Darwin1859 a écrit :
Pierma a écrit :
"Ils avaient voulu dominer le monde depuis le Berghof, et ils mouraient enfermés dans un souterrain au milieu de Berlin dévastée" dit Louis Pauwels.
Belle formule. Je ne connaissais pas Pauwels. A-t-il écrit un livre sur cet épisode?
Pauwels, ancien directeur du Figaro Magazine, on n'est pas obligé de connaître.
Il n'était pas historien. Journaliste, écrivain et polémiste. Mais il a eu un moment de gloire particulier en écrivant en 1960 "le Matin des Magiciens" avec Jacques Bergier.
Jacques Bergier : ingénieur chimiste, déporté qui avait fait partie du réseau Marco Polo, un réseau de renseignement très futé, orienté "scientifique et technologique" sur l'Allemagne, sachant que scientifiques et ingénieurs sont bavards entre eux, on ne les refera pas. Et donc à partir de travaux demandés à des labos ou sociétés françaises, ils ont noué des liens. Entre autres, ils ont été les premiers à alerter sur les V1, par exemple, mais ils suivaient les Allemands de près : radars, sous-marins au peroxyde d'hydrogène, etc... Peu de choses leur ont échappé.
Et Jacques Bergier était également passionné d'occultisme.
La thèse du
Matin des Magiciens est qu'il a existé dans un lointain passé au moins une civilisation avancée, sur terre, qui a disparu en ne laissant que quelques traces - les figures de Nazca, visibles uniquement d'avion, par exemple - que les historiens et scientifiques modernes veulent ignorer, mais qui n'en existent pas moins.
Bon, on achète ou pas cette vision ésotérique - d'ailleurs bien documentée - ce qui est certain c'est qu'elle a lancé la mode, qui ne devait plus se démentir, de "recherche" sur les Grands Anciens, ou les traces de passages ET... (Ce bouquin a fait la fortune, par exemple, de la collection "J'AI LU - L'aventure mystérieuse - lancée peu après.)
Les nazis y sont évoqués deux fois :
- d'abord pour signaler que la science peut prendre bien des formes et des directions. Exemple à l'appui : comment la science allemande, coupée du reste du monde, a développé certaines directions, et fait l'impasse sur d'autres. (Gros travail sur les fusées, sur les détecteurs de proximité à infrarouge, montés sur les roquettes des Me 262, lequel est équipé à la fin d'un siège éjectable, missiles planants antinavires, carburant synthétiques et diverses recherches en chimie, etc...)
Et donc : si en 6 ans la techno-science allemande a pu diverger et produire tant de nouveautés, comment imaginer ce que donnerait une autre civilisation en x siècles ?
- ensuite à propos de l'occultisme nazi. Il y a un chapitre "Cinq années dans l'ailleurs absolu" qu'on n'est pas obligé, encore une fois, de prendre comme du bon pain, mais qui mérite un coup d'oeil. Il est clair que les sociétés occultistes (
L'Ahnenerbe - Héritage des ancêtres - financée par Himmler, par exemple) ont proliféré sous le nazisme. Toutes les théories loufoques ou pseudo-scientifiques sur "la race des seigneurs" étaient bonnes à prendre.
Bergier-Pauwels exposent en particulier une de ces théories, que je trouve "intéressante", qui décrit la formation de l'humanité d'une manière totalement différente de ce qu'on en connaît, mais qui explique pourquoi il s'est créé, au fil des âges, des races hautes et des races basses dégénérées, plus animales qu'humaines (on sait lesquelles...) avec toutes les variantes intermédiaires.
Evidemment cette théorie expliquerait l'indifférence absolue à l'humain, chez les dirigeants nazis comme chez les SS, qui préside à la Shoah : Juifs et aussi Tziganes, d'ailleurs, ne sont pas une race humaine.
(D'où au final la phrase que j'ai citée, à lire sous ce contexte : "ils se pensaient issus d'une race haute, plus qu'humaine, et ils ont fini sous terre comme des rats", dans l'idée.)
le point clé est évidement de savoir si les dirigeants nazis y croyaient. (ils auraient ainsi partagé une espèce de "religion de la race", dont on ne parlait qu'entre soi) Les historiens n'achètent pas : aucune trace écrite, jamais évoqué, c'était des lubies ésotériques sans intérêt et sans importance historique.
Il est vrai que les théories raciales étaient à l'époque très sérieusement étudiées et enseignées dans une foule d'universités à travers le monde (et nul part davantage qu'en Allemagne) et avec en prime le mythe nationaliste du "coup de poignard dans le dos", tout ça est suffisant pour expliquer la folie antisémite nazie.
N'empêche que ça me gratte...
Imaginer que les nazis pensaient les Juifs comme une race "animale", est-ce si délirant ? Bon, pas de preuve, passons.
Donc Louis Pauwels, homme de droite disons... très affirmée, réac autant qu'on voudra, mais totalement incompatible avec tous ceux qui pouvaient éprouver ne serait-ce que l'ombre d'une indulgence envers cet extrémisme là, parce que pour lui les nazis c'était le mal absolu, et, je pense, c'était cette "religion" là.
Fait notable, non seulement il a toujours refusé tout lien avec Le Pen, mais il a été de ses ennemis constants et militants. (ça doit rentrer à peu près dans la limite chronologique, donc je me permets de le mentionner.)
Donc "le Matin des Magiciens", je dirais : à feuilleter, par curiosité.