. C'était vraiment tomber dans le panneau et apporter de l'eau au moulin des staliniens. Il aurait été plus sage et plus politique de s'adresser - à la radio, par exemple - aux militants communistes en leur disant qu'on comprenait sans l'approuver le choix de Staline, mais que pour un Français, fût-il communiste, cela ne changeait rien à son devoir.
Nous avons déjà eu un fil sur les sabotages communistes dans les usines d'armement, dont il ressort que ces sabotages ont bien existé, mais de façon très clairsemée. (Pour saboter en masse, il faut l'approbation de la majorité des ouvriers. On le verra avec une autre ampleur après 41... et pendant la guerre d'indochine.) De fait c'est davantage la peur des sabotages qui a été source de désordres.
Que la France de 1939 soit divisée, que la droite et le PCF soient à couteaux tirés, tout cela est exact, mais de là à parler de climat de guerre civile... Cette division est déjà assez grave sans qu'on se l'exagère. (Je dis assez grave en pensant à un incident que Cush, je crois, a rapporté : une bagarre entre officiers au mess de la 2ème DCR, droite contre communistes, devant leurs hommes... Pour autant je ne crois pas qu'on ait rapporté en masse des refus d'obéissance par la suite, ni dans la 2ème DCR ni ailleurs.)