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Message Publié : 26 Avr 2020 11:04 
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Pierre de L'Estoile
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Je m'interroge sur la phalange, son origine et son emploi.

Nous connaissons des batailles opposant des la phalange grecque à de l'infanterie légère -les Perses-, des chars, voire des éléphants ou une autre infanterie lourde - la légion.

Mais je n'ai pas d'exemple en tête de combats contre une cavalerie, à l'exception de la conquête par Philippe de Macédoine, qui sabre les phalanges grecque avec sa cavalerie, après les avoir fixées avec sa propre phalange.

Ceci dit, je vois pas d'exemple où les phalanges auraient affronté un adversaire disposant d'une cavalerie comme arme principale.
Pourtant, intuitivement, je me dis que le mode de combat du mur de lances a dû être mis au point avant tout pour se protéger de troupes montées.

Sait-on si les Grecs, aux temps archaïques, ont été aux prises avec des cavaliers ?

Et durant la période classique, la phalange s'est-elle mesurée avec de la cavalerie, légère ou lourde ?

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Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
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Message Publié : 26 Avr 2020 11:30 
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Non. La cavalerie, jusqu'à l'invention de l'étrier et à part des exemples non concluant comme les clibanaires ("fours à pain" !) ou les cataphractaires romains, parthes ou sarmates (ces deux derniers étant essentiellement des "cavaliers anti-cavaliers", où ils s'avèrent utiles mais rarement décisifs), la cavalerie ne peut absolument pas être une arme de choc contre une infanterie déployée et prête à recevoir sa charge.

Jamais le poitrail d'un cheval ne vaincra la pointe de la lance d'un hoplite, de la sarisse d'un macédonien ou du pilum d'un légionnaire.

Notre vision d'une cavalerie lourde cuirassée capable de renverser des montagnes est une belle image d’Épinal qui n'a guère eu de réalité, à part brièvement entre la fin du Xe et le début du XIVe siècle (avec de fortes limites). Mais cela imposait des critères technologiques particuliers (une allonge donnée par la lance, une assise donnée par une selle spécifiquement conçue et des étriers, qui évitent que le cavalier ne verse au moment du choc, une protection individuelle capable de lui éviter les coups d'estoc qui le désarçonnerait).

Il était donc absolument inutile d'employer une cavalerie légère à l'attaque d'une infanterie aussi organisée et disciplinée que celle des hoplites, sauf dans le cadre d'une poursuite ou d'un suicide collectif. L'exemple de Philippe II de Macédoine est intéressant : il charge de flanc ou par l'arrière une ligne d'hoplites fixée par son infanterie, c'est-à-dire une infanterie qui n'est pas capable de recevoir la charge. Il est d'ailleurs vraisemblable que les hoplites grecs n'ont pas été "sabrés" mais environnés de cavaliers qui leur ont causé des pertes et ont désagrégé la belle ordonnance de la phalange grecque, entraînant son incapacité à résister à la poussée de la phalange macédonienne et provoquant sa fuite éperdue (dans laquelle les cavaliers, là, ont pu s'en donner à coeur joie, un cavalier allant toujours plus vite qu'un fantassin gêné par ses cnémides et sa cuirasse).

Une lecture en tous points éclairante sur le sujet : le modèle occidental de la guerre, de Victor D. Hanson (https://www.amazon.fr/Western-Way-War-I ... 0520260090), qui est un auteur prolifique sur le sujet de la guerre dans la Grèce antique.

CEN EMB

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Message Publié : 26 Avr 2020 13:02 
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Jean-Pierre Vernant
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CEN_EMB a écrit :
Jamais le poitrail d'un cheval ne vaincra la pointe de la lance d'un hoplite, de la sarisse d'un macédonien ou du pilum d'un légionnaire.


Je pense que c'est davantage la profondeur de rang qui importe dans la plupart des cas. Le pilum est une simple arme de jet et qui ne peut guère venir à bout d'une charge de cavalerie et la lance grecque ne dépassant pas 2 m 50 ne forme pas une palissade infranchissable contrairement aux sarisses. Par contre ces formations de combat s'échelonnent sur plusieurs rangs denses (surtout pour la phalange) qui interdisent aux cavaliers de les rompre. Une charge entraine le blocage de la cavalerie qui devient alors vulnérable au sein des rangs des fantassins. C'est précisément ce qui se produit à Courtrai ; pas de forêts de piques, on signale surtout les godendags et autres armes d'hast trop courtes pour former une haie impénétrables. Mais les Flamands ont tenu ferme et étaient apparemment disposés sur suffisamment de rangs pour absorber la charge des Français qui avaient en plus perdu de la vitesse en traversant le terrain marécageux.

D'ailleurs une des réponses de la cavalerie aux XVIe et XVIIe siècle fut l'emploi de la caracole où, refusant l'engagement direct les cavaliers harcelaient plutôt les lourdes formations d'infanterie.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 26 Avr 2020 13:58 
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Un pilum seul ne suffit pas en soi à arrêter une charge, mais un pilum seul en plein poitrail d'un cheval, et je doute que le cheval puisse être encore bon à grand chose.
Effectivement, la solidité de la ligne et sa densité sont déterminantes pour absorber le choc. Mais contrairement aux visions hollywoodiennes de la chose un cheval, même un groupe de chevaux, ne peuvent percer une ligne d'infanterie déployée et prête à les recevoir derrière des armes d'hast et des boucliers avant le Xe siècle au plus tôt, et jusqu'au XIVe siècle au plus tard.

A Courtrai (1302), un fossé habilement masqué brise l'élan de la chevalerie française qui s'écrase contre les fantassins flamands, effectivement assez disciplinés pour être prêts à la recevoir comme il se doit. A Stirling (1297) les schiltrons écossais neutralisent la chevalerie anglaise. A Crécy (1346), la cadence de tir redoutable (associée au potentiel de perforation de leurs projectiles) des archers anglais décime les chevaliers français.
Aménagement du champ de bataille, protection offerte par des piques, supériorité de l'arme de jet : le trio gagnant pour anéantir l'avantage tactique de la chevalerie lourde cuirassée. Et on parle là du XIVe siècle. Lors des guerres antiques de la Grèce, on parle de cavaliers sans étriers, avec une protection dérisoire et un armement offensif des plus sommaires, qui devraient enfoncer une ligne défensive cuirassée particulièrement difficile à briser (les hoplites grecs sont connus pour leur solidité défensive à toute épreuve)...

Si ça n'a pas été tenté, c'est que c'était suicidaire (et ce le sera toujours jusqu'à la fin du cavalier comme combattant : à Eylau, les cavaliers français ne perforent pas les bataillons russes déployés défensivement, ils ne sabrent que ceux qui n'ont pas encore réussi à passer de la colonne de marche à la ligne défensive, et sont repoussés partout ailleurs, même s'ils gagnent le temps précieux pour "boucher le trou" du centre français qui justifie leurs charges apparemment sacrificielles ; à Waterloo, les cuirassiers français, malgré des merveilles de bravoure et d'intrépidité, sont incapables d'enfoncer la "thin red line" anglaise, impénétrable et stoïque sous leurs charges répétées ; etc.).
D'ailleurs, la légion romaine tardo-républicaine ou du début du principat impérial, pourtant un exemple particulièrement brillant de coopération interarmes et de complémentarité des fonctions opérationnelles, ne dispose que d'une petite aile de cavalerie (120 cavaliers de mémoire) qui servent à des tâches de reconnaissance, d'éclairage ou au service d'estafettes. Si les Romains utilisent des cavaliers auxiliaires barbares (les fameux cavaliers germains de César, les cavaliers thraces de Rhémétalcès en Pannonie), ce n'est pas pour leur capacité à briser une ligne d'infanterie organisée, c'est pour s'assurer de la suprématie sur la cavalerie adverse et opérer des actions de raid dans la profondeur tout en augmentant significativement la sûreté de ses forces.
Le désastre des cavaliers gaulois qui chargent follement les légions romaines en train de se retirer vers la Provincia au début de l'été -52 est significatif à ce titre : des cavaliers qui attaquent une infanterie aussi disciplinée que celle des légions, prête à les recevoir, et sont contre-attaqués par la cavalerie germaine une fois leur élan brisé, sont tout bonnement suicidaires. Vercingétorix n'aurait-il pas initié une telle folie, se contentant de "marquer" la retraite romaine, que la guerre des Gaules aurait eu une fin très différente (en -52 en tout cas).

CEN EMB

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Message Publié : 26 Avr 2020 15:55 
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Pierre de L'Estoile
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J'ai rapidement parcouru le classique ouvrage d'Ardant du Picq dans gallica (Etudes sur le combat antique et moderne) mais il ne parle pas précisément du thème de cette discussion

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il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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Message Publié : 26 Avr 2020 16:57 
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Nebuchadnezar a écrit :
Je m'interroge sur la phalange, son origine et son emploi.


De nombreux historiens, quand ils parlent de la naissance de la phalange, insistent sur la géographie du lieu où elle est née. La Grèce, qu'elle soit continentale ou insulaire, n'est pas une région de grandes plaines où une cavalerie peut s'exprimer, mais bien une somme de lieux confinés où les endroits où on peut se battre en terrain découvert sont relativement rares. Bref, c'est un "outil" né dans un contexte particulier qui va ensuite se révéler comme apportant une certaine efficacité même dans d'autres conditions. C'est la cohésion des combattants qui détermine la résilience de l'ensemble, puis son efficacité.

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Message Publié : 26 Avr 2020 17:24 
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Je persiste : Hanson traite exactement de ce sujet dans son livre. Et il n'y est nulle question de cavalerie, nulle part. L'apparition de la phalange hoplitique correspond à l'exacerbation de la violence militaire sur un champ de bataille (champ de bataille qui est une innovation hellénistique selon Hanson) pour la limiter en dehors (le pillage, les exactions, les raids, etc.). Il s'agit donc de "civiliser" la guerre entre cités grecques comme on y a "civilisé" la politique, sauf que l'enjeu est tel qu'il s'agit de vaincre, et que pour vaincre, il s'agit de perfectionner l'outil militaire en le cuirassant (équipement de l'hoplite et en premier lieu l'hoplon, le grand bouclier rond, les cnémides, la cuirasse et le casque à crête) et en le rendant puissamment cohésif (apparition du citoyen-soldat, émanation du corps politique, au sein d'une structure tactique organisée, commandée, où il tient une place précise, la phalange).

Si vous voulez des réponses plus circonstanciées à vos interrogations, lisez ce livre. Il est très facile à lire, je l'ai en poche et c'est synthétique et passionnant.

CEN EMB

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Message Publié : 26 Avr 2020 17:53 
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Jean-Pierre Vernant
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CEN_EMB a écrit :
Effectivement, la solidité de la ligne et sa densité sont déterminantes pour absorber le choc. Mais contrairement aux visions hollywoodiennes de la chose un cheval, même un groupe de chevaux, ne peuvent percer une ligne d'infanterie déployée et prête à les recevoir derrière des armes d'hast et des boucliers avant le Xe siècle au plus tôt, et jusqu'au XIVe siècle au plus tard.


Je ne connais pas assez la guerre médiévale mais j'ai lu, chez Contamine je crois, que l'art de la guerre médiéval est très influencé par Végèce qui préconisait les ordres minces qui sont bien plus sensibles aux charges de cavalerie. Je m'explique mal le succès de cet auteur d'ailleurs ; son ouvrage est à la fois une compilation de traités anciens mâtinés de réflexions personnelles complètement à coté de la plaque. Son obsession en plein IVe siècle est de restaurer l'armée romaine ancienne... un fétiche plus qu'une pensée pertinente...

CEN_EMB a écrit :
D'ailleurs, la légion romaine tardo-républicaine ou du début du principat impérial, pourtant un exemple particulièrement brillant de coopération interarmes et de complémentarité des fonctions opérationnelles, ne dispose que d'une petite aile de cavalerie (120 cavaliers de mémoire) qui servent à des tâches de reconnaissance, d'éclairage ou au service d'estafettes. Si les Romains utilisent des cavaliers auxiliaires barbares (les fameux cavaliers germains de César, les cavaliers thraces de Rhémétalcès en Pannonie), ce n'est pas pour leur capacité à briser une ligne d'infanterie organisée, c'est pour s'assurer de la suprématie sur la cavalerie adverse et opérer des actions de raid dans la profondeur tout en augmentant significativement la sûreté de ses forces.


Les Parties à Carrhae ont compris la méthode et c'est précisément le défaut de la cavalerie et des armes de jet qui vont condamner l'armée de Crassus. L'alliance du harcèlement d'archers montés et de la cavalerie lourde fera un joli échec et mat à cette organisation. Le harcèlement est une arme redoutable contre ces formations lourdes, par définition plus statiques. Les Spartiates sont poussés à la reddition à Sphactérie par le même procédé. Et c'est d'ailleurs les enseignements de la lutte de contre guérilla qui poussa les Romains à s'adapter ; au IVe siècle ils possèdent bien plus d'unités légères et les troupes lourdes combattent volontiers légèrement équipés pour conserver davantage de mobilité.

Narduccio a écrit :
De nombreux historiens, quand ils parlent de la naissance de la phalange, insistent sur la géographie du lieu où elle est née. La Grèce, qu'elle soit continentale ou insulaire, n'est pas une région de grandes plaines où une cavalerie peut s'exprimer, mais bien une somme de lieux confinés où les endroits où on peut se battre en terrain découvert sont relativement rares. Bref, c'est un "outil" né dans un contexte particulier qui va ensuite se révéler comme apportant une certaine efficacité même dans d'autres conditions. C'est la cohésion des combattants qui détermine la résilience de l'ensemble, puis son efficacité.


C'est la thèse de Victor Davis Hanson si je ne m'abuse. Elle est séduisante mais oublie complètement le volet social ; les cités Etats grecques voient l'importance politique des citoyens libres s'accroitre face aux aristocrates cavaliers (conducteurs de char dans l'Iliade). Or ce sont eux qui vont constituer les rangs de ces phalanges d'égaux.

Plus largement je trouve la thèse d'Hanson très très fragile... On a peu d'indications précise sur les guerres grecques avant celle du Pélopponèse et étrangement celle ci correspond assez mal à l'idée d'une humanisation de la guerre.... d'ailleurs toute thèse d'une guerre fraiche et joyeuse est rarement correcte...

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Message Publié : 26 Avr 2020 17:56 
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En fait, Hanson évoque largement, si je me souviens bien, ce côté soldat-citoyen.
Quant à sa thèse, car ce n'est qu'une thèse, elle est très stimulante et, à mon sens (complétée des écrits ultérieurs de cet auteur), rend parfaitement compte de l'expérience du combattant grec antique.

Quoi qu'on en pense, elle répond parfaitement à la question posée ci-dessus, concernant l'usage de la cavalerie contre les hoplites (et sur laquelle j'ai, je crois, donné des éléments concrets).

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Message Publié : 26 Avr 2020 18:12 
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Jean-Pierre Vernant
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Ce qui me chiffonne c'est plus son "modèle occidental de la guerre" qui est plus idéologique que réel.

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Message Publié : 26 Avr 2020 19:28 
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Je trouve ça stimulant. Cela me stimule pour démontrer que c'est erroné. Ce qui en fait une bonne hypothèse, puisque cela fait réagir et force à creuser.
On ne peut nier, de plus, qu'il y a une exception occidentale à la guerre, fondée sur la violence paroxystique mais temporaire, sur le champ de bataille, plutôt que la violence diluée mais permanente qui est celle des autres cultures.
Un paléoanthropologue comme Keeley ne dit pas autre chose dans les guerres préhistoriques, finalement, à une autre échelle.

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Message Publié : 26 Avr 2020 19:45 
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Jean-Pierre Vernant
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La violence paroxystique est très exceptionnelle et ne résume qu'une infime partie des conflits même en Europe.

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Message Publié : 26 Avr 2020 20:24 
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Non, le champ de bataille, en soi, est une concentration de violence sur un pré carré de dimensions réduites. Keeley a très bien montré que la guerre "occidentale", avec des champs de bataille de quelques kilomètres carrés sur lesquels s'entassent des milliers de cadavres en quelques heures (Eylau : 15 000 tués en dix heures ; Waterloo : environ 10 000 morts ; Antietam : 3 500 tués en douze heures, avec 2 500 tués ou blessés rien que sur le "champ de maïs" grand comme trois terrains de football ; etc.) était paroxystiquement mortelle, alors que les guerres "primitives" dont sont dérivés les "modèles" asiatique, africain ou sud-américain de la guerre, ne faisaient que peu de morts à chaque affrontement, qui tiennent plus de l'escarmouche que de la bataille rangée, mais que ces affrontements étaient répétés si souvent qu'à l'échelle des sociétés qui les mènent, ils étaient infiniment plus morbides (s'il y a une escarmouche avec trois tués tous les dix jours, cela fait 110 morts à l'année environ - pour une société donnée qui comprend 150 hommes en âge de se battre, cela représente une perte de 73,3% ! A titre de comparaisons, la Grande Guerre a provoqué la mort d'au plus 12% des hommes en âge de combattre en France, à une échelle industrielle puisque sur une population de 40 millions).

Si la thèse de Hanson est critiquable, c'est à mon sens plus sur la filiation Grèce antique/Occident moderne. Mais ce dont il rend compte pour la Grèce classique me semble juste : l'hoplite a réellement existé ; sa suprématie sur un champ de bataille face à un adversaire plus classique (par exemple issu d'une satrapie perse mais aussi celui d'une tribu italique ou celte) ne s'explique pas autrement que par son entraînement, sa cohésion, sa discipline, son équipement, supérieurs ; il y a donc bien une exception grecque.
Il appartient de plus à une école qui a fait florès depuis une vingtaine d'années, celle de la "psychologie du combattant", qui replace l'individu au centre du combat. Et ses analyses, souvent empiriquement testées par lui-même, sont dépeintes avec force détails et une grande authenticité.

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Message Publié : 26 Avr 2020 20:49 
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Jean-Pierre Vernant
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Oui, cela existe, pourtant ce n'est pas un résumé de la guerre en Occident ; les guerres au Moyen Âge sont plus souvent des sièges et des chevauchées, la guerre de Trente ans ne se limite clairement pas aux batailles pour en expliquer l'ampleur destructrice, et parallèlement au modèle grec les Germains par exemple usent bien plus de l'escarmouche que de la bataille rangée. Les modèles c'est bien mais à trop généraliser et à ne prendre que les exemples qui arrangent on finit par ne plus voir clair.

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Message Publié : 26 Avr 2020 21:01 
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Hanson répond à cela, en disant que le modèle "classique" de la Grèce antique est très théorique et qu'il est dépassé dès la guerre du Péloponnèse. La filiation par les légions romaines est intéressante, mais le "recul" de l'art de la guerre médiéval brouille un peu sa thèse, en effet. Il n'a pas de prétention holistique, il donne juste un fil directeur intéressant et stimulant, en mettant en exergue une innovation avérée des Grecs en matière militaire.

Bref, intéressant, mais effectivement généralisant.

CEN EMB

PS : je ne pense pas pouvoir être accusé de "ne pas y voir clair" en matière d'art de la guerre ;)

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