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Publié le 13/04 à 14h00
Le petit dernier, made in Philippines
Une équipe dirigée par un chercheur du Muséum national d'histoire naturelle a découvert dans une île des Philippines les restes de ce qui serait une nouvelle espèce d'hommes, « Homo luzonensis ».
Voici une découverte qui nous permet d'aborder de multiples sujets ! C'est l'occasion de réviser sa géographie, d'acquérir des notions de paléontologie et, pour moi, de vous expliquer ce qui est, à mon avis, le principal changement dans nos connaissances sur l'évolution humaine depuis trente ans.
Une équipe de chercheurs dirigée par Florent Détroit, un de mes collègues du Muséum national d'histoire naturelle, vous propose de visiter Luçon, la plus grande île des Philippines, à plus de 10.000 kilomètres de la France. Une île, donc, et qui en a toujours été une, même lorsque y vivaient les hommes préhistoriques qui nous intéressent ici. Ainsi, ils n'ont pu y arriver à pied. A petits pieds d'ailleurs, puisque les fossiles reflètent une petite taille et des caractéristiques bigarrées. Celles-ci rappellent parfois des fossiles très anciens, tels les australopithèques, mais aussi les nôtres, les « Homo sapiens ». C'est sur ces évidences que les découvreurs proposent la création d'une nouvelle espèce, « Homo luzonensis ».
Encore une nouvelle espèce, diront certains, ils sont fous ces paléoanthropologues ! Et avec quoi ? Treize maigres fossiles entre dents, phalanges de pied et de main, fragments de fémur, datés de moins de 100.000 ans. C'est, d'après moi, justifié. Il n'y a pas tant d'espèces humaines dans le registre fossile, si l'on compare avec la multitude de chevaux ou de souris à la même époque. Et puis, c'est raisonnable, car ces fossiles sont différents de tout ce qui est connu par ailleurs.
C'est justement ce qui est intéressant, et qui s'intègre dans l'importante mise à jour récente de ma discipline. D'une vision très linéaire et dirigée dans les années 1980, nous sommes passés à une représentation de l'humanité buissonnante. De nombreuses espèces d'Hommes ont cohabité. Après le fameux Homme de Florès, « Homo luzonensis » montre aussi que des Hommes ont peuplé des zones difficilement accessibles et se sont probablement adaptés à leur environnement, d'où leur petite taille sur une île. Bref, depuis toujours, des humanités diverses. « Homo sapiens » n'est finalement qu'une espèce parmi d'autres, pas une finalité.
Antoine Balzeau