Avant toutes choses je souhaiterais lever ce qui semble être un doute.
J'ai l'impression, mais ce n'est peut-être qu'une impression, que vous pensez que je fais l'amalgame entre système cognitif et intelligence, le premier étant l'environnement dans lequel la seconde évolue, une évolution non pas qualitative mais formelle.
Par analogie, si l'intelligence est l'eau (H2O), alors dans un certain système cognitif, elle formera des glaciers et des banquises, dans un autre des cours d'eau et des lac, dans un autre encore des mers et des océans et encore dans un autre des nuages et des précipitations.
Mais elle reste fondamentalement la même intelligence (H2O).
L'homo sapiens possède les mêmes capacités intellectuelles, fondées sur sa physiologie, depuis 300 000 ans, quelque soit son époque.
Et c'est notre système cognitif, la façon dont nous nous percevons et comprenons, ainsi que l'univers dans lequel nous évoluons et dont nous faisons partie, qui change au cour du temps, en fonction de nos expériences et donc de nos sens.
Et ce n'est pas faire injure aux êtres humains du paléolithique, du néolithique ou même du XIXieme siècle, que de considérer qu'ils n'ont pas formellement le même système cognitif.
Ce serait même retomber dans les travers des ethnographes, dénoncés par
Narduccio, que de ne pas le faire.
D'autant plus que c'est cette diversité cognitive qui fonde la diversité culturelle de notre espèce, et qui fait de nous des individus si différents les uns des autres.
J'espère que cela dissipe pour tout le monde l'illusion que je puisse prendre les homo sapiens, quelques soient leurs époques, pour des abrutis.
Narduccio a écrit :
Sapiens a aussi sûrement été un chasseur qui a appris à "vivre sur un troupeau", cela conduit les peuples qui pratiquent cela à suivre, à surveiller, et donc à observer en permanence le troupeau qui va leur fournir leur subsistance.
Est ce une conviction personnelle ? Si oui, sur quoi la fondez-vous ? Si non, pouvez vous, svp, me communiquer vos sources afin que j'enrichisse ma réflexion ?
Narduccio a écrit :
Vivre sur un troupeau impose une démarche très proche de celle des éleveurs où un groupe relativement réduit d'humains reste à proximité d'un troupeau,
mais en le laissant divaguer à sa propre initiative. D'après certains spécialistes, c'est une pratique qui aurait amené à l'élevage, tout simplement.
Donc, on prélève plus ou moins régulièrement certains individus, mais sans que ne soit remise en cause la viabilité du troupeau.
Et pourquoi passer par ce stade transitoire, plus chronophage et énergivore que la chasse "normale" et l'élevage, qui consiste surtout dans un premier temps à maintenir captif et à disposition des animaux sauvages, alors que toutes nos avancés techniques visent à nous faire gagner du temps et/ou économiser notre énergie ?
D'autant plus que cela implique de passer d'un système cognitif "Acteur", propre à tous les animaux, à un système cognitif "Pasteur", qui nécessite une dissociation d'avec son environnement.
Étant donné que le système cognitif change par l’expérience du monde au travers de nos sens, et qu'il n'y a pas d'exemple d'animaux qui pratiquent le "vivre sur le troupeau"
dans l’environnement de l'homo sapiens paléolithique, qu'est ce qui pourrait être la cause de cette dissociation ?
Narduccio a écrit :
Or, pour cela, il y a 2 populations qu'il faut maintenir dans le troupeau.
Il faut, d'un coté assez de mères pour un renouvellement efficace des générations.
De l'autre, des mâles pour couvrir ces mères.
Mais admettons qu'ils aient pratiqué le "vivre sur le troupeau", qui reste, à mon avis, une inspiration très "moderne", au vu de leur environnement d'alors.
Cela n'implique pas forcément de connaître les mécanismes de la reproduction pour ce faire.
Il suffit d’épargner les jeunes et les femelles gravides, qui sont reconnaissables dans la population des proies "faciles", et de s'attaquer aux autres.
Pour un petit troupeau, un seul mâle survivant peut couvrir toutes les femelles, et pour les grands troupeaux la question du nombre de mâles survivants ne se pose même pas.
De plus, dans un environnement fractionné par la végétation et le relief, le nombre d'animaux n'est pas moindre. Les troupeaux sont plus petits mais plus nombreux et plus mobiles,
ce qui complique d'autant plus la distinction et le suivi spécifique de l'un d'entre eux.
Il ne faut pas oublier non plus qu'à la fin du paléolithique la population mondiale d'homo sapiens ne dépassait guère les dix millions, entre 5 et 10 suivant les sources,
grosso modo 1/10ieme de la population française actuelle, principalement concentrée dans les zones tempérées Eurasiennes, et qu'ils vivaient en groupe d'une ou deux dizaines d'individus tout au plus, dans la majorité des cas.
Dans un environnement aussi propice pour eux que pour les troupeaux d'herbivores, en amélioration graduelle avec la fin de la glaciation, et avec une telle densité de population
et donc une si faible pression prédatrice sur ces mêmes troupeaux, sans parler de la diversification alimentaire qui c'est amorcée de 25 à 30 000 ans plus tôt, d’après l'article que vous citez,
comment l'idée d'économiser la ressource en protéine, sans parler de la "cultiver", peut elle avoir germé spontanément ?
C'est ce qui me fait penser que l'élevage, puis l'agriculture, sont des conséquences de la sédentarisation, elle-même provoquée par un autre facteur.
Narduccio a écrit :
Mais, là où il y a pas de grandes plaines. Ou lors des glaciations.
Dans ces conditions, il est préférable d'arriver à vivre en exploitant un seul troupeau, même de faible taille.
Je ne comprend pas l’enchaînement logique de vos affirmations.
Narduccio a écrit :
Citer :
la pression évolutive a poussé les humains à utiliser le langage, le feu et des outils sophistiqués tels que l'arc et la flèche,
à adapter leurs bras et leurs épaules aux lancers ainsi que leur corps à la poursuite.
Qu'est ce que la notion de "pression évolutive", qui est définie comme résultant de "Toute cause qui réduit ou augmente le succès reproducteur dans une partie d'une population",
et que je met dans le même sac que "l’instinct", a à voir avec le langage, le feu, les outils, l'arc et la flèche et l'adaptation du corps au lancer ou à la poursuite ?
Narduccio a écrit :
Là, il est très difficile de vous suivre. C'est bien ce que ne cessent de répéter les préhistoriens actuel,
dont Jean-Paul Demoule, il faut éviter toute sur-interprétation.
Je ne comprend pas votre interrogation. C'est une mise en situation qui part du postulat de base des préhistoriens actuels, présente succinctement la réponse couramment donnée,
et déroule un argumentaire qui abouti à une autre réponse potentielle, et une interprétation du site de Göbekli Tepe comme un centre de ressources et non un site cultuel.
Citer :
À cette question, l’Homo Sapiens Sapiens moderne nous répond : vous vous sédentarisez et vous inventez l’agriculture et l’élevage.
Soit.
Mais, d’une part, nous pouvons lui arguer que cela constitue un bouleversement radical et non une évolution de notre mode de vie existant, d’autre part,
que le phénomène qui fait passer une culture nomade des centaines de fois millénaire, à une culture sédentaire totalement opposée dans l’esprit, en quelques milliers d’années seulement, relève du tsunami culturel .
Ce qui rend caduque la réponse de l’Homo Sapiens Sapiens moderne dans le cadre d’une évolution « naturelle » des choses. La réponse reste donc en suspens.
L’un des axes de perduration de la vie passe par les ressources nécessaires à cette vie.
Donc par la sécurisation de l’accès à ces ressources. Comment donc sécurisons-nous l’accès aux ressources qui nous sont nécessaires, sans remettre en question notre nomadisme ?
Une des réponses techniques, tout à fait réalisable à cette époque, est un maillage du territoire par un ensemble de dépôts de ressources uniformément répartis.
Je précise que l'expression "tsunami culturel" provient directement des travaux de Mr Demoule.
Le plus frappant avec Göbekli Tepe, c'est que, toujours d’après Mr Demoule, il existe autour de ce site, d'autres sites similaires régulièrement espacés d'un cinquantaine de kilomètres les uns des autres.
Une sorte de maillage, donc.
Si ce sont des ouvrages cultuels, ils doivent être d'importance au vu du temps et de l'énergie nécessaires à leur construction et de l'époque où elle s'est produite.
Cela représenterai donc une densité géographique de sites cultuels majeurs à faire palir la Grèce antique, à une époque pour laquelle l’existence de la notion de culte reste largement débattue,
et est souvent une hypothèse "faute de mieux"... Voir le cas des "Venus".
Narduccio a écrit :
Quand on lutte pour sa survie au quotidien, on n'a pas les ressources nécessaires à l'érection d'un tel site.
Narduccio a écrit :
Alors qu'on na plus besoin de lutter au quotidien
Attention à ne pas chausser les bottes de l'ethnographe. Considérer les homo sapiens du paléolithique comme ne faisant que survivre (pendant 300 000 ans tout de même,
sans compter les genres homo précédents) dans une nature qu'ils regarderaient comme hostile et qui les terrifierait, c'est leur attribuer un système cognitif moderne, et sauter à pieds joints dans le paradoxe, sans parler d'en faire une espèce de névrosés chroniques.
Ils devaient au contraire être parfaitement intégrés à leur environnement, en connaître chaque danger et chaque bienfait, savoir comment les éviter ou en tirer partie, et les anticiper.
Ils devaient également se transmettre cette connaissance par l'enseignement pratique, puisqu'il y a continuité dans l'utilisation d'outils, oral et par les "fresques" pariétales, ce qui implique qu'il avait le temps pour le faire.
Avez vous l'impression que les animaux survivent, ou luttent, au quotidien ? Ils vaquent, ils vivent, ils se sustentent, conscient qu'un bruit, une odeur ou un mouvement inhabituel peut être le signe avant coureur d'un danger, et ça s’arrête là.
Avez vous l'impression que les derniers groupes humains dit "primitifs" d'Amazonie survivent, ou luttent, au quotidien ? Alors pourquoi ne courent-ils pas vers la "civilisation" ?
Pourquoi voulez vous qu'il en ai été différemment pour l'homo sapiens paléolithique, en l’absence de tout autre référentiel ?
Et c'est moi qui n'arrive pas à me mettre en situation ?
log a écrit :
Pour apporter un élément supplémentaire dans votre exposé Narduccio, à propos de la nécessité d'une "culture" de l'exploitation agricole avant l'invention de l'élevage et de l'agriculture sédentarisés, le livre de James C. Scott
(
https://yalebooks.yale.edu/book/9780300 ... inst-grain) se penche précisément sur cette transition.
Merci pour la référence, je vais m'y plonger avec intérêt.

log a écrit :
Mais, je ne veux pas dire qu'il faut être PR ou MCF dans un domaine pour avoir quelque chose à dire d'intéressant sur le sujet, au contraire. En revanche, la moindre des choses me semble être de faire l'effort de justifier et d'étayer ses avis et opinions,
en ayant vérifié dans la mesure du possible dans les recherches passées ce qui s'en rapproche ou ce qui s'en distingue, pour précisément se situer. On peut donner des avis infondés aussi,
mais c'est mieux de bien les situer vis à vis de l'état de l'art, afin que chacun puisse bien comprendre où se situent les désaccords potentiels avec ce qui est admis.
Merci du conseil.

Quels sont, d’après vous, les avis et les opinions du texte qui manque de justification ou d'étaiement ? Et quelles sont les publications que vous pouvez me conseillez qui permettraient de palier ce manque ?
Merci d'avance.
Narduccio a écrit :
Qu'est-ce qui aurait poussé ces nomades invétérés à devenir sédentaires ... La réponse semble bien être une question de densité de population.
En fait, quand la densité de population augmente, il arrive un moment où un territoire est occupé de manière optimale. Mais cela à des conséquences.
La première est que si vous vous déplacez vous trouverez l'endroit où vous désirez vous installer déjà occupé par un autre clan.
a seconde est que l’endroit que vous allez déserter sera automatiquement occupé par les clans voisins et que quand vous désirerez vous y réinstaller, il faudra en chasser ceux que vous allez considérer comme des occupants illégitimes.
Bref, à un moment, il vaut mieux devenir sédentaire que de courir le risque de subir des actes de violence répétés.
Est ce une opinion personnelle ? Pouvez vous me communiquer vos sources svp ?
De plus, les analyses génétiques montrent que les individus pouvaient passer d'un groupe à un autre, et parfois sur de très grandes distances
(confinement oblige, je n'ai pas les chiffres exact sous la main, car je ne suis pas chez moi, mais je vous les donnerai ainsi que la référence de la source),
ce qui fait de l'idée de clans fermés, repliés sur eux-mêmes et en compétition les uns avec les autres, une vue de l'esprit sans fondement réel.
Narduccio a écrit :
Elle existe dans un cas précis : une ressource de nourriture importante et disponible durant toute l'année, mais qu'on court le risque de perdre si on laisse un autre clan s'en emparer.
À la suite de la remarque précédente, pourquoi "défendre" une ressource abondante quand on peut la partager et/ou l’échanger avec les nomades de passages et qu'on ne se considère pas en compétition les uns avec les autres ?
Est ce que l'idée qu'ils aient pu être très heureux d'être nomade vous a effleuré l'esprit, et que, contrairement à l'homo sapiens moderne, ils ne convoitaient pas tout ce qu'ils voyaient ? Sinon pourquoi la sédentarité était elle l'exception ?
Narduccio a écrit :
Bref, là on voit que vous inversez ce qui s'est sûrement passé. Le bouleversement "radical" s'est fait avant la sédentarisation. Ou plutôt, c'est ce bouleversement culturel qui conduit à la sédentarisation. Et l'agriculture semble être une conséquence de la sédentarisation...
Un bel et long argumentaire, destiné visiblement à démontrer que je n'ai rien compris à rien et que je devrais retourner jouer aux billes, pour au final arriver au même constat...
Est ce que vraiment vous ne devriez pas lire correctement ce texte, en évitant de vous jeter sur votre clavier à chaque ligne lue de travers, svp ?