Jerôme a écrit :
Telle est la question : est il possible ou non d'établir un lien entre la peste par exemple et le climat ?
Bonne question. Le climat européen a commencé à se dégrader au début du XIVe siècle. La peste est arrivée en 1347/1348 depuis les confins de la Chine où elle s'était développée une quinzaine d'années auparavant, puis transportée via la Horde d'Or jusque sur les bords de la Mer Noire (et on connaît la suite). Sans les Génois, aurait-elle frappé l'Europe de la même manière ? Probablement que oui, mais sans doute à plus long terme. Difficile, cependant, de lier la peste et son expansion fulgurante dans le monde occidental avec les caprices du climat. Par contre, on peut sans doute affirmer que son impact a été aggravé par la détérioration du climat. En effet, la peste arrive parmi des populations exsangues, frappées depuis plusieurs décennies par des famines répétitives (mauvaises conditions météo, c'est-à-dire succession d'années humides avec comme conséquence de faibles rendements céréaliers et la flambée des cours du grain et donc du prix du pain, l'aliment de base)... et par les débuts de la guerre de Cent Ans. Comme terrain propice à une crise sanitaire majeure se traduisant par une mortalité élevée, difficile de trouver mieux que ces trois conditions réunies : famine - guerre - maladie.
Plus proche de nous, un autre événement très différent permet de voir les choses sous un autre angle : l'éruption de la fissure du Laki en Islande en 1783. Celle-ci, qui s'est déroulée sur huit mois et a rejeté dans l'atmosphère des tonnes de dioxyde de soufre, a provoqué un "refroidissement" général en Europe sur plusieurs années et engendré, selon certaines théories, les prémices de la Révolution française (à mon sens, celle-ci a plutôt des causes multiples, mais passons). Ce qui est observable, c'est que cette éruption volcanique, dans les pays qu'elle a impacté (en gros toute l'Europe occidentale) a été suivie d'épidémies accrues durant quelques années. Les a-t-elle pour autant provoquées ? C'est peu probable, il n'y a aucun lien entre les émanations de soufre et le virus de la variole (pour ne citer que celle-là). En revanche, les conséquences liées à des mois et des mois d'incidents météo fâcheux (peu d'ensoleillement, trop d'humidité) ont engendré des récoltes médiocres, une inflation du cours du grain et donc du prix du pain (toujours aliment de base à la fin du XVIIIe siècle), des disettes... Quand la maladie frappe des populations soumises à la malnutrition et à la sous-alimentation, elle fait des ravages.
Ceci est valable pour la société avant l'ère industrielle, qui repose entièrement sur l'agriculture qui, elle, dépend directement des facteurs climatiques.
Depuis 150 à 200 ans, l'équilibre a changé de piliers de sorte qu'une succession d'années "pourries" n'a plus du tout le même impact.