Pierma a écrit :
Commode-le-clément a écrit :
Moi je pense qu'il est tout à fait envisageable qu'Hitler n'ait pas eu l'intention d'envahir l'Ouest. Non pas par humanisme ou pacifisme, mais par pragmatisme. L'armée allemande, contrairement à ce qu'on a tendance à penser, était loin d'être prête pour une guerre contre une grande puissance. L'armée française avait des chars bien supérieurs aux allemands en 39-40. Ce qui a permis la victoire de l'Allemagne, c'est la chance (la drôle de guerre), et l'audace (la fameuse Blitzkrieg que seul certains en France, comme de Gaulle, avait plus ou moins anticipé).
Il ne fait aucun doute que Hitler avait l'intention de régler son compte à la France. Il voulait sa revanche contre le diktat de Versailles, il l'a écrit (ce qui était imprudent) il l'a dit et répété, il ne peut pas y avoir de doute là-dessus.
En revanche j'ai cité cette phrase, parce que je n'étais pas persuadé qu'il voulait déclencher la guerre si tôt. En même temps il n'a guère laissé d'alternative aux Alliés...
(Personnellement je trouve que la garantie anglaise donnée à la Pologne est un acte d'une stupidité sans nom, surtout de la part d'un pays qui n'a pas d'armée de terre. Entre autres raisons parce qu'elle revient à donner la même garantie à l'URSS, sans contre-partie.)
La drôle de guerre ne doit rien à la chance : il se trouve que l'armée alliée n'a aucune intention offensive. (et même si elle en avait cela se heurterait à la neutralité belge.) Les Allemands ont donc le choix du moment.
Les chars français ne sont pas "bien supérieurs", ils sont bons, voire meilleurs, mais dépourvus de radios, et posant des problèmes de maintenance et de consommation qui n'ont pas été résolus. (la 2e DCR sera détruite en totalité parce que surprise en plein ravitaillement.)
Pour la Blitzkrieg, avant d'être un résultat de l'audace, c'est le fruit d'une réflexion sur les moyens d'éviter l'impasse des fronts fixes de la Grande Guerre, et sur les causes de la défaite de 1918 qui voit la reprise de la guerre de mouvement. Curieusement le moyen d'en sortir, la division Panzer, est mis sur pied suite à ces réflexions, mais sans définition d'une doctrine militaire générale - si ce n'est évidemment l'attaque en masse des chars - ce qui empêchera les Allemands de se rendre compte qu'une offensive à longue distance ou de longue durée pose des problèmes spécifiques de logistique et de maintenance. (A la même époque les Russes théorisent la doctrine des opérations en profondeur et adaptent leurs moyens militaires, ce qui constitue une démarche plus rationnelle.) Pour caricaturer, on pourrait dire que ça se fait dans l'inspiration du moment - il n'existe même pas de dotation standard pour la Panzerdivision - et que la Pologne servira de banc d'essai. A part Manstein, les plus conscients des possibilités réelles de cet outil sont sans doute les divisionnaires, comme Rommel ou Guderian, qui n'en feront qu'à leur tête en mai-juin 40, et avec succès. Bon, en même temps c'est une nouveauté totale...
Encore une fois, je ne conteste pas l'inimitié d'Hitler et de bon nombre d'allemand face aux français. Ce que je dis juste, c'est que vouloir et pouvoir sont deux choses différentes. Et en théorie, l'Allemagne n'avait pas le potentiel pour écraser la France. Mais globalement, lisez-moi bien, et vous verrez que nous nous rejoignons : je pense qu'Hitler ne voulait pas la guerre face aux Alliés en 1939-1940 (car trop tôt). Mais j'avance aussi qu'il est possible qu'il ne l'ait pas envisagé sérieusement car son objectif principal c'était de s'étendre à l'Est (mais loin de moi l'idée de réhabiliter le personnage, car comme je le précise, ce n'est pas pour des raisons de sympathies ou d'humanisme).
Chapoutot va même jusqu'à penser, d'après les sources qu'il a, qu'Hitler pensait perdre la guerre face aux français. Encore une fois, il faut faire très attention avec ce que nous avons, et comment les contemporains de la Drôle de guerre, l'ont perçue. On a souvent présenté la Bataille de France comme perdue d'avance, car les français étaient très faible. Alors qu'au contraire, beaucoup de source indiquent qu'elle était perçue comme la meilleure armée du continent (et donc du monde?).
Quant aux problèmes que vous posez par rapport aux chars français, ce sont des défauts techniques qui résultent de la méconnaissance des généraux face à la guerre qu'ils devaient mener (pour schématiser, beaucoup sont restés en 14-18). Mais les panzers allemands étaient inférieurs. Sauf qu'ils ont été mieux utilisés, c'est ça qui a fait toute la différence (les français utilisaient leur char comme on utilisait une unité de cavalerie sans appuie aérien, grossière erreur).
Sinon, loin de moi l'idée de penser que la Blitzkrieg n'a pas été réfléchie. Mais si je parle d'audace, c'est parce que l'art de la guerre n'en est jamais dépourvu, parfois il faut tester des tactiques avant de savoir si c'est efficace, parfois on échoue, parfois ça réussi. Dans le cas des victoires de 39 à juin 41, la tactique a fait ses preuves. Et je pense que c'est que nous avons manqué en 39-40 : d'audace. Et la Drôle de Guerre a bien été si pas une chance, une aubaine pour Hitler. Lui-même (on le sait de différents témoignages), avait une peur bleue que les Alliés attaquent à l'Ouest pendant que son armée est en Pologne.
Dans votre message, au passage, vous soulignez quelque chose que je trouve d'autant plus stupide avec du recul (et là je mets totalement mon avis personnel en avant, même si ça s'appuie sur des données historiques) : l'attitude envers la Belgique, et l'attitude de celle-ci. La Belgique aurait dût jouer la carte des Alliés dès le début, au lieu de ça elle veut jouer à la Suisse (mais sans la géographie avantageuse). Et de l'autre côté, j'ai lu à plusieurs reprises que les français avaient peur d'une trahison de la part des belges...